My orders are absolute. || PV Toucan & Trash - end

Hide & Seek

Le Clan dormait, l’aube pointait le bout de son nez. Quelques guerriers s’éveillaient et émergeaient des tanières. Une légère brise soufflait, faisant danser les feuilles des arbres. Les branches grinçaient, les sapins valsaient, perdant leurs épines dans une pluie gracieuse. Il faisait doux, et c’était plutôt agréable. Après le blizzard, venait le printemps et ces feuilles nouvelles. Étoile du Serpentaire était perché sur le Grand Sapin, assis sur l’énorme branche qui abritait l’entrée de son antre. Cela faisait longtemps qu’il était éveillé. Le chef dormait peu, l’esprit torturé par de nouvelles idées et autres rêves de grandeurs et de conquêtes. Alors quand il ne pouvait plus dormir, il abandonnait ces douces compagnes, murmurait des paroles rassurantes à Douce Ancolie et sortait dans la nuit sombre. Il aimait être à la belle étoile et certains disaient, les plus naïfs, que c’était pour être plus proches des Ancêtres. Mais c’était en réalité pour les narguer. Leur faire un pied-de-nez. C’est moi le chef du Clan de l’Ombre, c’est moi l’empereur de la destruction, celui qui grossit vos rangs jours après jours et qui fait couler sur votre cher Code du Guerrier le sang et la désolation. Voilà ce que clamait haut et fort le Serpentaire, un sourire fou pendu aux lèvres. Qu’importe s’il s’attirait les foudres du Clan des Étoiles, il attendait avec impatience le guerrier qui pouvait porter sur ses épaules la colère des Étoiles. Car il n’existait tout simplement pas.

Le charcoal observait son camp, se léchant distraitement sa patte avant. Voilà quelques minutes qu’il avait entrepris sa toilette. Il léchait chaque partie de son corps plus ou moins soigneusement. Jusqu’à arriver à son ventre. Assis, le dos courbé, la patte avant levée, sa langue rencontra alors une légère boursouflure. Tiens ? Il se courba un peu plus et renifla la plaie cachée sous son ventre. Il écarta doucement ses poils grisâtres, qui tranchaient avec le reste de son corps et remarqua une croute. Qui lui rappela immédiatement comme il s’était fait ça. Ainsi ce petit solitaire avait réussi à blesser le Serpentaire ? Un ronronnement monta dans sa gorge. Et les doux souvenirs de son combat avec Toucan inondèrent son esprit. Cela faisait déjà une semaine qu’il l’avait rencontré. Une semaine qu’il n’avait pas pensé à lui. Et cela faisait une semaine que l’oiseau tropical lui avait donné rendez-vous. Cela faisait donc une semaine que l’Œil du Serpentaire était devenu Étoile ? Une semaine que le Balbuzard était mort.

Il se releva d’un coup, termina sa toilette rapidement, et soigneusement. Il avait rencard. Il descendit de son perchoir, faisait grincer ses griffes sur l’écorce de l’arbre et bondit, attirant le regard de ses guerriers. Car après tout, il était rare de voir le chef du Clan de l’Ombre descendre de son promontoire et traverser la place publique. Le grand mâle attrapa une proie sur le tas de gibier, et délégua la surveillance du camp à Jour Pluvieux, le seul guerrier en qui il avait pleinement confiance. Il se faufila dans le tunnel menant à l’extérieur du camp et quitta sa base, impatient.

Il traversa son territoire en trottinant, galopant presque, direction les Terres Libres. C’était là-bas qu’on lui avait donné rendez-vous. Mais il ne savait pas où exactement. Toucan voulait donc jouer à cache-cache ? Ainsi soit-il, c’était l’un des jeux préférer du Serpentaire…


« Non, je pense que ça ne fait que commencer, mon beau. Je le sens, tu as aimé ce moment, j’ai aimé ce moment, j’en veux plus, et toi aussi – ne le cache pas, non, pas de ça entre nous. Disons dans une semaine sur les Terres Libres ? Je te trouverai. Et on se battra. Encore. Et encore. Et tu m’apprendras. »


La voix de Toucan flottait dans son esprit. Oh oui il avait aimé ce moment. Il avait pris du plaisir avec lui. Et il ne s’imaginait même pas ce qu’il allait ressentir aujourd’hui. Il traversa le Chemin du Tonnerre en courant, sans se soucier du Monstre qui passa peu de temps après lui. Il n’allait pas mourir aujourd’hui, il avait rencard. La truffe en l’air, il tentait de repérer une quelconque odeur pouvant lui indiquer le lieu de vie du solitaire. Mais les Terres étaient vastes. Et il avait peu de chances de le croiser ainsi. Pourtant, la chance, heureuse amie du meneur se mêla à la partie. Cela faisait une éternité que le Serpentaire n’était pas passé par les Vergers. Ils avaient quelque peu changés depuis, étant sur le territoire des Bipèdes, ce n’était pas vraiment surprenant. Soudain, une forme grise se découpa, et le cœur de l’oiseau s’accéléra. Un sourire se dessina, et lentement il grimpa sur ce rocher qui se trouvait à côté de lui.


« J’espère que le blizzard a durci ton cœur et aiguisé tes griffes, mon doux. »


Et sans crier gare, ni même saluer ce félin qui obnubilait ses pensées il bondit. Toutes griffes dehors il faucha les pattes du Toucan, le renversant lourdement au sol, le dominant de toute sa hauteur.

GALLINEA

Hide & Seek

Il ne dit rien, rien du tout. Il s’écrasa lourdement au sol et le Serpentaire sourit. La chute lui avait probablement fait mal, pourtant il ne laissa rien paraître. Il tenta de se venger, mais, probablement légèrement sonné –du moins l’empereur espérait que ce soit ça– sa patte qu’il voulait envoyer dans le visage de l’Ombre n’effleura même pas ses moustaches. Alors il se servit de ça pour se donner de l’élan et se contorsionna afin de se dégager de l’emprise du Serpentaire. Il se redressa d’un bon et, les muscles tendus, ne quitta pas des yeux son assaillant, voulant être prêt pour la prochaine danse. Étoile du Serpentaire se remit sur ses pattes et, la queue battante, pris un moment pour observer son cher Toucan. Il avait maigri. Le félin n’était déjà pas très enrobé avant le blizzard, et ce dernier n’avait absolument pas arrangé les choses. Mais il semblait plus musclé. Et surtout plus confiant. La cicatrice qu’il portait sur son museau montrait qu’il n’était pas resté sans rien faire, les bras croisés. Les doux mots que lui avait soufflés le Serpentaire avaient donc suffit à le charmer. Le charcoal sourit, de toutes ses dents. Il avait enfin trouvé un disciple à la hauteur de ses espérances. Pas comme Nuage des Marais. Oui Toucan avait du potentiel. Et l’empereur le voulait rien que pour lui. Il se mit à avancer doucement, comme un mentor pourrait le faire pour féliciter son apprenti. Mais le Serpentaire n’était pas un mentor. Il était chef. Empereur. Tyran. Il ne faisait rien dans la dentelle. Et récompensait rarement. Il était maître, seigneur des chats. Et Toucan n’était qu’un félin de bas étage, du petit peuple. Soudainement, et agilement, comme un serpent attaquant sa proie furtivement, le charcoal faucha d’un coup les pattes avant de Toucan. Il s’effondra, dans une révérence maladroite et d’un rictus pervers l’empereur posa une patte sur la tête du galet. Voilà où était sa place. A lécher les pattes du souverain. Il enfonça doucement ses griffes dans son crâne, attendant une réaction du solitaire.


« C’est un combat à mort que je te propose là. Sois-en digne mon beau. »


Et la danse macabre reprit son court. Violemment, le Serpentaire claqua la joue du petit gris et l’envoya bouler contre le rocher où l’Ombre était perché plus tôt. Sans lui laisser le temps de souffler, il écrasa la tête du matou sur la pierre froide sans retenue et appuya de toutes ses forces. Le sang tachait déjà le rocher, d’un éclat funèbre. Ce n’était que le début du massacre.

GALLINEA

Hide & Seek

Sans se soucier de l’état du félin gris, le Serpentaire continuait ses assauts. La pierre était un bon réceptacle pour le sang éclatant du solitaire et le chef s’appliquait à sa tache. Soudain, le Toucan ouvrit enfin son bec, dans une voix écorchée. Comme une supplication.


« Allons, que ferais-tu de mon cadavre, très cher ? Tu le laisserais pourrir au soleil ? Tu me mangerais pour me garder avec toi ? Je te suis bien plus utile vivant. »


Et sans prévenir, alors que l’empereur allait lui asséner un puissant coup de patte à la tête afin de le mettre encore plus bas que terre, le galet aussi vif qu’un serpent, s’aplatit et se faufila entre les membres du charcoal. D’un mouvement rageur, il attrapa la cuisse du meneur et la mordit comme si ce n’était qu’un vulgaire bout de viande. Pas mal. D’un bon, le Serpentaire s’éloigna de sa victime et lui laissa un moment de répit. Oui, Toucan était utile. Mais pas autant qu’il le croyait. Après tout, le Serpentaire n’était-il pas devenu chef sans même avoir besoin de son aide ?


« Te souviens-tu de ce que je t’avais… Suggérer lors de notre première rencontre ? A vrai dire je ne suis pas le genre de chat patient. Je n’ai pas eu besoin de toi pour accéder à ce que je voulais. Appelle-moi Étoile du Serpentaire désormais. Je suis l’empereur du Clan de l’Ombre. Et je ne compte pas m’arrêter là… »


Il porta sa patte avant droit vers ses yeux et s’amusa à rentrer et sortir ses griffes, un sourire malfaisant sur le visage. Oui, il serait bien plus que l’empereur de l’Ombre. Bientôt, il irait bien plus loin que les territoires de l’Ombre, sans se soucier des frontières inconnues et celles des autres Clans. Il dirigerait la forêt. D’une main de maître.


« Quel genre de chat penses-tu que je suis, mon cher Toucan ? Ma sœur dit que je ne suis qu’un monstre. Mais un monstre peut-il être doté d’un esprit, et surtout d’intelligence ? Je suis seulement un génie incompris, c’est ce que je crois.»


L’Étoile bondit, toute griffe dehors. Il faucha l’air, frôlant le museau du solitaire, lui arrachant certainement une moustache au passage. Il recula d’un bond, et reprit sa position. Il avait choisi la vie, alors le meneur pourrait se montrer clément. À sa façon.


« Attaque-moi de toutes tes forces, Toucan. Fait moi saigner. Fait moi vivre. »

GALLINEA