Si seulement nous pouvions éviter d'être des chatons... [feat. Nuage Sauvage] - end

Nuage Hivernal leva brusquement la tête, couverte de poussière et de sueur. Les oreilles couchées et la queue traînant lourdement sur le sol, elle tenta de se relever, encore haletante. La pauvre remarqua rapidement que son nid était en lambeaux... Cela signifiait qu'elle s'était battue même en dehors de son rêve. Mais pourquoi personne n'était venu la réveiller ? L'auraient-ils volontairement laissée cauchemarder, seule... Mais, préférant ne pas se limiter à des suspicions sans fondement, elle s'ébroua efficacement, arrangeant son nid et essayant au mieux de faire croire qu'il ne s'était rien passé. Que ferait Nuage de Cristal si elle apprenait que sa grande sœur se sentait mal au point d'en être hantée ? Oh, l'apprentie guérisseuse ne préférait pas l'imaginer... elle fit alors en sorte d'être "normale" que ce soit physiquement et moralement. Et sans hésiter le moins du monde, elle se précipita vers la sortie de l'antre.

Une fois dehors, elle fut submergée par une magnifique lumière aussi douce et chaleureuse qu'un nid de coton. Cette sensation de bien être lui redonna un peu d'espoir. Oh d'habitude, elle ne faisait guère attention à l'état de la météo. Tant qu'il y avait des plantes, assez pour soigner son Clan tout entier, elle se satisferait d'une vilaine tempête ou d'un soleil brûlant. Mais ce matin là, voir les rayons apaisants de leur ami d'été lui ajouta du baume au cœur ! D'ailleurs, cela lui donna envie de croquer une petite souris. Sa nuit agitée lui avait quelque peu creusé l'appétit. Bien sûr, pour compenser son petit déjeuner, elle irait raser la forêt avec l'espoir de trouver des plantes. Le clan en avait besoin après tout... Nuage Hivernal craignait qu'un jour, ses compagnons et elle-même soient surpris par une guerre totale... elle avait peur de ne pas pouvoir les sauver s'ils succombaient à la haine de leurs ennemis... La sensation d'être impuissante restait à ses yeux, le sentiment le plus cruel que leurs ancêtres lointains aient pu inventer. Mais après tout, elle n'avait pas le choix... si ?

Après avoir fini sa succulente petite souris, elle remarqua une patrouille matinale s'en aller en forêt, sûrement chasser ou vérifier les frontières. Alors éprise d'un élan de motivation, elle s'était élancée à leur poursuite, décidée à trouver quelques plantes à ramener à sa mentor adorée !
Sur le chemin, elle discuta avec quelques guerriers de choses guère très réjouissantes. Après, avec Nuage Hivernal, il ne fallait pas s'attendre à ce qu'elle fasse un sketch ou un spectacle comique. Elle était plutôt du genre "intello" qui cherche toujours à en apprendre plus. Mais cela dérangeait très peu de monde. Tant qu'elle n'en devenait pas méchante ou froide au point d'en venir au renfermement total. Chacun son tempérament après tout.

Mais alors qu'elle s'écartait discrètement, sûrement commencer sa récolte matinale, elle ne fit point attention et trébucha sur l'épaisse ronce d'un grand chêne. Elle s'étalait de son long, faisant s'envoler un joli merle... Sur le moment, elle s'était simplement relevée, haussant les épaules, prête à repartir comme si rien ne s'était passé.

Mais alors qu’elle humait légèrement l’air, emballée d’une tendre odeur qu’elle connaissait trop bien, une voix froide s’éleva dans les broussailles. Nuage Hivernal aperçut une jolie femelle au pelage brun. Ses yeux d’ambre semblaient la fixer méchamment. Elle se sentit mal à l’aise jusqu’à ce que cette dernière lui lance une insulte masquée. Sans hésiter, Nuage Hivernal la regarda froidement, vexée et surprise qu’elle lui sorte de telles paroles sans raisons.
Mais l’apprentie guérisseuse ne pouvait pas deviner. Elle ne comprenait pas. Ce merle devait être la proie que la future guerrière aurait ramené au camp, triomphante et heureuse de savoir son Clan correctement nourrit. Mais malheureusement… elle était tombée dessus au mauvais moment… dommage pour l’autre.

— Puis-je savoir la raison de ces insultes ? Car oui, je serai la future guérisseuse, que ça te plaise ou non, grommela-t-elle. Et si tu as un problème avec moi, je t’invite à surveiller tes mots. Car lorsque tu te tordras la patte ou que tu t’ouvriras le flanc, moi, je serai là pour te soigner.

Sur ces paroles, elle se retourna violemment et s’enfonça dans un buisson. Avec ses pattes, elle sortit calmement un joli tas de feuilles mortes et d’un coup de crocs, coupales tiges d’un joli pied d’ail sauvage. Elle les posa avec douceur près de ses pattes, jetant ensuite un regard à l’apprenti.

— Ça, ça t’évitera de mourir d’une infection. Râleuse. Donc si t’es décidée à me dire ce qui ne va pas, je t’écoute.

Nuage Hivernal s’assit et entreprit de protéger les fleurs blanches de leurs épaisses feuilles. Elles lui seront bien utiles. Surtout avec tous ces blessés qu’elle avait reçu dernièrement. Un vrai carnage pour la réserve. Il fallait donc se concentrer sur la récolte. Et elle ne laisserait pas une pauvre idiote d’apprentie l’en empêcher. Mais d’ailleurs, elle se demandait bien comment elle avait pu réagir de la sorte.

La jeune apprentie guerrière grimaça, sûrement surprise d’une telle réponse. D’ailleurs, elle n’oublia pas de faire part de sa colère grandissante.

— Non mais de quoi tu parles ?!... D’où tu me connais pour vouloir me faire dire c'qui va pas ?

Nuage Hivernal sursauta lorsque cette dernière vint se placer sous son museau, hérissée de colère dont les crocs se retenaient presque de claquer. L’apprentie guérisseuse avait justement retroussé le museau, prête à riposter.

— Ou tu veux parler de ma proie envolée par cause de ta maladresse ? C'est génétique dans la famille ?...

L’apprentie guérisseuse la poussa d’un violent coup de patte, prit son ail sauvage, le déposât non loin et s’enquit de revenir face à la furie. Ses pattes lourdes étaient encrées dans le sol et son regard de glace fixait l’apprentie avec méchanceté. D’où elle se donnait le droit de l’insulter, elle et sa famille ? Elle aurait aimé lui donner une bonne leçon, similaire à celle que l’on donne aux chatons trop peu sages. Et pourtant, elles avaient presque le même âge… qu’elle honte pour Nuage Hivernal de devoir en venir à des moyens aussi futiles...

— Si tu n’avais pas attendu des heures avant de l’attraper, elle serait entre tes crocs à l’heure qu’il est ! Et comment je peux deviner moi, que môdame chassait ici à ce moment précis ? Je n’ai pas le don de voir le futur pour ta gouverne ! Et je te prierai de ne pas insulter MA famille, grogna-t-elle en se rapprochant.

Pourtant… sa famille était bien inutile… elle avait honte à vrai dire… entre un père seulement soucieux de sa propre personne, une mère décédée et une sœur dont la force était similaire à celle d’un lapin venant à peine de naître… elle était pas aidée. Et à vrai dire, l’apprentie guerrière avait toutes les raisons de lui dire que son défaut était génétique. Vu ce qui l’avait précédée…

— Je fais ce que je veux moi, môdameuh ! Si je veux chasser, je chasse et si j'ai envie d'envoyer la sale petite raclure que tu es hors de mon chemin rien ne m'en empêchera !

Nuage Hivernal plantait déjà ses griffes dans le sol, un grondement léger commençant à résonner dans le fond de sa gorge. Elle avait déjà eu affaire à ce genre d'énergumène. Ils n'étaient pas plus maîtrisables qu'une mère blaireau séparée de ses petits.
Même les mots de l'apprentie guérisseuse n'y changeraient jamais rien. Après tout, elle n'était utile qu'à poser des toiles d'araignées sur des plaies. D'après son Clan.

Seul Cœur de Coyote la soutenait. Une des raisons pour lesquelles elle restait folle amoureuse de lui... Ou peut-être parce qu'il y trouvait son compte, au final. Tout futur chef rêverait de se mettre la guérisseuse dans la poche. Après tout, ils étaient liés aux étoiles. Un bon atout. Et bien sûr, Étoile de Suie n'en devenait pas un exemple à prendre, à ce niveau-là. Car pour ce genre de choses, elle semblait indisposée à réfléchir aux conséquences. Quelle pauvre folle. Si seulement Nuage Hivernal n'était pas aussi accrochée à ses idéaux sans queue ni tête. Peut-être serait-elle capable de se rendre compte à quel point elle avait perdu sa liberté.
Mais après tout, ses rêves la maintenaient en vie. Donc au final, ce n'était guère si mal.

Soudainement, alors qu'elle avait prévu le coup, sa compagne de Clan lui sauta au museau, décidée à exprimer sa colère grandissante. Par chance, cette dernière loupa son attaque alors que Nuage Hivernal se penchait légèrement pour l'esquiver. Garder une vilaine cicatrice ne l'aurait guère enchantée... Elle se retourna alors rapidement, maintenant en position défensive. Aucun chat n'était donc capable de respecter ce fichu code ? La partie "interdiction d'attaquer un guérisseur" avait récemment prit quelques jours de congés ? Dans tous les cas, Nuage Hivernal n'en avait pas été informée. Ça en devenait gênant...

— Je te sens quelque peu injuste... Tu sais, j'ai moins d'heures d'entraînement que toi, voire pas du tout en ce moment. C'est comme si tu attaquais un pauvre chaton sans défenses... N'as-tu pas honte ? De plus, aurais-tu oublié le code du guerrier. Si oui, je t'invite à prendre quelques leçons, au lieu de t'attaquer à de pauvres apprentis-guérisseurs...

Peut-être était-elle allée trop loin ? L'arrogance de l'apprentie guerrière lui donnait des maux de ventre désagréables... Il était impossible qu'elle n'insiste pas à l'attaquer. Et Nuage Hivernal savait pertinemment ce qui leur arriverait à toutes les deux. Et pour être franchement honnête, elle ne semblait guère prête à sacrifier sa fierté pour ne pas frôler les griffes de sa meneuse.