The fishing bird and the fish ft. Nuage d'Albatros - end

Enfin, le calme. Le blizzard qui s'était accaparé Cerfblanc durant un bon moment déjà s'estompait seulement, permettant à la population environnante de s'en remettre. Bien que la neige avait cessé de tomber, l'horizon n'en était pas moins blanchi et l'on pouvait, si on y prêtait attention, apercevoir quelques sombres taches se découper dans la clarté du paysage. Rapidement, pour le Clan de la Rivière en tous cas, les patrouilles avaient repris, et le marquage était désormais repassé maintes et maintes fois. Cependant, la priorité revenait à la chasse, car les guerriers amaigris avaient perdu en vigueur, et personne n'était à l'abri d'une guerre post-blizzard. Il ne fallait plus être vulnérable ou faible, sous peine de se faire dévorer par les autres.

Nuage de Saumon, qui avait enfin débuté son entraînement, avait lâchement quitté le Camp en douce. Rivière Sombre, son mentor, était très pris par ses responsabilités de lieutenant, mais s'efforçait de consacrer du temps à son apprenti couleur sable. Cependant le bougre avait horreur de l'apprentissage, puisque la plupart de ses ridicules tentatives se soldaient par des échecs, plombant un peu plus le peu de confiance qu'il avait en lui-même. Ce matin encore, il était revenu bredouille de sa séance de pêche, tandis que Nuage de Truite ramenait sa première prise, ravie. On tentait de le rassurer en lui assurant qu'il devenait un excellent nageur... à force de tomber à l'eau. Le pauvre novice n'avait même pas eu la force de protester à toutes les moqueries ou railleries qu'il avait subi à l'heure du repas. Son père, notamment, lui avait ordonné de sélectionner la plus petite proie du tas, prétextant qu'il n'était même pas censé manger après un tel déshonneur. Profondément frustré du manque de reconnaissance que lui accordait son géniteur, il n'avait rien répondu. Puis, rejoignant la cruauté de Ciel Orageux, il s'était de lui-même interdit de manger. Alors, lorsque son ventre avait gargouillé, honteux, il s'était éclipsé, assurant à sa fratrie qu'il allait simplement faire ses besoins.

Et il galopait à présent dans la neige, sans même savoir où il allait. Mais, bien vite essoufflé, il ralentit sa course. Où était-il, maintenant ? Quel abruti tu es Nuage de Saumon. Tu es débile, et nul, en plus. Une honte pour toute la famille, et le Clan aussi ! songea-t-il lorsqu'il s'assit, penaud. Autour de lui, rien que de la neige. Il ne connaissait même pas encore tout le territoire, et même s'il se souvenait avoir traversé la rivière sur un drôle de gué -qu'il n'aurait surement pas franchi sans toutes ces émotions- il n'avait aucune idée d'où il devait aller. Droit devant lui, tout était plat, et dégagé. Et cette odeur... Pire que la tanière des anciens !

HRP:

Pour une fois, Nuage d'Albatros aimait le soleil. Elle adorait quand il faisait fondre la neige, source de leurs maux, comme si elle n'avait jamais existé. Un sourire aux lèvres, elle regardait de loin des gouttes tomber d'une feuille. Elles avaient été enfer, et désormais, le soleil les vengeaient. Le Clan des Etoiles existait réellement. Elle regardait son Clan, reprendre rapidement ses forces. Avec joie, elle voyait que le tas de gibier se remplissait de nouveau. Elle se rappelait avec délice son premier vrai repas depuis le blizzard. C'était fantastique.
Si les guerriers chassaient, Nuage d'Albatros en concluait qu'elle se devait de partir en éclaireur pour repérer les nouvelles zones. Il fallait reconquérir son propre territoire, surtout avec le Clan de l'Ombre qui menaçait et voulait le Chemin du Tonnerre. Elle profitait pour une fois la repousse des feuilles des arbres, pouvant jouir d'un ombrage convenable. Galopant à nouveau sur le territoire, Alby renaissait. Un sourire aux lèvres, elle ne pensait à pas grand chose, si ce n'était qu'elle avait failli crever. C'était l'essentiel. Elle avait failli crever, et l'idée d'avoir vaincu le blizzard tandis que les anciens et les chatons y avaient laissés leur peau la comblait de joie. Elle n'était plus un putain de chaton, et elle avait sa vie devant elle. C'était fantastique. Elle se sentait prise d'ivresse quand soudainement, une odeur vint lui titiller les narines. Les oreilles soudainement relevées, elle plissa les yeux en se retournant. Cette odeur de poisson, là, cette sale odeur salée. Elle la connaissait. Etoile du Corbeau et Coeur de Neige avaient la même. Le Clan de la Rivière, encore. Un sale rictus se peint sur son visage. Ils avaient tentés de s'introduire chez eux, une fois. Ils pensaient que c'était leurs terres ? Elle en avait assez de sentir la menace ennemie sur son territoire, et elle comptait donner à cet intrus la leçon qu'il méritait.

Elle passa sa tête dans un buisson pour voir la forme. Elle semblait craintive. A vue d'oeil, c'était un apprenti, très jeune. Elle peinait à savoir si c'était encore un chaton, d'ailleurs. Dans tous les cas, il n'était pas une grande menace pour elle, et elle venait même à se demander ce qu'un gamin comme lui foutait ici. Sans réfléchir, elle prit une impulsion sur ses pattes arrières et surgit du buisson. Usant de la vitesse venteuse, Nuage d'Albatros baissa la tête pour percuter de plein fouet le jeune effronté. Se retrouvant au dessus de lui, elle le regarda un petit moment, un air neutre au visage.

« Eh, le noyé, retourne chez toi, c'est le Vent ici. Et t'es sur mes terres, t'as intérêt d'avoir une bonne raison de foutre tes sales pattes ici. Ton mentor ne t'a pas apprit la carte des territoires, chaton ? Si tu veux, je peux te l'apprendre, moi » lança – t – elle, tandis qu'un sourire mesquin se peignait sur ses lèvres.

Elle sortit ses griffes et posa une de ses pattes arrières sur le ventre tendre du jeune apprenti pour l'immobiliser. Montrant des signes d'impatience, sa queue battait l'air. Ce dégénéré avait intérêt de lui donner une bonne raison, où cette dernière allait défouler toutes ses frustrations du blizzard sur ce dernier.

L'ultraviolence lui manquait.

Spoiler:

HRP:

C'était une situation assez plaisante pour Nuage d'Albatros. Elle appréciait la position dans laquelle elle était, et voyait en Nuage de Saumon sa faiblesse juvénile. Fut un temps, elle aurait pu être dans la même posture, et n'assumant pas son passé, elle avait préféré se transformer en bourreau pour martyriser autrui. Progressivement, elle était devenue la harceleuse à force d'avoir été harcelée. Un sourire aux lèvres, elle sentait un malaise chez son interlocuteur, tandis qu'elle s'amusait à rentrer et sortir ses griffes.

« Bff-Bah c'eeeest qu-que... Hm. J-je me suis perdu. Mer-Merci pour-pour laaa propositiooon, cep-cependant euuuh... je suis d-dans l'obligati-l'obligation de décliner vo-votre offre... Eeeeet par-pardon de-de ma malencooontreeeuse intru-intrusiooon. Ha, ha. »

Elle fronça les sourcils et ses oreilles s'abaissèrent. Etait – il réellement stupide ? Nuage d'Albatros ne comprenait pas un mot de ce que l'apprenti disait, mais il lui semblait que l'intonation parlait d'elle-même. Il avait peur. Elle faisait peur. Elle avait eu peur, désormais, elle faisait peur. C'était visiblement une situation agréable pour elle.

« Ne me tuez pas s'il vous plaît Madame. »

Madame. Elle eut un léger bug. Il l'avait appelé madame.
Toucan ne l'avait jamais appelé madame.
Il l'appelait gamine, chaton.
Jamais madame.
Interdite, Nuage d'Albatros fixa un long moment le matou. Avait – il conscience, lui, de sa féminité ? Avait – il conscience du fait qu'elle avait grandi et qu'elle était bientôt une adulte ? Cette pensée la laissait perplexe. Les chats des autres Clans ne pensaient pas. On lui avait apprit très tôt qu'il n'y avait qu'un Clan qui possédait des chats qui valaient le coup, et c'était le sien. L'autre semblait si frêle, si fragile … Elle eut pendant un moment de la compassion et même, une vague envie d'en faire son ami. Un retour à la réalité venait tout foutre en l'air, lui rappelant l’élément le plus important : il était chez elle. Elle ne l'avait pas invité. Elle rentra ses griffes et lui caressa délicatement la joue.

« T'es peut – être le seul qui comprend qu'un apprenti, ça grandit. T'as l'air sympa. »

Elle ne pouvait se résoudre à devenir son amie, néanmoins. Elle ne deviendrait jamais avec sa elle du passé. Il n'aimait pas la violence, elle ne pourrait pas se battre avec. Il était gentil. Nuage d'Albatros ne traînait pas avec les gens gentils. Elle était peut – être trop stupide pour ça. Nuage d'Albatros s'attirait les ennuis comme par plaisir et c'était par débilité qu'elle se prenait d'affection pour les bâtards. Elle sortit soudainement ses griffes et griffa l'épaule de l'apprenti adverse, appuyant sur sa patte pour exercer plus de pression.

« Mais t'es sur mon territoire et je t'avais pas invité, j'espère que tu sais courir vite et que t'es agile. Ici, au Vent, on aime pas trop les gratteurs de territoire de votre espèce. »

Sa patte arrière sur son ventre, elle sourit. Elle eut une once de regret qu'elle s'appliquait à taire, une once de regret avec la voix de Toucan qui lui disait que chaque chat était égal à un autre. Sable lui disait le contraire, qu'elle était mieux qu'eux, et cette vision minimaliste des choses lui semblait plus agréable à entendre. S'imaginer semblable à tous l'agaçait, et se voir quelques lunes auparavant l'agaçait.
Désormais, elle allait annihiler la faiblesse. Il fallait le faire dégager, et vite, sans quoi elle aurait de la compassion et que sa xénophobie, déjà bien en danger face aux dires de Toucan,
soit remplacée par de l'empathie.

Après tout, il l'avait appelé Madame.

Spoiler:

Toujours plaqué contre le sol humide, Nuage de Saumon n'osait pas rouvrir les yeux, de peur de tomber face à un visage irrité, présage de la violence qu'il s'appliquait depuis toujours à fuir. Cependant, la féline qui l'avait surpris restait interdite, son esprit comme ailleurs, mais sa patte toujours soigneusement pressée contre le ventre de Nuage de Saumon. Devant autant d'attente, et alors que son courage ne lui permettait toujours pas d'ouvrir ses paupières, le jeune novice du Clan de la Rivière se mit à trembloter. Il était totalement effrayé. Son adversaire était bien plus musclée que lui, et surement était-elle une jeune guerrière. Il n'avait aucune chance, lui qui avait débuté son apprentissage quelques jours auparavant, et qui depuis n'avait pas progressé, il avait même peut-être régressé. Soudain, il sentit une douce caresse frôler sa joue, et il frissonna légèrement à ce premier contact amical.

« T'es peut–être le seul qui comprend qu'un apprenti, ça grandit. T'as l'air sympa. »

Parce qu'il ne s'était pas encore permis à regarder de nouveau, le matou sable tentait d'imaginer la scène dans sa tête. Comme s'il volait -croyait le ou non, il n'oserait même pas bondir d'un rocher sans geindre-, il se sentit soudain léger. En dessous de lui, une ombre, celle d'un oiseau aux larges ailes, se dessinait dans la mer d'herbe, celle qui avait passé la dernière semaine enfouie sous la neige du blizzard. Là, dans cet océan de verdure, une silhouette sable, recroquevillée, tremblait tant qu'on eut cru un poisson hors de l'eau, incapable d'user de l'oxygène présent dans l'air ambiant.

Soudain la douleur. Son épaule le brûla. Le point de vue se mit à changer, et c'est maintenant l'oiseau qu'il voyait, prédateur affamé piquant vers lui. Trop lent, dans ce flot vert, le grand volatile blanc parvint à l'attaquer. Là, le mâle bicolore ouvrit de grands yeux, et laissa échapper un cri d'effroi et de douleur.

« Mais t'es sur mon territoire et je t'avais pas invité, j'espère que tu sais courir vite et que t'es agile. Ici, au Vent, on aime pas trop les gratteurs de territoire de votre espèce. »

Oui, il était bien ce poisson hors de l'eau que l'on clouait au sol. Et au dessus de lui, l'albatros étendait ses grandes ailes, lui faisait de l'ombre, le piquait de son bec, l'écorchait de ses griffes tandis qu'il s'asphyxiait d'une atmosphère qui ne lui convenait pas. Étouffé par les touffes d'herbe, trop nombreuses pour lui, Nuage de Saumon n'osait pas bouger, choqué par la situation. L'autre vil oiseau sourit de tout son bec, le plaquant toujours sur la terre ferme.

Et alors, il pensa à sa fuite. On lui avait dit de partir, il le voulait, il le réclamait, alors qu'on le relâche dans l'océan ! Mais où aller ? Et comment, avec ces pattes qui l'écrasaient, qui le menaçaient ? Il était trop proche de l'ennemie, se mit à haïr le contact qu'ils partageaient. Comme si oppressé par l'assaillante, il devait rester là et se laisser bouffer par un piaf de malheur.

Une colère l'envahit soudain. Comme une vaguelette l'invitant à se battre, à vivre un peu plus longtemps. Sourcil froncé, visiblement mécontent, il répliqua, avec une pointe candide dans sa voix, comme un enfant que l'on punit injustement, et il dit :

« Pousse-toi alors ! Laisse-moi partir ! » Il marqua une pause, qu'il crut une éternité. Et pour ne pas laisser le temps à son adversaire de lui désobéir, il répliqua aussitôt, sans même qu'elle puisse répondre. « Aller ! Dégage ! » Il feula, se débattit, battit des nageoires, que dis-je des pattes.

La peur et la colère se mélangèrent dans un somptueux délice d'agitation. Il n'était plus question d'être poli face au danger, ni de courber sagement l'échine. Là, il voulait juste fuir, loin, partir, se sauver. Dans sa quête vers la sécurité, il donna un grand coup de patte antérieure, plutôt aléatoire, mais ses griffes de sortie. La dite patte au bout joliment teinté de blanc atterrit dans le creux séparant le tronc d'une patte avant, là où la chair était offerte. Si la blessure ne laissait pas le sang couler, il s'agissait tout de même d'une égratignure mal placée. Et puis, profitant de la situation, l'apprenti du Clan de la Rivière parvint à se dégager.

A peine était-il relevé qu'il se préparait à une éventuelle réplique, le cœur battant. Et, dans l'espoir que son excès de courage soit oublié, il demanda aussitôt :

« On est quittes. Par où dois-je partir, pour retrouver mes terres, et quitter les tiennes ? »

C'est idiot. Il était idiot, ce n'était pas possible. Il venait de défier la féline au drôle de coloris, et il demandait par où était chez lui... Le visage fermé, s'appliquant à imiter son lieutenant et mentor impassible et sérieux, Nuage de Saumon priait pour rejoindre les siens en vie.

Points de vie:

HRP:

Elle ne comprit pas grand chose quand elle sentit les griffes de l'autre dans sa patte. Elle tremblota de douleur, le cœur battant. Elle avait réussi à provoquer un pleutre pareil, et elle s'en félicitait intérieurement. Tandis que l'apprenti beige avait des débuts de grandiloquence et de courage, elle se sentit incapable de bouger pendant un petit moment. Nuage d'Albatros, elle, venait de provoquer un apprenti adverse qui était sur ses terres. Il venait de la frapper, et elle leva doucement la patte d'où perlait du sang. Elle leva les yeux vers l'apprenti. Elle avait spontanément envie de le démolir, car il lui avait dit madame, car il lui avait fait croire qu'il était sympa et qu'elle non, alors qu'en fait les deux étaient pas trop trop sympas, que lui valait pas mieux qu'elle parce que le monde dans lequel ils vivaient c'était peuplé de sales xénophobes et que dans leur monde la bagarre c'était le pain quotidien et qu'elle aurait rien de mieux dans sa pauvre vie d'albinos.
On se calme, pensa – t – elle. Y avait forcément une solution, tandis que son cœur tambourinait. Ça faisait longtemps qu'elle n'avait pas choppé un étranger pour le faire tourner dans tous les sens. La xénophobie et le racisme, ça s'entretenait. On devait jamais voir autrui, le rendre objet pour ne pas avoir peur de le blesser, car à voir trop d'étrangers, on finissait par les trouver humains. N'était-ce pas le véritable soucis, après tout ?
Je veux dire, le véritable souci terrestre ?

…


« On est quittes. Par où dois-je partir, pour retrouver mes terres, et quitter les tiennes ? »

Elle releva la tête vers l'étranger, qui n'était plus qu'un étranger à ses yeux, même plus un damoiseau qui avait dit madame. C'était un étranger, sur ses terres, et son clan lui avait foutu dans le crâne qu'elle devait l'éliminer.
Et ce, par tous les moyens.

« Fonce sur la droite. » Elle marqua une pause. « Au Vent, on est loyaux. Je te donne quelques mètres d'avance. Après, je te courserais. C'est vrai quoi, vous êtes souvent sur nos terres, les noyés. A croire que vous ne connaissez plus votre véritable territoire, à croire que vous pensez que le Vent vous appartient. Ca serait dommage que tu marques nos terres, ou pire, que tu te perdes encore, non ? »

Griffes sorties, elle tambourinait de la patte, attendant que l'autre prenne la fuite, fasse quelque chose pour sauver sa peau. En attendant, elle avait les muscles bandés, prête à bondir à sa poursuite quand il prendrait les 20m de distance. Avec sa patte endolorie, elle savait très bien qu'elle n'arriverait jamais à le rattraper. Ce constat lui déplut fortement. C'était un chat du Vent après tout. D'où la rivière filait plus vite que le vent ? C'était détestable.
Un sourire aux lèvres, elle fixait de ses yeux rouges l'autre, attendant ses réactions. Elle espérait lui foutre suffisamment la pression pour que l'idée de franchir ses frontières ne lui reviennent plus jamais en tête.

La tournure formelle qui suivit cette escarmouche parvint à déconcerter le novice à la pelisse fauve, qui s'attendait à recevoir une sévère correction pour s'être défendu. Il se retint de souffler de soulagement lorsqu'il vit son adversaire prendre simplement la parole.

« Fonce sur la droite. » Déclara la drôle de féline à la drôle d'apparence physique. « Au Vent, on est loyaux. Je te donne quelques mètres d'avance. Après, je te courserais. C'est vrai quoi, vous êtes souvent sur nos terres, les noyés. A croire que vous ne connaissez plus votre véritable territoire, à croire que vous pensez que le Vent vous appartient. Ca serait dommage que tu marques nos terres, ou pire, que tu te perdes encore, non ? »

Le masque n'attendit pas plus longtemps pour tomber. Son air neutre disparut, comme dévoré par la véritable identité de Nuage de Saumon, par la seule chose qui semblait réellement l'animer en ce monde : la peur. Paniqué à l'idée qu'il lui fallait se dépêcher, il fonça, comme la femelle au regard sanguin le lui avait indiqué. Seulement, perdu dans ses pensées emplies à la fois de soulagement et d'horreur, le jeune mâle adopta la mauvaise direction.

En fait, techniquement, c'était bien la bonne direction, puisqu'il se mit à galoper vers sa droite. Seulement sa droite était la gauche de son ennemie, et si cette dernière avait eu la bonté de corriger verbalement l'intrus, alors Nuage de Saumon ne l'avait même pas entendu, tant son esprit était ailleurs.

Il courut, courut à en être essoufflé. Sur le coup, il avait voulu répondre avec arrogance à Nuage d'Albatros, mais la peur viscérale qui l'habitait avait chassé toute forme de résistance pour laisser place à la seule envie de fuir et de sauver sa peau. Bientôt pourtant, l'animal aperçut les Quatre Chênes, où il s'était déjà égaré lors du blizzard. C'était un piège, se dit-il, au Vent, ils ne sont pas du tout loyaux !

HRP:

L'apprenti jouait son jeu, et le cœur de l'albinos s'emballait au fur et à mesure qu'il prenait des mètres. Elle avait réussi à lui intimider un ordre, et c'était jouissif pour elle. L'albatros fixait la fameuse ligne mentale qu'elle s'était fixée, muscles bandés, prête à foncer. Elle savait qu'il la distancerait, mais elle espérait qu'il ait eu suffisamment peur de perdre un œil ou une épaule pour ne plus revenir sur ses Terres. Le Clan du Vent avait beau être le Clan le plus croyant et traditionnel de la forêt, il demeurait le plus agressif concernant les coutumes. Parmi elles, le racisme ambiant et celle devoir dégager n'importe quel individu, et ce par n'importe quel moyen. Alby avait opté pour la pression psychologique. Elle se félicitait de son choix, cela dit. L'apprenti de la Rivière détallait comme un lapin, et c'est quand il franchissait la frontière qu'elle s'élança à sa suite, un sourire aux lèvres.

Son pronostic s'avérait juste : L'autre courrait plus vite qu'elle. Afin d'éviter d'être blessée dans son estime, la gamine préférait mettre toute cette connerie sur le dos de sa patte toute cassée. C'était de sa faute, après tout. Alby, elle était plus forte que ça, et étant persuadée de cette réalité, elle arrivait aux Quatre Chênes quelques secondes après le chat sable. Stoppant sa course une fois la frontière franchie, elle sourit et gambada autour de l'apprenti.

« Détends toi, j'ai moins de raisons de te refaire le portrait ici. »

Il l'intriguait, réellement. Elle ne croyait pas une seconde à son histoire de perdition. Un apprenti se devait de connaître les règles de base d'un clan. Les frontières étaient importantes et basiques pour l'albinos, et le fait que le Noyé s'en fiche l'étonnait. Le Clan de la Rivière ne pouvait tout de même pas être incompétente à ce point ? C'était soit un manque de vigilance, soit une réelle envie d'envahir le Vent. Ayant tendance à être soucieuse de l'avenir de son Clan, l'albinos décida de mettre deux minutes son égo et sa xénophobie de côté. Curieuse et manipulatrice, la gamine souhaitait savoir ce que voulait cet apprenti, aussi petit soit – il.

« Viens on arrête de déconner deux minutes, sinon. Tu t'étais vraiment perdu sur mes Terres ? Franchement, ça me paraît gros comme excuse ... »

Elle haussa les épaules et détourna son attention de l'apprenti pour regarder les Quatre Chênes. L'ambiance mystique la fascinait. Elle ne comprenait pas comment on pouvait douter de l'existence du Clan des Etoiles devant ce paysage. Soudainement plus amicale, elle restait néanmoins sur ses gardes. Il ne fallait pas trop en dire. Qui sait, la Rivière aurait peut – être envie d'envahir réellement son Clan, et elle tâtait la robustesse de ses membres ? Alby bomba le torse. Elle, au moins, elle venait de démontrer que c'était une digne future guerrière, prête à souffrir pour son Clan !

« C'est beau, les Quatre Chênes ? Sinon, tu t'appelles comment, Nuage Tremblant ? »

Elle avait prit cette mauvaise habitude de nommer les autres comme Toucan.