On est bien tous les trois, toi moi et le placard // Ôlaf le bonhomme de neige

Les bruits de la ville et la pollution des motos le rendait malade. Ôl était sortit pour faire quelque courses. Depuis un moment, le frigo se vidait de plus en plus vite, et le jeune homme avait une très bonne idée du pourquoi du comment. Sa nouvelle colocataire s’était visiblement bien installée. Le pire, c’était qu’Ôl, qui était de nature solitaire, appréciait sa compagnie. Et ce n’était pas uniquement parce que Summer était bien foutue. Les deux se connaissaient depuis longtemps, ils s’étaient toujours assez bien entendu. Enfin entendu, du point de vue d’Ôl c’était assez subjectif. Il considérait la jeune rousse comme la petite sœur qu’il n’avait jamais vue. La fille à protéger des connards qui voulaient profiter de son innocence. Enfin, il doutait vraiment qu’elle soit aussi innocente qu’il l’aurait voulue. Après tout, c’était elle l’informatrice de la Fraternité. Elle devait user de bien des méthodes pour réussir les missions que la chef du groupe lui donnait.
Le brun passa par son magasin qu’il affectionnait particulièrement avant de rentrer au salon. Les courses de la semaine étaient faites, et il espérait bien que Summer n’ait pas foutu le feu à la baraque pendant son absence. Il ouvrit la porte, qui fit tinter la petite cloche qui annonçait l’arrivée d’un client et s’arrêta net lorsqu’il vit la jeune fille allongée sur le canapé, entrain de se curer les ongles. Ôl vit rouge.


« Alors, t’en a fini avec gras-double ?
- Summer bordel tes-
- Je salis rien avec ma poussière, j’ai mis un mouchoir sur mon ventre et lime mes ongles bieeeeeen au-dessus pour pas encrasser le canapé. »


Ôl ferma sa gueule, remballant le flot d’insultes qu’il allait cracher au visage de la rousse. Il grogna tout de même, parce que faut pas déconner et s’avança vers elle, direction la petite cuisine. Il posa ses sacs par terre et commença à déballer.


« Gras-double jlai envoyé chier. Qu’il aille se faire son putain de dragon ailleurs. J’ai tatoué Kurt à la place. Il m’a même remercié, si c’est pas beau ça. »


Il n’aimait pas vraiment parler de Kurt à la jeune fille. Après tout, elle était jolie, et Kurt adorait les jolies filles.

N’attendant pas vraiment de réponse de la part de la jeune fille, il continua à ranger les courses. Le frigo était vraiment vide. Pendant ce temps, Summer attrapa un des magazines mis à disposition pour les clients en attente et commença à la feuilleter. Ôl eut bien vite fait de finir de tout ranger.


« T’as vue ça ? Le célèbre acteur Michel Forev-Tunite est mort le mois dernier c’est fou ça ! Oh. C’était il y a 6 ans. Faudrait peut-être changer les magasines pour les clients, on se croirait chez le dentiste. N’empêche il était sacrément beau gosse le bougre. »


Le jeune homme secoua ses mains, enlevant les gouttes d’eau et s’essuyant avec un torchon. Il leva les yeux au ciel, et laissa échapper un « tsss ». Madame n’était pas contente du salon, mais on ne lui avait pas demandé son avis.


« Si t’es pas contente ma grande, t’as qu’à t’en occuper de ces magasines. Ça te fera bosser un peu et faire autre chose qu’à bouffer. Ça te fera bouger un peu, à force de bouffer des trucs sucrés tu vas plus pouvoir marcher. »


Il remit le torchon à sa place et se dirigea vers son comptoir. Il récupéra sa pochette à dessin et s’installa dans un fauteuil en face de la rousse. Il croisa les jambes et posa sa tasse de thé sur un dessous de verre.


« Fantasme pas sur un mort, c’est dégueulasse. »

Summer était une fille qui savait user de ses charmes. C’était un truc assez récent, elle avait sûrement appris ça avec une des traînées de la chef. Ôl n’arrivait pas vraiment à s’y faire, elle qui était si proche d’Isabel dans sa jeunesse. Et Isabel était bien trop casse-cou pour traîner avec la Summer d’aujourd’hui.


« Tu me fais quoi là, une crise de jalousie ? »


Elle jette son magazine sur le canapé et se lève, de sa démarche de panthère. Ôl ne lève pas les yeux. Ses dessins sont plus intéressants qu’une pseudo catin.


« Pardon si ma cuisine te déplaît mais si tu la trouves si sucrées tu n’as qu’à la faire la bouffe ! Ah mais j’oubliais, tu ne sais faire que du thé… »


Elle s’approche encore un peu, pose ses bras sur l’épaule du brun et se met à triturer son foulard blanc. Ôl grogne. Elle doit avoir les mains sales, son foulard sera encrassé. Soudain, elle le tire, de façon à ce que l’homme plonge enfin ses yeux dans ses prunelles noisette. Ôl lui lance un regard assassin. Les jeux de séduction, très peu pour lui.


« Puis t’as pas à être jaloux chéri, t’es un peu petit mais tu as ton propre charme… »


Elle se détache, retourne à sa place, tel un toutou. Ôl reste un moment à la regarder. Avec ses courbes parfaites, elle aurait pu faire tomber n’importe quel crétin avec ce petit jeu. Comme Kurt par exemple. Mais le tatoueur n’était pas idiot. Alors il dépliât les jambes, attrapa sa tasse de ses mouvements nobles et avala une gorgée de thé.


« Je ne parle pas de ta cuisine, mais de toutes les merdes que tu me fais acheter. Que je paye avec mon salaire. Tu penseras à me rembourser, mmh ? »


Et il se lève, posant ses dessins sur la table. Il s’approche, et pose une main sur le mur, plaquant presque la rousse contre celui-ci. Son visage se rapproche du sien et il lui souffle à l’oreille.


« J’accepte pas les traînées dans mon salon. Sort de ton rôle Sum’, c’est pas avec moi que ça marchera.»


Et il attrape le bouquin posé sur l’étagère juste au-dessus, pour ensuite reprendre sa place et se replonger dans ses dessins.

Ôl ne mesurait pas vraiment le poids de ces paroles. Il était le genre de personne à parler avec son cœur plutôt qu’avec son cerveau. Se plongeant dans la lecture du bouquin d’anatomie, il ne constata pas tout de suite l’état de la jeune fille en face de lui. Il ne releva la tête qu’une fois que son portefeuille s’écrasa près de lui, pas loin de le percuter.


« On fait avec ce qu’on a pas vrai ? »


Il ne réagit pas. Summer avait les yeux perdus dans la vague, regardant la porte d’entrée comme si elle n’existait pas. Oh bordel, qu’est-ce qu’il avait fait ? Loin de se soucier du comment la rousse avait récupéré son portefeuille, il ferma le livre d’un geste brusque.


« Malheureusement il est loin le temps où je pouvais compter sur les autres, tu vois bien où ça nous a mené… Je ne peux compter que sur moi-même dans ce monde de brute. »


Et elle partit se réfugier à l’étage, certainement dans la chambre d’amis. Ôl soupira un bon coup. Malgré ses manières de gentleman, il avait du mal à comprendre les femmes. Surtout Summer. Mais la vérité, c’était qu’elle était certainement aussi perdue que lui, et qu’elle aussi, cherchait un moyen de sortir la tête de l’eau. Sans vraiment pouvoir. Il envoya valser ses dessins et se dirigea dans la cuisine. Au contraire que ce le monde pensait, Ôl savait faire autre chose que du thé. Du chocolat chaud. Il grimpa les escaliers en douceur et pénétra dans la chambre de la demoiselle sans frapper. Il était chez lui après tout. Il eut tout de même la décence d’ouvrir doucement la porte. Elle était allongée sur son lit, dos à la porte, situation qui lui fit échapper un petit rire. Elle ressemblait à une
gamine boudeuse comme ça. Il s’assit sur le lit, près d’elle, gardant la tasse chaude dans les mains.


« Oye la drama queen, arrête de bouder. T’es plus jolie quand tu souris. »


Même si elle était horriblement chiante, Summer restait importante dans le cœur de glace d’Ôl Yume.

Il observa un court instant la jeune fille allongée sur le côté. Il ne comptait plus les fois où il s’était retrouvé dans la même situation, Isabel pleurant sur le lit, Ôl essayant de la réconforter. Mais Summer n’était pas Isabel. Isabel n’était plus là. La rousse se retourna et se redressa, prenant la tasse entre ses mains, elle esquissa un petit sourire.


« Écrase Olaf. »


Le brun sourit à ce surnom débile. Elle avait toujours le chic pour transformer son prénom en quelque chose de ridicule. Quoique le bonhomme de neige au grand cœur lui correspondait plutôt bien, de loin. Il l’observa boire son chocolat sans rien dire, regardant chaque trait de son doux visage. Elle avait l’air déjà plus sereine, fixant ses pieds comme si elle pouvait y voir quelque chose d’invisible. Pourtant, sans crier gare, elle agrippa l’oreiller à côté d’elle et le balança dans la face d’Ôl sans qu’il ne puisse rien faire. Accusant le coup, il tenta de récupérer le coussin, mais Summer était devenue une bête déchaînée.


« Ça c’est pour m’avoir traité de traînée, sale bourgeois fanatique de thé ET de chocolat chaud. »


Elle se redressa, se mettant carrément sur ses genoux pour avoir plus de force. Surpris, Ôl ne put qu’encaisser le deuxième coup.


« Et ça c’est pour m’avoir plaqué contre le mur, ça fait mal putain ! »


C’est à ce moment qu’il attrapa l’oreiller et le réquisitionna. Il n’allait pas se faire maltraiter injustement. Un tout petit sourire sur le visage, il lui rendit coup pour coup, la faisant reprendre sa position de départ. Il s’approcha encore un peu, la dominant de sa courte hauteur et lui bourra la face une dernière fois.


« On va se taper pour se venger de toutes les crasses qu’ont s’ait faîtes ? Ça va prendre la journée tu sais… »


Il avait toujours ce petit sourire au coin. Ses journées seraient bien tristes sans la belle rousse.