Roots | W/ Ôl & Summer

Les yeux encore lourds de sommeil, Ôl se redresse, assis sur son lit. À côté de lui Summer dort encore paisiblement, rattrapant la courte nuit qu’elle avait passée. Elle était rentrée tard hier, Ôl l’avait attendu, ne pouvant pas trouver le sommeil en ne sachant pas où elle était.

Le réveil à côté de lui indique l’heure, huit heures et demie. Le soleil perçait entre les rideaux, éclairant légèrement la chambre du tatoueur. Il pose une jambe au sol, en écartant la couette de son corps et se lève. Rebordant son côté du lit, Il se penche, embrasse doucement la chevelure rousse de sa belle, attrape un tee-shirt et un jean dans son armoire et file sous la douche. Ôl aimait bien rester sous la douche, laissant ruisseler l’eau sur son corps, juste le temps de prendre conscience qu’il était encore vivant. On réalise plein de choses sous la douche. Ça fait réfléchir.

Attrapant deux serviettes, une attachée autour de sa taille, l’autre pour s’essuyer ses cheveux sombres, il ressort de la salle de bain après s’être brossé les dents. La morning routine du tatoueur est à toute épreuve. Il s’habille et sort discrètement de la chambre, pour ne pas réveiller la bête qui dort dans son lit. Il reste un moment perché sur la mezzanine, checkant ses emails et autres informations, il allume son téléphone et tombe sur un sms de Kurt. En fait j’arrive. Ôl ne comprend pas sur le coup, n’ayant pas lu le premier sms. De quoi le bras droit de la Fraternité voulait-il parler ? Pitié, pas encore un jeu d’alcool, Ôl ne supporterait sûrement pas. Ôl soupire, la porte du salon s’ouvre, le tatoueur n’a même pas eu le temps de déjeuner.


« Y’a quelqu’un ? Ôl ? Summer ? »


Ôl descend alors les escaliers, fait face à Kurt qui se tient sur le pas de la porte. Il est essoufflé, la nouvelle est si importante que ça ? Soudain, il se souvient. Après leur magnifique soirée entre amis, où Kurt avait laissé entendre qu’il n’avait pas de père, Ôl lui avait rappelé qu’il devait contacter le dealer de sa mère. Peut-être qu’il l’avait trouvé.


« J’espère que ton truc vaut le coup, t’as l’air complètement euphorique là. Je te préviens tout de suite tu vas pas tester ta nouvelle drogue ou ta nouvelle bouteille d’alcool sur moi. »


Il se dirige vers la cuisine, fait signe au dealer de s’installer au salon, et se prépare un thé, sans oublier l’infuseur. Il revient, pose sa tasse sur la table.


« Tu veux boire un truc ? »

HRP:

« Une bière. A moins qu’il n’y ait pas d’alcool dans cet endroit ? Auquel cas je me casse direct. Non mais sinon file moi ton thé là, ça doit pas être si mauvais que ça »


Disons qu’Ôl, c’est un peu un spécialiste du thé. Alors non, son thé n’est pas si mauvais que ça. Non, il n’y a pas vraiment d’alcool ici. Pourtant, il fait des stocks, autant pour Summer que pour les gars de la Fraternité qui passe le voir pour récupérer des armes. Ôl revient donc avec une bouteille de bière et un verre, qu’il pose sur la table devant Kurt. Celui-ci semble perdu dans ses pensées, certainement entrain de réfléchir à la manière dont il va énoncer les choses. Ôl s’assoit en face de lui, prend sa tasse dans ses mains, boit une gorgée en attend que Kurt ouvre la bouche.


« J’ai retrouvé mon père. »


Eh bien. Ôl n’était pas vraiment surpris. Quand on est bourré, généralement on dit ce qu’on pense vraiment. Kurt voulait retrouver son père. Peut-être le connaître. Sentiment qu’Ôl ne connaîtra jamais.


« Je sais pas s’il est vivant ou mort, mais j’ai interrogé des gars qui… connaissaient Roxane. Roxane c’est ma mère. Ils ont souvent vu un type chez nous. ‘Fin, pas que j’étais né mais bref. Ils disent qu’ils étaient souvent ensemble. Ça me semble logique que… ça soit lui quoi. Puis il paraît que ma mère était plutôt fidèle au même dealer. Au début elle était volage, mais au final les gars de la Fraternité elle est restée fidèle au même dealer et y’a que lui qui venait. Et puis…»


Kurt se tend de plus en plus, au fur et à mesure qu’il déballe son truc. La colère monte, l’identité de son père n’est pas un sujet facile pour lui. Il ne connaît pas le passé de Kurt, mais Ôl s’y connait en enfance difficile. Alors il ne dit rien, se contente d’écouter, de laisser les sentiments s’exprimer. Kurt est venu ici dans le but de se libérer d’un poids, c’était important de se confier à quelqu’un. Et Ôl était content que ce quelqu’un, ce soit lui. Soudain, Kurt balance son poing sur la table. Ôl ne cille pas, le dealer se calme de lui-même.


« Désolé. Je connais le prénom de ce type mais pas son nom. Tu peux être sûr que s’il est encore en vie, il le restera pas longtemps. »


Ôl a du mal à imaginer Kurt avec du sang sur les mains. Cela ne le rendrait que plus instable. Non. Il ne devait pas tuer se type.


« Anar. C’est son nom. »


La tasse se brise. Le liquide s’écoule par terre dans une tâche sombre. Rouge. Ôl met un moment à revenir à lui. Il bredouille un truc incompréhensible, même lui ne sait pas ce qu’il dit. Il se lève se penche, essaye de ramasser les morceaux de la tasse.
C’est pas possible.
Impossible.
Anar avait un fils. Alors pourquoi il avait choisi Ôl.
Il se coupe la main. Il grimace sous la douleur, une goutte de sang s’écrase au sol. C’est chiant à nettoyer le sang, pense le tatoueur. Au moins, ça le ramène à la réalité, écartant la pensée horriblement égoïste qu’il vient d’avoir. Son esprit est en ébullition. Mais il se fait une raison.
Le père de Kurt, c’est l’oncle d’Ôl.
Le Bourreaux. L’Egorgeur. Il était tout sauf dealer.
Est-ce qu’il doit lui dire ? Tout lui raconter ? Raconter la belle et magnifique vue qu’Anar a vécu ? En compagnie d’Ôl ? Kurt détestait déjà son père, même s’il ne le connaissait pas. Lui apprendre les faits de son père ne changerait certainement rien. Mais ça pourrait l’affecter. Il pourrait se dire que son père était un meurtrier, pourquoi pas lui. Après tout, Ôl aussi, était un meurtrier.
Ôl se met à rire, un rire crispé, un rire limite glauque. Il aurait voulu oublier le nom de son oncle. Oublier ce qu’il lui avait fait. L’enfer qu’il avait vécu. La personne qu’il était devenu à cause de lui. Il avait enterré son nom en même temps qu’il avait enterré son corps. Et il avait repris sa liberté.


« Désolé, j’ai été un peu surpris. »


Le sang ruisselle toujours sur la main du tatoueur. Il attrape un essuie-tout, comprime la plaie. Il plante ses yeux dans ceux de Kurt, le regarde jusqu’à son âme. Les traits d’Anar se dessinent sur son visage. C’est son fils. Pas son portrait craché mais c’est bien son fils. Est-ce qu’un jour Ôl pourrait de nouveau voir le visage de Kurt, et non celui d’Anar ?


« T’auras pas à te salir les mains. Il est mort. Enterré. Broyé. Ouais, il est mort et son corps n’existe sûrement plus, je peux te l’assurer. »


Il se laisse tomber sur son fauteuil. Se passe une main dans les cheveux. Est-ce qu’il doit lui dire ?


« C’est moi qui l’ai tué. »

C'était juste un putain de gosse en détresse.

HRP:

Summer dormait à point fermé. La veille, elle avait été envoyé chercher quelques documents très importants. Il n'y avait rien eu d'extrême, elle l'avait juste charmé et drogué pour qu'il ne soit pas en mesure de la gêner. Or ça lui avait prit une bonne partie de la nuit... Sum' était rentré tard, très tard. Ôl l'avait même attendu, ça lui avait fait chaud au cœur qu'il s'inquiète comme ça. Il tenait à elle et elle tenait tellement à lui. Elle l'avait senti se lever et s'approcher d'elle pour un geste tendre et apaisant. Mais tout sommeil paisible à une fin et dieu sait à quel point il ne faut jamais lever la rousse de mauvais pied. D'abord elle avait entendu une voix, elle ne l'avait pas reconnue à moitié endormie mais il s'était exclamé un peu fort. Summer avait serré son oreiller un peu plus fort pour se rendormir. Mais il y eu un autre bruit fort, ça l'avait encore plus réveillé si bien qu'elle avait son coussin au dessus de sa tête cette fois, pour plus rien entendre. Bordel on pouvait pas dormir dans le calme ici ? Bah non. Bouquet final, un bruit de verre extrêmement dérangeant. C'en était trop, ils avaient réveillé la bête, Summer n'était pas de bonne humeur. D'une lassitude extrême, elle s'était levé et commençait à descendre les marches de l'escalier. Elle entendait la voix de Kurt fraîchement reconnue et celle d'Ôl. Pieds nues, débardeur aux bretelles tombantes et pantalon de pyjama à pois (c'est trop la maturité), elle s'apprêtait à leur gueuler dessus lorsqu'elle surprit sans le vouloir, la conversation.

T’auras pas à te salir les mains. Il est mort. Enterré. Broyé. Ouais, il est mort et son corps n’existe sûrement plus, je peux te l’assurer. C’est moi qui l’ai tué.

Elle s'arrêta net. Qui ? que ? quoi ? dont ? où ? lequel ? auquel ? duquel ? Elle était en plein bug. Il avait... Tué quelqu'un ? Summer savait qu'Ôl en était capable et qu'il avait fait couler le sang plus d'une fois mais... C'était quand même surprenant à entendre. Pourquoi il complotait avec Kurt ?
Avec des petits yeux à peine réveillés, elle entra dans le salon, sa main droite tenant son bras gauche.

C'est trop vous demander de faire moins de bruit ? Sérieux les gars...

Elle fixa d'abord la tasse par terre, ensuite Kurt puis son regard se posa sur Ôl. Putain mais qu'est-ce qu'il se passait encore ?

... C'est quoi cette histoire de meurtre ?

C’était juste un putain de gosse en détresse. Un gosse qui venait de perdre sa mère, alors qu’il n’avait que huit ans. Un gosse qui avait tenu le corps d’Isil dans ses bras jusqu’à son dernier souffle. Son dernier râle de douleur. La mère avait imploré jusqu’à la dernière seconde que son petit soit élevé par son oncle. Isil ne connaissait certainement pas son frère aussi bien qu’elle le prétendait. Isil était une femme de la lune. Anar était l’homme du soleil.
C’était juste un putain de gosse, un gosse qui serait resté couché sur le cadavre de sa mère si cet homme monstrueux ne l’avait pas emmené. Ne l’avait pas élevé.
N’aurait pas voulu faire d’un enfant rachitique sa relève. Un tueur.
Ôl n’était pas un rêve. C’était un cauchemar. Un cauchemar ambulant qui amenait la mort partout où il passait. Il fut élevé par son oncle, qui le considérait comme son fils. Anar était un sale type. Il ne travaillait que pour lui-même. Pour prendre du pouvoir. Prendre des vies. Il voulait un disciple dans son ascension. Quoi de mieux qu’un gamin venant de perdre sa mère. Un cerveau tellement vide qu’un rayon de soleil pourrait le remplir. Un soleil ensanglanté. Anar avait lavé le cerveau de son neveu. En avait fait un parfait toutou. Ôl était un chien. Il avait une laisse autour du cou. Jusqu’à ce qu’il décide de redevenir sauvage. De prendre son envol. Ôl était un corbeau. Un corbeau de mauvais augure.
Anar coupait. Anar tranchait. Lui ce qu’il aimait c’était égorger ses victimes. Ils meurent lentement. Se vide de leur sang. C’est ça qui lui plaisait. Il avait tout appris à Ôl. Comment trancher la gorge d’un homme. Comment perforer le cœur en plantant un couteau dans le dos. Très vite, le petit devint aussi doué que son mentor. Anar était fier de son œuvre. Jusqu’à ce qu’Ôl se mette à réfléchir seul. Les rouages s’étaient enclenchés. La corde autour du cou du meurtrier se tendait. Anar voyait sa fin arriver. Ôl l’égorgea de sang froid. Il avait même frissonné de plaisir, quand il avait vu le corps de son bourreau s’effondrer. Le corbeau s’envola. Laissant la carcasse aux chacals.


« C’est trop vous demander de faire moins de bruit ? Sérieux les gars… »


Un frisson glacé parcourt le corps du tatoueur. Avec toute cette histoire, il avait complètement oublié Summer. Il l’avait oublié, et elle tombait au mauvais moment. Elle avait certainement tout entendu. Elle allait s’enfuir en courant. Son mec était un meurtrier.


« … C’est quoi cette histoire de meurtre ? »


Elle ne part pas. Elle cherche à comprendre. Comprendre le bordel qui était encore entrain de se dérouler. Elle regarde la tasse, Kurt, Ôl. Kurt la regarde aussi. La regarde trop longtemps au goût d’Ôl. Elle est en pyjama, qui laisse apparaître ses formes. Ôl jette un regard noir au dealer. Le moment n’était pourtant pas opportun pour une crise de jalousie. Il lui brûlerait les yeux plus tard.


« On parle de mon père. Vite retrouvé. Ma mère faisait de l’échange de procédé avec lui. Roxane était très belle, maintenant que j’y pense. Anar a dû la trouver à son goût et puis… Dis moi son nom, Ôl. Je porte celui de ma mère : Hook. Je l’ai toujours détesté. Je veux savoir si je dois aussi détester celui d’Anar. Racontes moi des trucs. Je veux savoir comment tu le connais. Pourquoi il est… Dis moi tout. Mec, je suis capable de te boxer jusqu’à ce que tu craches le morceau. »


Ça ressemble plus à un cri de détresse qu’autre chose. Le cœur d’Ôl se serre. Il n’a pas envie d’en parler. Surtout pas en présence de Summer. Le passé, il veut l’oublier. Faire comme si tout cela n’avait jamais existé. Comme si tout allait bien dans le meilleur des mondes. Sauf que ça n’allait pas. Et Ôl avait encore des chaînes au pied.
Anar avait un fils.
Kurt était le fils d’Anar.
Le Soleil de sang refaisait surface. Retournait la terre pour ressortir de sa tombe. Allait-il devoir tuer Kurt pour se débarrasser du fantôme d’Anar ?
Kurt s’avance, impatient. Ôl, qui s’était levé à l’arrivée de Summer, recule, manque de tomber au sol. Instinctivement, il porte sa main vers sa poche, pour sortir son couteau. Ôl comprend pourquoi il avait eu peur de Kurt, lorsqu’il s’était réveillé de sa cuite. Kurt était le fils d’Anar. À présent, Ôl ne voyait plus que son oncle en face de lui. L’homme qui le faisait trembler. L’homme qui le pétrifiait. L’homme qui le torturait.
Il se reprend se frotte la cuisse. Il délirait. Il aurait pu planter son pote. Son cousin. Il aurait pu oui. Il reprend son souffle, ne se tourne même pas vers Summer. Il fallait qu’elle sache. Il ne pouvait plus garder le secret.


« Yume. Anar Yume. »


Il sert un peu plus le mouchoir à présent trempé de sang contre sa plaie. Il laisse le temps à tout le monde de digérer l’info. Cherche comment parler d’Anar sans tout envoyer balader. Ou sans pleurer. Il se mord la lèvre, se passe une main dans les cheveux, reprend une gorgée de thé, inspire un bon coup.


« Ma mère était une prostituée. Je suis l’enfant d’un de ses clients. Je ne connais pas l’identité de mon père, elle non plus. Mais c’était pas vraiment la question. Elle m’a élevée aussi bien qu’elle le pouvait, avec le luxe qu’elle pouvait s’offrir. On était heureux tous les deux. Jusqu’à ce qu’elle ne meurt. Avant de mourir elle a tout fait pour que son frère se charge de mon éducation. À huit ans j’étais seul. Anar était ma seule source de lumière. Il l’avait bien compris. Je suis devenu son chien. Il m’a appris tout ce qu’il savait. Tuer. Tuer, encore tuer. Tout ce que je savais faire quand j’étais gamin c’était tuer. J’allais devenir son héritier. L’héritier de l’Egorgeur. Ton père n’était pas un dealer, Kurt. C’était un tueur à gages. Sauf que les gages, c’est lui qui les donnait. »


Il déballe ça d’une voix sombre, sorti d’outre-tombe. Il n’essaye de ne pas flancher. De ne pas se rappeler.


« Je suis resté avec lui jusqu’à l’âge de dix-huit ans. Jusqu’à ce que comprenne qu’il me manipulait, jouait avec mon cerveau comme il jouait avec ses armes. Qu’il s’était bien foutu de la gueule de ma mère. Je devais m’entraîner sur lui. On s’entraînait dans un vieux hangar à la sortie de la ville. Avec des vraies armes. On se battait à mort, pour s’entraîner à voir la mort en face. Sauf que je l’ai tué. J’ai mis en pratique tout ce qu’il m’a appris. Je l’ai fait se vider de son sang. Je l’ai fait agoniser comme il le faisait avec ses victimes. Avec moi. Je l’ai tué et je me suis débarrassé de lui. J’ai pris mon envol. »


Chaque tatouage avait une signification. Ôl n’en avait qu’un seul. Une grande paire d’ailes dans son dos. Des ailes de corbeau.

HRP:

Summer retenait un bâillement. Ces temps-ci c'était vraiment la pagaille sérieux. D'abord le bisous chocolat chaud ensuite les courses avec Kurt qui fini en Ôl bourré puis tous les trois bourrés. Parfois elle se demandais si sa vie allait reprendre un tournant normal. Probablement pas... Mais c'était pas un mauvais tournant, c'était juste beaucoup moins calme.

On parle de mon père. Vite retrouvé. Ma mère faisait de l’échange de procédé avec lui. Roxane était très belle, maintenant que j’y pense. Anar a dû la trouver à son goût et puis… Dis moi son nom, Ôl. Je porte celui de ma mère : Hook. Je l’ai toujours détesté. Je veux savoir si je dois aussi détester celui d’Anar. Racontes moi des trucs. Je veux savoir comment tu le connais. Pourquoi il est… Dis moi tout. Mec, je suis capable de te boxer jusqu’à ce que tu craches le morceau.

Ça lui revenait maintenant, après leur jeu pour le moins épuisant, ils avaient rangés et laissé un mot pour Kurt, lui rappeler qu'il devait chercher ce fameux père. Il l'avait donc trouvé ? Anar... Ça m'dit rien. Oh et pourtant, sans le vouloir, il était plus ou moins lié aux trois personnes dans le salon. Ôl avait manqué de tomber par terre et la rousse aperçut sa main faire un semblant de chemin faire sa poche, cette poche contenant souvent une arme. Il était devenu fou, il voulait sortir son couteau devant Kurt. Summer était prête à l'en empêché, elle s'était crispé. Elle voulait savoir, elle devait savoir même si ça ne la concernait pas.

Yume. Anar Yume.

Il y eu un énorme blanc. Summer tentait de comprendre. Si Anar c'était le père de Kurt et qu'il s'appelait Anar Yume... Ils étaient de la même famille ? Son cerveau était en train de rôtir, elle n'avait qu'une envie c'était d'oublier tout ça et de retourner dormir. Pourtant quelque chose lui criait de rester.

Ma mère était une prostituée. Je suis l’enfant d’un de ses clients. Je ne connais pas l’identité de mon père, elle non plus. Mais c’était pas vraiment la question. Elle m’a élevée aussi bien qu’elle le pouvait, avec le luxe qu’elle pouvait s’offrir. On était heureux tous les deux. Jusqu'à ce qu’elle ne meurt. Avant de mourir elle a tout fait pour que son frère se charge de mon éducation. À huit ans j’étais seul. Anar était ma seule source de lumière. Il l’avait bien compris. Je suis devenu son chien. Il m’a appris tout ce qu’il savait. Tuer. Tuer, encore tuer. Tout ce que je savais faire quand j’étais gamin c’était tuer. J’allais devenir son héritier. L’héritier de l’Égorgeur. Ton père n’était pas un dealer, Kurt. C’était un tueur à gages. Sauf que les gages, c’est lui qui les donnait. Je suis resté avec lui jusqu'à l’âge de dix-huit ans. Jusqu'à ce que comprenne qu’il me manipulait, jouait avec mon cerveau comme il jouait avec ses armes. Qu’il s’était bien foutu de la gueule de ma mère. Je devais m’entraîner sur lui. On s’entraînait dans un vieux hangar à la sortie de la ville. Avec des vraies armes. On se battait à mort, pour s’entraîner à voir la mort en face. Sauf que je l’ai tué. J’ai mis en pratique tout ce qu’il m’a appris. Je l’ai fait se vider de son sang. Je l’ai fait agoniser comme il le faisait avec ses victimes. Avec moi. Je l’ai tué et je me suis débarrassé de lui. J’ai pris mon envol.

Elle ne savait pas si il y avait encore eu un blanc dans la pièce. Summer ne sentait plus rien. Sa tête lui inventait des bruits assourdissants, elle revoyait des flashs, le corps de son père convulsant, une mare rouge, sa main pleine de sang. Des cris, des pleures. Non décidément elle n'enlèverait jamais ce souvenir d'elle. "Égorgé" elle avait souhaité ne jamais réentendre ce mot. Il voulait tout dire. Son père avait lutté contre le sang qui s'échappait de sa gorge sans 'arrêter. Il avait dit quelque chose avant de s'éteindre et jusque là la rousse ne l'avait jamais comprit. Mais tout semblait résonner en écho dans sa tête maintenant. Il avait dit Anar. Summer le sentait à présent, elle sentait ce qu'il y avait autour d'elle mais toujours les yeux écarquillés vers le sol, ils avaient peut être dit des trucs mais elle n'avait pas écouté comme d'habitude. Elle n'écoutait jamais de toute manière, faisait tout de travers. Seul son frère l'avait comprit. "T'aurais jamais du voir le jour, à cause de toi maman est morte !" Elle avait froid, son corps tremblait un peu. Le père de Kurt et oncle d'Ôl avait tué le père de Summer. C'était trop demandé pour les gens de la fraternité d'avoir une vie normale ? Il semblerait que personne n'est eu une enfance joyeuse et certainement pas Ôl. Ce qu'elle avait apprit de lui la forçait à mieux le comprendre, ses gestes, son comportement. Il avait souffert et il souffre encore de tout ce sang coulé. La rousse ne se sentait pas bien et retint un haut les cœurs en repensant une énième fois au cadavre de son paternel avant de s'appuyer sur un des fauteuils. Elle avait besoin de réfléchir. Bien sûrs qu'elle ne détestait pas ces deux là à présent, ils n'avaient rien fait. Mais elle repensait à la pression psychologique qu'un homme mort pouvait causer à 3 personnes.

... Donc en fait, vous êtes... Cousins ?

Elle devait être ridicule mais ne supportait pas le silence. Elle voulait entendre des choses encore et encore. Oublier qui elle est et comprendre qui sont les autres.

Ôl se rassoit sur son fauteuil, finit son thé cul sec. Pourquoi avait-il fallut que Kurt débarque. Pourquoi avait-il fallu qu’il retrouve son père. Pourquoi avait-il fallu que ce soit Anar. Il se prend la tête dans les mains, Kurt fait les cent pas. Il secoue la tête. Il n’a pas l’air de croire à ce que vient de raconter le tatoueur. En même temps, c’est le genre d’histoire qui n’arrive que dans les livres. Sauf que la vie d’Ôl n’était pas un livre. Tout est vrai. Ôl ment rarement.


« Tu l’as tué, hein. »


Et il n’a aucun remords. Aucune peine. Il avait tué le père de Kurt. Aurait-il préféré qu’il soit encore vivant ? Ôl faillit rire à cette idée. Le dealer le regarde droit dans les yeux, semble chercher quelque chose. S’il cherchait à se souvenir du visage de son père, ce n’était certainement pas Ôl qu’il devait regarder. D’Anar, il n’avait que les cheveux noirs. Sauf que tous les Yume ont les cheveux noirs. Des cheveux aussi sombres qu’une aile de corbeau, aussi sombre qu’une nuit sans lune. Ôl se souvenait des longs cheveux de sa mère. Une longue cascade de jais légèrement ondulé. Un teint aussi blanc que la neige. Des lèvres légèrement rosées. Isil était magnifique. Beaucoup trop belle pour être une prostituée. Ôl possédait tous ses traits. Une copie conforme de sa mère. Sans sa grâce et son charme naturel. Kurt ressemblait à Anar. Et en vieillissant, cela deviendrait encore plus flagrant. Il l’a certainement compris.


« C’était pas… le genre de type qu’on pouvait appeler « papa » pas vrai ? Roxane est morte à cause de lui. Elle est morte quand il est parti. Alors que… Alors que ç’aurait dû être l’inverse ! Mais non, elle était malheureuse. Je sais pas si elle pensait qu’ils étaient vraiment ensembles, comme des sortes de… d’amants. Tout ce temps là… Tout ce temps là, t’étais avec lui et lui il était en liberté. Pendant que je pleurais ma mère, il s’occupait de toi »


Ses yeux brillent d’un éclat sombre, de méchanceté, de reproche, de jalousie, de dégoût. Il pointe Ôl du doigt. Comme si ça allait changer quelque chose. Kurt n’avait pas l’air de comprendre. Anar était un homme volage. Il baisait tout ce qu’il trouvait. Il adorait les femmes, peut-être même plus que Kurt. C’était un ivrogne, un pervers, un sadique, un tueur. Et pourtant, il avait toujours été charismatique. Un homme de pouvoir.

Ôl ne comprenait pas la réaction de Kurt. Ôl avait subit ce que Kurt aurait subi si Isil n’était pas morte. Parce que Kurt avait été conçu dans l’unique but d’être le successeur de l’Égorgeur. Sauf qu’il avait trouvé mieux. Et il avait abandonné son fils. Kurt lui en voulait, il s’était même approché de lui. Encore plus menaçant. Et cette fois ce fut trop. Ôl ne voyait plus qu’Anar devant lui. Il ne voyait que lui qui s’approchait, le tirait de force, le blessait juste pour essayer son nouveau jouet. Ôl avait tué Anar pour ne plus jamais avoir à subir ça. Alors d’un geste habile et rapide il sortit son couteau, la lame se releva. Prête à s’enfoncer dans le cœur de Kurt. Il n’avait qu’à s’avancer, de la paume de la main, avec un geste sec, Ôl n’aurait qu’à lui transpercer la peau. L’éducation de tueur d’Anar resterait à jamais gravée dans la mémoire d’Ôl. Il avait ça dans le sang.


« Tu le vois en moi, pas vrai ? Quand tu me regardes, maintenant, je te dégoûte. Je lui ressemble, à tes yeux. Mais c’est pas vrai mec, moi c’est Kurt. J’ai rien à voir avec ce… cette sale race. Regardes mes yeux, regardes. Ce ne sont pas les siens. »


Sauf que ces deux billes vertes ne suffisaient pas à faire disparaître un traumatisme. Certainement que le tatoueur ne pourrait plus jamais regarder son ami autrement. Son cousin. Kurt prend une chaise, s’assoit à l’envers, recommence à fixer Ôl. Il ne sent pas très à l’aise. Et Summer semble perdue dans ses pensées.


« J’ai vécu sans père pendant vingt-neuf années. Je peux vivre sans père plus longtemps encore, d’accord ? Je partage son sang, mais rien d’autre. On doit juste… putain, je vais devoir supporter l’idée d’avoir un cousin. »


Kurt ricane. Sûrement qu’il essaye de détendre l’atmosphère avec une blague. Sauf que ça ne marche pas vraiment.


« Summer, tu devrais peut-être retourner te coucher »


Elle n’a pas l’air bien. Elle ne comprend peut-être pas ce qui se passe. Parce qu’il y a toujours des merdes en ce moment. Ou alors elle réalise que celui qu’elle aime n’est qu’un monstre élevé par un autre monstre. Peut-être qu’elle a peur d’Ôl maintenant. Il devrait peut-être s’éloigner, d’elle, lui laisser de l’air. Et lui parler quand Kurt aura foutu le camp. Il se tourne vers lui, lui rend son regard.


« Je l’ai tué, oui. Et j’ai eu aucun remords à le faire. À le voir se noyer dans son propre sang. Tu m’en veux, Kurt ? D’avoir tué ton père ? Tu me trouves égoïste ? T’aurais voulu être à ma place ? Parce que si ma mère n’était pas morte, c’est ce qui se serait produit. Il t’aurait arraché à ta mère, il aurait fait de toi ce que j’ai été. T’aurais été son successeur. C’est pour ça que tu es né. Il voulait juste s’assurer que si sa sœur ne crevait pas, il aurait quelqu’un derrière lui pour finir son sale boulot, marcher dans ses traces. Isil est morte et elle l’a supplié de me prendre, elle était persuadée que son frère était un homme bon. Est-ce que tu aurais tenu le coup, Kurt ? Le voir tuer des innocents, dont il ne connaissait même pas le nom, t’aurais pu voir ça sans broncher ? » Ôl lève son tee-shirt, montre ses abdos, découvrant la longue cicatrice qui part de son aisselle, jusqu’à l’oblique gauche. Une cicatrice blanche qui malgré le teint blafard du tatoueur, ressort comme une goutte de sang dans la neige. « T’aurais pu supporter de te faire ouvrir en deux parce que t’as aidé une vieille dame à traverser ? Tu peux pas m’en vouloir de l’avoir tué. Parce que t’as aucune idée de ce que j’ai subi à cause de lui. Il aurait été heureux de se faire tuer par son fils. Il se serait délecté de ta haine. Moi je l’ai fait agoniser, jusqu’à ce qu’il me supplie de l’achever en chialant comme une madeleine. »


Il fait tourner son couteau entre ses doigts. Chose qu’Anar faisait souvent. Au final, Kurt avait raison. C’était Ôl qui ressemblait à ce monstre, pas lui.


« Bienvenue dans la famille. »

HRP: