The Silver Sliver [Ft Esprit Soucieux] - end

Il y avait cette tiédeur bizarre sur la plaie de son épaule, qui s'étendait autour du muscle, en surface, et dans son poil, le lui collant sur le corps. Espresso, soucieux de son état, le remit à l'ordre d'une petite tape sur le museau, faisant s'immobiliser Rusty comme une statue.

— Parce que c'est mon travail, tiens, t'es con. Bouge plus.
— Désolé.    ...Et je ne suis pas con. »

Il s’aplatit au sol, des frissons prenant son rachis de la racine jusqu'au bout, agitant un peu sa queue pour libérer les boules de stress qui lui nouaient la gorge de sanglots. Le chat monté sur ses brindilles s'était reculé pour évaluer le résultat, et visiblement quelque chose manquait. Rusty, impatient patient, gratta le sol de ses griffes d'un sursaut, tournant ses grands yeux vitreux vers le très haut, très maigre chat tout gris à côté. Là où Rusty se fondait dans les feuilles avec ses tons cannelle, l'autre avait l'air délavé, gris, vidé de ses couleurs, un intrus au paysage. L'élément de trop.

— « ...Espresso...? Mon épaule ne me fait plus aussi mal, merci, et désolé d'avoir douté de vous mais,... Mais il y a ma cheville, derrière (il l'agita en retenant un autre couinement qui se coinça derrière ses lèvres) je ne la sens plus...

Il avait assumé pouvoir faire confiance à son sauveur aussi il se laissa tomber sur le côté, quitte à lui montrer le ventre, pour retirer complètement le poids sur sa patte arrière.

— Et je n'arrive pas à vous suivre - qu'est-ce que ce "Coupeur" ?

Et d'où connaissez vous Madame Fée ? La réflexion de plus tôt revint, il entrouvrit sa bouche sur une expression muette. Êtes-vous l'un de ces chats sauvages appartenant à un Clan? le fond de ses yeux pétillait d'espoir : Faites-vous partie du même Clan que Madame Fée??

C'était un ronron qui le secouait maintenant, autant à cause de la douleur qu'il souhaitait instinctivement réparer, mais aussi à cause de la familiarité dans cette odeur de bourbier qu'il arriver à déceler chez son Sauveur.

— « Relève toi, on finit l'épaule d'abord.
L'Abyssin s'exécuta, un peu à contrecoeur, en se recouchant sur le ventre.
— D'accord. »

Il tendit l'oreille pour écouter les conseils d'Espresso qui savait ce qu'il faisait. Il prenait du territoire et Rusty lui en laissait:

— « Je vais te la coincer plus ou moins avec de l'écorce et tu pourras aller voir ton, comment vous dites déjà ? Véto ? T'sais, le mec qui vous coupe les parties.
— Ah! Véto! Véto, ça je comprends! Il lui offrit un petit sourire soulagé, du sol. Si je comprends bien, votre travail consiste un peu à être le Véto des chats sauvages - ou des chats qui se sont perdus, comme moi.

En voyant qu'il attendait de lui qu'il fasse quelque chose, Rusty eut un petit sursaut (bien moins brusque que les précédents), clignant des paupières avant de se hisser du mieux qu'il le put en position assise, les épaules tendues et raides, encore un peu endolories. Sa position antalgique faisait reposer son poids sur une seule patte et sa hanche.

— « Fée c'est ma tante, kiddo, mais elle n'est plus dans mon Clan. Clan de l'Ombre. Les autres c'est des sous-races.
— Pas "Kiddo", je m'appelle Rusty.   Et je croyais...
Il agita ses oreilles comme pour trier les informations dans sa tête. Je veux dire, Madame Fée porte votre odeur, vit dans le bourbier et y ramasse les plantes - quels facteurs déterminent qu'elle ne fait plus partie de votre Clan, le Clan de L'Ombre?

Il blêmit, ses oreilles se couchèrent dans leur cran et le blanc de ses yeux sortit.

... C'est une intruse? Son cœur avait recommencé sa course. Les patrouilles, les patrouilles l'ont vidée de son sang???

Pitié, pas Madame Fée! Elle avait été si gentille avec lui!

Pendant sa montée de panique, Rusty tourna l'oeil pour le garder sur son Véto-de-fortune, s'arrêtant sur l'image de ce-dernier, ou plutôt du rachis de ce-dernier, dont les vertèbres découpaient la chair de son dos au moment où il le rondissait en tirant la lierre entre ses dents, resserrant l'écorce.

— « Tu causes beaucoup, Rutsy, « C'est Rusty » on t'a jamais dit que le silence était d'or ? Et non, (Non ce n'était pas son nom?) ma tante n'est pas morte, oh, il grommela, la lierre entre les dents, nous porte pas le mauvais œil. »

Rentrant sa paupière nictitante, Rusty fouetta l'air d'une oreille au soulagement qu'il lui prit à la pensée que Madame Fée s'en était sortie indemne.

— « Ouf... je suis content que les Étoiles sourient aussi pour elle... »

Espresso campa ses muscles au travers de sa fourrure courte et reserra l'attèle d'un autre coup, arrachant un « AAa-_aïe! » au Domestique, ainsi que le gargouillis d'un feulement au fond de sa gorge, qu'il tut aussitôt. Il ressentit les lèvres des ses plaies se refermer pendant qu'Espresso poursuivait:

— « Disons qu'elle a été... écartée, il y a bien des lunes de cela, après des, des, des erreurs de soigneur, ouais, c'est ça kiddo, des erreurs dans les plantes.
— Moi, quand je l'ai vue, Madame Fée semblait savoir ce qu'elle faisait! J'ai trouvé une plante avec elle qu'elle m'a interdit de toucher avec la bouche.

Il se rappelait de la digitale qu'il avait trouvé, un peu affaissée sous les feuilles d'automne, collée dans la boue du bourbier.

— Elle a prit toutes ses précautions pour la cueillir. Maintenant que l'atèle tenait, Rusty s'affaissa au sol, sur le ventre, s'y couchant, et gonflant son diaphragme d'air avant de le vider d'un lourd soupir. ...Peut-être qu'elle a apprit de ses erreurs? Et qu'elle tente de se racheter? »

Ou il faisait de la projection et c'était lui qui avait besoin de se racheter. Rusty leva les yeux vers son sauveur pour lui faire un sourire. Pas le plus beau car il était épuisé, mais suffisamment rayonnant pour faire passer toute sa gratitude dedans:

— « En tout cas, je vous remercie de votre aide. Au fond vous n'êtes pas si méchant, Espresso...