[Halloween] Running Like Crazy - end

Visiblement la petite chatte gonflée n'était pas satisfaite de son explication, mais Rusty n'allait paslâcher le morceau, cette fois. Il était animé d'une force intérieure qui lui soufflait que c'était son devoir de protéger le petit. Car après tout si personne d'autre ne le faisait, alors qui?

À défaut d'être satisfaite, elle se résigna : elle leva les yeux au ciel tout en poussant un soupir pour se libérer de l'accumulation de stress, et concéda:

— « Bon. Son ton fut très sec pour quelqu'un vivant sur des terres où l'air était si humide. Vous venez avec moi. Tous les deux. »

Rusty eut un rebond de la tête comme il retrouvait son sourire, relevant ses vibrisses.

— « Je vous accompagne pour que vous évitiez les mauvaises rencontres… et que vous ne fouiniez pas n’importe où... Mais que ce soit bien clair : vous trouvez les baies, vous les ramassez et vous fichez le camp. Interdiction de traîner ici plus longtemps.

— Comptez sur moi! »

Ce ne devait pas être difficile de trouver des baies! Leur chef de tête tourna les talons pendant que l'abyssin se pencha vers le chaton pour l'intimer à se mettre en marche, avant de se redresser d'un rebond et d'ambler à leur suite, le pied léger, les oreilles en alerte. Il essayait de se souvenir de comment il s'y était appris, cette fameuse nuit, dans le bourbier, avec Madame Fée. Il se souvenait surtout de la crasse qui lui collait aux poils et de la vase qu'il avait du boire - et le souvenir, étrangement, le réchauffa de gratitude.

Devant eux, la queue parallèle au sol, comme pour marquer une distance de sécurité entre eux, la chatte leur envoya un regard par-dessus son épaule pour s'adresser au chaton qui avait cet air consterné en face, les yeux baissés sur ses pattes, les pupilles frétillantes comme s'il scrutait ses souvenirs. Il devait se concentrer.

— « Elles poussent où, tes baies de sureau ?
─ Oui okay d'accord.

Elle avait du l'interrompre dans sa chasse aux souvenirs, Rusty balaya la prairie du regard. La prairie avait ses herbes hautes, se cassant et s'asséchant au froid progressif qui s'insinuait partout. Il se rappelait qu,elles avaient été souples sous le coude, dans la lande, au début de la saison quand il faisait encore chaud. Autour d'eux, pas une trace de buisson. Rusty n'était peut-être pas véto, il savait que les baies poussaient près des arbres ou les buissons, aussi il s'écarta de son groupe pour trottiner en transverse au travers d'un petit lopin d'herbes, ayant capté du nez l'odeur de l'eau de la rivière qui courait non-loin.

Il pivota une oreille derrière pour ne rien manquer de la discussion:

Elles, euhh, elles poussent dans un buisson, un buisson qui pousse quand il y a de l'eau et des rochers et qu'il fait pas trop trop froid... »

Rusty s'était en effet arrêté devant une chaîne de buissons qui bordaient la berge, là où coulait un ruisseau en petite chute d'eau. Ses oreilles eurent un tic, curieux de voir l'eau prendre cette forme sinueuse et se jeter en bas des rochers en tempêtant en écume tout en bas. Le grondement de l'eau ressemblait à celui d'une voiture et l’assomma dans une transe momentanée. Immédiatement il imita l'exemple de la chute pour se jeter tête la première dans un buisson et chercher les branches et les racines à la recherche de quelque chose.

On l'entendit en sortir dans un bruissement de feuilles sèches, étirant le cou, le poil épineux rebiquant comme les branches cassées qui s'étaient collées à son poil, tenant dans sa bouche le fruit rond d'un arbre tout près, qui avait du être poussé par le vent.

— « Comme 'cha??

Rusty, n'étant pas Véto, ignorait que ce qu'il tenait entre les dents était une Baie de Genièvre, et non pas une Baie de Sureau. Mais la Baie correspondait à la description : il ne faisait pas trop trop froid, le buisson était près de l'eau et des rochers alors pour lui, pas de doute, il s'agissait bien de ce qu'ils cherchaient !

Étrangement le petit était plus confus que jamais en voyant la baie que Rusty avait réussi à trouver parmi toutes ces branches. Il ouvrit la bouche sur cet énorme sourire mais ses paupières étaient plissées d'une nervosité dont Rusty ne sut deviner l'origine.

─ Oui oui, c'est exactement ça, merci!! »

Son enthousiasme suffit toutefois à rallumer celui du domestique, qui se secoua un peu pour sortir de cet amas de branches entre-croisées, frétillant de la patte arrière en sautillant sur les trois autres. Sa queue eut un large mouvement à gauche pour se libérer à son tour.

─ « Coeur Fleuri va être trop contente! »

Alors que Rusty était sorti du buisson, le chaton s'affairait à y entrer, cherchant des dents une branche qu'il arracha pour piquer sa trouvaille. Rusty se laissa distraire un moment par ses mouvements maladroits avant d'être ramené à l'ordre par le ton coupant de la jeune chatte aux longs poils.

─ « C’est bon ? Je peux vous ramener aux frontières, maintenant ?
─ Oui c'est bon je suis prêt, merci madame et monsieur.
─ Le plaisir était pour moi, je suis content d'avoir pu vous aider! »

Il alla se ranger devant la chatte, au garde-à-vous, le menton haut, les oreilles droites comme sa queue comme un piquet.

─ Allons-y!

Sa dette était rendue, il n'avait plus besoin de traîner ici désormais... Et puis son humain devait s'inquiéter, il s'était quand même échappé sans prévenir. Il espérait qu'il ne soit pas trop inquiet. En voyant le soleil qui n'était même pas près de se coucher, il se consola en se disant qu'au moins, cette fois, il ne se serait pas fait un sang d'encre toute la nuit!

Il marcha de côté pour s'approcher de la chatte qui s'était dégonflée, veillant à lui glisser, l'air reconnaissant.

─ Merci de votre indulgence. Cette baie de sureau semblait très importante, pour lui...

Qu'il s'agisse ou non de la bonne ne semblait pas importer, dans ce cas-ci.