Pêche de ruisseau (avec Nuage de Ruisseau) - abandon

J'ai pas mal de choses à penser ce matin. Il faut que je m'assure que ma mère se porte bien avec tous ses chatons. Et Aigue-Marine dont le ventre prend des rondeurs. J'ai bien l'impression que la Pouponnière va être remplie. En tout cas, aujourd'hui, journée de "repos", je n'ai pas cours avec Esprit Soucieux, en plus je l'ai vu hier. Le voyage est un peu épuisant, mais je m'habitue. Par contre, j'ai du mal avec l'odeur de charogne du Clan. Pourtant, je ne dis rien, je sais que certaines plaies ou maladies seront plus pestilentielles, alors je ne peux pas me plaindre, c'est un avant goût je dirais, un entraînement pour m'endurcir. Je lèche mes pattes un peu endolori. Après une lune de passée déjà, mes tendres coussinets se sont renforcés et n'ont plus rien de doux. À force de crapahuter sur les terres entre la Rivière et l'Ombre... Je m'étirai en sortant de mon Antre. J'ai appris à apprécier la solitude de ma demeure, l'odeur des plantes me réconfortant. Ça ne vaut pas l'odeur lactée de la Pouponnière, ni la chaleur réconfortante de ma mère et ma soeur contre moi, mais je grandis C'est l'une des étapes dans le chemin vers l'âge adulte. Bien que j'assume déjà plus de responsabilités que je ne devrais, en tant qu'Apprenti. Je suis le Soigneur. Le seul. Je porte sur mes frêles épaules la bonne santé du Clan. C'est parfois dur, mais je ne flanche pas. Qu'importe les mots durs de Père, je ne flancherai pas, je continuerai sur la dure voie que j'ai choisi de mon plein gré. Alors que je m'avance vers le Tas de gibier, pour attraper une proie, une voix me hèle:

" Eh, là ! Entraînement de chasse ! "

Je sursaute et me tourne vers un Guerrier roux et blanc. Heuu... Matin Embrasé je crois, le mentor de Nuage de Rosée si ma mémoire est bonne. Que me veut-il? Entraînement de chasse? J'aurais préféré journée de repos, mais bon. Pourquoi pas. Je sais que la chasse et la défense sont aussi de mon programme, bien que moins important que les autres Apprentis. Apprendre cela ne me fera pas de mal et ainsi je pourrais ramener de temps en temps de la nourriture et non que des herbes. Je jette un léger coup d'oeil vers mon Antre, mais il est tôt et encore aucun félin ne s'est blessé. Ça devrait aller, j'esp!re...

" On va à la Rivière, histoire de compléter notre collection de tanches. "

Je hoche donc la tête, acceptant l'entraînement sans rechigner. Pêche apparemment. Je me rappelle du repas offert par feu Etoile du Corbeau et celui partagé avec mon cousin. Très bien, je suis après tout un félin de la Rivière. Même si je n'aime pas m'en approcher, surtout l'endroit qui longe les rochers du soleil. Mauvais, très mauvais souvenirs. Le signe de tête du félin en face de moi m'irrita un peu. Je n'étais certes qu'Apprenti-Guérisseur, mais en général, les félins claniques les respectaient, tout comme les Guérisseurs. On avait tout de même une place importante dans le Clan et même si je ne m'enorgueillait pas de mon rang, me voir traité ainsi, comme un novice comme les autres, c'était un peu vexant. Dans tous les cas, je suivis le chemin que prenait le félin roux, jusqu'à la Rivière. En arrivant, je la contemplai, toujours aussi libre et sauvage et sûrement tout aussi froide qu'il y a une lune. J'avais grandi depuis mais la sensation n'avait pas été des plus agréables. J'ajoutai mentalement la tâche de venir faire trempette régulièrement, voire venir pêcher, si je devenai assez bon, pour ne plus craindre cette étendue qui faisait partie de nous, de notre âme.

"Bien, comment procédons-nous? Tu me montres comment faire? Tu m'expliques? C'est ma première pêche"

Tout cela dit sur un ton neutre. Nulle timidité. Je savais qu'en tant qu'Apprenti-Guérisseur, ces tâches-là me seraient plus difficiles, mais j'aimais apprendre.

Spoiler:

"Eh ben on peut pas dire que t'es en avance !"

Je le regardai, le regard froid. Pas en avance? Je suppose que par rapport à un Apprenti Guerrier, oui. Mais pour ma voie, je crois que je me débrouille pas mal au vu des circonstances. Puis je fus pris d'un doute. J'observai le matou roux... Savait-il que j'étais l'Apprenti-Guérisseur? Bah quand même, l'affaire avait fait pas mal de bruit, non? Je ne vais pas m'avancer et partir sur le fait qu'il est au courant, normalement.

" Tu pourras me remercier ! Regarde bien ! "

Je n'ajoutai aucun mot, me contentant d'observer ses actions. Il observait les alentours, cherchant sûrement un poisson. J'attendis jusqu'à ce qu'il s'avance vers le bord de la rivière. Après un instant, en suivant son signe de tête, je remarquai également le frétillement de l'eau et la couleur légèrement plus foncé que le fond d'un goujon, si je me souvenais bien du nom. J'observai donc plus attentivement encore le guerrier. Son déplacement était discret, très discret et aussi bien silencieux. D'accord, je note, pas de bruit, pas de mouvement brusque. Ça parait logique avec un poisson comme proie. Mais avant que le Guerrier ne porte ce coup de patte, si caractéristique des chats de la Rivière, l'ombre que je percevai du poisson se volatilisa.

" Hum hum, donc t'as compris, tu cherches le poisson sans faire de bruit, et quand tu bouges, tu fais super attention. Et après, bah, tu l'attrapes, c'est facile. "

Je hochai la tête, prêt à tenter ma chance. Je m'approchai du bord, mon pelage terne se confondant bien plus à l'environnement que la fourrure flamboyante de mon professeur du moment. Je m'avançai, suffisement pour voir l'eau, pas trop pour ne pas que mon ombre paraissent sur les flots de l'eau. Une silhouette impressionnante apparut. J'ouvris un peu les yeux, abasourdi. Le poisson était grand et gros. Peut-être la longueur de mon corps, sans compter ma queue. Je déglutis, me disant que ce genre de proie devrait nourrir plusieurs chats. Je m'approchai. Je me sentais lourd, pataud, et pourtant le poisson ne bougea pas d'un poil. J'étais près de lui à présent. Je sentais que je pouvais le toucher, que j'étais assez près, que je ne devais pas faire un pas de plus. Doucement je levai ma patte droite, puis d'un coup rapide, que ma soeur et moi demandions souvent à Maman de reproduire, je la lançais vers le poisson. Je le touchai, je sentis la peau écailleuse contre mes coussinets, mais je ne m'attendais certainement pas à ce qu'il soit aussi lourd. Ma force ne suffisait clairement pas à lever un poisson de cette taille et il ne sauta pas en l'air, vers la berge comme Maman le racontait. Je trébuchai vers la droite et lorsque je regardai à nouveau, le poisson avait disparu.

"Désolé, je n'ai pas eu assez de force. Pouvons-nous réessayer?"

"C'est pas de la force qui te manque, c'est de la ruse. "

Je ne pus m'empêcher de ressentir un léger agacement. Certes, j'avais raté mon coup, mais j'avais l'excuse de la première fois et du poids de ma proie. Il avait lui aussi raté sa proie... Enfin bon, je respire un grand coup et laisse filer mon mécontentement. Que disais Esprit Soucieux déjà? Ah oui, vider son esprit pour penser mieux.

" Quoique... de force, peut-être un peu aussi ! "

Je le regarde un instant avant de grogner un coup. Oui, je sais que je suis frêle et faible. Je le reconnais moi-même, mais je n'aime pas l'entendre. Ça me rappelle trop le rêve à la Pierre de Lune et Etoile du Corbeau me regardant comme si j'aurais mieux fait d'être mort. Je suis faible, d'accord, mais arrêtez un peu avec ça, c'est pour cette raison que je me suis tourné vers la voie du Guérisseur. Je me calme un peu, pour reprendre mon observation. Un poisson, dont j'ignore le nom se fait voir, sautant de l'onde claire de temps en temps. Un corps gris tigré, un peu de rouge aux extrémités. Mes yeux s'écarquillent en voyant le matou roux s'enfoncer dans l'eau. Un frisson me parcourt. Je ne suis pas un grand fan de l'eau. Pas depuis ce jour funeste. Mais la méthode est payante et le Guerrier revient bientôt avec un poisson entre les crocs. Il me rejoint, déposant sa proie.

" Bon, de toute façon, y avait déjà pas grand-chose par ici. Vaudrait mieux qu'on continue un peu plus haut. "

Je hoche la tête, le croyant sur paroles et commence à remonter le cours de la Rivière. j'avance lentement, regardant le cours d'eau, cherchant des yeux une proie. Et là, sous mes yeux le même poisson tigré que mon instructeur du jour. Je pousse un léger soupir de soulagement lorsque je m'aperçois qu'elle est moins loin. Mais je vais quand même devoir me mouiller. J'ai bien remarqué que le félin aux yeux d'or s'est déporté vers le haut de la rivière. Quand j'y réfléchis, c'est un bon choix, sûrement pour éviter d'effrayer le poisson, et les éventuels remous seront peut-être pris pour les mouvements des l'eau. Au moins mon pelage me donne l'avantage d'être plus difficilement visible, se confondant mieux avec l'environnement que le pelage de feu de l'autre chat. Allez. J'avance une patte hésitant, je place une deuxième patte et commence à avancer lentement. Je n'aime toujours pas la sensation de l'eau froide contre mon ventre, mais ce n'est pas aussi terrible que dans mon souvenir. J'arrive bientôt au niveau du poisson, du moins au dessus de lui. Le soleil est en face, aucune chance que mon ombre soit une gêne. Je lance un coup de patte, le ratant de peu, mais dans mon malheur, la chance veut que le poisson fuit dans ma direction. Ni une ni deux, deuxième essai et ma patte touche le poisson, le plaque au sol, mes griffes plantées dans sa chair. Après une seconde d'hésitation, je plonge la tête pour achever ma proie avant de la ramener au bord.

"Comment se nomme ce poisson?"

J'en profite pour lécher un peu mes pattes et mon poil trempé.