[LP] Pleurs enragés (libre) - END

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Enfin un peu de repos. Bien que mon patient habituel soit présent, comme il était tout le temps ici, il faisait un peu partie du décor. Donc, rien. Le Clan se remettait bien des blessures de la bataille, mais l'enlèvement était bien ancré dans nos têtes et maintenant que j'avais plus de temps pour moi, ça me frappait violemment. Bon sang, c'étaient mes frères et soeurs qui avaient été enlevés. Et deux des petits de notre chef. Ils étaient si jeunes eux, j'espère qu'ils ont réussi à survivre au voyage. Les transporter à quelques jours de leur naissance... Quels imbéciles. Mais ils paieront, si ce n'est par le Clan des Etoiles, ce sera par les nôtres. Enragés, les Riveux ne seraient pas en reste pour se battre quand le moment sera venu. Malgré que je sois de tout coeur avec eux, je ne peux m'empêcher de soupirer. Qui dit bataille dit blessés. Je ne pensais pas être dans ce cas avant un bon moment, je ne pouvais pas imaginer que j'y tomberai au lendemain de mon baptême d'Apprenti-Guérisseur. Vraiment heureusement qu'Esprit Soucieux est là, qu'il me donne ces leçons. Qu'importe ce que disent les rumeurs, qu'importe son sarcasme, il m'était d'une aide incommensurable. Je n'ose imaginer l'état des mes camarades s'il n'avait pas été mon instructeur. Après un bâillement, je me pose au sol, aspirant à une bonne sieste plutôt méritée quand surgit un matou roux que je connais plutôt bien, Matin Embrasé, le Guerrier qui m'a appris à pêcher. Entre ses crocs, ma petite soeur, Petite Hyène, qu'il dépose devant moi. Je lui jette un regard interrogateur en m'approchant de la minette grise.

" Je n'ai rien pu faire. Je leur ai dit de fuir mais un complice les attendait déjà. Il a menacé de tuer Petit Blaireau. Ils sont partis avec son frère. Et ils l'ont laissée, elle. Comme ça. Je sais pas comment ils ont su... Je voulais juste que... qu'ils sortent.... un peu..."

Le matou avait une angoisse dans la voix telle que je me demandais s'il n'allait pas nous faire une crise. Mais la priorité était d'abord à Petite Hyène, je m'approchai d'elle et posai mon museau contre sa poitrine, fermant les yeux, tentant d'oublier les voix de dehors. Je calmai ma respiration, me concentrant sur elle. Un soulagement sans nom me prit. Son coeur battait, régulièrement, et elle respirait aussi. J'ouvris les yeux et inspirait doucement l'odeur du chaton. Aucune trace de sang, parfait. Délicatement je touchai quelques parties de son corps. Non, elle n'avait rien, elle n'était qu'inconsciente, mais il n'y avait quasiment aucun doute sur le fait qu'elle se réveillerait après que son corps ait récupéré. Je lui léchai affectueusement l'oreille avant de m'avancer vers le Guerrier qui l'avait ramené.

"Matin Embrasé, elle n'a rien. Peut-être une petite bosse, mais rien de grave, elle a juste besoin de sommeil. Je la surveillerai quand même, au cas où, mais je ne pense pas qu'il y ait matière à s'inquiéter."

Je m'inquiétai bien plus pour mon frère, entre les griffes de ces chats errants, violents et cruels... J'avais peur pour lui. Et je m'inquiétai pour Maman. Eau Turquoise était déjà effondrée après le premier enlèvement... Alors un de plus...

« Hé, toi là, t'as pas vu Petit Blaireau ? Non ? »

Petite Émeraude haussa les yeux au ciel, agacée et dépitée à la fois. Cela faisait longtemps qu'elle cherchait son ami à la vie à la mort, et elle commençait à être lassée de ne pas le trouver. D'habitude, le petit mâle bicolore était facilement reconnaissable, avec le boucan qu'il faisait au camp. C'était simple : il suffisait de suivre les bêtises ou les cris des adultes. Mais cette fois, le camp était presque silencieux, et Petite Émeraude n'aimait pas trop beaucoup ça (paie ta réf). Il lui fallait trouver son meilleur ami et mettre l'ambiance avec lui, c'était presque vital ! Et puis, l'idée qu'il était parti faire une grosse bêtise sans elle - raison de son absence - était étrangement insupportable à la petite rouquine, qui se sentait exclue.
Mais elle allait bientôt découvrir une toute autre raison à l'absence de Petit Blaireau. En effet, Matin Embrasé déboula au camp l'air hagard, son attitude trahissant son angoisse, portant par le cou Petite Hyène, la sœur de Petit Blaireau. Il ne dit rien et fila immédiatement vers la tanière du guérisseur, Nuage des Ruisseaux. Cette attitude suspecte réveilla l'instinct curieux de Petite Émeraude, qui se faufila à la suite du grand guerrier, comme le firent d'ailleurs d'autres membres du Clan, badauds attirés par les ragots. Et ce qu'ils découvrirent fit passer un frisson glacé dans l'échine de tous : encore un....

La nouvelle de l'enlèvement de Petit Blaireau stupéfia Petite Émeraude. Elle qui était de nature si bavarde, si agitée, presque hyperactive, elle se tenait à présent là, au pied de Matin Embrasé, proche de Petite Hyène, regardant fixement un point invisible. Elle resta dans cet état de choc un long moment, pendant lequel Nuage des Ruisseaux examina Petite Hyène ; il décréta finalement qu'elle avait simplement besoin de calme et de repos, mais Petite Émeraude lut dans ses yeux toute l'inquiétude qu'il ressentait vis-à-vis du frère de la petiote sombre. Inquiétude qu'elle partageait entièrement, et qui la fit sortir de ses gonds. Elle la retourna contre le guerrier que son esprit jugeait coupable.

« Mais comment c'est arrivé, d'abord, hein ? Pourquoi il était dehors avec toi ? Les chatons n'ont pas le droit de sortir du camp ! Pourquoi tu l'as pas ramené, hein ?! »

Petite Émeraude lançait des éclairs avec ses yeux, déversant sa colère et sa peur sur le guerrier. C'était un comble qu'elle lui reproche d'avoir laissé son ami sortir du camp, quand on savait qu'elle-même le faisait régulièrement et revendiquait le droit à le faire.
Mais pour une fois, elle devait bien avouer qu'elle aurait préféré que Petit Blaireau s'en tienne aux règles.

Ce matin, rien de bien palpitant dans la vie de la lieutenante. Rien n'avait changé, tout le monde adoptait la même attitude depuis quelque temps. Les patrouilles se relayaient, les frontières étaient chaque jour marquées, et le gibier était de moins en moins présent. La pile de gibier n'avait rien d'attrayant, elle n'était guère plus haute que Douce Orchidée. Cette dernière était postée près de la tanière des guerriers, fixant ses camarades de clan qui allait et venait dans le camp. A cet instant, elle n'aurait jamais pensé voir revenir Matin Embrasé, la mine aussi dépitée, Petite Hyène dans sa gueule. Que se passait-il ? Que faisait Petite Hyène avec le guerrier roux, que la lieutenante détestait tant ? Doucement, la féline se releva et se dirigea lentement vers le guerrier. Il venait de revenir avec un chaton, l'avait-il emmené hors du camp ? Avait-il pris cette initiative seul en sachant tous les risques qu'il prenait ? Le pas plus rapide, elle arrive à hauteur du guerrier, a à peine deux longueurs de queues du matou.

« Je n'ai rien pu faire. Je leur ai dit de fuir mais un complice les attendait déjà. Il a menacé de tuer Petit Blaireau. Ils sont partis avec son frère. Et ils l'ont laissée, elle. Comme ça. »

Les yeux de la féline s'écarquillèrent, laissant son pelage s'ébourrifer devant ce qu'elle venait d'entendre. La mine révoltée, elle faillit se jeter sur le rouquin tant elle était en colère. Il venait bêtement de laisser Petit Blaireau se faire prendre, tandis que Petite Hyène était vraiment dans un sale état. Mais que lui était-il passé par la tête ? Honteux, Matin Embrasé baissa la tête. Il avait bien raison, Douce Orchidée le fixait de ses yeux verts, énervée à son maximum.

« Je sais pas comment ils ont su... Je voulais juste que... qu'ils sortent.... un peu... »

Cette fois, elle laissa s'échapper un long grognement qui pouvait s'entendre dans tout le camp. Quel imbécile. Les faire sortir, avec tous ce danger. Imbécile, stupide, enfoiré, voilà que Douce Orchidée le traitait de tous les noms intérieurement.

« Matin Embrasé, elle n'a rien. Peut-être une petite bosse, mais rien de grave, elle a juste besoin de sommeil. Je la surveillerai quand même, au cas où, mais je ne pense pas qu'il y ait matière à s'inquiéter. »

Les paroles de Nuage des Ruisseaux surprirent la lieutenante qui ne l'avait pas du tout remarqué. Au moins, elle allait bien, mais à quel prix ? Elle aurait pu aller nettement mieux avec son frère si les deux chatons étaient restés au camp. C'était évident. Et voilà que Petite Emeraude déboula près du guerrier roux, mais Douce Orchidée écouta à peine ses paroles. Elle ne tenait plus en place. Elle devait sortir toute cette colère qui se concentrait en elle.

« Mais comment tu as pu les emmener dehors ?! Avec tout ce qui se passe, avec ces chats de la lune, avec tous ce que le clan du Tonnerre a fait ? Tu pensais quoi ? Que les problèmes étaient réglés ? Que les chatons ne risquaient plus rien en dehors du clan ?! Espèce d'imbécile ! » grogna-t-elle envers le guerrier qu'elle détestait tant. « Depuis quand les chatons peuvent aller dehors ? Hein ?! Qui t'a dit de les sortir ? Toi ? Voilà ce qu'il se passe quand on ne fait pas gaffe ! »

Son regard passait de Matin Embrasé à Petite Hyène, et de Petite Hyène à matin Embrasé.  C'était horrible, et voilà qu'encore maintenent, elle était incapable de faire quoi que ce soit pour arranger les choses. Elle ne pouvait rien faire pour ramener Petit Blaireau au camp.

« Tout est de ta faute ! La prochaine fois que je te vois t'approcher d'un des chatons, je ne sais pas ce que je te fais. T'as intérêt à ce qu'on retrouve Petit Blaireau, vraiment.» miaula-t-elle de sa voix glaçante, avant de tourner les talons pour repartir s'asseoir un peu plus loin, tentant de se calmer avant de laisser couler quelques larmes sur ses joues.

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Le temps commençait à s'adoucir, l'hiver touchait à sa fin. Petite Edelweiss observait l'eau dégouliner doucement des toitures, résulta incontestable de la fonte des dernières neiges. Des gouttelettes se rejoignaient par endroits, formant un sillon qui ne parcourait que quelques centimètres seulement avant de s'égoutter de nouveau. Sploch … sploch … L'edelweiss posa sa patte dans une flaque naissante et un frisson lui remonta le long de l'échine. C'était froid, si froid qu'elle se demandait si sa patte n'y resterait pas gelée, dans le cas où elle la laisserait là trop longtemps. La remuant avec énergie pour extraire l'eau imprégnée dans son poil, elle releva la tête, interpellée par un remue-ménage soudain à l'entrée du campement ; des chats se dirigeaient en courant vers la tanière de son grand-frère, Nuage du Ruisseau. Pourquoi diable … Cherchant à satisfaire une curiosité naturelle, la petite chatte blanche tachetée se précipita dans les pattes de ses aînés, forçant le passage autant que son petit gabarit le lui permettait, en donnant de grands coups d'épaules. Elle se sentait aventurière, en cherchant ainsi à se frayer un passage, mais rien ne l'avait préparée à voir un tel et triste spectacle ; sa sœur, Petite Hyène, fragile et innocente, était couchée sur le flanc, inerte.

Petite Edelweiss fit un bond en avant, sans même prendre gare aux autres félins qui se trouvaient là. Elle se coucha aux côtés de la noiraude, enfouissant son museau blanc dans le poil de celle-ci. Était-elle blessée ? Ou pire encore … La chatonne ferma les yeux très fort, comme pour tenter de chasser les mauvaises pensées de son esprit. Les explications affolées de Matin Embrasé, le guerrier qui l'avait ramenée ainsi, firent frémir la petite de plus belle. Son frère avait été enlevé par les horribles Lupart pod, les même qui avaient attaqués sans remords le camp aux côtés du Tonnerre. Qu'allaient-lui faire ? Sa vie était sûrement plus en danger encore que les chatons kidnappés par le clan voisin … Petite Edelweiss paniquait, inquiète à l'idée de ne plus jamais revoir étouffait, et des larmes lui montaient aux yeux. Heureusement, Nuage du Ruisseau lui mit un rien de baume au cœur en constatant que Petite Hyène n'avait au final rien de bien grave.

Mais un autre chaton avait rejoint l'antre, et personne de moins que l'insupportable Petite Émeraude ; toujours occupée à brailler dans le camp et tenter de captiver l'attention des gens, et surtout, le pire du point de vue de Petite Edelweiss, une abominable donneuse d'ordres. D'ailleurs, la voilà qui recommençait à geindre, se plaçant du coté de la victime, comme si la disparition de Petite Blaireau pouvait la toucher plus que n'importe qui. Pourtant, Petite Edelweiss était la sœur du noir et blanc. Et elle, elle n'avait rien dit, quand la bonne moitié des enfants cailloux s'était fait enlevés. En effet, c'était à peine si on lui avait demandé si elle allait bien, si Petite Ambroisie et Petite Nuit ne lui manquait pas trop. Toute l'attention était en permanence tournée vers Petite Émeraude, encore et toujours. Tout ça simplement parce qu'elle était fille de chef, que sa mère était morte, et qu'elle passait son temps à hurler sa haine et sa soif de vengeance. Même Eau Turquoise, qui n'était pas même sa mère, s'occupait parfois plus d'elle que de ses enfants.

— TAIS-TOI ! C'EST MÊME PAS TON FRÈRE EN PLUS ! Et puis si ça se trouve il a peur et il est tout seul, et toi en plus t'es qu'une fugueuse donc tais-toi, et puis d'abord tu m'énerves …

Elle pleurait, maintenant. Elle pleurait ce qu'elle avait sur le cœur, la tristesse de la vie et l'énervement. Au fond d'elle, Petite Edelweiss sentait qu'elle n'était pas loin de sauter sur l'autre femelle pour lui faire ravaler son entrain.

C'était un des rares moments que je passais au camp. Je passais la plupart de mes journées à chasser et entraîner Nuage de Lynx, plus la patrouille occasionnelle, alors les moments de repos étaient les bienvenus... Je passais un de mes rares moments tranquilles lorsque j'entendis du bruit venir de l'antre de Nuage des Ruisseaux. Ça n'avait pas l'air tout à fait normal. Bon, bah du coup tant pis pour le repos ! Ce sera pour une autre fois. Je me levai et me dirigeai vers l'antre du guérisseur à vive allure. De loin j'apercevais Matin Embrasé, et Nuage des Ruisseaux penché sur une petite boule de poils. Petite Hyène ! Qu'est-ce qui avait pu se passer ? J'accélérai encore le pas, et j'atteins les lieux juste à temps pour entendre Douce Orchidée déverser toute sa rage sur Matin Embrasé.

"Mais comment tu as pu les emmener dehors ?! Avec tout ce qui se passe, avec ces chats de la lune, avec tous ce que le clan du Tonnerre a fait ? Tu pensais quoi ? Que les problèmes étaient réglés ? Que les chatons ne risquaient plus rien en dehors du clan ?! Espèce d'imbécile ! Depuis quand les chatons peuvent aller dehors ? Hein ?! Qui t'a dit de les sortir ? Toi ? Voilà ce qu'il se passe quand on ne fait pas gaffe ! Tout est de ta faute ! La prochaine fois que je te vois t'approcher d'un des chatons, je ne sais pas ce que je te fais. T'as intérêt à ce qu'on retrouve Petit Blaireau, vraiment."

Il avait sorti des chatons du camp ?! En une période si tendue, avec la double menace du Clan du Tonnerre et des Lunar qui pesait sur nous ?! Stupide ! Irresponsable ! Je ne manquais pas de mots pour le décrire, mais ça deviendrait insultant. D'un autre côté, dire tout ça à voix haute ne servait pas à grand chose. Ce n'est pas en empilant le blâme sur Matin Embrasé les uns après les autres qu'on allait résoudre le problème, qu'on allait pouvoir retrouver les chatons enlevés. Deux chatons se disputaient aussi en parallèle, mais je ne pouvais pas y faire grand chose. Une fois de plus, je devais essayer de gérer une situation qui opposait mon oncle Matin Embrasé, et la lieutenante Douce Orchidée. C'était pas une super position. Comment aider simultanément deux personnes qui mouraient d'envie de se frapper l'une l'autre ? Au risque de m'attirer la colère de certains - puisque peu à peu, les chats du Clan s'approchaient pour voir la scène - je dis à voix haute, pour être sûr qu'un bon nombre d'entre eux m'entendent :

"Lâchez-le un instant ! Ça ne sert à rien de s'acharner sur lui. Ok, c'était stupide, pas besoin de lui répéter mille fois. 'Faut essayer de rester un minimum unis..." Si vous en êtes capables, faillis-je ajouter. Par moments, j'avais l'impression que le Clan était prêt à éclater sous la pression. Je ne voulais pas que ça arrive, mais comment faire pour convaincre les autres de garder la tête froide ? Dans l'instant, pas de solution.

Matin Embrasé ne dit rien pour sa défense. Et honnêtement, c'était un bon choix. Après ce qu'il avait fait, rien de ce qu'il aurait pu dire n'aurait arrangé la situation, au contraire. Douce Orchidée partir s'asseoir un peu plus loin, et je la remerciai silencieusement pour cela. Je faillis m'approcher du rouquin pour lui demander de s'écarter un peu, mais il le fit de lui-même. De mon point de vue, mieux valait qu'il s'écarte d'un peu tout le monde pour le moment. Je reportai à nouveau mon attention vers la lieutenante, visiblement en pleine détresse. Je savais à quel point la première attaque et les premiers enlèvements l'avaient atteinte. Cet évènement n'arrangerait pas les choses, c'est sûr. J'allai m'asseoir lentement à côté d'elle, gardant le silence pour l'instant. Dans sa colère, rien de ce que je dirais ne pourrait l'aider. Alors au moins, j'étais là. J'espérais simplement qu'elle n'oublierait pas qu'elle pouvait compter sur moi.

Se rendre à la rivière pêcher était toujours une tache des plus... délicates. Ce lieu était imprégné de souvenirs, de sang, de peur, de pleurs. Mais il fallait passer au dessus, désormais. Aigue-Marine n'était plus là après tout. Plus là pour sourire. Plus là pour souffrir.
L'oeil ambré fixé sur le lit d'eau, Étoile de Pierre attendait son heure de gloire. Bientôt, cette truite serait à lui. Il n'aurait plus qu'à la lancer sur la berge d'un puissant coup de patte et...
Mais les blessures des précédents combats n'avaient pas encore terminé de guérir, et le muscle de celle-ci s'enflamma soudainement. Trop long, le poisson prit la fuite, et le meneur poussa un grognement de rage. Décidément, ce ne serait pas lui qui ferait grossir le tas de gibier aujourd'hui.
Sur cette défaite, il décida de rentrer au camp. Inutile d'aggraver ses plaies en s'acharnant pour rien.

La tête levée, les oreilles droites, Étoile de Pierre appréciait le calme et l'air frais du printemps. Il y avait cependant quelque chose de... différent. Beaucoup trop de chats se tenaient dans la tanière du guérisseur, et l'agitation semblait à son comble. Ni une ni deux, il se précipita à l'intérieur, se frayant un chemin au milieu des félins.
Sans un bruit, il se contenta d'écouter. Petite Hyène à priori inconsciente, Petit Blaireau manquant... le regard de Matin Embrasé, le coeur battant d'Eau Turquoise, toutes ces choses étaient suffisantes pour mettre des mots sur la situation. Mais comment des chatons avaient-ils bien pu sortir du camp?

- Douce Orchidée, envoie une patrouille là où l'enlèvement a eu lieu. Dis leur de suivre les traces de Petit Blaireau jusqu'à la frontière. MAINTENANT. Nuage des Ruisseaux, as-tu besoin d'envoyer des guerriers chercher des plantes? Quand à toi...

Malgré son oeil unique d'une chaude couleur ambrée, son regard était froid et traduisait ses pensées: rien de bon n'attendait le guerrier. Mais son sort ne serait pas décidé maintenant. Il y avait plus important à faire.

- Petite Émeraude, pourquoi tu n'emmènerais pas Petite Edelweiss dehors avec toi, lui montrer comme tu te bas bien? On aura besoin d'apprentis forts pour récupérer vos frères et soeurs, et crois que notre guérisseur aurait plus besoin d'espace que de l'aide de chatons. Et que je ne vous surprenne pas à sortir du camp, ou les corvées vous attendent! La petite va bien, Nuage des Ruisseaux?