[LP] Pleurs enragés (libre) - END

L'attroupement dans la tanière du guérisseur se fit bientôt très dense et Petite Émeraude, si petite à côté des guerriers qui s'amassaient, se trouva bientôt perdue au milieu d'une forêt de pattes et de queues qui lui barrèrent la vue. Elle ne put qu'écouter ce qui se disait. Ci et là, Douce Orchidée sermonnait le coupable, Nuage des Ruisseaux rassurait sur l'état de Petite Hyène, Petite Édelweiss s'énervait contre Petite Émeraude... Hein ?
TAIS-TOI ! C'EST MÊME PAS TON FRÈRE EN PLUS ! Et puis si ça se trouve il a peur et il est tout seul, et toi en plus t'es qu'une fugueuse donc tais-toi, et puis d'abord tu m'énerves… avait lancé la jeune chatonne au poil immaculé, l'air apparemment agacé par l'attitude de Petite Émeraude. Celle-ci mit un certain temps à se frayer un chemin vers celle qui l'agressait mais finit par y parvenir. Elle affichait un air courroucé quand elle s'apprêta à lui répondre. Depuis quand était-on obligé d'être de la même famille pour s'inquiéter ?

« Toi, tu perds rien pour attendre, sale petite... » commença-t-elle, quand l'arrivée du meneur, Étoile de Pierre, la coupa dans son élan : c'était son père, et l'instinct lui soufflait qu'insulter l'une de ses camarades devant lui n'était pas une bonne idée.

Petite Émeraude, pourquoi tu n'emmènerais pas Petite Edelweiss dehors avec toi, lui montrer comme tu te bats bien? L'interpelée afficha un sourire narquois et se tourna vers Petite Edelweiss. Elle avait l'autorisation de lui sauter sur le poil pour se défouler ! Que demander d'autre ? On aura besoin d'apprentis forts pour récupérer vos frères et sœurs, et crois que notre guérisseur aurait plus besoin d'espace que de l'aide de chatons. Et que je ne vous surprenne pas à sortir du camp, ou les corvées vous attendent ! Ça avait pourtant bien commencé, mais la fin de la tirade de son père déplut fortement à Petite Émeraude. La sécurité, toujours la sécurité... Mais à ce moment-là, la rouquine n'avait qu'une idée en tête : sortir du camp avec la patrouille pour aller sur les traces de Petit Blaireau et le sauver ! Enfin, non, la vérité était qu'elle avait deux idées en tête : la deuxième, c'était de se battre avec Petite Edelweiss pour lui apprendre à se taire.
Elle poussa cette dernière vers la sortie de la tanière, souhaitant l'entraîner dans ce combat coûte que coûte. Un combat autant physique que verbal.

« Je suis ptêt pas sa vraie sœur, mais Museau Bleu a dit que je pourrais me marier avec lui, alors fais pas ta maline, toi tu seras jamais mariée avec lui, nah ! » lui souffla-t-elle en se dirigeant vers la sortie de la tanière de Nuage des Ruisseaux.



Hors RP:

Spoiler:

Le guerrier roux sembla soulagé et voyant son air malheureux, je n'ajoutai rien. Pas la peine de l'accabler plus, je voyais bien qu'il se sentait assez mal comme ça. J'ai déjà assez de boulot pour ne pas me rajouter une déprime en plus. À peine ai je pensé ça qu'une boule de poils rousse débarque dans mon Antre et je réprime un soupir. Petite Émeraude. Une boule d'énergie qui vident les autres de la leur... Elle commence à incendier le matou roux jusqu'à ce que notre Lieutenante, Douce Orchidée arrive, avec son lot de reproches. J'ai bien fait de ne rien dire, les autres s'en chargent très bien tous seuls. Le matou sortit dehors et une autre boule de poils et d'énergie débarqua dans mon Antre... C'est censé être un lieu de tranquillité ici... Et voilà qu'Edelweiss se met à se disputer avec l'autre chatonne... Je soupire. Puis la voix de notre Meneur surgit et me fait quasiment sursauter. Je suis un peu à cran ces derniers temps... Etoile de Pierre prend tout en patte et lance une patrouille, à la recherche de mon frère avant de me demander si j'ai besoin qu'on envoie des Guerriers en quête de plantes. Je le regarde un instant, en réfléchissant avant de refuser l'offre. Avec cette patrouille qui part le camp est vulnérable et aura besoin de Guerriers. De plus ma petite soeur n'a besoin de rien d'autre que de repos et de tranquillité. Au moins il a envoyé Emeraude et Edelweiss dehors. Je m'inquiète un instant pour ma petite soeur vu l'air qu'avait Emeraude. Je soupire encore, espérant qu'elles ne se blessent pas... Je n'ai pas besoin de ça.

"Non merci Etoile de Pierre. Petite Hyène n'a rien de grave et ej n'ai besoin de rien immédiatement à part du repos. Peut-être plus tard, quand la Patrouille sera rentrée."

Quelqu'un débarque soudainement dans mon Antre. Je suis sur le point de lancer fraichement que mon Antre n'est pas un lieu de course quand je remarque l'identité du félin. Eau Turquoise. Je m'approche d'elle doucement, m'inquiétant de la panique et l'angoisse qui se lisent dans le regard affolé de la Reine. Elle prend alors la parole, aussi fort qu'un murmure, aussi désespéré qu'un poisson entre nos pattes, ses yeux où pointent des larmes qui ne tardent pas à couler. Je m'approche encore et me frotte à elle, ronronnant pour la rassurer.

"Ne t'inquiète pas Maman, Petite Hyène va bien. Elle a juste besoin de se reposer, elle n'a rien."

Puis je la regarde à nouveau avant de soupirer et d'aller chercher une petite racine à l'arrière, bien nettoyée. Je la lui tends.

"Toi, tu as besoin de repos, mâche cette racine tout de suite. Et ce n'est pas discutable, ordre de ton Soigneur!"

Je jette un coup d'oeil à Etoile de Pierre, espérant qu'il ne dira rien pour contrer cette prise de remède. Elle a besoin de repos. Depuis l'enlèvement de nos chatons, lors de la bataille contre le Tonnerre. Je m'adresse alors à notre Chef

"Pourras-tu demander à quelqu'un de surveiller les chatons pendant qu'Eau Turquoise se repose? J'aimerais qu'elle reste ici, au calme, elle a besoin de repos. Peut-être Ecaille d'Or ou Jolie Abeille?"

Assise non loin de la scène, elle était aux premières loges. Les larmes séchaient doucement sur ces joues, tandis qu'elle ne cessait de remuer ses griffes dans la terre. Douce Orchidée n'en revenait toujours pas. Petit Blaireau, un chaton toujours de bonne humeur venait d'être kidnappé et allait rejoindre Petit Quartz et les autres déjà pris entre les filets de ces chats de la lune et du clan du Tonnerre. Tout le monde semblait offusqué, mais personne ne bougeait son cul. Et Douce Orchidée faisait partie de ces personnes qui, pour le moment, ne faisaient absolument rien pour aller sauver ces pauvres chatons. Elle se sentait misérable de ne rien pouvoir faire face à cette situation, et surtout elle était encore plus énervée contre elle-même que contre Matin Embrasé. Certes, elle était déjà suffisamment en colère contre le rouquin et si elle en avait eu la force, elle l'aurait déjà frappé depuis longtemps. Mais elle était surtout en colère contre elle, en colère de ne pas avoir vu cet imbécile sortir Petite Hyène et Petit Blaireau du camp. Elle aurait dû être là au moment où les deux chatons ont quitté le clan pour pouvoir les en empêcher et par la même occasion, engueuler Matin Embrasé. Mais elle n'était pas là lorsque cela s'est passé, et maintenant Petite Hyène était dans un sale état et Petit Blaireau manquait maintenant à l'appel. Et à part elle, personne n'avait vraiment gueulé sur le responsable. C'est limite si c'était mal de l'engueuler pour ce qu'il venait de faire. On devait presque le soutenir dans cette épreuve. Et Eau Turquoise ? Quelqu'un avait pensé à la soutenir, elle ?

Les paroles fusèrent, Brasier Glacial prit la défense de son oncle. Presque compréhensible. Presque. Mais non, cela ne devait pas l'être. Encore une fois, Matin Embrasé s'en sortait trop bien pour ses actes. La rage au ventre, la lieutenante fixait le rouquin de ses yeux verts, jusqu'à ce que son neveu la rejoigne. Qu'est-ce qu'il voulait ? L'engueuler parce qu'elle avait hurlé sur son oncle, alors qu'il avait juste fait sortir des chatons du clan avec les événements ? La scène était grotesque. Maintenant, ce fut au tour d'Eau Turquoise d'entrer en scène. A ce moment, Douce Orchidée baissa la tête, n'osant pas regarder le visage de la mère du petit Blaireau. Elle ne voulait pas voir l'expression qui allait se dessiner sur son visage. Elle se mettait à sa place, ce devait être horrible. Elle demanda si tout allait bien à Matin Embrasé. Oui, tout va bien, il fait beau et ton fils s'est fait kidnapper par sa faute, mais personne ne lui dit rien. A part elle, et une chatonne bien sûr. Qu'allait dire Etoile de Pierre, qui était là depuis quelques minutes et qui n'avait encore rien dit.

« Douce Orchidée, envoie une patrouille là où l'enlèvement a eu lieu. Dis leur de suivre les traces de Petit Blaireau jusqu'à la frontière. MAINTENANT. Nuage des Ruisseaux, as-tu besoin d'envoyer des guerriers chercher des plantes? Quand à toi... »

Le chef ordonna quelque chose à Petite Émeraude, mais la lieutenante ne l'écoutait déjà plus. Elle s'était relevée en vitesse, toisant tous les membres que se tenaient là devant elle.

« Quant à moi... Je crois que je sais mieux que quiconque par où ils sont partis. »

Elle se retourna violemment vers le rouquin, son visage trahissant sa fureur et sa colère. Un mot de plus de cette enflure et elle allait lui sauter dessus.

« J'imagine, vu que tu les as laissés partir avec Petit Blaireau. » gronda-t-elle. « Brasier Glacial, Jolie Abeille et .. toi, avec moi. Et grouillez-vous. »

Elle fonça vers la sortie sans attendre ses camarades.

HRP:

Jolie Abeille rentrait calmement d’une petite promenade, étendue, prête à aller faire une petite visite à tous ses frères et sœurs, ainsi qu’aux petits d’Aigue-Marine. Elle aimait bien s’occuper d’eux, et atténuer la charge de sa mère par la même occasion, joignant ainsi l’utile à l’agréable. Ses projets furent cependant vite bouleversés lorsqu’elle vit l’attroupement autour de la tanière deNuage des Ruisseaux. Elle s’approcha, mais n’arriva pas à fendre la masse pour voir ce qu’il se passait. Cependant les murmures des chats lui apprirent la situation. Matin Embrasé avait sorti Petite Hyène et petit Blaireau et ne revenait qu’avec la femelle, inconsciente mais bien portante, le mâle étant maintenant entre les griffes des Lunar Pods.

L’horreur et l’angoisse la saisissait. Son frère. Prisonnier de ses affreux chats. Comment allait-il ? Qu’avait fait le clan de la Rivière au clan des Etoiles pour qu’il y ait deux enlèvements ? Si elle avait eu des nouvelles des chatons retenus par le clan du Tonnerre, grâce à Raton Laveur, elle ne pouvait qu’imaginer le pire pour celui retenus par ses fanatiques de la Lune.

Elle entendit Petite Emeraude demandait comme cela se faisait, Douce Orchidée engueulait Matin Embrasé. Mais elle n’écoutait pas, seule dans sa bulle d’inquiétude et d’angoisse. Elle ne savait que penser de l’action de guerrier car elle n’y réfléchissait pas. Comment aller réagir sa mère, les autres chatons ? Le roux s’en allait, tête basse, vers la pouponnière, prévenir Eau Turquoise. La bicolore voulut partir la rejoindre pour l’épauler, du mieux qu’elle pouvait.

— TAIS-TOI ! C'EST MÊME PAS TON FRÈRE EN PLUS ! Et puis si ça se trouve il a peur et il est tout seul, et toi en plus t'es qu'une fugueuse donc tais-toi, et puis d'abord tu m'énerves …

Elle renonça bien vite à l’idée en voyant de loin les larmes de sa sœur. Elle devait être là. Pour elle. C’était elle son ainée. Elle voulut s’immiscer dans la foule mais n’y arriva pas. Au loin, entendit, Brasier Glacier prônait l’union. Tout allait trop vite, elle ne comprenait plus rien. Etoile de Pierre arriva, donna des consignes à la lieutenante ainsi qu’à sa fille. Petite Emeraude entraina Petite Edelweiss hors de la foule, en lui disant que Museau Bleu lui avait raconté qu’elle pourrait se fiancer à Petit Blaireau.

Eau Turquoise était détruite, s’en voulait, Jolie Abeille voulut la rejoindre mais décida de la laisser au bon soin de son frère. Elle fut appelée par Douce Orchidée pour faire partie de la patrouille. Non… Non, elle devait rester, veiller sur sa fratrie, et plus particulièrement sur Petit Edelweiss à ce moment-là. Malheureusement, la lieutenante était déjà partie, aucun moyen d’expliquer cela.

Elle vit un chat de son clan, près de la et se précipita vers lui, paniquée :

« S’il te plait… je dois rester… tu peux aller à cette patrouille à ma place ? Je dois rester… Merci… et… et désolée ! »

Il ne savait même plus à qui elle parlait et rejoignit les deux chatonnes qui n’allaient pas tarder à se sauter dessus. Elle s’interposa :

« Vous deux , arrêtez ! Petit Blaireau vous aime toutes les deux, il n’aimerait pas vous voir vous disputer ! »

Elle entoura sa sœur de sa queue, et fit un sourire à Petite Emeraude. Elle savait cependant que celle qui avait le plus besoin d’elle était entre ses pattes. Elle saisit Petite Edelweiss entre ses crocs et l’emmena à l’écart de la foule. Une discussion s’imposait.

HRP:

La saison froide était toujours considérée comme la plus difficile à vivre, à cause des proies qui devenaient plus rares, entrainant parfois des conflits entre les Clans - l’attaque par les guerriers du Tonnerre et les Lunar Pods n’ayant pas aidé. Mais Museau Bleu avait toujours eu foi en ses camarades, et en la vie : la vétérane les savait forts, assez forts, tous ensemble, pour se relever et continuer à vivre. Malgré la douleur de l’enlèvement de certains petits, qui avait semé la détresse dans les cœurs et l’émotion dans les regards, malgré les blessures et la trahison d’Etoile de Pierre, malgré la mort par le passé de ses frères et sœurs, d’Etoile du Corbeau, également, la guerrière à la pelisse de sable et d’écume était toujours restée droite, fière, trouvant toujours le courage de continuer, de ne pas s’effondrer totalement, de ne pas abandonner. La saison froide était toujours considérée comme la plus difficile à vivre, mais malgré tout, Museau Bleu avait toujours gardé espoir. La guerrière, quoique préoccupée, servait de son mieux son Clan, en attendant que les choses s’arrangent, qu’ils puissent récupérer les petits enlevés par le Tonnerre, conservant sa confiance en ses proches et aux étoiles.
Mais ce jour-là était différent. Elle le sut immédiatement.
Elle le sut en voyant Matin Embrasé rentrer au camp, tenant Petite Hyène par la peau du cou, inconsciente, le mâle roux tremblant et si loin de tous qu’il ne semblait entendre personne. Elle le sut en voyant Nuage des Ruisseaux vérifier l’état de sa sœur, et la foule se presser à l’entrer de l’antre du guérisseur, les fourrures se mêlant – et la sienne rejoignant ce tableau étrange peint par l’inquiétude. Elle le sut en voyant le matou baisser la tête, comme s’il allait pleurer. Elle le sut en entendant ce qu’il disait. Puis le monde sembla s’effondrer autour d’elle. Elle n’entendait plus qu’à peine les voix de ses camarades s’entrecroiser autour d’elle. Elle aurait voulu pleurer, mais personne n’aurait compris. Alors, tandis que ses yeux verts s’embrumaient peu à peu, elle serra les dents, retenant les pièces brisées de son cœur pour ne pas tomber. Et dans sa tête, les mots de Matin Embrasé, son ami, se répétaient, danse infernale, tandis que la tempête faisait rage en elle.

« Je n'ai rien pu faire. Je leur ai dit de fuir mais un complice les attendait déjà. Il a menacé de tuer Petit Blaireau. Ils sont partis avec son frère. Et ils l'ont laissée, elle. Comme ça. Je sais pas comment ils ont su... Je voulais juste que... qu'ils sortent.... un peu... »

L’imprudence du guerrier leur coûtait, mais Museau Bleu n’avait ni la force ni l’envie de lui faire des reproches – il s’en voulait déjà assez, et tout le monde s’en chargeait déjà suffisamment. A commencer par Petite Emeraude, qui se fit reprendre par Petite Edelweiss, et… Douce Orchidée.

« Mais comment tu as pu les emmener dehors ?! Avec tout ce qui se passe, avec ces chats de la lune, avec tous ce que le clan du Tonnerre a fait ? Tu pensais quoi ? Que les problèmes étaient réglés ? Que les chatons ne risquaient plus rien en dehors du clan ?! Espèce d'imbécile ! » grogna-t-elle envers le guerrier qu'elle détestait tant. « Depuis quand les chatons peuvent aller dehors ? Hein ?! Qui t'a dit de les sortir ? Toi ? Voilà ce qu'il se passe quand on ne fait pas gaffe ! »

Et cette fois, il n’y avait rien à répondre. Absolument rien. La lieutenante avait raison, sur toute la ligne. Elle pleurait. Matin Embrasé pleurait. Petite Edelweiss pleurait. Et Museau Bleu, sentant les premières larmes rouler sur son visage, sortit de la tanière du guérisseur sur les pas du félin à la pelisse de flammes, pour que personne d’autre ne soit témoin de sa détresse. Brasier Glacial avait pris la défense du roux, et la vétérane aux yeux d’eau en était reconnaissante : sa voix à elle ne lui obéissait plus.
Comme il le devait, Matin Embrasé annonça la nouvelle de la disparition à Eau Turquoise, ignorant qu’à quelques pas, la véritable mère de Petit Blaireau tentait de faire cesser ses sanglots silencieux. Museau Bleu vit la jolie reine s’effondrer de panique, tandis que tout le Clan devenait un mélange de paniques individuelles et de chaos collectif indistinct, la voix de leur meneur lançant des ordres – au moins, face à cette catastrophe, la jeune lieutenante ne serait pas seule. Quand enfin sa vision se précisa, n’étant plus brouillée de larmes, elle entendit Douce Orchidée ordonner une patrouille, et un éclair de fourrure neigeuse se précipiter hors du camp. Tout allait vite. Trop vite. Et la demande de Jolie Abeille, paniquée. Et la réponse que l’aînée aux prunelles de jade lui donna, sans hésiter.

« S’il te plait… je dois rester… tu peux aller à cette patrouille à ma place ? Je dois rester… Merci… et… et désolée ! »
« Bien sûr, je comprends ne t’inquiète pas. »

Avant de s’en aller, Museau Bleu s’attarda quelques secondes auprès des petites que Jolie Abeille venait de rejoindre pour les séparer. C’était vrai, Petit Blaireau les aimait toutes deux, Petite Emeraude et Petit Edelweiss. Elle fit un sourire réconfortant à Petit Edelweiss avant que sa grande sœur ne l’entraîne à l’écart, un câlin doux et léger comme une plume à Petite Emeraude, désolée que celle-ci souffre à nouveau. Puis elle sortit du camp, pour tenter de retrouver son fils.

Elle était loin. Loin de la réalité. Pour le moment, loin de l'agitation qui secouait le camp. Pourtant, dès qu'elle ouvrirait les yeux, plus rien n'irait. Mais elle n'en avait pas encore conscience. Pour le moment, elle flottait dans l'obscurité. Elle n'avait pas conscience que le nid de mousse sur lequel elle reposait n'était pas celui de sa litière habituelle. Que quand elle ouvrirait le yeux, elle ne tomberait pas sur les pupilles rieuses de Petit Blaireau. Non. Elle était loin, bien loin de tout ça. De toutes ces préoccupations qui la rattraperaient dès qu'elle tirera ce rideau de brouillard qui l'entourait.

Elle était plongé dans un rêve. Rien de bien particulier. Du même genre que ceux qu'elle faisait lorsqu'il était temps de dormir. Un songe peuplé de plantes médicinales se déroulant dans un monde où elle pourrait se sentir utile. Où elle n'aurait pas à se préoccuper du fait d'être une bonne chasseuse ou une bonne combattante. Un monde parfait à ses yeux. Pourtant, des nuages noirs venaient d'apparaître dans le ciel jusque là d'un bleu uni. Elle pouvait voir sa maman pleurer. Et tous ses frères et soeurs aussi. Même sa famille adoptive. Petite Emeraude était là aussi. Ils la regardaient et ils avaient les yeux remplis de larmes. Elle ne comprenait pas. Pourquoi toute sa famille pleurait ? Elle se tourna pour voir Petit Blaireau qui pleurait également. « C'est de ta faute ! » Pourquoi ? Oh non... Qu'est-ce qu'elle avait fait ? Elle ne le voulait pas... Ca ne devait pas arriver..

Elle ouvrit les yeux sur la réalité. De grosses gouttes d'eau tombant de ses yeux bleus. Qu'avait-elle fait ? Rien. Justement elle n'avait rien fait. Elle n'avait même pas été capable de venir en aide à Petit Blaireau alors que lui avait été courageux. C'était de sa faute... De sa faute. Rien que de sa faute. Son petit corps sombre s'agitait sous la violence de soubresauts. Elle tremblait et ne pouvait rien faire contre.

— C'est de ma faute... c'est de ma faute... P-Petit Blaireau.. Ma faute..

Oh non... Comment allait-elle pouvoir retourner dormir près d'Eau Turquoise et de ses autres frères et soeurs tout en sachant qu'à cause d'elle Petit Blaireau ne serait pas avec eux ? Alors que certains avaient déjà disparu, enlevé par le clan de la Rivière, voilà qu'elle arrachait un autre membre à sa famille... C'était un monstre. Voilà ce qu'elle devait être. Un monstre..

Maintenant qu'elle affichait ses sentiments aux yeux de tout le monde, Petite Édelweiss se sentait vulnérable. Alors qu'elle tentait toujours de s'imposer comme forte physiquement, elle s'écroulait à présent sur le plan moral, se décrédibilisant en partie par la même occasion. La tachetée baissa la tête vers Petite Hyène toujours assommée, une larme s'écrasant dans les longs poils sombres de celle-ci. Oh, après tout c'était ses frères et sœurs, elle avait bien le droit de pleurer … non ?

En face, la rouquine tentait de se frayer un chemin jusqu'à elle, un air mauvais placardé sur le visage. Petite Édelweiss la regardait se débattre pour avancer, une pointe de dédain dans les yeux. Si l'autre s'énervait et braillait trop au goût de la femelle aux yeux bleus, elle la mettrait vite au tapis grâce à une géniale technique de combat qu'on lui avait vaguement apprise. Et d'ailleurs Petite Émeraude commençait à cracher son venin, murmurant à peine un commencement d'insulte. Sale petite quoi, hein ?, pensa ironiquement la chatonne en jetant un regard hautement méprisant à sa "rivale". Les larmes étaient taries depuis un petit moment déjà, et seule l'envie d'en découdre avec la rouquine lui occupait maintenant l'esprit. Et justement, Étoile de Pierre leur facilita la tâche.

— Petite Émeraude, pourquoi tu n'emmènerais pas Petite Édelweiss dehors avec toi, lui montrer comme tu te bats bien ?

Si elle ne prêta nulle attention au visage insupportable de la peste rousse, Petite Édelweiss se vexa des paroles du chef. C'était elle qui allait lui faire mordre la poussière et montrer à tout le monde comme elle était forte, certainement pas l'inverse ! Tout le monde l'oubliait, la sous-estimait et voulait pire encore la commander. Grinçant des dents, elle envoya un regard noir au chef, la haine et la colère lui opprimant le cœur. Alors que Petite Émeraude tentait de la pousser vers la sortie, Petite Édelweiss lui décrocha un grand coup d'épaule avant de continuer par elle-même.

— Je suis ptêt pas sa vraie sœur, mais Museau Bleu a dit que je pourrais me marier avec lui, alors fais pas ta maline, toi tu seras jamais mariée avec lui, nah !

— Le mariage c'est dégeu ! En plus, tu feras que t'occuper de bébés qui crient alors que moi je serais une grande guerrière. Et tu sais même pas si Blaireau il veut se marier avec toi !

En réalité, elle ne voyait pas son frère marié avec quiconque. Non, elle le voyait plutôt avec une éternelle mentalité de chaton, plutôt stupide sur les bords (et même au centre) mais néanmoins drôle et agréable à vivre. Pourtant, s'il finissait bel et bien marié, la probabilité pour qu'il soit avec Petite Émeraude était peut-être bien supérieure à toute autre. Petite Édelweiss cracha en direction de la rouquine ; hors de question qu'elle lui avoue une chose pareille.

Comme la situation s'envenimait un peu plus à chaque geste ou parole qu'avait chacune des deux chatonnes, une guerrière à l'odeur bien connue de la tachetée s'interposa. Petite Edelweiss leva un regard noir en direction de sa sœur aînée, Jolie Abeille, agacée à l'idée de ne pas pouvoir mettre une correction bien méritée à la démone rousse. Mais en rencontrant le visage hautement inquiet de la noire et blanche, la femelle blanche changea tout à fait d'expression, son corps abandonnant toute trace d'animosité. Quand son aînée la souleva pour l'entraîner à l'écart des autres, Petite Edelweiss se laissa manipuler, jetant un dernier regard assassin à celle contre qui elle avait bien failli avoir sa première vraie bagarre.

HRP: