[LP] C'est mou, tout ça ! (avec Champ de Bleuets) - abandon

Bleuet sent le vent qui vient lécher la pointe de ses oreilles. Ces dernières frémissent d'excitation rien qu'en pensant à la journée qui l'attend. Il a l'impression que le temps s'est dégagé aujourd'hui. Il n'y a plus un nuage à l'horizon au dessus de la steppe qu'il affectionne tant et le programme de la journée lui donnerait presque envie de se pourlécher les babines. La veille; avant de quitter l'abri que représentait le camp pour ne plus faire qu'un avec les hautes herbes, Champ de Bleuets avait croisé l'apprenti de Cris des Albatros. Une idée germant dans son esprit, le chat avait marqué une pause dans sa gracieuse démarche avant de jauger le jeune matou puis les autres félins présents dans la clairière. N'y décelant aucune trace de la fameuse guerrière ectoplasmique que Toucan décrivait comme une sangsue des plus collantes, il en avait déduit qu'elle devait probablement être en train de se cacher des caresses du soleil, qui pour elle s'apparentaient plus à de brûlantes morsures chargées de désagrément. Satisfait de son absence, Bleuet avait proposé à l'apprenti une petite virée hors du camp le lendemain. Et c'est désormais en toute quiétude qu'il se hâtait -toujours avec prestance- en direction des hautes landes, lieu de rendez-vous qu'il avait donné la veille au mâle gris-tigré.


_ Bonjour Nuage... nacré ! Alors tu es venu..


Son nom lui revient, juste au bon moment.
Juste assez rapidement pour que l'hésitation
passe inaperçue.


_Tu es ponctuel, c'est appréciable


Lui, le seigneur des mille-et-un mensonges coule un regard sculpté dans un bloc de gentillesse en direction du plus jeune, y glissant alors un soupçon d'inquiétude, comme s'il semblait préoccupé. Il s’écœurerait presque tout seul tellement son jeu d'acteur d'être transcendé au fur et à mesure qu'il l'exerce.


_ Oui, juste tous les deux. ça change peut-être un peu trop des entraînements que notre chef a l'habitude de proposer désormais. cela te gêne-t-il ?


Le guerrier continu de l'observer, cherchant en fait à jauger le potentiel du matou. Va-t-il perdre ses moyens face à cette situation qui lui est nouvelle ? Va-t-il retomber sur ses pattes comme un véritable chat de la forêt ? Est-il à ce point attaché à son binôme d'entrainement au point d'en oublier comment faire les choses quand on se retrouve tout seul ? Au point d'en devenir incapable une fois séparé de son acolyte Nuage de Guépard. Bleuet n'a jusque là pas vraiment eu l'occasion de se faire un place dans la sphère sociale de ce jeune chat, préférant s'immiscer plus profondément dans celles où il se trouvait déjà, comme un poison qui coule dans les veines de chacun. Il ignore donc encore de quelle manière il pense, fonctionne. Et il a bien envie d'en apprendre davantage à son sujet.


_ Si cela te convient, commence donc par me dire ce que tu sens.


Oui, dis-lui, quelles senteurs parviennent à ton nez parmi cette macédoine d'odeurs florales et herbacées plus ou moins subtiles. Dis-lui, si tu sens leur parfum suave ou si celui-ci reste masqué par le fumet moins délicat du clan de rivière que porte le vent jusqu'à-vous. Dis lui, si autre chose vient titiller ta truffe, qu'il sache de quoi tu es capable, qu'il puisse commencer à évaluer ta potentielle utilité et que la curiosité qui filtre à travers ses yeux vert pâle commence à s'assouvir. qu'il puisse enfin se nourrir du moindre
de tes gestes,
de tes mots.

Rien du tout. "Pas de proies", dit-il après avoir risiblement collé son nez contre la terre. Il n'a pas tord, mais reste concentré sur sa faim. Si Bleuet n'avait pas une capacité à se retenir des plus légendaires, il lui aurait sans doute envoyée une remarque cinglante en plein les dents. Mais casser un apprenti ne sert à rien, sauf si l'on est sûr que cet élément ne nous apportera jamais rien. Et le guerrier préfère passer outre cette certitude, il ne jette pas les pions disposés sur son plateau de jeu aussi facilement, surtout quand ils s'avèrent fraîchement acquis. Alors, entre agacement et frustration, il fait en sorte de ne pas lui proposer de lui créer un troisième trou de nez histoire que l'oxygène parvienne correctement à son cerveau et qu'il puisse enfin réfléchir avec autre chose que son estomac. Il agite tout de même la queue, avant de pousser un miaulement amusé.


_ pas de proie en effet, mais il faut voir plus loin que le bout de ton nez jeune chat.


Il marque un arrêt, puis sa voix se fait douce, chaude, rassurante. On se laisserait presque bercé par son léger ronronnement.


_ il n'y a pas que les odeurs de lapins, de souris et j'en passe. ton odorat est un outil qu'il est indispensable d'affûter. il faut l’entraîner chaque jour, chaque seconde puis ça deviendra instinctif. être maître de son environnement est un impératif pour devenir un bon guerrier, et pour cela, tu as besoin certes de tes yeux, de tes oreilles, mais aussi et surtout de ton nez pour voir ce que tu ne peux voir.


Il raconte, explique, précise, se laisse emporter par ses mots, par son devoir d'enseigner, par sa façon d'être toujours sur le qui-vive, d'avoir besoin d'exercer un contrôle constant sur tout ce qui l'entoure. Bleuet n'aime pas les surprises, il a cet obsessionnel besoin d'être paré à toute éventualité, sans jamais être pris au dépourvu alors il en parle sans pour autant le souligner. Il met en garde le jeune chat sur l'atout que peut représenter la moindre connaissance du milieu dans lequel ils vivent. Derrière le moindre buisson, le moindre tronc d'arbre peut se cacher un danger capable de faucher sa misérable vie d'apprenti, voir même celle d'un guerrier aguerri.


_ l'odeur du clan de la rivière ne te parvient pas ?


Il l'interroge avant de souffler sur le pissenlit et de regarder pensivement les petits faisceaux soyeux s'envoler vers d'autres cieux.


_ j'admet qu'elle est plutôt ténue d'ici, mais étant donné que le vent souffle dans notre direction, tu devrais quand même être capable de la discerner. concentre-toi et réessaye. On va se rapprocher un peu.


Il lui fait ensuite signe de le suivre d'un geste de la queue avant de s'aventurer en direction de la frontière ennemie qui n'est pas si loin que ça et se repère aisément rien qu'aux bruits causés par la chute d'eau. Au fur et à mesure que les félins marchent, elle parvient aux oreilles de Bleuet toujours un peu plus fort. et il finit par s'arrêter et se tapir derrière un des rares bosquets que propose la lande. L'odeur d'une proie vient titiller ses narines, il se tapi au sol, prêt à bondir, puis se tourne vers l'apprenti, s'attendant à ce qu'il prenne l'initiative et tente la capture. Cela lui permettrait d'analyser sa position de chasse. Peut-être est-elle plus prometteuse que ce que le jeune chat laisse paraître
pour l'instant.