[LP] Tu voudrais un regard ? ~ Petit Foehn - abandon

Le temps était comme ralenti. Chacun de mes pas étaient fluide, ma course rapide. Pas autant qu’avant certes, mais elle était agréable. Privée de chasse et d’entrainement, refusant de m’éloigner trop longtemps du camp, je m’accordais tout de même cinq petites minutes dehors à courir. Je ne réalisais pas encore ce qu’il venait de se passer. Partagée entre amour et peine et je restais incapable de montrer de l’affection à mes petits. Je les aime, c’est certain, mais je ne peux pas. Je ne suis pas prête et le temps faisait accélérer les choses. D’où le fait que j’appréciais mes simples moments ralentis, lors de mes courses. Le vent me donnait une sensation de liberté. Fermer les yeux me donnait la sensation de voler. Mais il fallait bien rentrer. C’était difficile, j’avais trois merveilleuses petites, mais je suis une incapable. J’étais bien contente que Puissant Guépard passe régulièrement pour leur donner un amour dont elles ont besoin. Mon père était indifférent de ses petits enfants mais mon frère, lui, a tenté de se rapprocher. Les conversations sont toujours tendues, mais… Il semble avoir plus de considération pour moi. Du moins, je ne voyais plus ce regard haineux lorsqu’il posait les yeux sur moi. C’était un bon début non ? Il essayait tous les jours une petite approche envers ses nièces. Je crois qu’il les aime bien. Ça me faisait chaud au cœur, mais tout restait trop difficile. Crocs Nacrés était distant envers moi, ce que je comprends, je n’ai pas été géniale envers lui, après je lui demande juste de venir voir ses enfants, pour qu’elles aient un repère supplémentaire…

Délicate, gracieuse, je rentrais dans le camp sans me faire voir. Ma petite taille y était pour quelque chose faut dire. J’attrape un petit lapin sur le tas de proie et me dirige devant la pouponnière. Je jette un œil à l’intérieur. Patte Venteuse, Petit Alizé, Petit Foehn, elles dorment tranquillement toutes les trois. Elles étaient si mignonnes… Trois petites boules de poils que j’aimais plus que tout. Mais cet amour envers elle me faisait mal, étant incapable de leur montrer. Je soupire. Après quelques minutes à les observer, je reste à l’entrée et mange devant la tanière, comme ça si elles avaient un problème, je pouvais arriver tout de suite. Le rongeur était fade, sans gout. Ça ne venait pas de lui, j’en suis sûre, mais de moi. J’étais vidée, épuisée.

Je ronchonnai en me tortillant, les yeux complètement clos, encore engourdie par mon sommeil profond. Des vibrations dans le sol avaient réussi à m'ôter de ce somme réparateur. Une paupière finit par se lever, lentement, difficilement, et je baillai à m'en décrocher la mâchoire. Je restais quelques longues minutes à cligner des yeux et bailler continuellement, le temps de remettre en marche tout mon petit être. La figure rassurante d'une mère n'était pas là, contre nous. Toujours à moitié allongée, avachie parmi mes soeurs, je jetai des coups d'oeil sur les côtés, dans l'espoir de l'apercevoir, elle qui partait plutôt souvent. Lorsque je repérai son pelage à l'entrée, je fus envahie par une douce joie. Je me levai en faisant attention à ne pas réveiller ni Patte Venteuse ni Petit Alizé, les couvant d'un regard affectueux, et m'élançai en trottinant vers Brise Argenté.

Je tentai une approche furtive en essayant de faire le moins de bruit possible. J'avais l'impression d'être la chatonne la plus habile et discrète, me mouvant telle une ombre vers ma proie - en l’occurrence, sa queue qui ondulait. - Evidemment, la réalité était tout autre, et malgré tous mes efforts, ma maladresse me fit trébucher plusieurs fois, et je réussis même à avaler la poussière. Mais dans ma tête, tout avait été parfaitement synchronisé, et même mes échecs je les avais surmonté avec brio. Une fois à la hauteur de ma mère, je bandai mes muscles et bondis !

Pour évidemment n’atterrir que sur du vide, encore loin de sa queue. Mmh, quelque problème de perception de la distance, non? Quoiqu'il en soit je restai aux aguets, au cas où elle n'ait rien remarqué et que je puisse reprendre mon ascension.

Petit bruit de pas derrière moi, discret pourtant un peu pataud. Je tourne la tête en douceur et découvre Petit Foehn qui essaie d’attraper ma queue. En voyant ma petite, mon regard était tendre, doux, mais aussi très anxieux. Cet amour que je n’arrivais pas à leur donner rendait mes yeux presque vides. Et pourtant, ces trois petites chatonnes étaient tout ce qui importait à présent dans ma vie. Les protéger, les nourrir… Et les aimer en douleur. Ça paraissait pourtant tellement simple, mais j’avais trop peur qu’elles s’attachent trop à moi, et de leur faire du mal par la suite. Je les voyais comme du sucre et une faible petite pluie les ferait fondre.

Je fixais discrètement la petite bougeant doucement ma queue pour qu’elle essaie de s’amuser un peu plus. Elle s’était ratée à la première tentative. En tout cas, elles me faisaient fondre toutes les trois.

Mais je me souviens enfin d’une interrogation qui m’est souvent venu ces derniers temps. Pourquoi cette enfant portait les couleurs de Cobra Royal ? Il était évident qu’il cachait quelque chose. Ce ne pouvait être une coïncidence. Il devait cacher un lien de parenté. Frère de Cœur de Rose ? En quoi se serait une honte pour lui ? Moi je comprendrais, à partir du moment où on persécute un chaton qui vient de perdre sa mère… Mais pour le moment, je devais tenter de passer un bon moment avec ma fille, sans penser à crottes de renards du passé.

Sans prévenir, je me retourne et me met face à Petit Foehn. J’essayais de virer mon air malheureux pour présenter une face de malice. Couchée sur le ventre, avec ma tête contre le sol entre mes deux pattes avant, je fixais la chatonne.

« Hé bhé alors, que fais-tu Petit Foehn ? »

Si petite et si fragile… Je devais la protéger du monde. Peut-être même de Cobra Royal ? Je ne sais pas…

Spoiler:

Elle ne se retourna pas. Fière de mon exploit, celui de ne pas m'être fait repérée, je continuai mon avancée. Toujours plus prêt, encore plus prêt. Ma concentration était au maximum. Ma proie était maintenant immobile. Mes muscles se bandèrent et je fondis comme la meilleure chasseuse sur ma cible. Mais elle était bien trop rapide pour moi ! Elle m'échappa de justesse, prenant un raccourci vers la gauche. Je pestai et me mis à courir après elle, bondissant dans tous les sens dans l'espoir de l'attraper. Et j'avais oublié le plus important. La discrétion.

Et ce n'est évidemment qu'à ce moment là que ma maman se retourna vers moi, pour miauler :

« Hé bhé alors, que fais-tu Petit Foehn ? »

La manière dont maman se tenait me donnait envie de rire. Je contins non sans mal cette hilarité qui me démangeait, pour feindre l'innocence et répondre en regardant là-haut, dans le coin à droite, comme si cela me donnait une contenance et effaçait tous mes crimes:

"Moooooi? mais rien du touuuuuuuuut"

Je lui fis un sourire angélique.
Et éclatai de rire.

"Ahaha j'ai failli t'avoir n'est-ce-pas ahaha!! T'es trop drôle maman ahahah!"

Je m'approchai d'elle jusqu'à ce que nos truffes se touchent, sans cesser de la fixer avec amour et admiration.

Les yeux pleins de joie, elle regarde sur le côté faisant style qu’elle n’avait rien fait.

« Moooooi? mais rien du touuuuuuuuut »

Elle éclate de rire avec un petit sourire tout innocent. Je crois que la manière dont je me tenais n’y était pas pour rien. Ça me faisait du bien de voir cette toute petite heureuse. Au moins, malgré mon cœur lourd, j’arrivais à la rendre joyeuse.

« Ahaha j'ai failli t'avoir n'est-ce-pas ahaha!! T'es trop drôle maman ahahah! »

« Maman ». Un titre dont je ne me sentais pas digne, loin de là. Je ne me sens certainement pas digne de leur amour, je ne suis pas un exemple, je suis du loin celle qu’elles méritent. Si seulement elles avaient une autre mère que moi… Plus aimante, et qui ne se compliquait moins la vie, qui pouvait servir d’exemple… Petit Foehn s’approcha de moi et pressa son museau contre le mien. Ses yeux étaient remplis d’amour et d’admiration. Les miens étaient pleins d’affection, mais aussi de douleur. Je ne devais pas lui montrer. Je fermai paupière et éloignai mon visage. Essayant toujours de garder cette lueur de malice, je lui proposai mon épaule. Je voulais qu’elle grimpe sur mon dos pour que lui montrer le monde. C’était peut-être une bonne méthode pour la faire sourire ?

« Allez hop ! Grimpe, je vais te montrer un peu le camp. »

Elle pourrait voir les autre guerriers, apprentis, se faire une idée de la vie au sein du clan. J'espère que ce qu'elle verra lui donnera envie de trouver sa place et peut-être... m'oublier ? Elle aurait une bien meilleure vie sans moi.

Mais maman ferma les yeux. Une boule amère se forma dans ma gorge, et la tristesse voila mes petites pupilles d'enfant. C'était comme si elle refusait mon amour, le tant de quelques secondes. En fuyant mon regard, j'avais l'impression qu'elle me fuyait moi. Cela donnait envie de pleurer. Mais j'étais forte, alors, je ne pleurerais pas. Je la rendrais fière pour qu'elle m'aime moi et mes soeurs!

Lorsque Brise Argenté me proposa de grimper sur son dos, tous mes tracas semblèrent s'envoler. Mes yeux pétillèrent d'excitation.

« Allez hop ! Grimpe, je vais te montrer un peu le camp. »

Je m'écriai, poussant un petit cri strident :

"WAOUUUH GEAAAAAANT"

De ma démarche maladroite, je me mis à escalader l'épaule de ma mère. Rien que cela était une épreuve. Je m'accrochai de toute mes forces à son pelage, me hissant avec ma misérable force, sautillant pour me donner de l'énergie et réussir à atteindre le sommet. A vrai dire, je m'en sortais très mal. Alors que j'étais proche de la victoire, j'eus un mouvement de déséquilibre... et dégringolais jusqu'en bas, mordant la poussière.

Je toussai un coup, puis bondis sur mes pattes et repartis à l'assaut, nullement démotivée par mon échec. J'allais y arriver, et nous partirons rien que toutes les deux à la découverte du campement !!

Je ne remarquais son regard empli de peine, et de tristesse. Je ne voulais pas la voir pleurer, non… Tout sauf ça. Mais ma proposition la remis bien vite sur patte. C’est avec un grand sourire qu’elle changea radicalement d’humeur. D’un grand cri strident, elle se lança dans l’ascension de mon épaule. Mouvements un peu gauche, un peu pataud, elle tentait de s’accrocher, plantant ses petites griffes pour ne pas tomber. Heureusement qu’elles ne faisaient pas bien mal par leur petite taille… Alors qu’elle y était presque, elle fini par tomber par terre. Elle toussa un coup. Mon regard inquiet revient sur elle l’interrogeant. Mais elle semblait bien aller parce qu’elle reparti à l’assaut tout de suite ! Finalement, alors qu’elle remontait, je la poussais doucement avec mon museau pour que se soit plus facile. Une fois en haut, je me levai, décidée à lui montrer le camp. Je me demandais si je pouvais courir aussi ? Elle pourrait sentir ce que c’est ? Déjà je devais voir si elle tenait correctement lorsque je marchais.

« Hop ! Accroche-toi Foehn ! On va commencer par la tanière des guerriers. »

J’avançais en douceur, vers cette dernière pour que Petit Foehn ne tombe pas. Je tachais d’être prudente. Lui faire visiter le camp me ferait oublier un instant mon incompétence en tant que mère. En arrivant à la tanière des guerriers mon cœur se serra. C’était un endroit que je souhaiterais retrouver mais en même temps, je ne m’y sentirais plus vraiment à ma place. Je n’étais plus qu’une guerrière aux yeux des autres, mais aussi une reine, une bouche en plus à nourrir qui elle doit en nourrir trois de plus, ou alors simplement une mère qui ferait passer la vie de ses enfants avant celle de tout le monde.

« Ici c’est celle des guerriers ! »

Une petite poussée, que je crus réalisée grâce à la force de mes postérieurs, me permit d'atteindre le sommet. Je lançais un grand cri victorieux. Tout semblait si petit vu de là-haut!!

« Hop ! Accroche-toi Foehn ! On va commencer par la tanière des guerriers. » "ouiiiiiiiii"

Je plantai mes minuscules griffes dans le pelage de ma mère. Les yeux écarquillés, je ne savais plus où me donner la tête. Une quantité folle de nouvelles informations me parvenait. J'avais des étoiles dans les yeux. Heureuse, je voulais que ce moment ne s'achève jamais.

« Ici c’est celle des guerriers ! »

Je demeurai un instant silencieuse, soudainement impressionnée. Je pouvais distinguer difficilement quelque guerriers qui se reposaient, de leur si dure journée ou nuit. Puis soudain, je m'exclamai :

"Trop bieeeen! Elle est belle leur tanière! Dis maman, avant, tu dormais où? A l'avant ou tout au foooond dans le nooooir???"

Je m'étais approchée de son oreille pour lui parler, la mine rêveuse. Je l'imaginais lovée contre mon papa Crocs Nacrés, tous les deux ensemble et heureux.

« Trop bieeeen! Elle est belle leur tanière! Dis maman, avant, tu dormais où? A l'avant ou tout au foooond dans le nooooir??? »

Où est-ce que je dormais ? J’imaginais Petit Foehn, toute rêveuse, probablement voulant déjà faire parti des guerriers, dormir avec eux. Oh je n’avais bien sûr aucun doute, elle y arriverait, comme ses sœurs, si tel était leur souhait. Je souhaitais qu’elles soient déjà combattantes pour qu’elles découvrent la joie de courir dans la lande, de chasser le lapin. Qu’elles découvrent la vie au ralenti lorsque le vent caresse le pelage, lorsque les pattes touchent à peine le sol tant elles vont vite. Après, peut-être que la vitesse ne sera pas leur point fort, mais j’espère qu’elles aimeront par-dessus tout leur vie au clan du Vent. Elles sont une fierté, pour moi, et le clan.

« Je dormais plus sur le côté, entre l’entrée et le fond, comme ça j’évitais le vent froid en hiver ! »

J’espérais qu’elle ne connaitrait pas un rude hiver. Pas comme lorsqu’il y a eu le blizzard. J’en ai entendu parler, j’étais née peu de temps après, et ça a été un traumatisme pour certains. Alors mes filles ne devaient pas connaitre une telle menace. J’en deviendrais malade. Déjà qu’avec les Lunar dans les parages c’était difficile…

En revenant sur ma place dans cette tanière, je n’avais dormi peut-être qu’une nuit ou deux avec Crocs Nacrés ? Ce n’était pas énorme. Je me rends bien compte que j’ai changé avec l’arrivée des chatons. Je ne suis plus la même. En douceur, je décidai finalement de l’emmener voir la tanière des apprentis cette fois. Le prochain endroit où elles iraient !

« Ici c’est la tanière des apprentis ! Tu dormiras là quand tu seras assez grande et que tu commenceras l’entrainement. »

Son explication me ravit au plus au point. Non seulement elle dormait quelque part, mais en plus il y avait une explication rationnelle liée à sa position !! Géant!! Elle était trop intelligente maman! Je m'accrochais très très fort à son coup, regardant de mes tous petits yeux l'immensité du camp. Un flux continu d'informations parvenait à mon cerveau, qui peinait bien à suivre. Tout m'extasiait. La couleur du ciel. Le tas de gibier au loin, cet entassement de proies que je ne pouvais gouter pour le moment... Les allées et venues des si grand guerriers du clan...

« Ici c’est la tanière des apprentis ! Tu dormiras là quand tu seras assez grande et que tu commenceras l’entrainement. »

Mes yeux s'agrandirent et je poussai un petit cri de joie :

"Waaaaaaaow!!!! C'est quand maman que je commence hein???"

L'entrainement... devenir guerrier... Cela sonnait comme le saint graal, un objectif lointain, mais que je comptais bien remplir. J'avais bien hâte de grandir!!!

L'innocence... je ne pouvais savoir à ce moment-là à quel point je regretterai ces moments de bonheur simples, où je n'étais pas engloutie par un flot de problèmes et de complexes qui me feraient me sentir mal, si mal...