Perd pas courage [LP] (avec Pluie Battante) - end

Le rouquin se sentait léger comme un petit oiseau, mais il n'était pas amnésique pour autant. Il n'oubliait pas l'absurdité des temps qui couraient, l'état fratricide du Clan de la Rivière, les crimes ou les âneries qui avaient été commis pendant l'hiver, et après. Il avait passé ce jour-là l'aube la plus douce de sa vie, pendant laquelle lui, rentrant au camp de sa ronde très matinale, s'était fait accueillir d'une façon... inoubliable par Perche Farouche, qui se réveillait avec Petit Renard qui lui mordillait l'oreille. Il avait alors réellement compris à quel point c'était bon, de temps en temps, de se faire accueillir, d'avoir une place quelque part. Tout cela était bien nouveau, pour lui, qui avait mendié si longtemps, d'abord en jeune mâle qui avait la Lune à décrocher, puis en clown cynique dont personne, ou presque, n'avait jamais vraiment voulu.

Tout ça devrait être acquis, garanti à tous. Mais ça ne l'était jamais vraiment. Ce qu'il faut de regrets pour payer nos frissons, ce qu'il faut de malheurs pour la moindre chanson, ce qu'il faut de sanglots pour un air de guitare...

Il se souvenait de Nuage de Pluie, de son passé, de sa vie. De ces injustices qui ne frappaient que les comme eux, les incompris. Matin Embrasé voulut soudain le voir. Il était resté au camp alors que beaucoup partaient pour participer à l'assemblée. Personne n'irait le surveiller et lui reprocher quoi que ce soit, s'il prenait le temps de voir le petit au lieu de faire une autre ronde.

" T'es réveillé, p'tite tête ? " lança le rouquin, inquiet et affectueux, en entrant dans cette tanière que l'apprenti guérisseur avait désertée.

La plaie était toujours impressionnante, choquante, scandaleuse. Le cœur de Mat était maintenant empoigné par quelque chose de très fort. Il avait peur que le gamin finisse par rejoindre Nuage de Rosée, là où les gamins ne devraient jamais aller avant leurs aînés.

" D'humeur pour faire tomber d'la minette ? " tenta-t-il ensuite, souriant avec force.

Rien n'était jamais plus bienvenu qu'un peu de décrispation, dans les moments les plus difficiles. Et le reste du temps, ça ne faisait jamais de mal.

J’avais cessé de compter les jours qui s’était écoulés depuis que, que… J’ai été voir les Lunar Pods. Depuis que j’étais rentré. Depuis la perte de mon œil. Je l’ai bien méritée cette blessure. Y a des jours où la douleur est insupportable, y a des jours où c’est l’ennui qui l’est, y en a d’autre ce sont les deux. Aujourd’hui, Nuage de Bruine a passé l’après-midi avec moi à me tenir compagnie et j’en suis très heureux. Mais il a été choisis pour aller à l’Assemblée, dès que le ciel se coucha, il fût forcer de partir.

Quant à moi, je tente de dormir, roulé en boule dans mon nid, mais le sommeil refuse de venir. Je ne suis pas fatigué, du tout, je passe mes journées allongé sans rien faire pratiquement. Evidemment que le sommeil va refuser de venir. Je me tourne et me retourne dans mon nid, mon seul œil valide de fermé pour ne pas me donner le tournis quand une voix me fais stopper en plein mouvement.

" T'es réveillé, p'tite tête ? "

Je roule sur le côté puis sur le ventre, en observant Matin Embrasé. Ma queue s’agite en guise de salut, mais son regard peiné devant ma plaie ne me trompe pas et comme à chaque fois que quelqu’un la regarde, je me passe une patte sur l’oreille qui va venir se poser sur mon museau et dissimule mon œil derrière ma patte. En espérant qu’ainsi, le mâle roux n’ait plus mal au cœur en me voyant.

" D'humeur pour faire tomber d'la minette ? "
- Comme si une minette voudrait encore de moi avec ma tête.

Je fais mon cynique, mais je suis content de le voir et je lui fais savoir en ronronnant fortement avant de m’assoir sur ma litière, c’est mieux pour parler au guerrier.

- Tu ne vas pas à l’Assemblée ? Tu crois qu’il y aura les Lunar Pods ?

" Comme si une minette voudrait encore de moi avec ma tête. " fit le gamin, à moitié amusé.

Pas besoin d'avoir une sale tête pour qu'elles te pourrissent cinquante lunes de ta vie, petit. songeait Mat qui se trouvait beau. Il cracha néanmoins pour rétorquer, sur le même ton un peu cynique : " Bof... Étoile de Corbeau avait une tronche bien pire que la tienne, et ça l'a pas empêché de bien s'éclater... Même Étoile de Pierre quand on y pense... "

Le mioche se levait, et son ronronnement faisait plaisir à entendre.

" Tu ne vas pas à l’Assemblée ? Tu crois qu’il y aura les Lunar Pods ? " demanda-t-il. Il avait bien de la force, pour ne pas se morfondre. Matin Embrasé avait toujours été bien plus difficile que ça à réconforter, dans ses heures les plus sombres... Il songea à cela avec une certaine fierté, mais n'en montra pas grand-chose.

" Oh t'inquiète, avec le temps, z'ont de moins en moins de couilles. Bientôt on n'en entendra plus parler. Quant à moi je vois pas pourquoi j'irais perdre mon temps là-bas. On n'est pas mal, ici, sans eux. " assurait-il, théâtral comme jamais.

Les temps changeaient. Tout s'arrangerait forcément. La bêtise et la méchanceté, ça s'autodétruisait systématiquement. Maintenant que Perche Farouche lui parlait de nouveau, il attendait avec impatience le jour où il retrouverait Petit Blaireau, où leur assassin de chef comprendrait à quel point il était pathétique, et où leur ahurie de lieutenante apprendrait à connaître le Clan tout entier.

Spoiler:

La remarque de Matin Embrasé me tire un ricanement, c’est méchant. Les deux chefs ne sont pas si laids physiquement. Mais je suis content de voir qu’il essaye de me remonter le moral. Qu’est-ce qu’il est gentil, ce guerrier. Je veux devenir aussi bon que lui !

Quand je demande au chat roux s’il n’est pas à l’Assemblée, il me répond qu’il n’y trouve aucun intérêt. Qu’il est bien mieux ici avec moi. Je me sens flatté et j’en ronronne de reconnaissance. Mais je le trouve mauvaise langue, un peu quand même. Et je lui fais bien savoir.

- Huuum… Je sais pas. Ils n’ont pas de Code du Guerrier, ça les rends dangereux en un sens. Sans code d’honneur, tu fais ce qu’il te plaît. Alors que nous, nous n’irons pas forcément tuer. Bien sûr, moi aussi, je souhaite qu’ils disparaissent, enfin, après que Nuage de Groseille et Nuage de Taupe soient revenues, évidemment.

Mon cœur se serre quand je pense à mon amie. J’espère sincèrement qu’elle va bien et qu’ils ne lui font aucun mal. D’un côté, elle a été assez brave pour les rejoindre volontairement, donc j’espère qu’elle ne craint rien. J’espère surtout qu’elle pourra bientôt revenir dans le Clan. Mon amie me manque.

- En fait, j’espérais qu’Étoile de Pierre me laisse participer à l’Assemblée pour que je puisse avoir des nouvelles de Nuage de Taupe. J’espère qu’elle a pût retrouvée Nuage de Groseille. Coeur de Bruine est trop fâché contre les chats du Tonnerre ou les Lunar Pods pour prendre des nouvelles de Nuage de Taupe pour moi… J’espère que je pourrais bientôt en avoir… Mais pardon, je dois pas m’apitoyer. Tu venais pourquoi ?

" Huuum… Je sais pas. Ils n’ont pas de Code du Guerrier, ça les rends dangereux en un sens. Sans code d’honneur, tu fais ce qu’il te plaît. Alors que nous, nous n’irons pas forcément tuer. Bien sûr, moi aussi, je souhaite qu’ils disparaissent, enfin, après que Nuage de Groseille et Nuage de Taupe soient revenues, évidemment.
- Ils ne s'en prennent qu'aux mômes ou aux moins nombreux qu'eux. Ça prouve juste qu'ils vont se faire ratatiner. Oh pis tes copines c'est comme Petit Blaireau, bien sûr qu'on a hâte de les sortir de ce foutoir. " rétorqua-t-il. Il ne croyait pas si bien dire en parlant de foutoir. En réalité, il ne gardait souvenir ni de Taupe ni de Groseille, mais ça lui semblait évident que personne de sain d'esprit ne pouvait rester de plein gré dans le camp de ceux qui avaient tué sa sœur et tant d'autres.

" En fait, j’espérais qu’Étoile de Pierre me laisse participer à l’Assemblée pour que je puisse avoir des nouvelles de Nuage de Taupe. J’espère qu’elle a pût retrouvée Nuage de Groseille. Nuage de Bruine est trop fâché contre les chats du Tonnerre ou les Lunar Pods pour prendre des nouvelles de Nuage de Taupe pour moi… J’espère que je pourrais bientôt en avoir… Mais pardon, je dois pas m’apitoyer. Tu venais pourquoi ? " faisait le gamin. Au moins il ne semblait pas perdre la tête, il connaissait du monde. Il n'était pas seul. C'était bien. Il s'en tirerait, songea Matin Embrasé, résolu. Et il s'en tirerait même sans avoir à avorter aucun de ses rêves.

" Il me faut une raison maintenant pour venir voir un paaaaaaaaaauvre petit chaton ? " ironisa-t-il, pour cacher une pointe d'inquiétude. Si ça se trouve, on n'avait pas besoin de lui, ici. " Ça te ferait du bien de te promener un peu ? La vérité c'est que j'vais encore faire une ronde tout seul et ça m'emmerde ! "

Il disait ça sans trop se gêner, sûr que le petit n'hésiterait pas à lui dire, s'il était trop mal en point pour marcher. Pour illustrer son emmerdement, il lâcha un soupir fatigué et eut un regard bizarrement un peu efféminé, imitant les mimiques habituelles de Rivière Rouge. Leur frontière à trois, c'était un sacré bon souvenir.

- Ils ne s'en prennent qu'aux mômes ou aux moins nombreux qu'eux. Ça prouve juste qu'ils vont se faire ratatiner. Oh pis tes copines c'est comme Petit Blaireau, bien sûr qu'on a hâte de les sortir de ce foutoir. "

Pauvre Petit Blaireau, retenu prisonnier là-bas. J’espère qu’il ne lui arrive rien de grave. Je ne leur pardonnerais jamais pour cet acte odieux ! Enlever un chaton, une attitude digne de lâche. Je t’en prie, Nuage de Taupe, quitte vite ce groupe de fous et rentre vite à la maison ! C’est là qu’est ta véritable place ! Ne fais pas de folie mon amie, c’est pas grave, si tu ne trouves rien sur mon passé. Je saurais faire sans. Reviens vite, je t’en prie.

Et je m’apitoie sur mon sors, encore. C’est pas bien. Je dois voir les choses sous un autre œil. Au moins, je suis vivant. Même si Étoile de Pierre n’a pas fait exprès, c’était sous le coup de la colère. Je ne lui en veux pas, je l’ai cherché. Nuage de Bruine lui en veux. Beaucoup. Beaucoup trop même je trouve. Il m’inquiète. Matin embrasé me sort de ma rêverie avec sa raillerie. Moi ? Petit ? On doit faire à peu près la même taille, non ? Peut-être plus grand que lui ? Peut-être un peu plus petit ? Je ne sais pas. Mais, il me taquinait juste à priori.

" Ça te ferait du bien de te promener un peu ? La vérité c'est que j'vais encore faire une ronde tout seul et ça m'emmerde ! "
- Oh je suis content que tu me le propose, merci. Je crois que je peux faire un petit tour dehors, je me sens bien aujourd’hui.

Je me lève et je sors de mon nid puis de la tanière, je me place à la gauche de Matin Embrasé, histoire de le voir quand je lui parle et que lui ne vois que mon œil valide aussi. J’ai fait assez de peine aux autres comme ça, pas la peine d’en rajouter. Mais le soupir et son air efféminé me fait rire car il me refait penser à la patrouille que l’on avait exécuté avec Rivière Rouge. Et même si Matin Embrasé n’a pas réussi à la faire rire, je trouve qu’on a passé un moment. Je l’admire, ce chat. Il garde toujours la pêche peu importe ce qui arrive. J’essaye d’être comme lui et de garder la pêche moi aussi, malgré tout.

- Tu veux aller vers où, surveiller quoi ?

Leur complicité n'était pas morte, et ça faisait chaud au cœur ! Matin Embrasé décida de ne pas arrêter son imitation très caricaturale de Rivière Rouge, certain que penser au bon vieux temps ne pourrait que réconforter un peu plus son ami noir et blanc. Ce dernier se mit d'ailleurs à sa gauche.

" Tu veux aller vers où, surveiller quoi ?
- Par où ça te chante... Je parie que ces feignasses auront besoin qu'on leur chasse quelque chose... " rétorqua-t-il, s'efforçant de sembler encore plus désespéré par la motivation du jeunot que Rivière Rouge ne pouvait l'être elle-même, dans ses minutes les plus paresseuses.

Et il avança un peu pour s'éloigner du camp, aux côtés de l'appren... Mais d'ailleurs ! Du jeune guerrier !

" D'ailleurs puisqu'on n'est que deux... " fit-il, toujours en jouant aux minettes d'une manière très exagérée, mais un peu plus... enjôleuse et faussement intimidée qu'auparavant... " Joli nom, Pluie Battante ! "

Le clown n'avait jamais le droit de rire de son propre numéro. Mais il y avait des fois où c'était particulièrement difficile !

Spoiler:

Quand je demande à Matin Embrasé où il veut aller, celui-ci me réponds qu'il va où je veux. Je lui propose donc de longer la rivière. On voit les Quatre Chênes au loin, je me demande ce qui s'y passe actuellement. Sont-il en paix ? Sont-ils fâchés les uns contre les autres ? J'aurais aimé y participer ! J'admets que mon attention est captée par les Chênes et non par mon modèle. Du coup, je n'écoute pas trop ce qu'il me dit. Je ne lâche pas les Chênes de l'oeil, plongé dans mes pensées à propos de l'Assemblée.

" Joli nom, Pluie Battante ! "

Mon oreille tique, prouvant que le message est capté, mais il lui faut un certain temps pour monter au cerveau. Oh mais ! Oui, c'est vrai ! Je suis guerrier à présent ! Pluie Battante, je ne sais pas pourquoi Étoile de Pierre a décidé de me nommer ainsi, mais, j’aime ce nom. Cœur de Bruine trouve qu’il me va très bien. Qu’il me trouve très fort et qu’Étoile de Pierre m’a nommé ainsi parce que je suis un battant et que je lutte pour rester en vie. Peut-être qu’il a raison, je ne cherche pas la signification de mon nom. Mais je l’aime beaucoup.

- Merci, Matin Embrasé, mais ce n’est pas moi qui l’ai choisi, tu sais ?

HRP:

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'Event Rivière' :

Le petit avait l'air assez satisfait, en effet. Matin Embrasé fut heureux de voir que penser à son nom n'assombrissait pas son humeur, au contraire. Il était ravi d'être guerrier. Et si un jeune était aussi soulagé d'être enfin guerrier, pour le rouquin, ça ne pouvait vouloir dire qu'une chose : une jolie fleur l'attendait quelque part, ne demandant qu'à être cueillie ! En tout cas, ça c'était passé comme ça pour lui, et il avait l'impression que le gamin lui ressemblait pas mal.

" Merci, Matin Embrasé, mais ce n’est pas moi qui l’ai choisi, tu sais ?
- Je sais, mais... Il te va très très bien... " rétorqua le rouquin, faussement gêné, clignant des yeux à tout vitesse en imitant d'une manière très caricaturale les jeunes amoureuses. " Je crois... je crois même que j'en connais une qui... hihihihi ! " bafouilla-t-il, de plus en plus efféminé, en imitant avec pas mal d'exagération le côté hésitant de Papillon Blanc.

Il s'arrêta ensuite, souriant, un peu complice. Il se doutait que Pluie Battante était un peu embarrassé, mais en même temps, il était sûr d'avoir vu juste. Finalement, Matin Embrasé éclata de rire : " Si t'as besoin de conseils, beau gosse, hésite pas ! C'est qu'à force je finis par m'y connaître, moi ! " se venta-t-il. L'odeur de Perche Farouche imprégnait encore un peu ses poils, et il se rapprocha du gamin comme pour le lui faire remarquer.

Ce fut à peu près dans cette minute silencieuse qu'il remarqua un mouvement, derrière lui. Et la nauséabonde odeur du danger. Il se retourna brusquement et vit une renarde, assez maigre, qui semblait clairement d'humeur à donner n'importe quoi à manger à ses petits. Même du chat. Le printemps était une saison dangereuse.

Matin Embrasé se hérissa immédiatement, dévoila ses crocs et sortit ses griffes, et commença à rétorquer, dans un miaulement amusé qui devint rapidement un feulement agressif : " Je crois qu'elle aime bien les rouquins, mais c'est pas trop mon genre ! "

Il fallait avoir l'air sûr de soi, arrogant, agressif, pour intimider un ennemi. Pour lui faire comprendre qu'il ferait mieux de ne pas se frotter à des matous comme eux. Mais la faim rendait la bête beaucoup moins sensible à ce genre de choses. Comme elle continuait de s'approcher, menaçante, le rouquin gueula : " ON FOUT LE CAMP ! DANS LA RIVIÈRE ! PERD PAS DE TEMPS ! "

Et il n'essayait plus d'être arrogant ni rien du tout. Face à une bête affamée comme celle-la, la fuite était la seule option possible. Et il ne fallait surtout pas la rapprocher du camp. Comme d'eux deux, c'était lui l'aîné, Mat devait tout naturellement se placer derrière Pluie Battante. Aussi le pressa-t-il d'un coup de museau qui ne laissait place à aucune discussion. Mais il sentait que la renarde fonçait déjà sur eux, et se retourna.

Spoiler: