Les ânes sont gris (avec Pluie Battante) - end

Patte Grise avait mangé avec Eau Turquoise, ce matin-là, légèrement plus tôt qu'à son habitude. Il avait envie de sortir, comme souvent depuis quelque temps déjà. Il n'était pas gros, mais il se sentait à l'étroit dans la pouponnière, entre sa maman qui se plaignait de lui sans cesse et les nombreux petits qui avaient encore besoin de place et de calme. Beaucoup plus que lui. Quittant sa place pourtant douillette, le chaton blanc s'efforçait de ne déranger personne avant d'être à l'air libre.

Dépassant à peine de la végétation, son petit corps blanc s'humidifiait et se rafraichissait rapidement au contact de la rosée, mais peu lui importait : il était tranquille, à l'abri des regards, à quelques mètres seulement de l'agitation du camp. Impossible de se perdre, impossible de se faire gronder, son refuge semblait parfait. De nombreuses minutes passèrent durant lesquelles il s'amusait avec l'herbe, autour de lui. La mâchouiller, l'attraper avec ses pattes avant, c'était tout un sport pour un chaton. Mais un sport lassant, et surtout quand autour de lui, tout était calme. Le calme, voilà qui finissait toujours par inquiéter Patte Grise.

Il releva la tête, à la recherche de quelque chose qui lui permettrait de provoquer un petit remue-ménage. Quelque chose ou quelqu'un ! Un petit sourire se forma tandis que Patte Grise reconnaissait, pas si loin devant lui, l'immense silhouette de Pluie Battante, qui s'étirait à la sortie de sa tanière. C'était parfait.

Il se mit à courir aussi vite que ses courtes pattes le lui permettaient, et s'arrangea pour se retrouver derrière Pluie Battante en contournant bien son champ de vision. Maintenant venait la phase délicate de son plan : s'approcher doucement, tout doucement, pour pouvoir surprendre d'un seul coup son parrain. Un chaton comme lui n'était jamais, en effet, parfaitement silencieux. Il surveillait les oreilles du guerrier pour s'assurer qu'il n'avait toujours pas été repéré.

Et quand elles se tournèrent, il fut très vif.

" BOOOOOOOOOOOOOOUH ! " s'époumona-t-il joyeusement.

C'était presque un rituel, pour lui, de jouer à faire peur à Pluie Battante.

" Ça fait trop longtemps qu'on s'est pas vus ! T'as vu comme je suis grand ? " lançait, enthousiaste, le chaton qui pourtant ne devait être beaucoup plus grand qu'une crevette en comparaison de son parrain. Il aimait bien s'entendre dire qu'il grandissait, même s'il exagérait de beaucoup la durée qui les séparait de leur dernière rencontre.

Je commençais à aller un peu mieux, ces derniers temps. Me rendre tous les jours sur la tombe de Nuage de Taupe avec Patte de Loutre et Hibou Nocturne m’aidait à me sentir un peu moins coupable. Pour Matin Embrasé, en revanche, le remord était toujours là. Mais je m’occupais autant que possible des chatons qu’il avait lâché et de son ancienne apprentie, Nuage de Nuit, même si mes relations avec cette dernière sont assez froides et distantes. Ce n’est pas que je ne l’aime pas, juste que le courant ne passe pas. Mais tout commence à aller mieux. Je suis l’aide-guérisseur de Nuage des Ruisseaux, c’est plus ou moins officiel entre Papillon Blanc et moi, Hibou Nocturne m’a pardonné. Je pourrais peut-être me pardonner un jour.

Mais là pour le moment, il est l’heure de se lever et de se rendre utile. Je n’ai pas vraiment quelque chose de prévu, ce matin. Peut-être que je proposerais aux Reines de garder leur petit pour qu’elles se dégourdissent les pattes. Je me lève de mon nid, la tanière des guerriers est presque vide et je sors avant de m’étirer dans un bâillement ostentatoire. Puis, mes oreilles captent un bruit et se tourne directement vers la source quand…


" BOOOOOOOOOOOOOOUH ! "

Je sursaute avant de me tourner vers la source du cri. Patte Grise. Il n’y avait que lui pour me faire ce genre de farces, évidemment. Il n’y a que lui pour me surprendre du côté où je ne vois plus. C’est mignon. Et d’un côté, c’est très intelligent de sa part. Je m’assois face au petit, la queue enroulée autour des pattes alors que je l’entends se vanter de sa taille, me tirant un ronronnement d’amusement.

- Oulala ! J’ai intérêt à faire gaffe. Tu seras plus grand que moi, bientôt ! Et désolé de ne pas être passé ces derniers jours, j’avais assez peu de temps à moi. Alors, comment vas-tu Patte Grise ? Tu ne fais pas trop tourner Perche Farouche en bourrique, j’espère ? J’ai entendu dire que tu n’étais pas très sympa, ces derniers temps.

Oui, j’ai eût plusieurs retour de guerrier comme quoi Patte Grise, et surement sa fratrie aussi, faisait immensément de bêtises. Un petit rappel ne fait jamais de mal. Il ne faut pas embêter les guerriers.

- J’ai un peu de temps ce matin, veux-tu qu’on le passe ensemble ?

Je me doute déjà de sa réponse. Je serais étonné qu’il me dise « non ». Ou alors, c’est qu’il ne va pas bien et je m’en voudrais de ne pas m’en être rendu compte plus tôt.

Patte Grise s'autorisa un sourire pointu tandis que son parrain sursautait et s'installait en face de lui, comme pour le regarder. Pluie Battante, c'était à la fois le plus gentil de tous les grands et le plus grand de ceux qu'il aimait.

" Oulala ! J’ai intérêt à faire gaffe. Tu seras plus grand que moi, bientôt ! Et désolé de ne pas être passé ces derniers jours, j’avais assez peu de temps à moi. Alors, comment vas-tu Patte Grise ? Tu ne fais pas trop tourner Perche Farouche en bourrique, j’espère ? J’ai entendu dire que tu n’étais pas très sympa, ces derniers temps. "

Une telle accusation l'aurait ragaillardi devant Nuage de Nuit ou Nuage d'Émeraude, mais lorsque c'était Pluie Battante qui le dévisageait, il n'essayait jamais d'être malhonnête et de jouer aux innocents ou aux imbéciles. Il était sûr que son parrain serait très déçu de ne pas être traité comme quelqu'un à qui il faisait entièrement confiance.

Aussi baissa-t-il la tête un instant, d'un air coupable, redoutant peut-être qu'un jour, une de ses bêtises pousse Pluie Battante à l'abandonner pour de bon.

" Désolé... C'est vrai qu'hier j'ai fait n'importe quoi... Maman voulait pas jouer et j'aurais pas dû sortir avec Petit Renard alors qu'il avait pas le droit... "
- J’ai un peu de temps ce matin, veux-tu qu’on le passe ensemble ?
- C'est vrai tu veux bien ?! " répondit alors Patte Grise en un petit cri de joie. Ses grands yeux de chatons semblaient à la fois émerveillés et débordants d'énergie.

Il était sûr de ne pas s'ennuyer, si Pluie Battante était là rien que pour lui. Lui-même ne manquait pas d'imagination, et la compagnie de son grand parrain était peut-être celle qu'il appréciait le plus. Parce qu'avec Pluie Battante, c'était pas comme avec Petit Renard : il n'était pas de ceux qui se fâchaient si on ne leur laissait pas le dernier mot. Tout réjoui, le gamin posa ses deux pattes avant sur le museau de son aîné qu'il touchait presque avec sa tête : seules ses pattes arrières touchaient le sol, c'était la position qu'il prenait souvent lorsqu'il titillait son parrain, armé de son impatience caractéristique de chaton.

" J'ai déjà mangé tout seul et j'ai même fait pipi ! Dis ! T'es prêt à jouer, toi ? "

Il fallait bien qu'il le dise, parce que sinon, Pluie Battante aurait fini par le lui demander, de toute façon. Et puis il avait hâte de rigoler. Même quand il ne s'était encore rien passé, il avait déjà envie de rigoler, d'ailleurs. Ça se voyait aux petits mouvements réguliers qui agitaient sa queue, derrière lui, comme autant d'éclats de rire aigus et joyeux.

J’essaye de garder un air sévère devant Patte Grise et ce dernier me dit la vérité, il a encore fait des bêtises avec Petit Renard. Ils font vraiment la paire, ces deux-là. Mais je un peu attristé parce qu’il dit. Perche Farouche leur a refuser une partie de jeu, c’est vraiment triste. Ils ont besoin que l’on joue avec eux, pour se développer correctement, et apprendre tout un tas de chose.

Mais quand j’apprends à Patte Grise que je peux passer une partie de ma matinée avec lui, le voilà tout ragaillardi et content. C’est vraiment le plus heureux des chatons en cet instant, on croirait et j’appuie ma proposition d’un geste positif de la tête. Et le voilà qui s’excite encore plus en se postant sur ses pattes arrières pour me toucher le museau, c’est trop adorable et ça me fait doucement rire.

" J'ai déjà mangé tout seul et j'ai même fait pipi ! Dis ! T'es prêt à jouer, toi ? "
- J’aimerais bien aller faire pipi, je peux manger plus tard, en allant chasser par exemple.

Je m’excuse auprès du chaton, pour aller au petit coin et quand je reviens, je lui demande à quoi il veut jouer. Peut-être voudra-t-il que je lui montre quelques techniques ? Les plus basiques, seulement. Il est trop petit pour apprendre des techniques plus avancées. Je ne voudrais pas qu’il se blesse inutilement.

- Est-ce que tu veux chasser ma queue ? Ou faire un petit tour aux abords du camp ? Mais pas trop loin, hein ?

Ces propositions sont un peu nulles, je l'avoue.

Il se remit par terre pour laisser Pluie Battante se préparer, mais bouillonnait d'impatience. Ses griffes s'enfonçaient et ressortaient de la terre, sous lui, pour évacuer un peu de cette énergie sans être trop foufou. Avec Pluie Battante, il faisait des efforts pour être sage et gentil. Il restait alors toujours un peu plus... piquant... que son frère le Goujon, mais ne ressemblait plus du tout à l'insupportable provocateur qui se moquait de tout d'ordinaire.

En voyant revenir son parrain vers lui, le petit chaton blanc ne put contenir un ronronnement excité et satisfait.

" Est-ce que tu veux chasser ma queue ? Ou faire un petit tour aux abords du camp ? Mais pas trop loin, hein ? "

Patte Grise ferma un peu les yeux en se donnant l'air de réfléchir, et approcha, discret mais rusé, de son immense parrain. Son ronronnement ne s'arrêtait pas, car il ne devait pas trahir son petit stratagème de chaton. Son avancée ne cessa que lorsqu'il fut environ à une vingtaine de centimètres du guerrier. C'était assez prêt pour qu'il puisse gagner le pari qu'il souhaitait prendre, et assez loin pour qu'il puisse rester naturel dans son jeu.

" Les deux à la fois ! " s'exclama-t-il soudain, presque féroce, tout en courant pour bondir rapidement vers la queue qu'il n'avait jusqu'alors pas regardée pour ne pas trahir son intention.

Il était petit, mais très vif, et assez imprévisible. Quand on avait un physique qui semblait si handicapant au combat, c'était après tout nécessaire de savoir jouer avec les effets de surprise pour rester un partenaire de jeu pas trop ennuyeux. Il fut tout fier de lui lorsqu'il saisit sa cible entre ses deux pattes avant. Tellement que son ronronnement semblait redoubler d'intensité et qu'il commença à la mordiller, en imaginant qu'il s'agissait d'un poisson frétillant qui essayait de lui échapper.

Spoiler:

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'Chasse Rivière' :

Patte Grise prit le temps de réfléchir à ma proposition avant de me sauter sur la queue que je lui laissai intentionnellement attraper. Donc, il voulait faire les deux, hein ? Peut-être une petite balade aux abords du camp, mais je préviendrais Perche Farouche avant, histoire qu’elle ne s’inquiéte pas. Puis, une légère douleur me tire de mes réflexions et je me retourne vers mon filleul pour voir qu’il est en train de m’étriper la queue. Mécontent, je la retire, le toisant un peu durement.

- Réserve donc tes armes à tes futurs adversaires, quand on joue, on ne sort ni les crocs, ni les griffes ! Le but, c’est de s’amuser, pas de blesser l’autre.

J’attends donc, patiemment, qu’il s’excuse avant de l’inviter à me suivre d’un geste de la queue vers la pouponnière. Je demande au chaton de m’attendre à l’exterieur alors que j’entre pour saluer les chatons et Perche Farouche à qui j’annonce que j’emmène Patte Grise en promenade hors du camp, mais que je veillerais sur lui. Je promets en prime de lui rapporter un beau poisson pour son petit déjeuner. La Reine fini par accepter et je la remercie chaudement, avant de ressortir.

- Viens avec moi, on va attraper le déjeuner de ta maman, tu veux bien ? Mais tu restes près de moi et tu m’écoute, d’accord ? À la moindre bêtise, je te ramène au camp illico presto, bien compris ?

Après être sûr que j’ai bien l’aval du chaton, je m’engage hors du camp, me dirigeant vers le Rivière, le petit être à mes côté.

- Alors, ça se passe bien à la pouponnière ? Pressé d’être apprenti, non ? Tu voudrais avoir qui en mentor ?

Mais le poisson ne tarda pas à s'échapper, et Pluie Battante à se retourner avec une mine réprobatrice impossible à confondre. Aussitôt il baissa un peu les oreilles, l'air tout honteux :

" Réserve donc tes armes à tes futurs adversaires, quand on joue, on ne sort ni les crocs, ni les griffes ! Le but, c’est de s’amuser, pas de blesser l’autre.
- Désolé j'avais pas fait exprès... " bafouilla-t-il, sans arriver à retenir un sourire un peu canaille, comme s'il se retenait de lui dire d'un air moqueur " je t'ai fait mal ? ". Son sourire s'estompa cependant lorsqu'il se rendit compte que son parrain le conduisait à la pouponnière.

Il se sentait si idiot et angoissé à cet instant qu'il ne put s'empêcher de rapprocher le bout de son museau de la pouponnière, pour voir et entendre ce que les grands se disaient. Son regard croisa celui, un peu endormi, de Petit Renard, à qui il tira la langue dans le dos des deux adultes, ainsi que celui, vaguement curieux, de Patte d'Hiver, auquel il répondit en relevant la tête d'un air tout fier.

Oui oui madame, moi je pars tout seul avec mon parrain comme un grand ! songeait-il, très content, quand il comprit où en venait Pluie Battante. Et sans rien faire de plus, il tourna les talons pour attendre le guerrier hors de la pouponnière. Il avait presque l'air sage en lui jetant un regard un peu désorienté et interrogateur. Comme s'il avait tout à fait oublié ce qu'ils s'étaient dit deux minutes auparavant.

" Viens avec moi, on va attraper le déjeuner de ta maman, tu veux bien ? Mais tu restes près de moi et tu m’écoute, d’accord ? À la moindre bêtise, je te ramène au camp illico presto, bien compris ?
- D'accord je te quitte pas ! " répliqua le gamin, qui était sûr, et ça se voyait bien, que cette aventure serait extraordinaire et inoubliable ! Bien trop pour qu'il puisse seulement envisager de se retrouver tout seul.

Et puis de toute façon, un chat au comme lui, c'était difficile de le perdre de vue. Surtout que Patte Grise avait réellement besoin de lui pour canaliser suffisamment de courage et de détermination pour ne pas renoncer, affolé, à la première difficulté, à la première chose inconnue qu'il rencontrerait.

Ils se mirent en route et s'éloignèrent du camp. Pluie Battante ne se pressait pas trop, mais comme un seul de ses pas équivalait à quatre ou cinq pas de Patte Grise, le chaton ne s'en rendait pas compte ! Le guerrier ne tarda pas à ralentir un peu le rythme pour le regarder et lancer sur le ton de la conversation :

" Alors, ça se passe bien à la pouponnière ? Pressé d’être apprenti, non ? Tu voudrais avoir qui en mentor ?
- C'est surtout Maman... qui est pressée je... crois. "

Son discours s'interrompait régulièrement car il fatiguait vite, et avait un peu de mal à marcher en parlant, mais il continuait quand même, et de plus en plus rapide et intense, tout content qu'on s'intéresse à ce qu'il pensait.

" T'imagines si mon mentor c'est Nuage de Nuit ! Ou Nuage d’Émeraude ! "

Les à-coups dans ses phrases ainsi que le rythme élevé les rendaient difficilement intelligibles. Mais il était naturellement persuadé que tous les grands pouvaient devenir ses mentors, même les nuages. Et aussi que ces noms susciteraient forcément tout un tas de réactions chez son mentor, et n'étaient pas que des noms entre d'autres, mais bien des hypothèses qui méritaient des réactions choquées, angoissées, moqueuses ou amusées.

" Ce serait bizarre hein ! Et ! Et ! Et si c'est Hibou Nocturne ! Qu'il part guérir et qu'il revient ! Ou Museau Bleu ! Elle était super copine avec Papa, comme toi ! Tu savais ? Elle est gentille Museau Bleu, hein ? Tu trouves pas ? "

Il pensait à mille choses en même temps et semblait incapable de tout dire clairement. En fait il parlait presque au même rythme chaotique qu'il pensait, comme les chatons savaient si bien le faire, sans jamais imaginer que cela puisse ennuyer les grands.

Et toujours avec ce regard plein de vie, et son petit trottinement hâtif, comme s'il poursuivait le guerrier au lieu de lui tenir compagnie.

Patte Grise me promet qu’il ne me quittera pas et je lui fait suffisamment confiance pour ne pas le vérifier. Nous nous dirigeons doucement vers la rivière, j’essaye de me caler à son rythme mais, j’ai des immenses pattes et même si je ne marche pas vite, le chaton est bien obligé de faire beaucoup plus de pas que moi. Mais le chemin jusqu’à la Rivière n’est pas aussi long qu’il prenne juste un peu son mal son patience.

" Alors, ça se passe bien à la pouponnière ? Pressé d’être apprenti, non ? Tu voudrais avoir qui en mentor ?
- C'est surtout Maman... qui est pressée je... crois. "

Ha ha ! Même pas surprenant. J’écoute le petit faire une liste du genre Nuage d’Émeraude ou Nuage de Nuit ou encore Hibou Nocturne ou Museau Bleu. Je ronronne doucement, mais ce petit a quand même besoin d’apprendre un peu le respect. Ça ne lui ferait pas de mal un peu d’humilité.

- Nuage d’Émeraude est un peu trop jeune pour te former. Il faut qu’elle finisse sa formation. Ensuite, Nuage de Nuit, oui, elle pourrait effectivement être mentor. Elle ne devrait plus tarder à passer guerrière. Après tout, je n’avais rien à lui apprendre, Matin Ebrasé avait bien fait son travail. Pour Museau Bleu, elle est très occupée avec la formation de Nuage de Méduse tu sais ? Quant à Hibou Nocturne…

Je m’arrête, permettant au petit de reprendre sa respiration, et mon visage prends un air grave et triste, quelques larmes me montent aux yeux, pourtant, ma voix ne tremble pas quand je reprends la parole.

- Il faut pas être trop brusque avec Hibou Nocturne. Il est terriblement malade, tu sais ? Et hormis Patte de Loutre, il n’a plus aucune famille. Ils sont tous montés aux Étoiles avec Matin Embrasé et je crois qu’il attend juste le moment pour les rejoindre. Alors soit gentil avec Hibou Nocturne. Il a perdu ses petites sœurs et son frère, tu sais ? Tu essayes de t’imaginer sans Boule Orangée, Petit Renard et Petit Goujon ? Tu serais triste, pas vrai ?

Mais je ne vais pas lui dire que c’est de ma faute si Matin Embrasé et Nuage de Taupe sont montés au Clan des Étoiles aussi tôt. Le remord me serre le coeur et le transperce de toute part quand je repense au guerrier bicolore et à la gentille femelle tricolore. Ils me manquent tellement ! Vivre sans eux, c’est terriblement dur au quotidien. Je me détourne du chaton le temps de ressuyer mes larmes de ma patte et je regarde mon filleul.

- On attrape le déjeuner de Maman et je te montrerais quelque chose, d’accord ?

Je reprends le chemin de la rivière, le coeur et les pattes Lourdes, puis je m’arrête devant, demandant à Patte Grise de bien me regarder avant qu’une jolie perche ne saute de la rivière. Pas de chance, je la loupe de très peu, je lui touche la nageoire caudale, parce que je ne sais plus trop apprécié les distances. Mais je ne me décourage pas pour autant.

- On va reéssayer, d’accord ?

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