Dandinements (avec Petit Alizé) - end

La petite semblait inspirée par cette évocation de l'été. Elle était encore si minuscule, si fragile... A croire qu'elle n'était née que la veille. Crocs Nacrés se surprit en réalisant à quel point il s'inquiétait pour elle.

" Dis Papou, c'est comment l'été? Les anciens ils disent que c'est leur saison préférée ! Pourquoi ? Il se passe quelque chose de bien ?
- Pour les anciens, bien sûr, oui, l'été c'est la meilleure saison... " répéta-t-il, un peu rêveur. Mais le sien ne serait pas doré. Il aurait du travail, beaucoup de travail, et il avait peur de s'arrêter. C'était au fond le repos qu'il avait le plus de mal à trouver en ce moment. Il n'était jamais tranquille, il dormait d'un sommeil agité, il revoyait tout. Il regrettait.

Crocs Nacrés sentit qu'il était temps de prendre une décision courageuse.

" Il y a beaucoup de gibier, on peut chasser beaucoup... et il fait chaud, souvent, c'est agréable. Mais ça veut dire que nous, les guerriers, on doit chasser sans relâche. Parce que l'été se finit vite, et après, tout devient plus difficile... On risque de se voir beaucoup moins, cet été... "

Non, c'était impossible de leur dire tout à fait au revoir. Mais il avait si peur. Le chat tigré se maudit d'être un pareil incapable. Et il se maudirait longtemps.

" Je vais ramener le lapin... Suis-moi bien. " reprit-il, lointain, en miettes au fond de lui.

Et il avança, la proie entre les crocs, en s'assurant très régulièrement que Petit Alizé restait tout près. Il avait peur, peur, peur pour elle. Et pour tout le monde. Ça le rendait presque malade. Sitôt rentré dans la pouponnière, la vision de ses deux autres filles le mit encore plus mal à l'aise. Il en oublia même de prendre son morceau de lapin, et son "au revoir" inexpressif ne ressemblait pas à l'appel à l'aide qu'il avait besoin de lancer.

Précipitamment, il s'éloigna de la pouponnière, tel un fuyard.

Spoiler: