Neuf vies, une seule chance [PV Mau] - end

J’étais fatigué. La victoire contre l’envahisseur était satisfaisante, certes, mais quelque chose me troublait. Je répondais aux besoins de mon clan, de ses membres sans broncher. Je restais au camp dans le but de guérir correctement, j’avais perdu une vie au cours de cette bataille, mon corps devait se reposer. Alors je ne me brusquais pas, commandant les miens de mon camp. La journée avait été longue, et mon seul instant de véritable réconfort à pu se faire lorsque j’ai pu voir Papillon de Lune. Je ne sais pour qu’elle raison, elle semblait légèrement tendue, et malheureusement, nous avions peu de temps pour discuter, juste tous les deux. Alors je profitais de sa douce chaleur, je tâchais de profiter de mes enfants, leur raconter des histoires, leurs inculquer les valeurs d’un guerrier, d’un membre du clan de l’Ombre, mais je profitais surtout de leur affection. Je les aimais de tout mon cœur. Je deviendrais fou s’il devait arriver quelque chose à l’un d’entre eux. Un dernier regard plein d’amour à ma Douce, et je retournais dans mon antre sombre et bien vide, en solitaire. C’était une caverne faite pour penser. Et mes pensées vagabondaient, jour et nuit, cherchant des solutions pour passer un hiver tranquille, sans encombre, éviter une autre famine et détresse comme lors du… Du quoi d’ailleurs ? Il s’était pourtant passé quelque chose de grave il y a quelques hivers, non ? Pourquoi nous avions connu une telle misè…

« Etoile Maudite... C'est Nuage de Manchot, je peux entrer ? »

Je secouai ma tête pour reprendre mes esprits, on avait besoin de moi, et je devais être présent pour chaque membre de mon clan.

« Bien sûr, entre je t’en prie. »

Je me redressai alors, voulant me montrer convenable et sage. J’essayais chaque jour de me montrer bien aux yeux de tous, comme un être bienveillant, qui les observent chaque jour, et qui tente de satisfaire leurs besoins. Ma voix grave résonna dans la tanière :

« Que puis-je pour toi ? »

Je remarquais à peine la mine dégouté du novice. La journée a été longue, les évènements récents n’étaient que synonyme d’épuisement, mon esprit se compliquait la vie avec un nom qui ne voulait sans doute rien dire et ma mémoire, elle, semblait se volatiliser, brûlant petit à petit chaque souvenir. J’essayais pourtant de garder mon air sage et robuste, que serait un meneur pensif et hagard pour un clan ?

« Tout tes guerriers fêtent la victoire contre les Lunar pods... Enfin, pas toi. Moi non plus d'ailleurs. Personnellement, ça m'a toujours surpris et choqué de fêter la mort inutile de nos camarades sur une guerre injuste. »

Je partageais son avis. Fêter la mort de quelqu’un, même d’un ennemi était bien cruel. Je crois que j’étais simplement soulagé. Je n’avais plus à m’inquiéter pour les miens, de chaque sortie. J’étais plus serein pour eux… Mais pour moi ? Je ne fête pas la victoire parce que je n’ai rien gagné. Au contraire, plus le temps passe et plus je perds. Je hochais la tête à ses paroles, montrant mon accord. Et il continua son discours.

« Hier, j'ai entendu quelqu'un dire qu'on avait jamais coulé des jours aussi paisibles que depuis la mort de Krov et de ses hérétiques. Je vais t'avouer un truc, j'ai voulu la claquer. »

Je penchais la tête sur le côté. Où voulait-il en venir ? J’attendais la suite de sa pensée. Le regard du jeune devenait plus sombre encore.

« Etoile Maudite, nous ne sommes pas en paix. Nous sommes un Clan, rival des autres Clans. Renforce tes patrouilles, endurcit ta politique. Il faut faire quelque chose ! Ton Clan s'affaiblit et moi, pauvre apprenti, je le vois mieux que n'importe de ces feignasses qui se prélassent sur une victoire vaine. Il faut agir avant que les autres Clans nous traitent de faibles ! »

Les paroles du jeune me troublèrent. Pas en paix ? Le clan faiblissait ? Une politique trop molle ? Etait-ce là le jugement d’un apprenti qui venait à peine de commencer l’entrainement ? Cependant, je ne me mettais pas en colère. Je n’en voyais pas l’intérêt, je préférais écouter les revendications de Nuage de Manchot. Ce n’était que des peurs, je ne voulais pas me montrer comme un tyran, je souhaitais que tout le monde trouve sa place. Une chose est sûr, c’était qu’il avait besoin d’être rassuré, selon moi.

« Nous sommes loin d’être faible. Je les laisse fêter la victoire, ça leur permet d’être heureux un instant, de se mettre en tête qu’ils ne risquent plus rien en mettant une patte dehors. Je peux paraitre doux comparé à Serpentaire, mais nous sommes toujours plus puissants. S’il faut renforcer les patrouilles pour te le prouver, soit, je le ferais. Mais comprends bien qu’un clan avant tout unis, où tous peuvent s’entendre est un clan plus fort. Je prône la cohésion et l’entente pour une bonne raison. »

Ma voix était loin d’être menaçante ou emplie de colère, elle était neutre mais toujours forte. Mon apparence n’aidait peut-être pas forcément, mais au fond, j’étais pareil, j’étais un guerrier. Un combattant qui montrerait la force de sa tribu sans hésiter.

« Nous avons déjà fait preuve de puissance durant les deux dernières batailles. Deux victoires, ne l’oublie pas. Et en cas de conflit, ça nous en fera une de plus. »

Je revenais doucement à mes songes, pensant que j’avais calmé ses inquiétudes. De là, de cette tanière sombre et silencieuse, j’entendais le festin des miens. Je m’étais montré fier, puissant pour rassurer tout le monde, pour montrer que j’étais un chef robuste que rien ne pouvait atteindre. Cependant, il suffisait de franchir le seuil de cette tanière pour se rendre compte que c’était faux. Coulé dans des rêves, dans des pensées qui me noyait, ainsi que des souvenirs s’évadant, voilà ce qu’on pouvait voir. Un pauvre meneur fatigué, épuisé par la vague de malheur qui le submergeait. J’étais ce meneur là, blessé par des griffes et des crocs, mais aussi par des doutes et des remords. Avait-il raison ? Cet apprenti voyait-il ce que je ne voyais pas ? Je voyais mon clan puissant, avec pour seule faiblesse son chef.

« Une dernière chose Etoile Maudite. »

Je le regardai de nouveau, curieux d’entendre ce qu’il avait à dire. Je gardais quand même en tête que je devais me montrer plus fort. Manchot à probablement raison.

« Il y a quelques levers de soleil, Esprit Lent a adopté deux chatons découverts par Grain de Sel. Des chatons au sang de lune. De quel droit méritent-ils de rester ici alors qu'ils ne sont même pas issus des Clans ? Je suis sang-mêlé, je me sais illégitime, eux sont pires. »

Sa réponse était dans sa question. Je me levai rapidement, et tâchait de montrer ma grandeur. Cette décision, jamais je ne reviendrais dessus. Sans me montrer méprisant, je voulais lui faire comprendre, par ma voix grave, qu’ils avaient autant le droit que lui d’être ici. Ils ne savent pas d’où ils viennent, ils ne sont responsables de rien. Mon comportement avait tout de même brutalement changé. De passif et compréhensif, je passais à froid et sévère.

«Nuage du Manchot, tu es sang-mêlé et pourtant je ne te fais pas subir la bêtise de tes parents, je me trompe ? Tu es devenu apprenti, tu deviendras guerrier. Il me semble qu’à aucun moment je t’ai mis des bâtons dans les pattes ? »

Je m’approchai doucement de lui, l’œil brillant, les oreilles légèrement sur le côté.

« Ils ne connaissent pas leur parents, ils ne connaissent pas leurs origines. Tu ne t’es jamais dis que si tu haïssais ces petits pour quelque chose qu’ils n’ont jamais fait ils risqueraient de mal tourner ? Pourquoi faut-il toujours blâmer les enfants ? La mère est morte et le père envolé, inconnu. Il me semble qu’ils n’ont pas provoqués cette guerre, qu’ils n’ont pas arraché la vie. Il me semble qu’ils ont les pattes blanches ? »

J’étais agacé à chaque fois qu’on me disait que la progéniture était quelque chose d’atroce. Des chatons n’ont rien pu faire de grave, où alors je ne vivais pas le même monde.

« Si tu souhaites que je les bannisse, tu y passes aussi. Si je suis ta logique, s’ils n’ont rien à faire ici, d’accord, mais tu n’as aucune légitimité aussi. Je ne laisse pas des chatons à peine nés mourir sur mes terres. C’est tout. »

« Mais c'est sûrement un piège ! Tu ne vois pas ? »

J’attendais évidement un développement de sa pensée, aussi stupide soit-elle. Tout ce qu’il allait dire ici pouvait se retourner contre lui, je l’attendais au tournant.

« Etoile Maudite, on ne connait ni le père, ni la mère, mais on sait que se sont des sales Lunariens. Et si le piège était d'infiltrer leur merde chez nous ? Ça pue le traquenard à des longueurs de queue ! »

Je grognais, les oreilles de plus en plus penchées en arrière. Il devrait se rappeler de ce qu’il y avait dans son sang avant de critiquer celui des autres. Je ne comprenais pas que lui ne voyait pas ce que je voulais dire, n’acceptait pas mon choix de garder ces jeunes. Il était sang-mêlé, il était le plus apte à comprendre, mais non. Je regrettais presque de lui avoir donné une chance. Et lui, n’était-il pas une merde que le clan du Tonnerre avait tenté d’amener dans le clan de l’Ombre ? Ce même raisonnement pouvait s’appliquer à l’apprenti.

« Si le Clan des Étoiles désapprouve, nous allons ne payer les conséquences, nous allons souffrir. Tu n'a spas le droit de faire prendre un si gros risque à ton Clan, c'est de la négligence. »

Les étoiles. Etaient-elles toujours au dessus de nous déjà. J’aurais dû retourner dans ma torpeur face à sa remarque, mais au lieu de ça, j’entrais dans un excès de colère. Une colère sourde, semblable à l’orage qui gronde au loin. Depuis que je suis dans la pouponnière j’entends parler de nos ancêtres sacrés, j’ai grandis, croyant en eux dur comme fer. J’ai toujours suivi le code du guerrier, j’ai toujours respectés leurs lois et leurs volontés. Je suis un croyant. Et lorsque que j’ai eu besoin d’eux ils n’étaient pas là. Alors pourquoi ils seraient encore présents à l’heure où l’on parle ? Ma voix, semblable au tonnerre qui grondait, emplissait la caverne qui me servait de tanière.

« Et toi ? Tu n’es pas une merde rapporté par le tonnerre aussi peut-être ? Je te rappelle la faute de tes parents ? Tu n’es peut-être que le fruit d’un piège prévu par le tonnerre ? Voulant semer la panique chez nous ? »

Je me faisais plus menaçant, regardant l’apprenti d’un œil mauvais, avec les crocs découvert. Je n’allais pas l’attaquer, non, il devait juste avoir peur, et comprendre que j’étais le meneur. Je prenais les décisions que je voulais. Les étoiles… Elles ne me guident plus. Plus depuis cette guerre, alors que je n’ai rien fais. Je m’approchais de plus en plus du novice, lentement, l’air furieux et peut-être fou.

« Depuis ma naissance je suis un serviteur des étoiles. Ce n’est pas toi qui va m’apprendre comment leur obéir, comment les servir. Ce n’est certainement pas un sang-mêlé qui va m’apprendre ces choses là. »

Les étoiles sont mortes.