(nomination) Faire le bon choix. -end

HRP:

Après la mort du premier frère Vautour c'était tout naturel que le second, qu'il avait choisi comme Lieutenant, le succède. Il prit ses rêves et ses espoirs de jours meilleurs avec lui en entendant le rassemblement se former. La dernière fois qu'il avait assisté à l'un d'eux, dans le confort du haut de sa branche, il s'était attiré le courroux de tout ces prudes guerriers qui ne juraient que par les traditions.

Lorsqu'il s'assied il fit fi des mauvais regards jetés dans sa direction, se départant même de son masque de bonhommie pour se faire aussi glacial et impartial que possible. Busard Cendré monta sur le promontoire - c'aurait bien pu être Raton-Laveur, il se fichait de les distinguer en ce moment. Il s'entendait parler dans un souvenir avec Secret du Firmament de ses rêves de changements, de son vœu d'entente tissée entre les clans.

Il s'entendait en même temps que parlait le nouveau meneur : « Me voilà revenu des Hautes Pierres en tant qu'Étoile de Cendre et comme depuis des générations » comme depuis des générations la même histoire serait répétée et ce ne serait pas lui qui serait choisi Lieutenant, et bien qu'il s'entendit sous-peser à Fifi qu'il ferait, dans sa condition, sans doute un très mauvais Lieutenant,

« Raton Laveur,
tu es désormais le nouveau lieutenant du clan, félicitations. »

Une part de lui rêvait toutefois de servir le bien commun. Mais ça coulait de sens - Raton-Laveur respirait le machisme du guerrier idéal et répondait à l'impulsion de ses griffes, comme les Étoiles le voulaient. La température autour du Bengal avait comme chuté au blizzard d'émotions que cette "nomination" aurait du lui faire éprouver. Il aurait du être furieux, il aurait du être fier, il aurait du vouloir célébrer avec son ami - mais ce n'était plus son ami. L'avait-il seulement été?

— « Je te remercie de ta confiance Étoile de Cendre.

Sa confiance.

Tsk, comme si un hypocrite tel que lui était digne de confiance.

— Je ferai de mon mieux pour honorer ta suite.

Dans la foule le tout nouveau Lieutenant Raton Laveur s'était levé, avait scanné les alentours pour tenter de trouver son regard à lui - il le trouva mais il n'eut de sa part aucune chaleur. Il s'agissait, après tout, de ces mêmes yeux que le Lieutenant avait cherché à griffer. Le bengal ne cilla pas, soutenant ces yeux sans ne bouger d'un iota - pas même de l'oreille, qui avait l'habitude de tiquer, ou de la queue, qu'il aimait tant recourber. Il se dressa en front de glace mais sans mépris ni colère, à mille lieues du poids des remords qui pouvaient accabler son semblable au masque en face.

Bientôt le reste de la foule s'était relevée et se dispersait comme des ombres à la lumière pour retourner vaquer à leurs tâches dans le campement, le chef s'apprêtant lui-même à prendre congé:

— J'ajoute que des changements sont à prévoir, mais pour ça ... J'aurais besoin de toi, Raton Laveur.

Mais tout au centre le front de glace n'avait pas bougé. Quelques chats passèrent à côté sans qu'il ne rechigne - plutôt, il interpella le frère Vautour d'une voix claire, mais à l'intention de son lieutenant qui lui avait de emboîté le pas de toute manière:

— « Surveille-le bien, Étoile de Cendre. Dans un excès de colère ce "bestiau" a failli me griffer les yeux.

Il y avait pleeeeein de gens dehors — pas dans la pouponnière en fait, et même quelques reines étaient sorties, abandonnant le temps d'un instant leurs poupons dans les nids encore chauds qui les protégeaient du froid léger, mais mordant, de cette fin d’hiver.
Le printemps arrivait, et Petite Source l’attendait de pied ferme, même si elle ne savait pas ce que c’était. On racontait que c’était une période douce, colorée, sucrée comme le lait et pleine de rires et de joie. L’hiver, qui était pour elle la norme, ne lui semblait pas si terrible, mais il faisait de moins en moins froid, et certains jours, il faisait presque « chaud ». Et les jours les plus chauds, c’était les jours préférés de Petite Source.

Elle releva la tête, curieuse face à cette agitation. Les grandes personnes avaient parlé de plein de choses importantes trop compliquées pour qu’elle puisse comprendre, mais elle avait envie d’essayer, au moins. Et puis, elle aimait bien voir les gens de dos. Elle pouvait y voir toute la diversité des corps et des couleurs, des tailles, des formes, toutes ces choses, sans devoir faire face à tout les regards glaçant qui s’étaient tournés vers elle malgré son jeune age.
Petite Source resta dans la pouponnière. Il faisait trop froid dehors pour y mettre une patte, et elle ne s’autorisait pas à sortir : à sa connaissance, elle n’avait pas le droit, et elle ne prendrait jamais le risque de faire une bêtise.

En haut d’une grosse pierre se tenait un chat gris au regard sévère. Ce n’était pas le même regard que les regards de colère. Il n’était pas accompagné de cette sensation qui vous murmure « excuse toi. Excuse toi d’exister. Implore leur pardon ». S’il n’était pas dérangeant, il lui faisait peur malgré tout.
Le chat parlait d’une voix forte et autoritaire, et même les reines, qui étaient la plus haute figure d’autorité qu’elle connaissait jusqu’à maintenant, avaient l’air de lui obéir. Est-ce qu’il était la reine des reines?

Le mâle gris ajouta quelques mots qu’elle comprenait individuellement, mais pas vraiment quand ils étaient ensembles, alors le sens lui échappa. Mais elle retient malgré tout le sens du mot « Raton-Laveur ». C’était son tonton, comme elle avait décidé de le nommer — un gentil monsieur avec la même queue qu’elle et son grand frère Nuage Roux, qui venait lui rendre visite des fois, et lui disait plein de choses rigolotes et gentilles.
Les gens l’acclamèrent, alors, depuis son petit coin de pouponnière, à la frontière entre le reste du camp et sa tanière, elle fit de même. D’une voix beaucoup plus douce, et plus petite : elle ressemblait à celle d’un petit écureuil.
Petite Source ne savait pas pourquoi les gens étaient contents. Y avait-il besoin d’une raison? Elle se contentait de peu, et prenait ce qui lui était offert. Quand la foule se déstructura, elle rejoignit sa famille dans son petit nid qui n’avait presque pas perdu de sa chaleur. Elle garda dans le coeur cette agréable sensation douce, ignorant tout de la froideur de la suite des évènements.

Une fois de plus au cours de la dernière lune, Nuage de Châtaigne se tenait sous le promontoire, ayant gagné la clairière suite au cri de ralliement de leur chef. De leur nouveau chef, songea-t-elle.

Les gros événements et les annonces déchirantes devenaient très fréquents, commençant quelque temps plus tôt, lorsque Nuit Hivernale avait enfreint la principale règle des guérisseurs ; ne pas avoir d'enfant. Cela lui avait valu d'être immédiatement bannie du clan. Nuage de Châtaigne, prise dans la foule le jour du procès, avait plus été saisie par l'agitation que l'annonce provoquait que par l'évènement lui-même. Elle ne défendait pas l'ancienne guérisseuse, dont les actes étaient mauvais et proscrits par le code du guerrier, mais était-ce nécessaire de l'expulser du clan ? Une simple perte de rang aurait largement suffi.
Puis, presque juste après, le grand chef Étoile du Vautour était mort. Comme ça, brutalement, alors qu'il n'avait pas eu ses vies depuis tellement longtemps et que personne ne soupçonnait de maladie. Il était au pouvoir depuis sa naissance et la gamine l'avait toujours admiré, alors forcément ça l'avait plutôt chamboulée.
Busard Cendré avait donc pris sa place, partant sans plus tarder aux Hautes Pierres. La novice voyait, dans le frère du défunt roi, un aussi bon et respectable dirigeant.

Toute discussion avait cessé au moment même où il avait franchi l'enceinte du campement et chacun avait afflué en direction du promontoire dans un silence religieux.

《 Clan du Tonnerre... Me voilà revenu des Hautes Pierres en tant qu'Étoile de Cendre et comme depuis des générations, il est temps pour moi de nommer un nouveau lieutenant. 》, miaula justement leur étoile.

C'était un joli nom, Étoile de Cendre ; très majestueux mais intimidant également.

Malgré la très récente mort du Vautour, l'atmosphère régnant dans le campement était plus légère que triste. Le deuil s'était effectué le jour précédent, laissant le clan libre d'avancer et préparer un futur qui serait en partie incarné par le choix du lieutenant. Après tout, il serait probablement le prochain leader du clan quant à son tour Étoile Cendré mourirait. Oh, Nuage de Chataigne espérait bien que ça n'arrive pas tout de suite !
Jetant des regards à gauche et à droite, la novice tentait de prédire le nom à venir ; pas Coup de Foudre où Danse du Cerf, jugés trop inconscients, ni Graine de Tournesol, dont le sang était celui d'un domestique. Peut-être Vipère Audacieuse, ayant sût gagner la confiance des chefs, où sa mentor, Feuille Urticante, la compagne du nouveau chef. Oh, ça ferait d'elle la novice de la lieutenante !

《 J'annonce ma décision devant nos ancêtres et surtout devant Étoile du Vautour..., reprit le félin gris, tout le clan pendu à ses lèvres. Raton Laveur, tu es désormais le nouveau lieutenant du clan, félicitations. 》

Un immense brouhaha s'éleva de la clairière, s'élevant haut dans le ciel, jusqu'à leurs ancêtres. 《 Étoile Cendrée ! Raton Laveur ! 》 , hurla l'apprentie en même temps que ses congénères. Elle était heureuse pour le gentil guerrier, qui ferait un très bon lieutenant.