On en apprend tous les jours [pv Maumau] -abandon

Le matin est là. Il me sembler que c'était hier, avec Etoile Maudite et Chant des Alouettes, que nous évaluions trois des Novices. Et pourtant non. Bien des nuits sont passées depuis cette sanglante bataille où mes griffes se sont enfoncées dans une ennemis jusqu'à la priver de sa vie. Je ne dors plus beaucoup et je ne suis pas le seul. Je regarde à mes côtés, observant le pelage coloré de celle que j'ai prise sous mon aile. Nommée Guerrière il y a peu, elle ne s'est pas vraiment remise de la perte de mon Apprenti. Tout comme moi en fait. Je soupire et la laisse se reposer. Tant qu'elle y arrive, il ne faut pas la déranger.

Aujourd'hui, journée libre, jour de congé comme diraient certains. Je compte bien chasser et remplir ma journée. J'aurais bien emmené Lueur du Crépuscule, mais je préfère la laisser se reposer. Depuis la perte de Nuage de Fauve, je l'emmène systématiquement avec moi pour la chasse ou les patrouilles. Mais pas aujourd'hui, aujourd'hui chasse en solitaire. Mais avant ça, cela fait un moment que je ne suis pas allé visiter ma mère. Pluie de Pétales est Ancienne maintenant. Son caractère est toujours aussi emporté et plus d'un Apprenti s'est pris ses remontrances, ses grognements, ses feulements.

Je louvoie dans le camp, direction la Tanière des Anciens. À cette heure matinale, je sais que ma mère sera là-bas. J'entre après m'être annoncé et je vois que j'avais raison. Je pose un regard sur ma mère et ronronne doucement. J'aime beaucoup Pluie de Pétales, malgré le nom dont elle m'a affligé. Malgré les Saisons et l'oeuvre du temps, on peut voir qu'elle a été belle. Un pelage sombre, tricolore, mais dans les tons de l'Ombre, foncés. D'elle je n'ai hérité que mes yeux, des turquoises qui peuvent être chaleureuses comme glaciales, et ma silhouette fine et élancée. Le reste, c'est de mon père que je le tiens.

Je m'avance et la salue. Elle me le retourne avant un ronronnement. Je suis son unique enfant, elle n'a pas eu d'autres compagnons depuis Chants Obscurs. Je viens poser ma tête contre elle, seul moment de tendresse que je me permet. Je m'allonge, l'écoutant me conter ses mésaventures, ce que ces idiots de Novices ont fait, etc. Puis vient la question fatidique, dont je me serais bien passé. Compagne et Petits. Elle n'en peut plus d'attendre d'être grand-mère.

"À mon âge, j'ai plus besoin de grand chose tu comprends? Alors comprends aussi que je veux connaître mes petits enfants! Je vais peut-être rejoindre ton père bientôt, tu vois?"

Je grogne, exaspéré. Depuis combien de lunes me casse-t-elle les pattes pour que je fasse des chatons? Je lève les yeux au ciel.

"Comprends alors que je n'ai pas de Compagne et que je ne peux pas faire ses chatons seuls, peu importe si je le voulais."

Elle hoquette avant de se faire bien plus mielleuse.

"Mais si tu veux, je peux te présenter de gentilles femelles. La petite fille de Pelage Brun pourrait te convenir, non? Elle est gentille et douce et prête pour des petits."

Je feule un grand coup, me relevant sur mes quatre pattes.

"Je n'ai pas envie d'une compagne comme ça, je veux trouver l'amour comme toi tu as trouvé Chants Obscurs! Veux-tu donc me condamner à une vie terne sans l'espoir de trouver un jour celle qui pourrait faire battre mon coeur?!"

Elle se relève également et me suit dans la montée de ton. Certes, elle met plus de temps à se mettre sur ses quatre pattes, mais les éclairs dans ses yeux pourraient me faire peur si je n'étais pas habitué.

"Je VEUX des petits-enfants! Je les veux au plus VITE! Avant d'être gâteuse. Alors la question est QUAND VAIS-JE ENFIN ÊTRE GRAND-MÈRE"

J’étais comme vidé de tout. Tout le semblant de vie que j’avais me quittait. Oh non, mon corps ne se mourait pas, seulement mon âme était… Si lointaine ? Savoir où j’étais relevais du défis. La guerre me marquait la peau, comme de l’encre noire. Je n’étais plus le même. Tout ce sang, ces blessures, la Lune était bien rouge ce soir là. Et les étoiles absentes. Je suis mort une fois de plus contre ces vermines, et… Personne n’était là. Personne ne m’a accueilli, personne ne m’a redonné la vie. Mon âme elle seule à retrouvé mon corps. Pourtant, j’étais sorti, j’avais évalué des novices en compagnie de Joli Brouillard et Chant des Alouettes, je restais un chef mais j’étais bien plus loin. Un meneur perdu dans des étoiles sûrement envolées.

Je sortais de ma tanière, comme tous les jours et je me baladais dans le camp, l’œil vide de toute lumière, regardant chaque membre alors qu’en réalité je voyais le vide. Oui, un tour de vide. Cependant des éclats de voix me firent réagir. Réveillé de ma torpeur, devenue habituelle, je me dirigeais vers la tanière des anciens, là où les choses semblaient s’échauffer.

« Je VEUX des petits-enfants ! Je les veux au plus VITE! Avant d’être gâteuse. Alors la question est QUAND VAIS-JE ENFIN ÊTRE GRAND-MERE »

Je voyais une vieille guerrière debout, sur ses pattes, le regard foudroyant. Un félin au pelage brun foncé, semblable au mien était devant elle. Je m’approche doucement, pour ne terrifier personne. Je ne riais même pas à ce qu’elle venait de dire. En fait, j’étais comme absent, mais bon.

« Tout va bien Pluie de Pétales ? Tu te fais importuner par ton fils ? Ou c’est l’inverse ? »

Je tentais de mettre un minimum de légèreté dans ma voix. Histoire de ne pas paraitre trop mort à l’intérieur. La guerre ne marque pas que le corps, l’esprit est bien abîmé lui aussi.