Hope | Caresse du Vent -abandon

Jaguar d’Opale nageait. Ses pattes caressaient l'eau tandis que son corps se laissait porter par le courant. Puis parfois, elle lâchait totalement prise. Elle fermait les yeux, relâchait tout ses muscles, se laissait couler jusqu’à frôler les pierres vaseuses lorsque l’eau était peu profonde. Délicatement, tout en douceur, elle posait ses pattes sur son ventre encore plat. Il n’y avait pas de douleur, pas d’anomalie, pas de rondeurs ni de mouvement. Il n’y avait rien. Et pourtant, il y avait quelque chose.
Elle en était sure, elle le savait, et chaque fois que les coussinets de ses doigts effleuraient le bas de son ventre, son coeur se serrait dans un mélange de joie, d’angoisse, de peur, de confusion.

Des bébés.

Il y avait des bébés dans son ventre.

C’était la suite logique des choses après tout. Elle repensa à Caresse du Vent et ses soupirs dans son oreille. Elle repensa aux crocs de Merle Noir contre sa nuque. Elle frissonna, finit par manquer d’air. Remonta à la surface.

Le retour à la réalité fut tout aussi frappant que le vent glacial qui lui souffla en pleine face sur son pelage mouillé. Restée trop longtemps au fond de l’eau, ses poumons cherchèrent tout l’air possible dans une bruyante inspiration.
Tout ce que ces enfants impliquaient lui faisait tourner la tête. Comment ferait-elle, d’ailleurs? Les yeux bleus de Jaguar d’Opale se tournèrent vers le ciel. Que pensait son père, à cet instant ? Que penseraient sa soeur et Étoile d’Or? Que penserait Merle Noir ?
Elle n’était pas prête à leur dire.
Ils ignoraient sa relation avec un étranger, et continueraient à l’ignorer longtemps. Pour toujours, dans le meilleur des cas. Cependant, ils jugeraient sa relation avec Merle Noir et la jugeraient elle. Elle en avait eu assez, de ces regards, de ces jugements qui l’avaient accompagné toute son enfance. Elle avait besoin de temps pour affronter tout ça.

La guerrière regagna la berge de son côté du territoire. Elle leva une patte, examina l’état de sa fourrure. Elle n’avait pas encore perdu son poil d’hiver, son ventre était encore plat. Avec un peu de chance, elle pourrait continuer de leur cacher un long moment sa grossesse. Jusqu’au terme même, peut-être ! S’ils ne le savaient jamais, alors elle pourrait les confier à Caresse du Vent, et ils pourraient grandir loin, bien loin de toutes ces choses qui lui faisaient peur.
Enfin, avant toute chose, elle devait lui en parler. La jolie femelle rejoignit le pont qui reliait la frontière du Clan du Vent et de la Rivière, tout en surpassant cette dernière. Puis elle attendit. Elle attendit, et continuerait d’attendre chaque jour, allant et venant autant de fois que nécessaire, jusqu’à ce qu’il se montre.

Caresse du Vent.