Une grossière erreur ft. Belle-de-Nuit, Nuage Roux, de Bec et de Braise - abandon

L'automne. Les arbres dénudés, la pluie qui s'invite dans les litières, la brise froide du matin et le tapis de feuilles aux nuances brûlantes sous ses coussinets. Saumon Vif n'aimait pas particulièrement la saison des feuilles mortes; d'abord, il n'appréciait guère la météo mais surtout elle annonçait la venue d'une autre saison bien plus meurtrière pour les claniques. Le jeune guerrier ne se sentait pas prêt pour vivre un nouvel hiver. Voir les côtes parfois saillantes de ses camarades ne lui plaisait pas plus que de devoir passer la journée dans la neige glaciale en espérant ramener un maigre moineau. Et puis, l'hiver gelait souvent la rivière, privant son Clan d'une autre ressource en proies.

Aujourd'hui néanmoins, l'animal au menton blanc s'était éveillé de bonne humeur. Après avoir participé à une première patrouille dans la matinée -de laquelle il était revenu avec un modeste campagnol-, Saumon Vif s'était accordé un maigre repas. Ces temps-ci, il n'avait pas le même appétit. Son obsession pour le Clan du Tonnerre commençait à l'empêcher sérieusement de vivre. La veille encore, il avait passé une large partie de sa soirée à guetter la frontière. Mais alors qu'il s'apprêtait à réitérer l'expérience de la veille, il aperçut au loin une frimousse familière.

« Belle-de-Nuit ! » la héla-t-il en s'approchant d'elle, trottant. « Une petite patrouille entre nous, ça te dit ? Il ne s'agirait pas que ces rats du Tonnerre tentent de nous voler nos terres avant la saison des neiges, pas vrai ?! »

Le pêcheur haut-sur-pattes avait parlé à volume réduit afin qu'aucune oreille indiscrète ne remarque davantage le comportement obsessionnel des deux jeunes. Saumon Vif le savait; peu d'autres matous du Clan n'osaient ouvrir les yeux sur la cruauté de leurs voisins. Seuls lui et Belle-de-Nuit se dressaient encore comme rempart face aux ennemis écureuils. Il prenait donc cette responsabilité un peu trop à cœur.

HRP:

Roux était assis tranquillement près de la pile de gibier, il venait tout juste de terminer de manger son morceau. Ce matin il avait eu droit à son entrainement matinal avec Patte Noire, et l'apprenti voyait bien que les entraînements devenaient de plus en plus durs mais au moins le guerrier bicolore ne restait pas jouer avec lui et c'était ce qui le motivait le plus. Cette fois il avait eu droit à du combat, et même si le rouquin était plus diplomate que ''combatif'' il savait qu'il n'avait pas le choix pour pouvoir défendre au mieux les personnes qu'il aimait, donc sa fratrie. D'ailleurs il avait très envie de parler à l'un de ses frères ou à sa sœur, car maintenant qu'ils étaient devenus apprentis, la fratrie avait de moins en moins de temps pour se voir ce qui ne plaisait pas franchement au rouquin. Il était l'heure de prendre des nouvelles et de parler un peu, et pourquoi ne pas sortir prendre l'air ? Chose que la fratrie n'avait encore jamais fait à l'heure actuelle, ils n'étaient jamais sortis ensemble en tant qu'apprentis. Il balaya le camp du regard avant de trouver Nuage de Bec, assis près de la tanière des apprentis. Nuage Roux s'empressa de se lever pour courir retrouver son frère à qui il n'avait pas franchement parlé depuis la visite de Coup de Foudre à la pouponnière, qui ne s'était pas franchement bien passé..

« Bec ! » cria Nuage Roux, content de le voir, avant de s'arrêter juste en face de lui. «Tu vas bien ? Ton entrainement se passe bien ? »

Entrainement. En parlant à son frère, Nuage Roux se rappela d'une chose. Nuage de Braise. Elle n'avait plus de mentor, cette dernière s'étant fait capturer par le clan du Vent. Même s'il connaissait par cœur sa sœur, ça ne devait pas franchement être une partie de plaisir tous les jours pour elle. Tout en écoutant son frère répondre, Nuage Roux chercha du regard sa sœur en espérant la trouver au camp, jusqu'à ce qu'enfin son regard se posa sur une boule de poils noire aux yeux de braise.

« Bec, viens allons voir Braise, je viens d'avoir une idée. » dit-il tout en se dirigeant vers sa sœur, avec Bec à ses côtés. « Eh Braise ! » sa sœur se retourna vers eux. « Nous ne sommes jamais partis en dehors du camp ensemble, ce serait l'occasion ? » demanda-t-il sans parler de son mentor.

Spoiler:

Une grossière erreur (13)

Je me frottais le museau, sûr que lors de la bataille improvisée avec l'énorme Gueule de Requin, il était encore moins droit que d'habitude. Pouvait - il être pire n'empêche ? Drôle de question. En tout cas, il pourrait être mieux. Ce serait un miracle si jamais lors d'un coup de patte, ma mâchoire s'emboîtait enfin correctement ! Je rêvassais donc de ce Bec parfait, assis près de notre tanière, jusqu'à ce que Nuage Roux arriva. Heureux de voir mon frère protecteur (toujours en sécurité avec lui), je me redressai sur mes pattes et me dirigeai vers lui la queue bien droite. Je l'accueillis de mon sourire de travers alors qu'il prenait de mes nouvelles.

" L'entraînement ? S'u-per ! Ma mentor est tellement impres's'ionnante. ronronnais - je à la pensée de la mystérieuse siamoise. Chaque journée à la voir était un cadeau.

Seulement, je vis le regard de Nuage Roux fuir vers le reste du camp. Quoi, je ne l'intéressais pas, il était juste venu par politesse voir pitié ? Enfin de m'indigner, je regardai dans sa direction pour voir à quel point je devais m'indigner selon la source de sa distraction. Et ce fut ma jumelle que je vis, sans mentor, comme tous les jours depuis la bataille. Saloperies de Lapins, j'ai bien cru que c'en allait être fini de moi ! Il s'inquiétait donc pour elle.. moi aussi. Comme nous on s'entraînait, nous n'étions pas là pour lui donner l'attention nécessaire et c'était grave. Quand le rouquin m'invita à voir notre sœur, ce fut sans hésitation que je le suivi. Quelle idée avait - il eu ? Sans doute un truc chouette tout ensemble vu l'importance qu'accordait mon frère à notre famille. Je ronronnai face à ma soeur et lui donnai une lèche sur la joue, qui voulait dire plus qu'un bonjour. L'idée du troisième fut développer et j'agitai mes moustaches d'excitation.

" Oh oui, tous' ens'emble ç'a va être génial ! Et.. pourquoi pas rendre la promenade utile en patrouillant près de la Rivière par ex'emple ? "

J'ai failli rajouter que cela rendrait nos mentors fiers mais je m'en empêchai de justesse ! En tout cas, je savais que moi je ferais tout pour rendre Vipère Audacieuse fière, voir même admirative d'avoir pris cette initiative. Charmé par cette idée, je motivai un peu plus les deux autres avant que l'on se mette enfin en route. Je n'ouvris pas la marche bien entendu, ni ne la fermai, je me sentais mieux au milieu de ma fratrie. Même s'ils semblaient un tout petit plus grand que moi ? Boh, pour ne pas y penser car cela devait juste être un effet d'optique, je lançai quelques discussions jusqu'à ce qu'on entende l'écoulement de la Rivière. Je tournai mes oreilles en sa direction.

" Ouah, on l'entend quand même fort non ? "

Et là je pensai au seul membre de ma famille qui aurait pu me dire non si un jour il voudrait bien faire une patrouille avec moi : Nuage Ardent. Il parlait tout le temps si fort que je me disais qu'un jour, on entendra aussi bien que lui. Aurions - nous dû l'inviter à cette patrouille ? Indécis et ne voulant pas me fixer, je préférai suivre le reste de ma fratrie jusqu'à la frontière.

hrp:

« Mais avec plaisir ! Lieutenant Saumon Fumé et Étoile de Nuit reprennent leurs positions dans la révolte contre le Tonnerre. »

Tels furent les mots de Princesse Nuit lorsqu'elle accepta gaiement l'invitation de son camarade. Ce dernier d'ailleurs, qui commençait à s'accoutumer aux remarques outrancières de son amie, ne put s'empêcher de lever les yeux au ciel en soupirant à travers un sourire qui trahissait son affection pour la petite ébène. Saumon Vif avait réalisé que Belle-de-Nuit n'était autre qu'une illusion : ses paroles orgueilleuses et méprisantes dissimulaient tout ce qu'elle considérait comme acte de faiblesse; ici-même, sa sympathie pour le pêcheur haut-sur-pattes -ça, il ne savait le comprendre consciemment. Mais il s'y faisait, et bientôt il appréciait l'attitude dédaigneuse de sa congénère comme on saurait apprécier le bon jeu d'un comédien. C'est que le Clan de la Rivière offrait rarement un pareil divertissement !

Les deux matous ne mirent pas trop de temps avant de prendre la route. Ils ponctuèrent le trajet de quelques potins, se lâchèrent sans une once de gêne au sujet de la meneuse actuelle, de sa politique étrangère laxiste, de la faiblesse de la future génération, des risques qu'ils devaient prendre tous les deux pour sauver ce qu'il restait de bon dans leur Clan... Un discours peu raisonnable, qu'on se le dise. Mais alors qu'ils prenaient place, à l'abri des regards derrière les galets qui bordaient le lit de la rivière, la petit noiraude se confia :

« Saum, je vais commencer à penser que personnes ne va traverser encore aujourd'hui.. Y'a pas beaucoup d'action de l'autre côté dis, t'es sûre qu'ils vont nous voler des terres aujourd'hui ? »

C'est vrai qu'ils n'en étaient clairement pas à leur première journée de surveillance, aussi le fauve comprenait l'impatience de la royale Belle-de-Nuit. Lui aussi commençait à remettre en question cette possibilité. Après tout, cela faisait bientôt des lunes qu'ils n'avaient plus entendu parler des raclures du Tonnerre...
Soudain la femelle sembla percevoir quelque chose de l'autre côté de la rivière : elle lui faisait signe d'écouter. Consciencieux, le mâle au menton blanc se concentra et à son tour il put entendre des éclats de voix sur l'autre berge. Imitant sa compagne de patrouille, Saumon Vif se plaqua contre les cailloux arrondis; sa fourrure claire passait plus aisément inaperçue que le noir pur de son amie. Cependant la guerrière aux yeux verts était forte de sa petite taille, si bien qu'elle était également invisible. Concentrés, les deux jeunes guerriers du Clan de la Rivière étaient à présent tapis à ras du sol, les oreilles dressées, le regard plongé dans la végétation du territoire voisin.

Saumon Vif se retint de grommeler lorsqu'il aperçut enfin une silhouette féline. De là où il était, et avec le grondement du torrent, l'animal aux iris bleus était incapable de déterminer le nombre de l'ennemi, ni même ce qui était dit. Mais lorsqu'il vit qu'un étranger commençait à traverser le gué, sa fourrure gonfla d'un coup. Son sang paraissait bouillir. Il s'élança sans réfléchir, et sortit sans hésitation ses griffes dans sa course, lesquelles crissaient parfois sur les galets. Et alors, lorsque la féline ennemie -car il s'agissait d'une jeune femelle- osa poser l'une de ses sales pattes puantes sur la berge de son Clan, Saumon Vif lui bondit dessus, feulant assez bruyamment et avec tant de hargne qu'on put le comparer à l'un de ces immenses chats des savanes. Il n'eut aucun mal à faire valser son adversaire grâce à l'effet de surprise mais aussi parce que la petite chatte en question n'était qu'une apprentie. Il avait sauté sur le flanc de la bengale, la renversant dans son élan. Ils roulèrent dans les galets, là où Saumon Vif parvint à lui asséner quelques coups de griffes à l'épaule notamment. L'animal aux longues pattes se redressa bien vite et, toisant l'intrus les crocs dévoilés, il lui cracha :

« Toi sale écureuil obèse, tu vas payer ton intrusion ! » non sans s'interdire une allusion à l'embonpoint léger de l'étrangère. Puis, encore sous l'effet de l'adrénaline il se tourna vers Belle-de-Nuit et lui fit sans se calmer. « Tu vois, j'avais raison ! Cette bande d'idiots attendaient qu'on les oublie pour nous envahir ! » Il plongea à nouveau ses yeux -dont les pupilles n'étaient alors réduites qu'à deux fentes- dans ceux de sa victime. « Alors, ils sont où tes p'tits copains, hein ?! »

Il était furieux.

HRP: