Douane (avec Nuage du Lynx) - end

“La neige ne brise jamais la branche du saule.”
Proverbe japonais

La neige recouvrait le sol de son manteau nacré et froid. Malgré le soleil qui semblait pointer tous ces rayons sur le camp, elle ne semblait pas vouloir céder à son ardeur. Nuage de Lynx détestait la neige. Elle réduisait le nombre d’entrainement. Recluse au sein du clan, la femelle tentait de s’occuper l’esprit. Déblayage de l’entrée du clan, compte des proies disponibles sur la pile, et autres petites missions qui lui semblaient tellement futiles et inutiles. Nuage de Lynx voulait se battre, se perfectionne, apprendre. Pas se tourner les pattes.

Alors que l’après-midi pointait déjà le bout de son nez, l’apprentie fit de nouveau le tour du camp pour vérifier si elle ne pouvait pas être utile ailleurs. Elle espérait pouvoir attraper au hasard une conversation concernant une sortie de chasse ou de patrouille, où elle pourrait participer. Mais il semblait qu’aucun chat aujourd’hui n’avait l’envie ou le courage de braver le froid dehors. Soupirant, Nuage de Lynx fit demi-tour en direction de la tanière. Ses coussinets commençaient à geler, et elle avait besoin de sécher son pelage tout collé à cause de cette neige poisseuse.

" Ici, c'est mon territoire, sale écureuil ! T'as pas du tout, mais alors, vraiment pas du tout le droit de passer. "

Boule de poire fit alors irruption devant ses pattes, la traitant d’écureuil. Le chaton semblait vouloir la défier et restait planté devant elle. L’odeur âcre habituelle de son pelage lui fit froncer le museau. N’avait-il aucun odorat ? Sa mère ne pouvait-elle pas le nettoyer comme il fallait ? Nuage de Lynx, fixa le chaton d’un regard noir et dégoûtée. Pour qui se prenait-il ce moustique ? Sa petite queue commença à balayer l’air d’exaspération. Elle était déjà de mauvaise humeur et cette chose n’allait rien arranger à son humeur.

Grognant, elle prit appui sur ses pattes arrière, et d’un saut agile et gracieux, fit un bond au-dessus de la boule de poil. Elle atterrit doucement sur ses pattes, s’enfonçant légèrement dans le manteau blanc au sol. Elle jeta de nouveau un regard vers l’animal à l’odeur suspecte, soupirant de mécontentement. Et reprit son chemin comme si l’existence du chaton ne lui importait peu. A vrai dire, aucun chat n’avait vraiment d’importance à ces yeux actuellement.

A peine Nuage de Lynx eut-elle le temps de cligner des paupières, que le chaton se remit en travers de son chemin. Il tentait de garder cette allure fière et intransigeante, mais le tremblement qui parcouru ses pattes puis son corps le trahissait. Et oui bonhomme, la neige ce n’est pas très agréable, pensa-t-elle intérieurement. La jeune femelle soupira d’exaspération. La situation actuelle était absurde. Que cherchait la boule de poil ? La bagarre, le conflit ? Il ne savait même pas de ce dont il parlait.

" EH !!! T'es plus DU TOUT DU TOUT chez toi maintenant, l'écureuil, t'es chez... chez-nous-le-Clan-du-Vent alors je vais te mettre la pâtée si tu laisses pas tomber ! "

Il cherchait la bagarre alors. Pourtant, vu sa taille, il ne ferait pas le poids face à l’apprentie. Nuage de Lynx n’était certainement pas la plus forte, ni la plus douée en combat, mais elle savait que face à un chaton, elle s’en sortirait plutôt bien. Il ne lui faisait pas peur.

" Même que d'abord mon papa-mon papa et bien et bien sa maman et bien c'est... c'est Tache d'If alors attention parce que si t'amuses avec les frontières et bien et bien ça va être la GUERRE d'abord. Et même que j'ai jamais perdu un seul combat et que toi et bien toi tu sens l'écureuil et les écureuils et bien on en a fait de la PURÉE même que mon papa il y était aussi. "

Nuage de Lynx fronça le museau en entendant le nom de leur ancienne chef. Tâche d’If était en effet une excellente guerrière. L’apprentie ne voulait pas admettre que cette petite chose à l’odeur piquante pouvait être un des descendants de son idole. Mais il fallait l’admettre, la génétique pouvait parfois faire de bonnes blagues.

« Tâche d’If est morte, lui dit-elle. Rien ne sert de te cacher sous son nom, elle ne sera pas là pour te sauver dans les mauvaises situations. Le jour où tu seras vraiment à la hauteur, on en reparlera minus. »

La femelle s’assit, ignorant de nouveau le chaton. Elle entreprit de lécher et réchauffer ses coussinets qui commençaient à souffrir du froid. Sa queue fouettait la neige autour d’elle. Elle jeta œil au petit qui commença à hérisser le poil et se mettre en position de défi. La mâchoire entrouverte, dévoilant une dentition à peine naissante, il fixait la femelle du regard. D’un mouvement de patte, Nuage de Lynx jeta de la neige sur le museau du chaton, visant sa gueule encore ouverte.

« Tu devrais réfléchir avant de l’ouvrir inutilement. Face à un écureuil, tu aurais fait demi-tour, la queue entre les pattes. Va faire ta sieste minus, tu vas attraper le mal à rester dehors. »

Elle asséna un regard sévère au chaton, en espérant qu’il la laisse un peu tranquille. Elle n’avait pas le temps pour ses niaiseries. Elle s’ébroua puis s’étira de tout son long, déplaçant la neige avec ses pattes avant.

Spoiler:

HRP:

« POUAH ! »

Nuage de Lynx ne put retenir un sourire en coin à la réaction du chaton. Ce devait être certainement son tout premier hiver. Il découvrait la neige et sa texture cotonneuse. A vrai dire, c’était aussi le premier hiver de Nuage de Lynx, mais elle s’y était déjà longuement préparée. La femelle regarda le museau encore enneigé de Boule de Poivre. Au moins cela obligerait le chaton à se laver. Peut-être était ce la solution pour lui enlever cette odeur de putois.

« Mais j'suis pas MINUS d'abord ! Suis POIVRE et pis je chasse du territoires les ÉCUREUILS comme TOI. »

Le chaton ne semblait vraiment pas décidé à lâcher l’affaire, au grand désarroi de la jeune apprentie. Soufflant haut et fort son manque de patience évident, elle le regarda sautiller tel un lapereau dans la neige. Il était ridicule. Boule de Poivre essayait de paraitre impressionnant et plus vif qu’il ne l’était vraiment. Pourquoi tenait-il tant à l’impressionner ? Il la traita de petite, d’une voix moqueuse. Mais c’est qu’il est têtu ce minus, pensa Nuage de Lynx, la queue fouettant l’air.

S’en était trop pour elle. Elle devait se débarrasser de cette boule de poil. Sans crier gare, elle plaqua son corps sur le sol, et s’aidant de ses pattes, fit un bond sur le chaton. Elle le plaqua au sol d’un mouvement vif et agile, et colla son museau au sien, les crocs sortis. Elle claque la mâchoire près de l’oreille du chaton pour lui faire peur et lui montrer que sa petite mascarade commençait à sérieusement la déranger.

« Lâche moi les pattes ! Rentre chez ta mère avant que tu finisses ta jeunesse chez le guérisseur ! »

Elle lâcha sa prise, et recula pour le laisser respirer. Tout ce qu’elle espérait c’était pouvoir trouver un coin tranquille où se reposer et ne plus être déranger par des avortons de la sorte.

En lâchant sa prise, Nuage de Lynx ne s’attendait pas à voir le chaton répliquer. Bouche ouverte prête à l’attaque, il se précipita sur elle, visant l’une de ces pattes avant. Nuage de Lynx sentit deux petites canines transpercer sa peau fine, et grimaça, non pas de douleur mais plus de colère. Cet avorton n’avait vraiment aucun respect pour ses aînés. La femelle grogna et attrapa la boule de poil par le cou. L’odeur âcre de son pelage lui donnait envie d’éternuer et la dégoûtait, mais elle ne le lâcherait pas. Elle le secoua pour lui faire lâche sa patte et le traina jusqu’à la pouponnière.

Arrivée à l’intérieur, elle le lâcha au sol, pestiférant et crachotant pour ôter ce goût amer qui lui restait dans la gueule et posa une patte sur le poitrail du chaton. Elle appuyait fort pour qu’il ne puisse pas s’échapper. Elle dévoila ses crocs aiguisés, grognant fort. Ce chaton insolent devait apprendre le respect, et ce n’était pas à elle de le faire. Elle n’avait pas de temps à perdre avec des bêtises de ce genre. Elle lui asséna tout de même un coup de crocs sur l’oreille pour lui faire comprendre que la limite avait été atteinte. Le regard mauvais, elle gardait sa patte sous sa gorge.

« Je te préviens morveux. Le jour où tu auras l’âge de te mesurer à moi, je te ferais la peau. Tu as de la chance de n’être encore qu’un chaton. »

Elle leva la tête et souffla, sa queue battait l’air de plus en plus vite. Elle sentait la colère monter en elle, et n’avait qu’une seule envie : égorger l’avorton. Mais elle n’avait pas le droit. C’était un membre du clan. Ce serait vu comme une trahison et elle ne supporterait pas d’être chassée du clan. Elle regarda autour d’elle et fit signe de la tête aux reines présentes dans la pouponnière.

« Que celle qui s’occupe de ce minus garde un œil sur lui. Il va tomber malade à rester dehors et en plus provoque ces congénères. Si vous voulez le garder entier, faites-en sorte qu’il suive enfin une éducation digne de ce nom. »

Elle leva la patte et laisse le chaton reprendre son souffle. Elle commençait à vraiment en avoir marre de ces petits qui se prenaient pour les meilleurs. Ils ne savaient marcher que depuis quelques jours et ça se croyait des grands guerriers.

Spoiler: