Black Mambo - end

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" Tu déclares forfait alors ? "

Feuille de Houx ne prétendait plus rien, c'était plutôt le contraire : il laissait faire, il relâchait tout, il abandonnait, il acceptait tout aveuglément, sans condition et sans rien savoir au juste de ce qu'il acceptait vraiment. Il n'était pourtant pas un guerrier qui vivait loin de toute tendresse, après tout, il savait être un oncle doux et un frère présent, mais cette tendresse-là était une tendresse bien particulière, qui, il en eut bizarrement l'impression, lui avait manqué toute sa vie.

Faible il était de se séparer ainsi de ses encombrants principes, de se mettre à nu, de se montrer vulnérable, mais c'était bien normal, car il n'était qu'un guerrier qui ne pouvait ni ne devait rechercher le moindre conflit avec sa lieutenante. Et ici, l'accord avait du charme, indéniablement. Il était plus heureux guerrier, peut-être, qu'il n'était heureux frère ou heureux oncle.

Peut-être, peut-être pas. L'échec de Croc de Brume lui restait en travers de la gorge. Ainsi que milles promesses jamais vraiment dites.

" Le perdant devrait être puni ? Tu ne crois pas ?
- Hmmmm... "

Il s'apprêtait peut-être à renifler quelque chose d'inreniflable lorsque la belle danseuse se déroba. Ce mouvement brusque mais pas brutal lui fit ouvrir les yeux sur crime qu'il aurait peut-être pu commettre. Et si elle semblait radieuse, il se sentit soudainement, lui, à nouveau craintif. Sans doute s'était-il laissé allé un peu loin. Implorant la lieutenante des yeux, dans un ronron qui s'étouffait, il manqua de tressaillir en repensant à cette histoire de punition.

" Que dirais-tu de... "
Ca y est, c'est déjà la fin ? songea-t-il, rongé brusquement par une drôle d'amertume. S'il avait su, peut-être aurait-il agi différemment.

En tout cas, Dernière Danse savourait magnifiquement bien cette seconde étrange. Elle est bien cruelle, de se moquer ainsi de moi, mais...

Mais Feuille de Houx n'avait jamais vraiment été un rebelle, dans les faits. Ce n'était pas dans son éducation.

" D'être mon dévoué serviteur pendant la prochaine lune ? "

Le guerrier gris referma paresseusement les yeux, et peut-être en priant pour que ces mots ne soient pas traîtres. C'était un signe incontrôlé d'adhésion, chez lui.

" D'être mon dévoué serviteur pendant la prochaine lune ?
- Pendant toutes les lunes qu'il te faudra. " reprit-il, béat, amoureux.

Mais il songea bien vite que justement, ce n'était pas ça qu'elle lui demandait. Et d'ailleurs... demanderait-elle ça un jour ? Il était le premier à en douter. Il parlait plus pour lui que pour elle. Et... Il était si envahi que peut-être même ne parlait-il pour personne. Seulement pour le vide libérateur.

" Tu sais bien que tu peux tout me demander. " rectifia-t-il donc, plus lucide, mais aussi plus souple.

La peur et le vide s'évacuaient en même temps. Avec l'heure et la mémoire revenait la fraîcheur hivernale. Je suis encore ici... sembla-t-il remarquer en s'asseyant tranquillement, comme pour attendre un caprice de sa dame. Légèrement étourdi, il retrouva le fil ordinaire de sa vie progressivement.

Elle est sacrément forte, Dernière Danse... réalisa-t-il encore, Elle est vraiment incroyable.

Feuille de Houx aurait été prêt à donner beaucoup à Dernière Danse, et même s'il ne s'en rendait pas vraiment compte, il la regardait désormais comme s'il l'attendait, comme pour lui montrer que sa promesse lui revenait à chaque seconde. Fais-moi un signe, un seul, et tu peux être sûre que je serai là. Il n'était pourtant pas qu'un chevalier servant docile et résolu, car au fond de lui-même, la soif était immense et il ne s'en cachait pas tellement. Ce serait injurieux et hypocrite que d'avoir honte. supposait-il, sans soupçonner que les injures et l'hypocrisie viendraient quand même.

" Vraiment tout ? " le défia-t-elle en s'avançant une nouvelle fois, amusée. Quelques frissons revinrent lorsque les moustaches de la guerrière le frôlèrent. Une certitude.


L'envoûtement revenait avec une facilité déconcertante. Et avec lui, sa dose de peur, de doute, de mystère. Se moquait-elle de lui ? Vibrait-elle, elle aussi, de quelque chose de comparable ? Ne loupait-il pas le signe ? Ne risquait-il pas de tout gâcher, avec son impatience ?

" Oui. " jura-t-il, en recherchant un ton grave et débordant de chaleur.

" Je compte sur toi. " souffla-t-elle en réponse, et il se sentit tout ému, comme si on ne pouvait pas lui faire plus belle réponse.

Tu peux. Je ne te décevrai pas. songea-t-il.

Et lorsqu'elle se retourna, un instant, il crut bon d'avancer un peu la tête, pour... pour sentir. Ses tripes à lui espéraient très visiblement que ce fût déjà l'heure, au point d'emballer son cœur et ses pensées. Mais Dernière Danse était d'une habilité redoutable, car elle s'avança. Et il la regarda s'éloigner, sans un mot, convaincu que le spectacle méritait la plus grande attention du monde.

Le vent lui rappellerait un peu plus tard qu'il était resté seul auprès du Cèdre Calciné et qu'il avait grand intérêt à faire sa toilette très vite s'il ne voulait pas réveiller l'attention et la jalousie de ses puants camarades, au camp.

Quel dommage, d'ailleurs, car la lieutenante sentait si bon !

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