Une bonne leçon ft. Feuille de Houx - end

« Toi, dans quelques minutes tu vas pleurer pour essayer de me faire oublier tes conneries ! »

Nuage d'Épervier souffla, moqueur. Quel culot ! Quel vantard ! Cet espèce de batracien poilu se pensait plus fort par son âge, par ces terres. Le jeune novice, fort de ses entraînements rigoureux, comptait bien lui donner une bonne leçon; ne jamais sous-estimer un membre du Clan du Vent car même un de leur chaton écraserait deux des guerriers de son Clan poisseux sans mal. La future sentinelle ne retint pas le sourire victorieux qui trônait sur sa gueule lorsqu'il croisa le regard furibond de l'ennemi, alors tout aussi boueux que lui. Prends ça, déchet.

L'animal au poil ébène se redressa bien assez vite, plein de rage. Son langage corporel ne laissait aucun doute là-dessus : il voulait faire payer le plus jeune pour son affront. C'est avec cette intention d'ailleurs qu'il abattit sa patte, toutes griffes dehors, sur l'apprenti du Clan du Vent. Peu surpris, le brun n'eut pas vraiment de difficulté pour esquiver l'attaque du plus vieux. Il coula un regard provocateur vers son assaillant tandis qu'il reprenait la parole.

« Oui parce que je vais te dire une chose : tu n'as jamais rien fait d'aussi con que ça depuis ta naissance.
- Tiens dont.
- Et je n'ai plus du tout envie de te voir dégager, maintenant. Tu vas rester ici un peu et tu vas voir ce qu'on leur fait, aux provocateurs de ton espèce. Et tu vas voir, quand tes amis lapins verront l'état dans lequel ils te retrouveront, tu vas voir lequel de nos Clans est celui qui craint l'autre.
- Bien. » fit-il sèchement, acceptant les menaces comme un défi.

La tension était à son comble. Nuage d'Épervier était sûr de lui, sûrement trop d'ailleurs puisqu'il n'était pas habituel chez lui de mépriser autant un adversaire. Malgré ses nombreux entraînements martiaux, il demeurait un apprenti des landes, pas un guerrier expérimenté des marais. Mais son assurance semblait au moins lui donner le courage de bondir le premier en direction de l'ennemi. Il feula, et agile, glissa sous le matou sombre pour planter ses crocs pointus dans le postérieur gauche de l'aîné, au niveau de la cuisse. Par réflexe, il prit soin de prendre le membre en gueule de sorte que son museau se retrouve vers l'extérieur, afin de pouvoir respirer quand bien même son adversaire tenterait de l'écraser en s'écroulant sur lui. Sans pitié, il planta ses griffes dans la terre guère meuble, trouvant une prise pour tirer avec le peu de force que sa génétique lui offrait sur la plaie. Ses crocs fermement plantés dans la chair -quoique protégée par les longs poils noirs-, Nuage d'Épervier tentait de faire chavirer le matou noir en tirant sa cuisse gauche vers la droite. En même temps qu'il faisait ceci, il se redressa, collant son dos au ventre de l'autre, déséquilibrant davantage son assaillant, si bien qu'il finit par chuter.

Face à ce spectacle, l'ego de l'apprenti-sentinelle gonfla et il finit par croire qu'il pouvait venir à bout de l'éclair noir.

« Alors, gros tas ? » Il recracha quelques poils noirs, respira bruyamment après cet effort. « On tient plus debout ? » Un rire moqueur s'échappa, dissimulant presque l'essoufflement du jeune mâle. « La souris, tu peux bien la garder. Ça vous changera des rats du Charnier hein, c'est ça qui vous donnent si mauvaise halei- ha! ! »

HRP:

Spoiler:

Mais alors que le jeune novice du Clan du Vent fanfaronnait fièrement, narguant sans gêne son aîné, ce dernier le surprit. Plus vif que ce que Nuage d'Épervier avait estimé, le guerrier ennemi venait de lui bondir dessus, le renversant sans mal sur le flanc. Habile et fort de ses nombreuses expériences, le mâle aguerri écrasait désormais l'arrière-train du jeune arrogant, lui interdisant tout mouvement à ce niveau. Le plus jeune grommelait déjà, insultant l'autre entre ses crocs. Bientôt le fils de Cobra Royal essuyait une vilaine pluie de griffes. Les pattes puissantes du chasseur du Clan de l'Ombre lacéraient les siennes, qu'ils dressaient devant son visage. Il tenta bien de rendre quelques coups de griffes, mais la rage de son adversaire était telle qu'il fut bien vite assailli plus qu'il ne pouvait assaillir. Lorsqu'il sentit les griffes acérées du matou noir atteindre son visage, Nuage d'Épervier prit peur. Il maintenait ses yeux clos afin de les protéger, et pourtant il devinait la volée de poils bruns -les siens !- qui tombait sur le sol boueux du marais. Ses pattes avants, seul bouclier qui séparait désormais son joli visage des griffes de l'ennemi, commençaient à le faire souffrir malgré l'adrénaline.

« Tu aurais dû t'excuser. » susurra le mystérieux mâle sombre à l'intention de l'apprenti-sentinelle, victorieux. « De mon temps ceux qui violaient les frontières comme tu le fais, on leur arrachait les moustaches, on leur crevait les yeux et on leur déchirait les oreilles. A l'époque, les lapins nous respectaient un peu plus, je peux te dire. T'étais au courant, hein ? »

Pff, des contes pour chatons tout ça.
Nuage d'Épervier était vaincu, exposé, humilié mais il n'était pas crédule. Ces histoires-là le fascinaient, lorsqu'il était chaton. Et il s'était promis d'en tirer de bons enseignements. Cela dit, il avait conscience que la plupart d'entre elles n'étaient qu'un ramassis de mensonges; ou de vérité détournée pour susciter peur ou admiration.

« Le problème c'est que... quand je t'entends parler de mon Clan, et bien, j'ai comme l'impression qu'il faudrait recommencer les vieilles méthodes... Tu comprends... Dès qu'on est un peu gentils avec vous, vous arrêtez de nous respecter... »

Il pestait. S'il avait été un sage félin, il se serait sûrement déjà confondu en excuses ou au moins aurait-il fait semblant d'être complètement terrifié. Mais s'il avait été un sage matou, Nuage d'Épervier ne serait pas là à subir la colère d'un étranger. Il était en proie à l'orgueil, à la xénophobie, et constater l'agacement de son assaillant semblait être plus jouissif pour lui que le martèlement des griffes sur ses pattes, être douloureux.

« Mais qui te respecterait, crapaud ? Vous vous cachez derrière vos pins et attaquez la nuit. Vous n'êtes qu'une bande de lâches, vous ne tiendriez pas un jour dans la lande. La seule raison pour laquelle je suis sous tes grosses pattes sales, c'est que tu as utilisé une technique de mauviette. Même pas fichu d'attaquer de front ! Mau-vi-ette. » siffla-t-il en retour.

Puis, tel un ver, il se mit à gesticuler, tentant vainement de déséquilibrer l'adversaire. Mais ce dernier avait pris de fermes appuis si bien qu'il ne pouvait être délogé si aisément. Nuage d'Épervier pesta, agacé d'être vaincu d'une façon que sa mauvaise foi jugeait déloyale.

« Bouge de là que je te transforme en chair à corbeaux. » finit-il par feuler, furibond.

Spoiler:

Nuage d'Épervier semblait avoir perdu la raison. Lui qui était d'ordinaire respectueux du Code, des uses et coutumes des Clans. Il se trouvait là, guidé par son orgueil, comme abandonnant tous ses efforts pour être une sentinelle exemplaire, tous ces sacrifices qu'il faisait pour parfaire son apprentissage, être le meilleur, le plus fort pour protéger au mieux sa famille. Mais le jeune matou ne se rendait pas encore compte de tout le ridicule qu'il provoquait là, sous le poitrail du guerrier ennemi, gigotant comme un ver, crachant, feulant, furieux, criant à l'injustice, la couardise, la lâcheté de l'autre. Il était aveuglé de sa bêtise, gonflé de stupidité. Dans son agitement, le novice n'écoutait même pas son aîné.

Jusqu'à ce qu'un liquide chaud et poisseux ne coule jusque sa nuque, se mêlant avec la boue des lieux. Jusqu'à ce que tordre le cou soit douloureux, et que son corps soit plus raisonnable que son esprit. Cela n'avait aucun sens. Le guerrier sombre avait nettement le dessus; il était à sa merci, maintenant. Ses pattes étaient dans un état lamentable, déjà il portait une balafre sur le côté du museau et voilà qu'à présent son cou était mis à mal. L'instinct de survie avait le dessus sur sa bêtise et son orgueil. Nuage d'Épervier cessa de se débattre. Il ne bougeait plus, le souffle court. Il se rendit compte de sa position. La fourrure de son dos ne protégeait plus sa peau de l'humide et froide vase qui s'y infiltrait sans mal. Et lui, plaçant ses antérieurs contre la poitrine de l'adversaire, comme si c'était suffisant pour le maintenir à distance ne trompait plus personne. Il avait perdu, lamentablement perdu.

Il n'écoutait pas le charabia du vainqueur. Comme sonné, l'apprenti du Clan du Vent regardait les alentours. Il avait l'air perdu, un fou perdu. Pourtant fou, il ne l'était pas. Nuage d'Épervier avait toute sa tête mais il ne savait dire pourquoi il avait laissé la situation dérapé jusqu'ici. L'autre se redressait, libérant le plus jeune. Un très court instant, le fils de Cobra Royal considéra la fuite. Mais ses blessures le ramenèrent bien vite à la réalité et si tôt qu'il s'était lui-même remis sur ses quatre pattes, il sentit une vive douleur lui arracher une grimace : ses antérieurs, lacérés par le guerrier de l'Ombre, le faisaient atrocement souffrir. Son assaillant dressé entre lui et le Chemin du Tonnerre était un obstacle infranchissable dans ces conditions.

« Si tu veux pas passer ici la nuit et le reste de tes jours, tu sais ce que je veux entendre. » miaula d'ailleurs l'intéressé, vraisemblablement plus détendu -il avait de quoi, à présent.

Nuage d'Épervier finit par laisser son arrière-train retrouver le sol boueux, le jeune mâle détendit ses muscles épuisés. Ceci fait il leva légèrement la tête, afin qu'elle ne penche pas entièrement vers la terre.

« Je reconnais mon erreur. » dit-il platement, sans une once de défi.

Quelques instants suffirent pour qu'il se mette à marcher vers le vainqueur, dissimulant à peine son boitement. Sa tête était vide. Il avait besoin de soins. Il voulait rentrer, et à la fois ne plus jamais le faire. Qu'allait-il dire aux autres ? Et ses frères ? Et ses sœurs ? Il peinait à porter son propre poids, comment supporter la honte en plus ?

Une fois à hauteur de l'éclair noir, il leva ses yeux vers lui, interrogateur. Allait-il pouvoir partir ?

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