Mise au Clair ▬ Coup de Foudre - end

Le regard de perplexité que lui avait envoyé Raton-Laveur valait vraiment tout son pesant de proies, mais il était le temps de s'en aller.

Lieutenant.

Coup de Foudre chassa l'air de sa queue - le chef et son "Lieutenant" étaient partis s'entretenir ensemble dans l'antre du premier et c'est frustré que Coup de Foudre s'imagina qu'ils cultivaient secrètement une relation interdite ensemble, prétextant "l'importance" de leur rang. Les images qu'il se peignit lui arrachèrent un sourire et il retrouva un peu de légèreté dans son pas - jusqu'à ce que l'entretien ne se termine et qu'il soit soudain bousculé par celui qui avait prétendu être son ami toutes ces lunes avant, lui envoyant des éclairs par les yeux et un tonnerre par la voix:

— « Je crois qu'on doit parler.

Le chat gris sur fond de neige raviva la vision de Mistigris qui se retournait aussi contre lui. Coup de Foudre redressa sa tête, adressa un regard au "Lieutenant" grondant, suivant des yeux la cicatrice qui traversait son visage et le coupait en deux. Elle lui allait bien, tout compte fait. Double-face. Hypocrite. Que ce-dernier lui exige de parler d'un ton si sévère lui fit répondre par l'opposé:

— Ha!

C'est qu'éclair contre Foudre n'était pas très efficace...

— C'est la meilleure, toi, tu veux parler!

Ne lui dites pas qu'il l'avait mis à mal en lui rappelant ce que Raton-Laveur avait essayé de lui faire! Tant mieux: se faire connaître comme un Lieutenant impulsif et violent salissait son image et ne lui ferait pas gagner de points auprès des chats du Clan mais on parlait aussi de celui du Tonnerre, où chaque Lieutenant avait toujours été plus belliqueux que l'autre, sans parler de leurs chefs (de leur cheffe...). Au moins il avait la satisfaction d'avoir bouleversé suffisament Raton-Laveur pour pousser ce-dernier à comettre l'impensable : s'asseoir discuter. Et pas avec n'importe qui...

Coup de Foudre le relança alors d'un geste sec du menton, sans mot de plus, attendant ce que lui avait à lui dire. Mais il ne s'était pas complètement tourné, il ne s'était pas assied non plus, histoire de lui montrer qu'il n'était qu'à demi-intéressé par ce qu'il s'apprêtait à lui dire. Il était en route pour la pouponnière, après tout, il avait hâte de revoir toutes ces reines et celle qui s'occupait de ses petites de la portée « maudite ». Et de Source - surtout de Source, sa "Raton-Laveur" mais en mieux qui avait une bien meilleure personnalité, qui n'était pas rabat-joie, qui l'écoutait quand il parlait et qui lui faisait confiance. Mais lui, à qui pouvait-il faire confiance?

Vraiment, les indiscrets qui avaient tourné la tête pour les observer se disputer à mi-voix plut au bengal, qui leur jeta un regard en coin, satisfait de la présence de témoins autour. Sans doute maintenant Raton-Laveur savait comment il se sentait ? À toujours sentir des yeux le peser, à devoir calculer ses pas, à limiter le moindre écart à leurs yeux pour au contraire absolument tout faire derrière...

— « Oui. Je veux parler. Mais pas ici.
— Pourtant il y a de l'espace, répondit le guerrier en reculant sa tête pour enlever à Raton-Laveur la proximité qu'il avait avec son oreille - trop intime, ce qu'il ne méritait plus.

Il lui emboîta le pas un peu à contre-coeur, car ils venaient de passer devant la pouponnière, puis la tanière de la guérisseuse (il eut une pensée pour Fifi) et ils s'éloignèrent de la zone ouverte de la clairière pour s'approcher des arbres de la forêt qui les entourait. Les ombres des branches des feuillus dénudés réveillèrent un désagréable souvenir dans la tête du bengal qui tordit aussitôt une oreille vers l'arrière, laissant le Lieutenant le devancer, la fourrure en bataille et le ton cassant:

— « Qu'est-ce qu'il t'a pris de dire à Etoile de Cendre de se méfier ?! Tu serais donc prêt à me trahir ?

Coup de Foudre jeta un regard derrière lui pour s'assurer qu'ils soient suffisament loin. Il hocha la tête - bien, et s'en retourna vers le chat masqué pour s'arracher de son masque à lui et lui refaire front de glace.

— Contrairement à certains, je sais tenir mes promesses, moi. »

Il plissa ses paupières et le contrôle de ses pupilles lui échappa - de noires et rondes elles se contractèrent en fentes étroites, ressortant toute la couleur vive de ses iris - iris que Raton-Laveur avait failli lui blanchir d'un coup de patte. De tout ceux du Clan du Tonnerre Coup de Foudre était le moins à même de le juger quant à sa relation extraclanique. Et il avait voulu s'en faire son ennemi. Et on avait choisi ce chat - ce parfait exemple d'un être réfléchi! - pour seconder le Chef de leur Clan dans ses décisions futures.

Les deux anciens amis se fusillent du regard. Les piques fusent. Coup de Foudre décide de suivre son lieutenant malgré son absence d'envie et à peine se sont-ils éloignés que le matou feule d'un ton cinglant :

« - Contrairement à certains, je sais tenir mes promesses, moi. »

Impatient et agacé de cette situation tendue et complexe, Raton Laveur aimerait crever l'abcès mais sa fierté l'en empêche pour le moment. La nostalgie le gagne lorsqu'il regarde dans les prunelles ambrées de l'autre matou. Ils ont vécu tellement de belles choses que ça serait dommage de tout gâcher pour une embrouille de chaton.

« - Bon. Nous allons faire preuve de maturité. Qu'est-ce que je t'ai fait pour que tu te braques de la sorte ? »

Il soupire et se dit que la seule manière d'arranger les choses c'est que les deux camarades se parlent de manière franche. Maintenant que la discussion est initié, elle s'annonce électrique et ça ne sera pas une simple partie de plaisir.

Un feulement? Non, il n'en avait pas la capacité, mais c'est vrai que le ton torve qu'il prit pour rétorquer au Lieutenant fit transparaître l'émail de ses crocs le temps du mot "promesses", en retroussant ses babines le temps d'une micro-expression de dédain. Raton-Laveur faisait le fier - tellement qu'il s'aveuglait à la cause réelle de cette animosité, animosité qu'il avait lui-même semée chez Coup de Foudre:

— « Bon. Nous allons faire preuve de maturité. Si tant qu'il ne voyait pas la situation comme s'il était concerné mais plutôt comme si Coup de Foudre faisait un caprice et qu'il était l'adulte devant le chaton. Et en effet, du haut de ses quelques saisons au dessus, il se mit en position de le réprimander en arrosant:

— Qu'est-ce que je t'ai fait pour que tu te braques de la sorte ?

Mais Coup de Foudre leva les yeux vers le dessous des branches, au-dessus d'eux, car selon lui il n'avait rien à expliquer. Si Raton-Laveur n'était même pas capable de voir ce qu'il lui reprochait, il ne s'agissait qu'une preuve de plus que ce-dernier ne l'écoutait que lorsque ça l'arrangeait:

— Peut-être que mon accusation pendant le rassemblement n'était pas assez directe? siffla le bengal avec un demi-sourire aux babines, se moquant de la "perspicacité" de son ancien ami.

Mauvaise Graine avait été pareil, non? Lorsqu'il avait compris avant lui qu'il était sourd - pas seulement têtu mais sourd des oreilles au point tel qu'il avait du crier ses piques, lui donnant l'allure d'un enragé. Un enragé! Ça lui rappelait quelqu'un. Mais tous ces parallèles avec Mauvaise Graine lui faisait grinçer des dents car ou bien il avait un type (et quel type, Foufou!...) ou bien tout les amis étaient les mêmes et le cas échéant, mieux valait n'en avoir plus aucun.

La tension est palpable entre les deux anciens amis. A les voir, on pourrait croire qu'ils appartiennent à deux clans différents tant les regards sont accusateurs. Le masqué soupire et ne sait pas comment aborder son ex-ami. L'air hautain et cassant de Coup de Foudre agace fortement Raton Laveur qui - depuis le début de cette discussion - met un maximum d'eau dans son vin. Le calme revenant doucement, la réponse cinglante du bengale n'aide en rien la situation :

« - Peut-être que mon accusation pendant le rassemblement n'était pas assez directe? »

Le guerrier gris feule et gronde, agacé du manque de bonne volonté de Coup de Foudre. Il inspire un grand coup, jette un coup d'oeil vers le ciel avant de reprendre d'une voix calme et posée :

« - Coup de Foudre … Cette tension est inutile. Nous sommes - enfin - étions amis ? Je ne vois pas pourquoi tu as tenté de faire fuiter ma trahison. Arrêtons les gamineries et … Mettons tout à plat. Cette situation me déplaît fortement. »

Ce pas est le dernier que Raton Laveur fera vers Coup de Foudre. Si ce-dernier le repousse une nouvelle fois, le guerrier masqué ne mettra pas une troisième fois sa fierté de côté.

— « Coup de Foudre … Cette tension est inutile.

Pas même un effort pour le comprendre, ni pour se mettre à sa place. Et Raton Laveur eut du culot « Nous sommes - enfin - étions amis ? » en tentant d'utiliser la carte de l'amitié contre lui.

— Je ne vois pas pourquoi tu as tenté de faire fuiter ma trahison. »

Sa trahison à son amitié? Oui - encore une fois, Coup de Foudre n'en avait rien à Coup de Foutre de sa relation interclanique. Il avait eut la décence de promettre de ne rien dire lorsque Raton-Laveur leur avait admis sa paternité, dans SA tanière, près de la Rivière. Paternité, d'ailleurs, que le bengal lui avait félicité, même à contre coeur!

...Félicitations que le "Lieutenant" ne lui avait pas rendu. On se rappelle? Le coup de patte, les griffes sorties, sa colère, ce dédain, tout ce dégoût quant à tout ce que le bengal était au point tel de s'être rangé contre ce qui était bien sa seule amie dans le Clan en lui disant qu'il l'épaulerait, elle, qu'il ferait tout pour que sa mise à bas se passe bien en s'assurant bien sûr de souligner que dans ce "nous", Coup de Foudre n'avait pas sa place? Mais Raton ne voyait pas, non. Rien ne devait expliquer la froideur du bengal à son égard - c'était dans sa personnalité, tout simplement!

— « Arrêtons les gamineries et … Mettons tout à plat. Cette situation me déplaît fortement.

Et bien sûr que la seule raison qui poussait Raton à vouloir "régler" les choses était de se disculper de son malaise. De cette désagréable impression qui le dérangeait lui, personnellement.

— « Gamineries, ricana le bengal à mi-voix.
Peut-être que ça t'apprendra à réfléchir avant d'agir, hmm?

Le bengal lui tourna le dos, étira celui-ci, planta les griffes au pied d'un tronc d'arbre pour déchirer l'écorce dessous et s'accrocha dessus pour monter, balayant la neige à ses pattes d'un coup de queue avant d'un, deux, trois coups de reins se percher sur une branche, et repousser d'un coup de patte la neige qui la recouvrait. Il préférait prendre ses distances - physiques, émotionelles, et de sécurité. Il n'avait pas scandé son nom, au Lieutenant. Il avait simplement prévenu Étoile de Cendre que son Lieutenant avait la patte légère - ce n'était pas un mensonge.

Peut-être que c'était pour ça que Raton se sentait si malaisé - que cette partie de lui, qu'il se reprochait sans doute (et avec raison) ait été immédiatement révélée au Clan.

— Comment se sent-on, Raton-Laveur?   À ne pas avoir sa place. »

Raton Laveur ne sait pas comment s'y prendre. Il aborde le matou de différentes manières mais à chaque fois le bengale l'envoie bouler et ne lui laisse pas la moindre chance de se sortir du pétrin.

« - Gamineries. Peut-être que ça t'apprendra à réfléchir avant d'agir, hmm ? Comment se sent-on, Raton-Laveur? À ne pas avoir sa place. »

Le guerrier masqué soupire. La réponse de son ex-ami confirme ce qu'il pense depuis quelques temps. Les deux matous ont prit un chemin différent et rien ne semble pouvoir les rapprocher. Le bengale s'étire sur l'arbre tout en poussant la neige tandis que Raton Laveur s'approche une énième fois de lui en soupirant :

« - S'il te plaît Coup de Foudre ... Excuse moi. Je n'aurai pas dû te parler sur ce ton, ni même t'envoyer le coup de griffe. Je n'ai pas d'excuses ... »

La déception du matou gris n'arrête pas de grandir. Voilà quelques jours qu'il cogite et qu'il essaye de trouver un moyen de crever l’abcès en vain. Malgré ses multiples tentatives, le guerrier continue de lui renvoyer sèchement ses erreurs en pleine face. Secrètement, il espère que le guerrier va mettre sa rancune de côté pour qu'ils puissent discuter, réellement cette fois-ci.

Plutôt qu'une autre pique, plutôt qu'un autre reproche, le ton de Raton Laveur changea. Il se fit plus plaintif, en s'approchant au pied de l'arbre, le nez levé, cherchant à accrocher le regard du bengal qui se renfrognait en regardant au loin. La scène avait un goût désagréable de déjà-vu et plus il y pensait, plus il se sentait s'énerver.

— « S'il te plaît Coup de Foudre ... Excuse moi.

Je n'aurai pas dû te parler sur ce ton, ni même t'envoyer le coup de griffe. Je n'ai pas d'excuses ... »

La tension prit le bengal comme un courant électrique au travers de ses muscles : ils se crispèrent sous son poil, et sa queue, qui pendait de la branche où il s'était perché, se mit à s'agiter d'un côté à l'autre, provoquant des spasmes d'appréhension dans son corps. Il se sentait traqué autant qu'il le traquait et même s'il avait envie de parler (tout pour faire entendre sa jolie voix), son envie de parler avec Raton-Laveur en particulier lui fondait sur le poil comme les flocons qui tombaient des branches du dessus.

— « ... Non, il répondit donc, serrant ses dents sur un sourire carnassier. Tu n'en as pas.

Là dessus, ils étaient d'accord, Raton-Laveur n'avait aucune excuse. Mais c'était tant mieux, non? Tant mieux et tant pis. Tant pis pour son amitié avec lui, pour l'espoir qu'il avait nourri à tort de pouvoir faire confiance à un autre chat - tant mieux que maintenant il savait que tout ce qui importait à ce chat gris au masque en face était de préserver un statut de fausse civilité. Tant mieux, il savait, maintenant. Tant pis si ça avait été de courte durée.

— « Je ne comprends pas pourquoi c'est TOI qui a été choisi comme lieutenant.

Ses oreilles se plaquèrent sur sa tête, aiguisant sa silhouette. Tu n'es pas exactement quelqu'un de fiable, lui dit ce qui était autrefois un chat menteur mais dont la tête, toujours cassée, émoussait ses émotions au point de ne plus les réduire qu'à des impressions. Des impressions qui pulsaient dans ses veines, à l'instant, tellement la haine et le sentiment de trahison l'avaient ravagé (mais soyons réglo, Mauvaise Graine en avait nourri une partie).