End of the night | Maudit - abandon

♪ End of the night - The Doors

Dernière Danse se tourna sur son autre flanc dans un soupir. Mais cette position devient elle aussi inconfortable alors elle s'allongea sur le dos. Ses pattes-avant doucement repliées sur son ventre, elle contemplait la voûte étoilée qui surgissait ça et là entre les branches de buissons et les aiguilles des sapins.
Le sommeil la fuyait.

Les étoiles lui tenaient compagnie. Mais elles s'enfuiraient elles aussi, pour laisser place à une plus grosse, plus brillante et aux responsabilités qu'elle amenait avec elle.
Bientôt il lui faudrait organiser les patrouilles, volter ça et là pour se tenir au courant des moindres potins, s'attendre à être interrompue dans ses activités, désarmer les regards méprisants avec un sourire assuré, et feindre de ne pas entendre les médisances.
Il lui faudrait faire bonne figure pour ce Clan qui ne savait plus où mettre sa foi. En leur chef taciturne et désillusionné ? En leurs étoiles répudiées, qui brillaient, froides et cruelles au loin ?
Que feront-ils quand les autres Clans se ligueraient contre eux pour les détruire ? Que feront-ils quand ils n'auront plus confiance en leur chef pour les guider ?

Elle déplia sa patte droite, et écarta ses doigts pour les superposer avec le ciel.
Bientôt, elle serait une étoile elle aussi.

Sa patte se referma sur elle-même, mais elle ne réussit qu'à emprisonner un peu d'air nocturne.

Sa queue ondula au sol, puis elle se remit sur ses pattes et fit quelques pas hors de l'antre des guerriers, enjambant les corps endormis.

Inutile de croire en une quelconque destinée, une force supérieure, ou de placer une foi aveugle en quelqu'un d'autre. Si l'on voulait quelque chose, ce n'était pas en priant les étoiles qu'on l'obtiendrait. C'était en agissant.

Dernière Danse s'arrêta devant l'antre de Maudit. Elle entendait sa respiration et son odeur musquée venait lui titiller le museau.
Elle se donna deux coups de langue sur le poitrail pour s'annoncer et se courba pour se faufiler dans le trou dans l'écorce.

Tu dors ?

Elle crut un instant que le murmure de sa voix s'était évanoui dans la nuit, mais décida tout de même de faire quelques pas dans le silence de la tanière. Elle s'assit à côté de la litière du meneur.

Moi j'arrive pas à dormir. J'ai fait un cauchemar. Ses oreilles se pointèrent en avant et elle prit un air misérable. Je peux dormir avec toi ?

Elle était là pour apporter un peu de chaleur à son cœur, un peu de lumière dans ses ténèbres. Cela faisait trop longtemps que Maudit était entré dans une nuit sombre, peuplée par les spectres du passé. Il fallait y mettre un terme.
Ne serait-ce que le temps d'une nuit.

Même dans la semi-clarté de la lune, elle vit qu'il n'était pas dupe par sa proposition. Après tout, sa réputation la précédait, et elle lui offrit un sourire charmeur, comme pour confirmer ses soupçons.

Néanmoins, Maudit céda à sa requête et se décala pour lui faire de la place.
Dernière Danse se glissa à côté de lui dans un soupir d'aise.

Elle se blottit contre lui lorsqu'il la rejoignit. Les ombres inquiétantes de la nuit se dissipaient peu à peu. Les pensées-démons reculaient pour se fondre dans les ombres. Même le vent nocturne qui entrait dans la tanière en sifflant ne la faisait plus frissonner.

Je pensais à toi. Ça doit être affreux de dormir ici tout seul.

Elle marqua une pause. Elle ne voulait pas sous-entendre qu'elle était là par pitié. Par intérêt oui, par désir surtout.

Alors je me suis dit que j'allais te tenir compagnie ~Ses mouvements pour se mettre à l'aise se transformèrent doucement en caresses. Je me sens seule moi aussi.

« Je pensais à toi. Ça doit être affreux de dormir ici tout seul. »

Dit-elle installée sur mon nid de mousse. Je haussais les épaules. Les nuits étaient sombre, froides, et pleines de mes démons. Je me couchais contre elle, veillant à être silencieux. Le contact de son pelage n’était pas désagréable, bien qu’un frisson me parcouru l’échine, tant je n’avais plus l’habitude d’une telle proximité. Je ne voulais plus que personne ne me touche en ce moment, ni même me frôler, pourtant les choses, la nuit, alors que les cauchemars emplissent mon esprit, semblaient plus acceptables. Je ne pensais même plus aux probables attentions de la lieutenante, j’espérais simplement que sa présence chasse mes nuits lugubres.

« Alors je me suis dit que j'allais te tenir compagnie. »

Son corps se mouvait à présent en caresses discrètes. Le frisson qui parcourut mon corps à ce moment là était bien différent que le précédent. Pourtant j’essayais de ne pas y répondre. Je me doutais bien, au fond de moi, que ses mouvements étaient désireux.

« Je me sens seule moi aussi. »

J’émis un léger grognement. Pas de mécontentement non. Elle cherchait à me provoquer ? Je tournais la tête vers elle. J’étais quelque part tenté de répondre à ses messages cachés… Après tout, les cauchemars ne pouvaient pas se chasser tous seuls… Ma voix était grave naturellement, j’essayais d’ajouter un pointe de sensualité. Comment résister à cette belle guerrière séduisante ? Je n’étais qu’un mâle, avec peu de résistance, du moins dans l’état dans lequel je me trouvais en permanence.

« Maintenant tu n’es plus seule. », lui murmurai-je, l’œil brillant

Je serrai les dents, preuves de ma dernière résistance. Mais les mots furent plus rapide, tout comme les gestes. Je me serrai un peu plus contre elle, ma queue caressant délicatement son dos avant de s’enrouler autour d’elle.

« Telle est la vie d’un meneur, la solitude dans une grande tanière froide. C’est toujours plus agréable d’avoir la présence d’une belle guerrière. L’atmosphère est tout de suite plus… Chaleureuse. »

Je la regardais toujours intensément. Elle m’avait finalement bien réveillé.

Elle le regardait entre ses cils, entre les ombres, sans oser croiser son regard directement. Était-elle allée trop loin ? Avec ses intentions à demi voilées et ses caresses intrusives.
Elle avait peur de braquer le meneur. Peut-être était-il aigri maintenant, et déshabitué au contact physique.
Peut-être allait-il la chasser brusquement de son antre, et la renvoyer dans la tanière des guerriers, seule et humiliée.

Maintenant tu n’es plus seule.

Un ronron de soulagement monta de sa gorge. Elle lui caressa doucement la mâchoire du bout du nez, pour décrisper ses crocs serrés.

Maudit lui rendit ses caresses en frôlant son dos du bout de sa queue - son échine s'hérissa dans un frisson de plaisir - avant d'enrouler sa queue autour d'elle.

Telle est la vie d’un meneur, la solitude dans une grande tanière froide. C’est toujours plus agréable d’avoir la présence d’une belle guerrière. L’atmosphère est tout de suite plus… Chaleureuse.

Son ronron se fit plus fort tandis tout son corps vibrait. Elle leva les yeux vers lui et croisa enfin son regard. Les yeux du matou brillaient, pour la première fois depuis des lunes lui sembla t-il. Elle allait tout faire pour raviver cette étincelle d'intérêt qui brillait jadis dans ces yeux verts.
Elle lui sourit, heureuse de retrouver un peu du Maudit d'autrefois.

N'est-ce pas un peu le travail d'une lieutenante, de prendre soin de son chef ?

Elle sourit davantage avant de se laisser tomber sur le flanc. Ses pattes se déplièrent pour venir frôler du bout des coussinets la fourrure du mâle brun. Joueuse, elle roula encore pour se mettre sur le dos et se tortilla pour se rapprocher de Maudit. Elle étira ses pattes avant qui virent chercher à tâtons dans le noir, contact avec le matou.
Les herbes de la couche lui chatouillaient le dos à chacun de ses mouvements. Elle se remit à rire, plus fort, mais elle se moquait qu'on l'entende.

Elle le regarda par en dessous. La faible lumière qui filtrait jusqu'à eux dessinait le contour de son visage. Sa patte droite le taquina encore, l'invitant à la rejoindre.

« N'est-ce pas un peu le travail d'une lieutenante, de prendre soin de son chef ? »

Je n’étais qu’un simple mâle, sans défense, en proie à ses démons, face à une chasseresse irrésistible. J’avais perdu celle qui avait donné la vie à mes enfants et… Malheureusement, cette guerrière me la faisait oublier. Je sentais le bout des coussinets de la minette me frôler. Je frémis encore une fois. Elle commença sa scène, elle était l’actrice envoutante, et j’étais le spectateur envouté et désireux. Les oreilles droites, les yeux ouvert en grand, je suivais du regard ses moindres mouvements. Tout semblait tourner au ralenti. Je la fixais, charmé par ses courbes mouvantes, rythmées par ses rires et sa malice. Pauvre bête abrutie par la beauté que j’étais. Le son rieur qu’elle produisait me venait à peine aux oreilles tant j’étais absorbée par ma contemplation de la belle. Je n’étais plus là réellement, je glissais aux grès de mes désirs, fixait cette minette comme si elle était une déesse de la beauté. Elle pouvait se jouer de moi comme elle le souhaitait, j’étais le serpent, et elle le joueur de flûte. J’acceptais son invitation, m’approchant d’elle en douceur. Méfiance, j’étais sa proie. Je continuais à la fixé, charmé.

« Tu prends si bien soin de moi. Que pourrai-je faire pour te remercier, belle lieutenante ? »

Je restais tout proche d’elle, rendu fou, désireux, amoureux. Mon cœur palpitait dans mes tempes, mes yeux s’écarquillaient face à ce spectacle envoutant. J’étais comme une bête assoiffée, devenu fou par des courbettes.