Ma fille, ma bataille ft. Coup de Foudre et Source de Secrets - end

Si seulement je les voyais grandir avec Toi mon amour...

Mais Cœur de Puma se réveille encore seul. Aucune fourrure pour l'accueillir dans sa journée, pas un ronron qui lui rappelle ce qu'il doit faire, pas de corps chaud, pas de léchouilles affectueuses. Rien. Rien que la mousse de sa litière qui s'est emmêlée dans son poil cette nuit. L'animal s'ébroue, chasse l'étrangère à coups de langues las.

Sans Elle, les jours se suivent et se ressemblent. Toujours le poids de son absence, le silence pour seuls mots, et tout juste le vent des sous-bois pour qu'il se souvienne sa propre peau. Heureusement, Elle a laissé à son bien-aimé deux trésors, parties de leur amour partagé. Elle lui a accordé de la vie dans sa mort.

Assis sur le seuil de la tanière des guerriers, Cœur de Puma sourit si tôt ses yeux ont-ils trouvé ses petits en plein jeu. Le bruit dans le profond silence de sa perte. Un écho qu'il perçoit toute la journée après ça. Tornade Vive les a mis sur son chemin pour qu'il puisse vivre sans elle. C'est ainsi qu'il peut s'absenter en patrouille frontalière toute la matinée et revenir lorsque le soleil est à son zénith sans s'effondrer de douleur.

Mais lorsque le matou brun-roux demande à leur nourrice ce qu'il a raté ce matin, la femelle l'informe d'une autre visite. Encore Source de Secrets. Le père se maîtrise devant la gardienne de ses petits, mais ne cache pas son agacement. C'est quoi ces manigances, c'est quoi ces visites secrètes ? Coup de Foudre, sa fille Source de Secrets. Ils ne veulent pas s'entretenir avec Petit Rossignol en sa présence, hein ? Et bien ils vont devoir lui faire face, pour une fois. Saluant poliment la reine d'un signe de la queue, le mâle au museau balafré remue le Camp jusqu'à trouver les deux protagonistes.

Lorsqu'il tombe sur Source de Secrets, il se montre froid, directif, autoritaire. Bref, le vieux con qu'il n'aurait pu devenir autrement qu'ainsi.

« Toi. On a des choses à se dire. Tu bouges pas. »

Pas un regard, pas un bonjour, rien.

« Hé, Coup de Foudre ! » qu'il crie quand il aperçoit le pelage charcoal de l'intéressé. Il attend d'être écouté pour baisser d'un ton -il ne s'agit pas de faire un scandale sur la place publique. « J'ai à te parler. Suis-moi, c'est plus important que ce que tu es en train de faire de toute façon. »

Pas un bonjour, pas un s'il-vous-plaît lieutenant. Rien.

Il fait volte-face, retourne là où il est censé avoir planté la fille, pivote sans même s'assurer qu'elle est toujours là, qu'elle l'a attendu, il s'enfonce dans l'une des sorties du Camp, ignore les quelques ronces qui accrochent ses larges épaules qu'il ne prend pas soin de manier dans l'étroit passage, déboule de la barrière, pivote encore, marche assez loin pour échapper aux oreilles indiscrètes et se retourne enfin. Quand les deux autres félins commencent à émerger de la végétation, il se montre sec.

« J'attends. »

Il s'assoit, droit comme un piquet qu'on aurait planté là. Ses yeux noisettes transpercent ceux qui lui font à présent face, ses oreilles rabattues font signe d'hostilité, les tressautements de sa queue enroulée autour de ses pattes trahissent son agacement. Aucune volonté de cacher sa colère. On lui doit quelque chose.

— « Hé, Coup de Foudre !

Le charcoal lui fit à peine l'honneur de tourner son oreille vers la voix. Elle tiqua lorsqu'il se rendit compte que son interlocuteur s'était tu par politesse, s'autorisant à tourner un peu plus la tête jusqu'à ce que son oeil ne croise celui de l'autre chat. C'était Puma - un Vétéran de Catégorie Rabat-Joie.

— J'ai à te parler. Suis-moi, c'est plus important que ce que tu es en train de faire de toute façon.
— ... »

Ce qu'il était en train de faire. Souris en bouche, Coup de Foudre jeta un regard en coin à Coup de Chaleur avec qui il rentrait de chasse, et un échange silencieux se fit entre les deux. À la vue du demi-sourire qui se leva aux babines de son père, le fils prit mouche, s'empressant de lui voler la proie qu'il tenait. Coup de Foudre retint un gloussement - m'enfin, Chaleur! -, se prit un vilain coup de queue de la part du guerrier - il était moins important, hein? -, et le laissa partir sans mot de plus. Pas un bonjour, pas un s'il-vous-plaît, pas d'à plus tard. Pauvre Chaleur, il avait toujours eu du mal à attirer l'attention de son père, et avec les nouvelles responsabilités la tâche était plus ardue encore.

Mais il espérait que ce petit tête-à-tête l'ait suffi, emboîtant en silence le pas du rabat-joie qui l'emmenait vers une extrémité du campement. Il ne s'y intéressa pas vraiment - à vrai dire, il regardait encore par-dessus son épaule, ou par-dessous, pour s'assurer que Chaleur allait bien. Outre qu'elles grattaient bruyamment le poil du large vétéran en tête, le passage entre les ronces se passa de mention. Ils émergèrent de l'autre côté, et Puma s'immobilisa, le Lieutenant remit ses yeux devant, et ses deux oreilles se dressèrent sur sa tête en reconnaissant Source sagement assise. Elle le salua à peine plus d'un mouvement de son oreille, il lui répondit par la même. Pauvre Chaleur - une fois de plus il le mettait de côté pour passer du temps avec Source.

Puma s'était assied.

« J'attends. »

Le bengal, qui lui, était toujours debout, zieuta tour à tour son Aide-Mémoire et le Vétéran. C'était plus important que ce qu'il faisait, mais il ne lui disait pas de quoi il s'agissait? Heureusement Source de Secrets semblait le savoir, et Coup de Foudre et elle eurent un échange silencieux avec les yeux - elle semblait le savoir mais elle le lui dirait de sorte à passer l'histoire comme évidente, pour éviter au vétéran de trop en savoir sur la condition psychologique du lieutenant. Coup de Foudre acquiesça en silence à son plan en fermant très lentement les paupières.

— « Des explications concernant Petit Rossignol ?

Oh - c'était à propos de Rossignol?

— Nous allons juste rendre visite aux chatons de la pouponnière de temps à autres, et votre fille est la plus intéressante d’entre eux, Cœur de Puma.

Ah - Coeur de Puma s'inquiétait qu'ils se rapprochaient d'elle?

— Elle réfléchit beaucoup pour son âge, ce qui nécessite de discuter avec elle, de répondre à ses questions, de lui faire rencontrer d’autres personnes pour développer ses intérêts... ce que rester seule avec d’autres chatons dans la pouponnière ne permettrait pas de faire.

Il glissa son regard sur le vétéran, devinant au travers de sa carrure sans défaut une sorte de tension dans ses muscles. Il s'assura de ne pas laisser son regard s'attarder sur lui trop longtemps - il préférait les chats gris et rayés mais il ne niait pas que les poils tiquetés de Coeur de Puma lui donnaient un certain charme. ..."Tornade Vive" avait été une chatte chanceuse.

C’est la raison pour laquelle je lui rend visite, croyez le ou non. Je ne pense pas lui avoir fait de mal, ni avoir été un impact négatif pour elle, sans quoi j’aurais bien évidemment arrêté d’aller la voir. D’où ma question, si ce n’est pas trop indiscret, Source coula son regard au sol, Coup de Foudre fit pareil, et ils virent à deux l'agitation dans sa queue. Il les remonta. Pourquoi est-ce que cela semble vous mettre à ce point en colère ?

Le bengal passa son regard de Source à Puma, relançant ce-dernier d'un signe de menton - il lui épargna de souligner qu'il était en colère, d'avoir l'air stupéfait, de lui renvoyer sa question avec cette fausse innocence. Coup de Foudre avait appris la nécéssité du tact, alors comme lui avant eux, il attendait.

Un ange passe.

Source de Secrets glisse un regard entendu au lieutenant, qui semble acquiescer en silence. C'est bon, il est déjà agacé par leur petit jeu. Qu'ils parlent, c'est tout ! Ou plutôt qu'il parle. Car si sa colère est partagée entre les deux matous qui lui font face, c'est Coup de Foudre qu'il fixe.

« Des explications concernant Petit Rossignol ? »

C'est Source de Secrets qui lui répond. Cœur de Puma ne peut cacher son étonnement; son oreille droite -la plus proche de la bicolore- tique, ses sourcils s'élèvent, repoussant son front alors que ses yeux baignant de surprise mettent bien du temps à quitter le lieutenant.

Quoi ? Il va laisser la gamine parler pour eux ?

Lorsque ses prunelles noisettes se posent enfin sur la jeune guerrière, elles révèlent étonnement et une soudaine envie de correction. Depuis quand ce sont les p'tits jeunes qui parlent au nom des plus vieux ? C'est bon, Coup de Foudre est déjà sénile ou quoi ?

« Nous allons juste rendre visite aux chatons de la pouponnière de temps à autres, » il cherche le regard du lieutenant, un énorme Et tu ne dis rien ? dedans alors que la féline poursuit. « et votre fille est la plus intéressante d’entre eux, Cœur de Puma. » L'apostrophe l'aide à raccrocher son discours. Il délaisse sa surprise pour se concentrer face à la passivité morbide de l'autre mâle. « Elle réfléchit beaucoup pour son âge, ce qui nécessite de discuter avec elle, de répondre à ses questions, de lui faire rencontrer d’autres personnes pour développer ses intérêts... » Il ne répond pas, n'interrompt pas. Pour le moment, il n'a rien à redire sur ces mots. C'est bien, elle sait parler comme son père. « ce que rester seule avec d’autres chatons dans la pouponnière ne permettrait pas de faire. » Quelle audace. Donner des leçons d'éducation du haut de ses 20 lunes à un père qui a plus du double. Remettre en question le travail des reines qui dédient une partie de leur existence aux soins des petits orphelins comme les siens. Elle est culottée, celle-là. « C’est la raison pour laquelle je lui rend visite, croyez le ou non. Je ne pense pas lui avoir fait de mal, ni avoir été un impact négatif pour elle, sans quoi j’aurais bien évidemment arrêté d’aller la voir. » De bien jolis mots pour un acte aussi discutable. « D’où ma question, si ce n’est pas trop indiscret » Laisse-moi deviner, ça n'aura rien d'indiscret. La gamine accorde un regard furtif à la queue agitée du vétéran. Coup de Foudre imite sa petite -comme si les rôles étaient inversés. Mais Cœur de Puma ne quitte pas les yeux bleus de Source de Secrets, sa queue agitée est une information qu'il a déjà. « pourquoi est-ce que cela semble vous mettre à ce point en colère ? » Gagné.

Un dernier regard vers le lieutenant -car lui a la décence de respecter l'ordre de parole.

« Eh bien. » Vous m'avez bien regardé ? « Je suis sûr que leur nourrice sera ravie d'entendre qu'une gamine à peine en âge d'avoir ses propres petits remet en question sa qualité de reine, et sa capacité à socialiser mes enfants. » Dur. Froid. Sec. Un reste à ta place du même genre que son discours hypocrite. « Comme l'est sans doute Petit Lézard à chaque fois qu'il voit sa sœur se faire approcher par les grands. » Langage d'enfants. Car ce sont juste des enfants. « Par leur lieutenant. » Bref regard à l'intéressé.

Silence, mais il n'a pas fini. Il a un regard vers le sol, dernière réflexion avant de lancer la bombe qu'il garde depuis quelques minutes maintenant.

« Vous me prenez pour un idiot ou quoi ? » Ses postérieures se tendent une fraction de secondes; assez longtemps pour soulever légèrement son bassin et laisser sa queue fouetter l'air. Dans une grimace furieuse, le vétéran foudroie tour à tour ses petits convoqués, avant de s'arrêter sur la petite maligne qui a eu l'audace de lui tisser un mensonge aussi grotesque. « Et pour ta gouverne, jeune fille, quand on n'a rien à se reprocher, on ne fait pas ses coups en cachette. » Il se rassoit, se redresse pour se redonner un peu de prestance -pas non plus du genre à péter un plomb comme ça. « C'est ma fille. Ma petite fille. Pas le pion de qui que ce soit, c'est bien clair ?! » Ses oreilles s'affolent. Il se sent trahi, et tout son corps tente de réprouver sa colère. « Est-ce qu'elle est intelligente ? Oui. » L'honnêteté se plante dans les yeux de la guerrière. « Est-ce qu'elle est observatrice ? Oui. » Référence à leur première rencontre pour le lieutenant. « Est-ce que ça vous donne le droit de la favoriser à son frère et aux autres chatons ? Certainement pas. » Retour à la gamine. « Est-ce que ça vous donne le droit d'éviter son père et de lui rendre des visites discrètes ? Encore moins. » Ferme, droit, décidément Cœur de Puma incarne très bien son rôle de vétéran.

« Et je vous interdis de continuer avec moi vos discours à dormir debout. »

Un peu de considération. Un peu de respect. Un peu d'honnêteté, bon sang !

« Alors j'attends toujours. »

Pas de place à davantage d’ambiguïtés, cette fois ses yeux ne quittent plus le charcoal. Il est le lieutenant. La femelle à ses côtés est sa fille. Qu'il prenne un peu ses responsabilités.

— « Eh bien. Je suis sûr que leur nourrice sera ravie d'entendre qu'une gamine à peine en âge d'avoir ses propres petits remet en question sa qualité de reine, et sa capacité à socialiser mes enfants.

Tant de colère pour si peu. Il en avait beaucoup à dire, il était évident, alors lui comme elle laissèrent à Coeur de Puma l'espace de s'exprimer.

— Comme l'est sans doute Petit Lézard à chaque fois qu'il voit sa sœur se faire approcher par les grands.
Hm - Rossignol avait un frère?

Par leur lieutenant. »

Ledit lieutenant de soutenir le regard qu'on lui lança, sans ciller.

— « Vous me prenez pour un idiot ou quoi ?

Il aurait peut-être été trop déplacé de répondre oui, mais son regard se glissa rapidement à Source, tentant de lui partager sa blague. Le vétéran était tellement tendu qu'il avait du mal à se tenir en place. Ses postérieurs se trémoussaient avec sa queue qui battait furieusement derrière. À côté de lui le père et sa fille semblaient relâchés.

— Et pour ta gouverne, jeune fille, quand on n'a rien à se reprocher, on ne fait pas ses coups en cachette. En cachette? Est-ce que Source avait poussé sa curiosité sans lui en parler? Il l'ignorait, mais il en doutait, aussi: tout portait à croire que Coeur de Puma exagérait la gravité de la situation, et il leur en fit vite part: C'est ma fille. Ma petite fille. Pas le pion de qui que ce soit, c'est bien clair ?!

Le bengal ne secoua ni ne hocha sa tête, fixant en silence toutes les émotions qui firent s'agiter les oreilles du vétéran. Est-ce qu'elle est intelligente ? Oui. Est-ce qu'elle est observatrice ? Oui. Est-ce que ça vous donne le droit de la favoriser à son frère et aux autres chatons ? Certainement pas. Il y eu un déclic, mais Coeur de Puma poursuivait déjà : Est-ce que ça vous donne le droit d'éviter son père et de lui rendre des visites discrètes ? Encore moins. »

Là où avoir un meneur visiter la pouponnière serait un honneur, il se gâchait à l'haleine et sous la patte de Coup de Foudre.

— « Et je vous interdis de continuer avec moi vos discours à dormir debout.

Alors j'attends toujours. »

C'était quand même risible de voir un guerrier interdire quoique ce fut à son lieutenant, mais il ne lui en tiendrait pas rigueur. Puisque Source s'était chargée de l'introduction, il se chargea de la suite: il y eut un silence - ou plutôt, il fit peser le silence un instant, avant d'arrondir légèrement les yeux et de pointer des oreilles, se parant de cette fausse innocence dont il avait voulu épargner le vétéran.

— « ...   Oh!

Ha ha hah!  Toutes mes excuses, Coeur de Puma, je ne savais pas que tu voulais que je m'intéresse aussi à Petit Lézard! Aucune idée de qui il s'agissait. Il demanderait aux Reines. Au moins il pouvait compter sur Ourse Polaire pour le diriger vers le bon. Et puisqu'il était debout, au contraire du père inquiet, il roula d'une épaule et s'éloigna d'une foulée, comme en s'apprêtant à remarcher le chemin des ronces pour rentrer au campement.

— Il ne faudrait pas le faire attendre, mm? il fit entrapercevoir à Puma l'éclat des canines de son sourire en coin. Déférent et serviable et bienveillant, mais aussi froid et espiègle en même temps. Source, tu m'accompagnes?

Lorsque le lieutenant glisse un regard amusé à Source de Secrets, cela n'échappe pas à l’œil du vétéran en pleine parole. Il ne s'interrompt pas, trop concentré dans son propre discours à ce moment-là. Cette marque d'irrespect le désole, autant qu'elle l'agace sur le coup.

Il ne sait pas encore que le charcoal est prêt à d'autres provocations.

Mais lorsqu'il a fini son discours, un silence se fait peser. Cœur de Puma n'est pas alourdi par le poids du silence, pour une fois. Il se sait dans son bon droit : il vient parler en tête à tête pour régler ses problèmes, et ne s'amuse pas à balancer des ragots ou à discréditer Coup de Foudre et Source de Secrets comme un lâche. Il vaut mieux que ça. Et parce qu'il pense que les deux matous sont dans ce cas aussi, il attend.

Alors le typé bengal gâche tout. Mine faussement innocente, il lui répond comme un bel idiot. Il irait voir Petit Lézard aussi, alors. Il fait mine de partir, appelant sa fille bavarde soudainement muette, un vilain sourire en coin.

Cœur de Puma bout à l'intérieur. On se joue de lui. On le trahit. Et maintenant ? Maintenant on l'humilie ?! Sa queue s'affole, son poil se dresse alors qu'il fusille la scène entière du regard. Il suffirait d'un pas, non!-- d'un bond maintenant pour clouer l'insolent au sol et lui faire bouffer la poussière qu'il mérite de bouffer. Il panique. Impossible d'en venir là. C'est un camarade de Clan -détestable en ce moment, oui mais quand même. Comme pour s'empêcher de fondre sur son lieutenant, le vétéran plante ses griffes dans le sol meuble de la forêt, les yeux clos; il veut être ailleurs. Il veut être avec Elle, qui rendait tout facile. Celle qui aurait su quoi dire, comment, quand, à qui et pourquoi. En ce moment Elle lui manque encore plus que d'habitude. Et Elle, qu'aurait-Elle fait ?

« Coup d'Foudre. » qu'il lâche en expulsant l'air qu'il retient depuis le début de la scène dans un souffle qui pourrait être interprété comme de l'agacement.

Il a cessé de répondre aux provocations des apprentis mal éduqués depuis qu'il a compris comme il était inutile de leur imposer du respect. Les laisser grandir, faire leurs propres expériences et comprendre à quel point ils sont détestables et décevants parfois suffit souvent. Aussi, à quel point ils sont chanceux d'avoir des camarades de Clan qui se soucient d'eux, qui essaient d'être de bonne compagnie. Bref, avec eux le temps fait l'affaire.

Avec les adultes comme Coup de Foudre en revanche... il faut parfois faire des rappels basiques.

« Je ne pense pas que tu sois mauvais lieutenant. » Ses yeux vont droit dans ceux de son interlocuteur. Il n'a pas basé son avis sur les relations qu'on ne compte même plus du bengal, ni sur les rumeurs courantes dans le Camp -il ne les entend que contre son gré-, mais sur les qualités qu'il trouve réellement en lui. « Mais je te demande de ne plus me manquer de respect. Je ne me suis jamais moqué de toi. » Pourtant les occasions ne manquent pas. Cœur de Puma est un vétéran respecté, et les opposants du charcoal l'ont bien compris. Ils viennent parfois le chercher, tentant de lui arracher les mots de la gueule. Mais il a trop de respect pour la hiérarchie, et trop de foi dans le système du Clan pour cracher derrière le dos de son propre lieutenant, et de le réduire face à ses camarades. Ce qu'il en pense ne regarde que lui et Coup de Foudre. Et il est assez convaincu par ça pour ne pas s'en vanter. « Je ne te veux pas autour de mes petits, c'est tout. Laisse Petit Rossignol et Petit Lézard tranquilles. »

Aucune menace derrière, pas de chantage au scandale, Cœur de Puma n'aurait pas été du genre à blackmail son prochain, même avec une photo douteuse entre les pattes. Des arguments, des histoires il peut en faire. Il peut parler de Nuage de Ciel, la gamine qui parle d'elle-même à la troisième personne, qu'on a de toute évidence trop mis en confiance à l'âge de Petit Rossignol. Ou encore de feue Regard de Braise et ses conquêtes infinies. Ou bien, il peut parler d'Étoile de Suie, de son obsession pour les petits forts, de sa sélection dès l'apprentissage et de la relation que l'actuel lieutenant a eu avec elle par le passé. Toutes ces choses lui ont traversé l'esprit. Pas comme moyen de pression. Mais parce qu'elles l'effraient toutes à leur manière.

Il porte un regard à la masquée en précisant d'un ton calme.

« Qu'elle soit plus intéressante que les autres ne change rien. C'est une enfant et elle a le droit à ces six lunes d'insouciance, je ne permettrais pas qu'on les lui vole. Je suis ferme là-dessus. Elle aura tout le temps de son apprentissage et bien plus encore pour développer ses capacités, comme tous ses camarades. Je fais confiance à leur nourrice pour les stimuler; les petits sont toujours demandeurs. »

Il soupire, sa colère capitule. Quand ses yeux remonte vers le lieutenant, ils sont plein d'incompréhension.

« Ce n'est pas en visitant les petits de tes camarades en cachette que tu vas gagner la confiance de qui que ce soit. » Ses yeux fuient soudainement le mâle sombre. Il retient ses pattes de piétiner, laisse son regard voyager d'arbre en arbre, monter jusqu'à la cime pour enfin mettre un terme à son hésitation. Il s'apprête à faire un premier pas vers celui qui se moquait de lui quelques minutes auparavant, le mouton noir du Clan, celui dont on tait le nom parfois. « Je ne te fais pas confiance en ce qui concerne l'éducation des jeunes, et c'est pourquoi je ne veux te voir mentorer aucun de mes petits. » Bref regard à la femelle, une sorte de T'en fais pas, je n'ai pas fini. « Mais je ne peux pas croire qu'Étoile Masquée t'ait nommé par hasard. » S'il savait. « Tu as des qualités. Si tu ne venais pas de te foutre de moi de la sorte à plusieurs reprises, je pourrais peut-être en citer. » Il y a des limites à la diplomatie chez lui, faut pas charrier. Un autre silence avant qu'il ne demande. « Ne te mets pas le reste du Clan à dos. »

Regard inquiet.
Les chefs contestés sont de mauvais chefs, ici.

Inutile de regarder Coeur de Puma pour sentir sa frustration. Il ne vit certes pas la montée de son poil mais il entendit distinctement ses griffes se creuser entre la pierre et la terre. Il entendit sa respiration rauque, cette expiration qui aurait très bien pu le soulever à bondir sur son lieutenant et l'amener rouler-bouler avec lui dans la poussière, s'entrecoupant la voix de feulements, crachats, et de coups de griffes.

Malgré toute la frustration qu'il avait cultivée chez le vétéran, ce-dernier s'empêcha - non. Ce-dernier s'interdit de répondre aux provocations du Lieutenant. Il s'interdit de lui bondir dessus, de l'attaquer, de donner une autre raison à Coup de Foudre de légitimer toutes ses idées à contresens du vouloir de la collectivté.

— « Coup d'Foudre.

Au lieu de s'arrêter dans son mouvement, Coup de Foudre fit plutôt mine de l'étirer, de l'allonger et de le faire durer, faisant languir le vétéran de toute attention de plus de sa part. Le vétéran s'était levé. Il était tendu, mais il était aussi vaincu, et inquiet (mais il était inquiet depuis le début), aussi il changea brusquement le sujet de la conversation pour tenter de retrouver l'attention du bengal qui se faisait la malle.

— Je ne pense pas que tu sois mauvais lieutenant.

À l'entente de ces mots, les coussinets du Bengal caressèrent la terre avant de s'y poser, et lentement il tourna la tête, toisant de biais le vétéran qui tint bon en s'accrochant à cette toute petite miette d'attention.

— Mais je te demande de ne plus me manquer de respect. Je ne me suis jamais moqué de toi.
— Tu t'es moqué de ma fille, le corrigea le lieutenant, sans ne s'être complètement tourné.

Les rumeurs qui lui collaient aux marbrures et à l'arrière-train passaient encore; il s'en fichait. Mais Coeur de Puma était le mieux placé pour comprendre ce désir de protéger sa famille, non? Source en faisait tellement pour lui.

— Je ne te veux pas autour de mes petits, c'est tout. Laisse Petit Rossignol et Petit Lézard tranquilles.
— ... »

Après quoi Coeur de Puma s'adressa à Source:

— « Qu'elle soit plus intéressante que les autres ne change rien. C'est une enfant et elle a le droit à ces six lunes d'insouciance, je ne permettrais pas qu'on les lui vole. Je suis ferme là-dessus. Elle aura tout le temps de son apprentissage et bien plus encore pour développer ses capacités, comme tous ses camarades. Je fais confiance à leur nourrice pour les stimuler; les petits sont toujours demandeurs.

Coeur de Puma poussa un soupir, et le bengal sentit lentement sa queue se lever derrière lui, prenant inconsciemment une posture d'autorité face au vétéran.

— Ce n'est pas en visitant les petits de tes camarades en cachette que tu vas gagner la confiance de qui que ce soit.

Heureusement il s'était empressé de baisser les yeux, autrement il aurait vu cette lueur de condescendance reluire dans ceux de son supérieur. De la confiance? Étoile de Suie n'avait la confiance de personne, et les frères Vautour avaient été si peu influents que c'est comme s'ils n'avaient jamais été Étoiles. Il n'était pas leur Chouchou comme l'était Étoile d'Or, à la Rivière; il ne nourrissait pas les sentiments nationalistes comme ils le faisaient au Vent en se vautrant jusqu'au coude dedans; et qui sait ce qu'ils faisaient à l'Ombre? Il était cependant certain que les guerriers du Tonnerre trouveraient une façon de le comparer à eux d'une quelleconque manière.

Coeur de Puma hésita à s'approcher d'un pas.

— Je ne te fais pas confiance en ce qui concerne l'éducation des jeunes, et c'est pourquoi je ne veux te voir mentorer aucun de mes petits.
— Je te demande pardon?

Le bengal l'imita d'un autre, plus brusque, versant son poids dans son épaule en se campant devant pour figer deux pupilles rétrécies sur le malotru.

— Tu as des qualités. Si tu ne venais pas de te foutre de moi de la sorte à plusieurs reprises, je pourrais peut-être en citer.

Ne te mets pas le reste du Clan à dos.

— ...Sinon quoi, Coeur de Puma?

Un éclair de souvenir le zappa dans les yeux et il se vit poser la même question à Vent du Nord.

Toi et tout les autres allez m'arracher la tête?

Un autre pas - il faisait à nouveau face au vétéran, terminant sa volte d'un coup de queue.

— Crois-tu vraiment qu'en ma position, je puisse un jour retrouver la confiance de quiconque dans cette maudite forêt?  Hahah, il s'envenima, me penses-tu Fou, comme tout le monde? ~ »

Sans plus de sourire à ses babines, il toisa le vétéran en se grandissant devant lui, en relevant sa tête, en tendant le cou, en reculant les épaules. Mais son poil était lisse, ses moustaches ne vibraient pas de babines nerveuses prêtes à mordre, et il n'avait aucun miaulement en bouche. Grave et sans salut:

— « Source te l'a dit: tes petits font partie du Clan du Tonnerre. Ils ne sont pas protégés de la réalité qui existe en dehors de la pouponnière.

Je m'intéresse au potentiel de Rossignol. Je voulais me charger de son entraînement, mais... si cette perspective t'es tellement abjecte (un rictus lui échappa) qu'elle te rend malade, très bien.

J'ai des qualités, c'est ça? Il haussa les épaules. Alors je ne serai ni le mentor de Rossignol, ni celui de Lézard.

Il hocha la tête d'un mouvement entendu, avant de fermer à demi ses paupières et de couvrir ses yeux de superbe.

Mais toi non plus. »

« Trop de guerriers répètent les conneries de leurs aînés. De nouvelles visions ne feraient pas de tort. »

Il s'aggrippa quelques secondes de plus au regard du vétéran, autant pour faire peser le poids de ses mots que pour faire peser la sentence. Et dans les autres Clans, se permettait-on d'interdire ou d'obliger son lieutenant à suivre ses dires? Sans la moindre sanction? Le bengal ronfla du nez, puis lanca un coup de menton vers sa fille.

« Tu dois des excuses à Source de Secrets. Elle a tout de suite compris ton problème sans que tu n'aies la décence de nous expliquer quoi que ce soit.

Contrairement à ce que tu t'imagines, elle et moi avons mieux à faire que de gaspiller notre temps à deviner la souche de vos moindres complexes d'infériorité.

Devant Coeur de Puma se produisit alors une scène similaire, où, le bengal, qui lui faisait face, vint enfin poser son séant par terre, miroitant au vétéran sa carrure sans défaut en s'immobilisant parfaitement devant lui. Il eut une pensée fugace pour Coup de Chaleur qui aurait sans doute voulu des excuses, lui aussi, mais il se garda bien d'en faire part au père inquiet. L'amour qu'il avait pour sa fille était la même qu'il cultivait pour la sienne:

— J'attends. »

Spoiler:

Il pense en avoir fini, qu'il sera cette fois-ci compris. Mais :

« ...Sinon quoi, Coeur de Puma ? »

Le matou au couleur chaude ne cache pas son incompréhension. Ses sourcils fournis se froncent, sa tête pivote tout juste vers la droite et lorsque son lieutenant lui miaule « Toi et tous les autres allez m'arracher la tête ? », c'est carrément sa gueule qui se déforme; babine gauche retroussée, mâchoire entrouverte. Cœur de Puma n'y comprend rien. Il n'a jamais menacé Coup de Foudre. Encore moins de lui couper la tête. Ces idées semblent n'être qu'une nouvelle agression que son corps accueille comme il accueille les piqûres occasionnelles des abeilles : avec douleur. Mais Coup de Foudre n'a pas terminé.

« Crois-tu vraiment qu'en ma position, je puisse un jour retrouver la confiance de quiconque dans cette maudite forêt ? Hahah me penses-tu Fou, comme tout le monde ? ~ »

Il réagit comme un apprenti surpris : sans rien faire. Il est complètement abasourdi devant cet étrange spectacle. Il est venu régler cette affaire de visite en cachette, et voilà que son lieutenant si muet au début de l'échange déraille. Cœur de Puma ne lui fait pas confiance. Cœur de Puma veut lui couper la tête. Cœur de Puma le pense fou.

Le bengal se transforme : passif jusqu'à présent, il s’active autour du vétéran. Il se grandit face à l'autre mâle -lequel est mieux bâti, mais d'hauteur relativement similaire- et le toise; le domine. Le brun-roux ne réagit pas, plus par surprise que par soumission. Il le regarde, incapable de traiter ces informations qui s'enchaînent à une vitesse folle. Le lieutenant reprend les mots de sa fille. Non, il exagère tout le discours du père. Mais il aligne le bon mot : celui qui fait peur à Cœur de Puma. Potentiel. La phrase qui suit celle-ci ne prend pas tout de suite son sens auprès du matou aux larges pattes. Doucement.

« J'ai des qualités, c'est ça ? Alors je ne serai ni le mentor de Rossignol, ni celui de Lézard. »

Il souffle enfin : libéré.

« Mais toi non plus. »

Son oreille tique. Il ne comprend pas, et sa mine décontenancée autant que sa tête qui se balance de droite à gauche le prouve. Il n'a jamais espéré être le mentor de Rossignol, ni celui de Lézard. Pour vrai, il est assez rare qu'un parent direct soit en charge de l'apprentissage de ses propres jeunes. Tout est fait pour que priment les liens du Clan. Pour qui est-il pris par le charcoal ?

Il s'est toujours tenu bien droit, bien fier. Il n'a jamais fait de coups en douce, il serait incapable de lever la patte sur son lieutenant, et d'aller au bout du geste. Que se passe-t-il ? Pourquoi on l'accuse des pires crimes alors qu'il vient simplement parler en privé ? Régler ses différends ? Comprendre ?! Pourquoi est-il si incompris dans la démarche inverse ?!

« Tu dois des excuses à Source de Secrets. Elle a tout de suite compris ton problème sans que tu n'aies la décence de nous expliquer quoi que ce soit. »

La décence ? Leurs actes étaient indécents : ils s'étaient joué de lui, lui s'était carrément foutu de sa gueule, et maintenant il était l'indécent ?!

« Contrairement à ce que tu t'imagines, elle et moi avons mieux à faire que de gaspiller notre temps à deviner la souche de vos moindres complexes d'infériorité. »

Vos. Cœur de Puma comprend.
Il lance un regard à la femelle bicolore, pleins de questions. Est-ce qu'elle comprend aussi ? Est-ce qu'elle sait déjà ? Est-ce qu'elle pense comme son père ?
Mais Source de Secrets reste impassible. Il ne lit rien de fort sur son visage, et en déduit qu'elle savait déjà, et qu'elle pensait comme lui. Ses yeux ne reviennent à Coup de Foudre que lorsqu'il finit :

« J'attends. »

Il s'extrait de ce moment hors-du-temps. Ses oreilles se rabattent contre sa nuque, signe de contrariété et il s'apprête à laisser couler ses sentiments contraires mais la jeune guerrière prend la parole.

« Si je puis me permettre » et ça l'achève. Il libère un soupir désespéré, et sa patte antérieure droite vient couvrir ses yeux. Cette vision est trop douloureuse. « je crois que nous nous éloignons un peu du sujet, et je veux dire par là “ce pour quoi nous avons été rassemblés“. » Cœur de Puma se redresse; il a la politesse d'écouter sa camarade en dépit de toute la frustration que cette discussion de sourd lui procure. « Je n’avais pas vu les choses sous cet angle, et je vous assure n’avoir jamais voulu vous insulter ni vous ni les reines. » Sa mâchoire se crispe : il a peur de la suite. Peur que ça s'empire, et qu'il l'ait définitivement vexé. « Je me plierais à ce que vous me demandez et n’irait plus voir aucun de vos enfants jusqu’à leurs six lunes, que ce soit à la pouponnière et en dehors. » Il hoche simplement la tête. « Cependant, Cœur de Puma, j’aurais une dernière question. Et s’il vous plait, ne voyez pas cela comme une offense ni comme une remise en question de votre qualité de père, mais » A nouveau, ses sourcils s'abattent sur ses yeux. Il ne sait plus à quoi s'attendre. Il a l'air d'être un matou horrible quand il l'entend lui demander de ne pas s'énerver à nouveau. Mais elle a son attention. « comme vous l’avez relevé je suis jeune, et il n’y a pas si longtemps encore j’étais apprentie. Une enfant, pour faire simple, encore soumise à l’autorité de mon parent et ma nourrice et je me rappelle très bien de ce que ça fait, d’avoir sa vie et ses fréquentations contrôlées même à l’âge de six lunes. Ainsi j’aurais voulu savoir... avez vous demandé à Petit Rossignol son ressenti sur nos visites ? Ce qu’elle en pensait ? »

Il a envie de s'effondrer. De laisser ses pattes céder. Assis de nouveau, le matou se recroqueville, porte encore une fois sa patte à son front cette fois, et ne retient pas un : « Oh, par le Clan des Étoiles... » comme s'il souffrait physiquement de la situation.

Il garde la tête orientée vers le sol un bon moment. Le temps d'assimiler entièrement les informations, d'en tirer ses conclusions, de comprendre pourquoi et comment ils en sont venus là. Lorsqu'il se sent prêt, il se découvre la tête et laisse sa grosse patte rejoindre le sol terreux, tandis que ses yeux volent jusqu'à la cime des arbres, comme si le mâle brun-roux voulait puiser ses forces de ses ancêtres. Alors il commence, sans une once de colère dans la voix.

« Je crois qu'on ne s'est pas compris. »

Son regard se pose sur la dernière à avoir pris la parole. Puis voyage jusqu'au lieutenant furieux. Pour finalement revenir vers celle qui avait voulu apaiser la situation. Et il lui dit :

« Source de Secrets. Le problème n'a jamais été que tu fréquentes Petit Rossignol. » Maintenant, il a l'impression de devoir le justifier. « Tu es une jeune guerrière oui, et je ne te connais même pas mais je sais que tu as une mémoire sans faille. J'aurais été ravi que tu fasses de ma fille l'une de tes amies. » Il ferme les yeux, visiblement épuisé. « Mais je passe au moins une fois par jour voir mes petits. Et quand je ne joue pas avec eux, quand ils font la sieste, je parle aux reines qui s'en occupent. Et pourtant... et pourtant je ne t'ai jamais vu avec elle. » Il ouvre à nouveau ses yeux, qui plongent sans détour dans ceux de sa camarade. Tout lui semble pourtant évident. « Si seulement tu-. Enfin si j'avais-... Bon sang, vous n'êtes pas allé la voir quand je m'absentais de la pouponnière, mais quand j'étais absent du Camp ! » Il les regarde à tour de rôle, de nouveau accusateur. Il n'arrive pas à croire à un malheureux hasard. Pas après ce que le lieutenant vient de sortir. « Je suis quoi ? Un pestiféré ?! Un étranger ?! Il faudrait que je laisse des matous qui m'évitent volontairement s'entretenir avec ma fille sans même que je puisse savoir à quel sujet... » Son regard se fait un peu plus dur, car il se sent pris dans une situation injuste. « ... parce qu'on ne veut pas que je sache ? » Sa queue fouette l'air, unique moyen pour lui d'expulser cette légère irritation autrement que dans des mots durs. Il laisse la tension retomber -ça ne sert à rien de repartir dans les tours. « Je pense que ma colère a tout de légitime. » explique-t-il.

Il est démuni. Alors il se confesse. Il veut qu'on le croit, qu'on comprenne son honnêteté, qu'on cesse de parler de lui comme un vous.

« Je bouffe les proies que vous rapportez de vos chasses. Et vous en faites autant des miennes. » Il secoue à nouveau la tête. Leur façon de pensée est absurde. Et blessante. « Je vous faisais confiance. Voilà pourquoi je suis autant en colère. » Il accorde à son lieutenant un regard presque tranchant. « Je n'ai pas peur de m'endormir à deux pas de vous. » Il recule d'un pas, le bassin bas car à peine en position debout. « Alors quoi... Nous ne sommes pas camarades de Clan ?! » Il s'adresse à Coup de Foudre lorsqu'il demande : « Parler avec ceux qui protègent le même territoire que toi est une perte de temps ?! Régler les conflits en discutant... je croyais que c'était ton genre. Mais non ?! Tu es un solitaire du Clan du Tonnerre maintenant ?! » Il s'adresse alors à la plus raisonnable. « Et toi, tu penses comme lui ?! »

Ses pattes se mettent en marche : il fait un cercle, toujours devant les deux félins.

« Tu as quoi... aller... 3-4 lunes de moins que moi ? » dit-il, avant de planter son regard avec puissance dans le jaune électrique du père. « Et tu parles de ma fille de 3 lunes en utilisant le terme de potentiel. Ça n'te rappelle rien ? Je vais t'aider : Étoile de Suie. » Il décroche, incapable de prononcer de tels mots en regardant un camarade droit dans les yeux; c'était comme le mettre à mort pour lui. « Et elle faisait tuer les plus faibles. »

Inquiet, il l'est toujours.
Furieux, beaucoup moins.
Apeuré face au comportement de ses deux camarades, complètement.

Un autre silence arrive. Cœur de Puma n'a pas vraiment fini, mais il est si déçu qu'il ne sait plus quoi dire. Tout ce qu'il a dit jusque là a été mal interprété. A leurs yeux, il n'est qu'un énième opposant à Coup de Foudre, un ennemi silencieux, peut-être parce que sa si bonne réputation l'oppose au charcoal...
Quoi qu'il en dise, aujourd'hui il a le cœur brisé. Deux membres de sa grande famille viennent de le rejeter.

HRP: