mother shelter || petite digitale feat. bouguet de muguet - abandon

Seule.

Elle se sentait si seule.

Agglutinée avec ses soeurs, leurs petits corps réchauffaient le sien. Tout était calme. La légère brise faisait bruisser les pins et les buissons, le ronronnement d'une autre maman se faisait entendre de la pouponnière, les sereines respirations des chatons qui rêvaient se mêlaient à celle de leur mère, la manifestation soudaine d'un oiseau faisait parfois éruption...
Petite Digitale avait pourtant froid, et elle ne dormait pas. Ses yeux encore bleus de jeunesse voyaient les épines tapissant le sol de l'Ombre lentement se déplacer, poussés par un faible vent. Elle leva le regard vers les cieux. C'était une source de réconfort. Dans la Toison Argentée, la Lune et les Etoiles cohabitaient en une parfaite union, grâciant le bas-monde de leur éclat sans faire de distinctions.
La petite accorda un dernier regard vers sa soeur Petite Aile, contre qui elle était blottie, avant de s'en séparer. Aussi silencieusement que cette nuit, elle alla se loger contre le flanc de sa mère.

" Maman... " Sa minuscule voix se faisait basse, pour ne pas déranger personne.

Le long poil de sa protectrice vint l'envelopper, de toute leur douceur et leur chaleur. Auprès d'elle, sa fille se sentait en sécurité, comme dans un cocon maternel.

" Je... je n'arrive pas à dormir, " chuchota-t-elle de sa voix étouffée, alors que de petites perles se formaient au coin de ses yeux.

Mother Shelter. (29)


La nuit tombée, mes yeux étaient fermés. Mais le sommeil les avait - il verrouillé ? Pas du tout. Je ne dormais que d'un oeil dans ce clan. Jusqu'ici, les maux n'avaient qu'été que verbaux, mais à quand la première patte levée, le premier piège tendue, la première punition ? Mes filles, déjà plus grandes, dormaient collées aux une aux autres, mais plus tout contre moi. Il n'y avait pas la place après tout. Mais ma queue était toujours autour d'elles, histoire de les protéger si jamais quelqu'un voulait les déranger. Paupières closes, je me revoyais à leur âge. Déjà battante, rancunière, il le fallait dans un clan pareil. Les images de mes filles se superposaient à la mienne, chatonne. Petite Aile s'en sortira, elle avait de la fierté à revendre. Puis je pensais à Petite Lavande et Petit Gingembre, plus douces et rêveuses. Qui leur brisera leurs rêves ? Et Petite Digitale. Mes sourcils passèrent de froncés à inquiets. Si fragile et peu sûre d'elle, combien de temps avant qu'on la piétine ? Je plongeai mon museau entre mes pattes. Mes petites, j'étais si désolée de vous avoir donné naissance dans un tel clan..

Un petit miaulement plaintif me fit tout de même ouvrir les yeux. Qu'y - avait - il ? Une boule grise se réfugia contre mon flanc. Je me relevai, couchée et appuyée sur mes coudes. Dans ma fourrure, Petite Digitale laissa s'échapper qu'elle ne savait pas dormir. Mais sa voix trahissait de la peine. Je pris délicatement la peau de son cou entre mes crocs et la portai entre mes pattes. Calée ainsi, je lui fis une toilette lentement pour la rassurer, tout en ronronnant. Passant ma langue sur son visage, je sentis le sel des larmes. Je posai ma truffe sur son front.

" Que se passe - t - il ma chérie ? Qu'est - ce qui t'embête au point que tu ne sais pas dormir ? "