Parle-moi de ton monde ft. Nuage du Soleil - end

Cela faisait une bonne lune maintenant que Nuage d'Épervier avait rencontré le guerrier du Clan de l'Ombre, autant de temps qui le séparait des beaux jours où il pouvait sortir à sa guise, sans ressentir ni douleur ni honte et surtout, cela faisait une bonne lune qu'il devait supporter les cataplasmes et les plantes infects que lui donnaient Silence d'Hiver et Nuage des Vents. Depuis quelques jours, le fils de Cobra Royal avait recouvré un peu de sa liberté : les soins avaient fait leur bien, au point que le novice d'Éclat d'Argent était désormais autorisé à quitter le Camp. Bientôt -il l'espérait- Nuage d'Épervier pourrait rejoindre ses camarades sentinelles en patrouille. Mais pour l'heure, le jeune mâle aux yeux dorés comptait bien profiter de l'une de ses premières sorties avec l'une de ses meilleures amies : Nuage du Soleil. Avec elle, il n'avait pas de soucis à se faire : ils s'amuseraient.

En s'extirpant de la tanière du guérisseur, le matou aux nombreuses nuances brunes fut ébloui par la clarté du jour. L'animal ferma ses yeux, et tordit son visage en une grimace tout à fait risible. Et baissant la tête ainsi, il se mit à marcher sans regarder où il posait la patte jusqu'à bousculer un ancien qui se faisait dorer la pilule, lequel grognon se mit à hurler sur le plus jeune. Désemparé, le coupable se confondait en excuses que l'autre ne semblait même pas entendre. Lorsque son aîné lui pesta de déguerpir, Nuage d'Épervier s'enfuit en trottinant sans un regard en arrière. Il se mit alors en quête de la pelisse blanche et rousse de son amie. Pourvu qu'elle ne soit pas déjà partie s'entraîner, songeait-il en passant sa tête dans la tanière des apprentis.

« Nuage de Soleil, tu es là ? »

A nouveau, il était aveuglé : l'antre était trop sombre et ses yeux venaient tout juste de s'accoutumer à la clarté de l'extérieur. Il espérait ne pas avoir à chercher la femelle trop longtemps : c'est qu'il avait hâte de quitter le Camp aussi.

Et la rouquine ne se fit point désirer puisque très vite, elle bondit sur son ami. Le matou, surpris, s'écroula instantanément sous le poids de la femelle, qui miaulait déjà gaiement après lui :

« ÉPOUPOU ! Tu peux enfin sortir de chez Silence d’Hiver et Ventoutou ! C’est trop génial ! Tes plaies sont guéries ? Tu veux qu’on aille faire un tour ? »

Wow, beaucoup d'énergie et de questions d'un coup. Enfin, c'était assez prévisible venant de la malingre novice : c'était une vraie pile électrique, toujours joyeuse et partante pour l'aventure ! Tout ce dont il avait besoin, en ce moment. Le fils du lieutenant lâcha un sourire sans retenue : qu'il était bon de la retrouver ! Un rire léger lui échappa même alors que l'autre l'écrasait de son poids -pas grand-chose, certes mais c'était assez pour le clouer à terre !

« Ha ha, Soso tu m'écrases là ! »

Nuage du Soleil finit par s'écarter, libérant le blessé qui se redressa aussitôt, s'ébrouant pour chasser la poussière de sa fourrure. Il répondit alors enfin :

« J'ai enfin le droit de me balader sur le territoire, alors oui y a intérêt à ce qu'on se fasse un tour en dehors de ce Camp tout moisi ! » Il marqua la pause avant de glisser un regard complice vers la féline à queue légèrement tordue. « Et avec qui d'autre que toi pourrais-je arpenter nos terres, hein ?
- Viens, copain, on sort faire un tour, renchérit-elle. En plus, j’ai faim, tu voudras qu’on s’attrape le petit-déjeuner à deux et qu’on le partage ?
- Avec plaisir, il est temps de reprendre du service ! »

Et il n'en fallut pas plus au duo pour filer du Camp, sans le moindre regard en arrière. Les deux amis prenaient la direction opposée de celle des Chutes : il passeraient sans doute par les Hautes Landes où les proies étaient plus denses, et Nuage d'Épervier comptait bien emmener la bicolore aux Pierres sentinelles; de là, on pouvait observer un magnifique paysage. Il avait des choses à lui raconter, de toute évidence ! Et il n'en espérait pas moins de Nuage du Soleil : cette fille vivait tellement tout à 100% qu'elle avait toujours quelque chose d'amusant à lui raconter. Il fallait aussi dire qu'elle était très forte pour parler de ses péripéties : le mâle brun était toujours en immersion totale.

HRP:

Les deux amis venaient tout juste d'atteindre les hauts plateaux lorsque Nuage de Soleil se figea. La féline bicolore resta droite, vraisemblablement à l'affût et lorsque Nuage d'Épervier s'en rendit compte, il se mit à son tour à humer l'air. Bien vite, il capta le fumet d'un lapin et se fut à ce moment que son amie lui indiqua :

« Hey ! Y a un lapin ! Vas-y, attire le vers moi, je vais essayer de le choper ! Ça fera un sacré petit déjeuner, tu penses pas ? »

Le novice à la fourrure nuancée de brun finit par acquiescer face à la spontanéité de son amie. Il fallait dire qu'il était emballé à l'idée de se faire un lapin avec sa camarade, et puis cela faisait des lustres qu'il n'avait pas chassé ! En tant que future sentinelle, ses entraînements de chasse étaient déjà d'ordinaire assez rares, mais avec ses récentes blessures, le pauvre matou avait été condamné à l'ennui. Enfin, il allait assister à un peu d'action !
Il patienta alors jusqu'à ce que la femelle rousse soit prête puis il se mit à son tour en place. Il avait le rôle qui pouvait paraître le plus simple : celui de faire fuir une proie -ce qu'elles faisaient très bien toutes seules- mais ne vous méprenez pas; il fallait jouer les chiens de berger et parvenir à amener la proie en direction du second chasseur. Concentré, il s'élança en direction du malheureux lapin, lequel se mit rapidement à détaler. L'apprenti d'Éclat d'Argent dut faire preuve de sang-froid lorsqu'il se mit à galoper derrière la touffe de fourrure puisque les cicatrices de ses antérieures étaient malmenées et lui faisaient un peu mal. Désireux cependant de faire bonne figure et surtout d'attraper le fichu lapin, il parvint à le faire fuir droit vers Nuage du Soleil. Mais la féline s'impatientait déjà et elle bondit trop tôt devant le lagomorphe, lequel l'évita dans un joli freinage d'urgence et retrouva le confort et la sécurité de son terrier en moins de temps qu'il le faut pour dire lapin.

« Raaah, ça ! Je peux pas passer mes journées à surveiller les Quatre-Chênes et apprendre à chasser, c’est impossible ! Espèce de mentor en carton, va ! »

Nuage d'Épervier, quoique déçu aussi par l'échec, ne put retenir un petit ricanement face aux reproches de la femelle à la queue cassée. Il lui dit d'un ton réconfortant pour essuyer sa petite moquerie :

« Ne t'en fais pas Soso, on va bien attraper quelque chose d'ici à ce que la nuit ne tombe. »

Et le fils du lieutenant disait vrai : quelques dizaines de minutes plus tard, et alors que les deux comparses erraient sur les hautes landes, le blessé finit par détecter la présence d'un rongeur. Le brun se mit le plus vite possible en position, plaqué contre le sol, les oreilles légèrement baissées afin de paraître invisible à sa proie. Cette dernière était d'ailleurs une souris qui grignotait impunément le peu de végétation qu'on trouvait dans la lande. Soucieux de bien faire, l'apprenti-sentinelle progressa vers l'animal à pas feutrés et, une fois à une distance raisonnable, il bondit bien haut pour retomber en piquet sur la malheureuse bête, laquelle n'eut même pas l'occasion de pousser un dernier cri avant que les crocs pointus de son prédateur ne lui transpercent la gorge. Fin fier de sa prise, le mâle aux yeux dorés héla Nuage du Soleil, taquin :

« Alors ma vieille, pas capable d'attraper quoique ce soit avant l'estropié ?! » Il se rapprocha de la femelle, la souris en gueule. « On partage, ou bien on essaie d'attraper quelque chose d'autre ? »

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Blablabla, se retint-il de lui lâcher, les yeux levés vers le ciel. Mais le brun ne dit rien, se contentant de faire comprendre à son amie que ses railleries taquines ne pouvaient atteindre son ego !

Et lorsque dans sa grande bonté le fils de Cobra Royal lui proposa de partager, la minette lui répondit :

« Tu rigole ou quoi, Époupou ? Elle est riquiqui ! Je dois manger plus que ça si je veux grandir ! Tu verras, un jour, je dépasserais Neigeou ! Tellement que je pourrais m’asseoir dessus sans la voir !
- Pffff... ha ha ! se mit-il à pouffer aussitôt, amusé par les bêtises que racontaient son amie. Nuage de Soleil était d'une constitution plutôt modeste : même en se gavant de lapin, elle ne grandirait jamais autant !
- Emporte-la, on va essayer de se trouver autre chose à manger avec ça ! Ta souris, elle pourra toujours nous servir de goûter ! »

Nuage d'Épervier décocha un large sourire malicieux à sa camarade, l'un de ceux qui signifient "je me tais, mais tu ne perds rien pour attendre !". A la place, l'animal aux multiples nuances de brun se contenta de saisir sa proie par la queue et de suivre la rouquine en trottinant, faisant balancer la pauvre bête inerte de droite à gauche au rythme de ses foulées. Il se tenait droit, plutôt fier d'avoir attrapé une proie le premier. Mais il ne fallut guère longtemps à la fille de Tâche d'If pour à nouveau détecter la présence d'un énième rongeur. Afin de ne pas gêner celle qu'il considérait comme sa meilleure amie, Nuage d'Épervier resta à distance, son propre butin pendant toujours à sa gueule. Elle parut franchement concentrée, ce qui inspirait à son congénère un silence de mort. Lorsque, soudainement, la bicolore se redressa et se mit à hurler à l'intention du matou :

« ÉPERVIEEEEEEEEEEEEEEER ! LES SOURIS, ÇA MANGE DES POMMES DE PIN ?!!! *
- Euh beh, je... Alors là ! » répondit-il de là où il est, ne prenant pas la peine de crier tant il fut abasourdi par le questionnement de son amie.

Et alors que le bougre se mit à considérer la question... Je veux dire c'est vrai quoi, est-ce les souris ça mange des pommes de pin ? Et si oui, alors que mangent celles qui vivent dans les Landes ? Et dans ce cas, est-ce qu'on peut considérer que les chats aussi mangent des pommes de pin ? Lorsqu'il revint à la réalité, la mine déconfite de son amie lui brisa le cœur. La pauvre rouquine regardait le sol, trifouillant la terre de ses griffes.

« Pardon, Époupou, j’ai un peu gâché la chasse…
- Oh, Soso, ne dis pas ça... »

Te voir si triste me fend le cœur aussi, se retint-il de lui dire. Il s'approcha de son amie, lâchant sa souris morte avec nonchalance et vint presser son museau contre l'épaule de la femelle malingre. Il finit par lui asséner un coup de langue vigoureux au même endroit et, chassant ce moment de tendresse qui le gênait malgré lui, le brun reprit, taquin :

« Viens Mademoiselle Je-Crie-Quand-Je-Chasse, j'te parie que je l'attrape ta fichue souris mangeuse de pomme de pin ! » Il s'élança dans la lande, attentif aux mouvements qui prenaient source au ras-du-sol jusqu'à ce que la même souris, dans la panique, reprenne sa course. Là, il se mit à la poursuivre -c'était ridicule. La pauvre bête, affolée et incapable de trouver une cachette, courait à vive allure entre les pattes du novice, lequel bondissait à tout va en espérant piéger le rongeur. Bientôt, il était rejoint de sa comparse qui l'imitait et voici que se dessinait une drôle de scène dans le paysage : deux idiots de chats qui bondissaient partout, pareils à des chèvres folles; et sous leurs pattes cette malheureuse souris qui tentait tant bien que mal de se faufiler entre les brins d'herbe éparses.

Bien vite il perdirent toute trace du petit animal gris, mais aucun n'arrêtait de sauter. Le jeu avait changé et il ne s'agissait plus d'attraper la maudite bête, mais de faire les cabrioles les plus burlesques possibles. Entre deux bonds, le mâle faisait :

« Alors ! Comme ça ! Tu peux ! Botter ! Le cul ! Des Ombreux ! Mais pas ! Attraper ! Une putain ! D'souris ! Et bah ! Ma vieille ! C'est bien ! On sera ! Jamais ! Bouffé ! Par les fous ! D'à côté ! Par contre ! On crèv'ra ! De faim ! » Il ria de bon cœur, rapidement essoufflé par les acrobaties mais fin heureux d'être là avec la jolie Nuage de Soleil.

Pourvu qu'il ne meurt pas assez vieux pour oublier ce moment.

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