Let's make a deal [PV Aile de Mouche] - end

Il secoua la tête pour chasser une goutte, et aussitôt trois autres vinrent s'écraser sur son crâne. 

Mouche gonfla les joues dans une moue amusée avant de rejeter la tête en arrière. Gueule grande ouverte, langue tendue, il accueillait avec joie cette pluie rafraîchissante qui vint mouiller ses papilles. 

Ne vous méprenez pas, ce n'était pas la canicule qui lui faisait aimer la pluie. Mouche l'avait toujours aimée, et lui serait toujours fidèle. 

La plupart de ses congénères n'aimaient pas avoir le pelage mouillé et restaient bien à l'abri dans les bois. Pas lui. Ce qui les dérangeaient l'amusait. 
Les insectes, la pluie, les oiseaux aussi ? 

Un croassement lui répondit. L'Oiseau n'aimait pas lui, avoir son tout nouveau pelage d'adulte trempé. La petite chose s'était transformée en un grand corbeau noir, à une vitesse fulgurante. Peut-être aussi que ses pillages dans sa réserve d'insectes l'avaient aidé. 

Mouche ne le considérait plus comme un insecte un peu différent, tout juste bon à rester enfermé dans une bogue pour son plaisir personnel. L'Oiseau était devenu un véritable compagnon. L'Oiseau le comprenait aussi bien que n'importe lequel de ses congénères ( mieux peut-être ). Et Mouche comprenait tout ce qu'il lui disait. 

Là par exemple, perché sur la croupe de Mouche, la tête cachée sous son aile valide, il avait hâte d'être à l'abri dans les bois. 
Ses croa croa gutturaux et les lacérations de ses serres sur sa croupe ne laissaient pas de doute. 
Ses serres faisaient mal au début, mais maintenant le matou n'y prêtait plus attention.
Après tout, c'était de sa faute si l'Oiseau ne pouvait plus voler. 
Mais ce n'était pas grave s'il ne pouvait plus voler.

Je suis tes ailes. déclara t-il avant de partir en trombe. 

Le matou brun un peu pataud se mit à courir sur le sol détrempé, soulevant les flaques sur son passage. Ses rires alternaient avec ses piaillements de douleur. L'Oiseau se cramponnait à sa chair, bien décidé à ne pas se faire éjecter. 

Mouche ralentit lorsqu'il arriva sous l'épais couvert forestier. Les feuilles des arbres ne laissaient pas passer la pluie. 
Les gouttes d'eau et le sang formaient un liquide rougeâtre qu'il sentait ruisseler dans son dos, sans être remplacé par de nouvelles gouttes.

Promis, je ne suis pas une ennemie. Je m’abrite juste de la pluie, je ne fais que passer. Je repars bientôt.

Surpris par cette intervention, Mouche ouvrit de grands yeux.

Une ennemie ? répéta t-il avec le ton de quelqu'un qui ne comprend pas.

La pluie avait presque effacé son odeur. Il s'approcha d'elle jusqu'à pouvoir enfouir son museau dans son cou. Il respira bruyamment.
Elle sentait le Clan du Vent.

Il se laissa tomber sur les fesses en face d'elle. L'Oiseau mit pied à terre juste à temps, partant de son pas sautillant vaquer à ses occupations d'oiseau.

Selon mon hypothétique, la pluie ne va pas se cesser avant la fin de la journalière. Il avait vu les nuages et il sentait l'humidité pensante tout autour de lui. Ce n'était pas qu'une averse. Tu es pressée dans ton voyagement ? Tu vas où ?

La curiosité de Mouche fut satisfaite car la rouquine se lançait dans une explication de son voyage où il était question de traverser son territoire et d'aller à la ville pour voir une amie triste.

Mouche hocha docilement la tête pendant ce récit, accompagnant son mouvement de mh, mh, mais tout allait très vite pour qu'il ait bien le temps de tout comprendre. Il aurait aimé posé d'autres questions : d'où venait-elle, qui était son amie et pourquoi elle n'aimait pas la pluie, mais il avait peur de lui faire perdre le fil s'il l'interrompait.
Heureusement, l'étrangère arrêta là ses explications pour se mettre debout dans une grimace qui n'échappa pas à Mouche. En général c'était les chats vieux qui grimaçaient pour se lever, et elle n'avait pas l'air vieille.
Quelqu'un lui avait-il fait du mal ?

Cette pensée fit se lever Mouche qui avait décidé de l'accompagner, voyant qu'elle allait partir.

— Dis, tu sais comment aller à la ville d'ici ?
— Bien sûr ! répondit-il, sa longue queue décrivant un cercle enthousiaste derrière lui.
— Je crois que je me suis perdue en cherchant un abri. Au fait, je m'appelle Soleil et toi ?

Soleil ? Ce n'était pas un nom du Clan du Vent. Mais c'était un très joli nom, il plaisait beaucoup à Mouche.

— Je me prénomine Mouche. répondit-il sur le même modèle. Soleil est un joli nominatif. C'est toi qui l'as choisi ?    

Il s'éloignait d'un pas paresseux, pas gêné par la pluie ( les feuilles au-dessus de leur tête en filtrait de toute manière la majorité ) et content d'avoir une nouvelle amie avec qui faire un bout de chemin et de conversation.
Vraiment, on aurait dit que Soleil n'avait pas à s'en faire de traverser la foret du Clan du Tonnerre et qu'elle était en compagnie d'un vieil ami.
Mouche ne prenait pas forcément le chemin le plus court, ou le moins fréquenté pour aller à la ville, simplement celui qu'il avait lui-même l'habitude d'emprunter.
Il ne pensait qu'ils pourraient tomber sur une patrouille.

Voyant qu'ils partaient, l'Oiseau les suivit, mais comme il était fatigué de sautiller à leur suite, Mouche lui tendit sa queue pour qu'il puisse grimper sur son dos.
L'Oiseau n'aimait pas rester seul. Il sentait qu'il était trop vulnérable aux prédateurs.

C'est qui cette amicale que l'on va voir ? demanda Mouche, s'incluant dans l'expédition du même coup. Et pourquoi elle est attristée ?  

Mouche aimait définitivement cette petite balade sous la pluie. Soleil semblait surprise au début, mais passé l'instant d'hésitation, elle répondait à ses questions avec franchise.

Oui et non. Soleil était la base de mon nom clanique. J’ai juste choisi de me renommer Soleil quand j’ai quitté mon Clan.

Alors elle avait donc quitté son Clan. Au tour de Mouche d'être surpris. Quand elle disait quitter... Elle voulait dire, intentionnellement ?
Elle avait abandonné sa famille, ses amis, renoncé à se battre pour eux et à les protéger pour quoi ? Pour se balader où elle voulait dans la forêt ? Pour être seule, sous la pluie entre des arbres inconnus ?
Il tourna vers elle ses grands yeux jaunes :

Pourquoi tu t'en es en allée ? Ton Clan te manque pas ?

Et lui ? S'il quittait son Clan, ses membres lui manquerait-il ? Il aurait dit que oui mais après tout il n'en était pas si sûr. Il passait beaucoup de temps tout seul. Et ceux qui comptaient étaient avec lui partout où il allait. Dans sa tête et bien vivants.

Les bois se firent plus épars tandis qu'ils approchaient de la Ville. La mystérieuse Soleil continuait :

— Elle s’appelle Curieuse Pénombre et elle est triste car des Bipèdes l’ont privée d—
— Curieuse Pénombre ??? coupa Mouche, en s'arrêtant si brusquement que son passager ailé failli être désarçonné.

Pénombre avait disparu il y a quelques lunes de cela. La femelle avait grandi en même temps que lui et était l'une des rares personne de son enfance a être encore physiquement présente.
Quand elle avait disparu, Mouche s'était dit qu'elle était au même endroit que tous ceux qu'il avait vu disparaître dans sa vie. Et dont on ne parlait plus après leur avoir léché leur pelage une dernière fois, histoire qu'ils soient tous propres pour être recouverts de terre.

Et voilà que cette mystérieuse voyageuse faisait resurgir l'existence de son amie d'enfance. Elle avait vu Pénombre ? Alors elle avait peut-être vus tous ceux qui avaient disparus et que Mouche avait gardés dans son esprit.
Et il y avait quelqu'un en particulier qu'il voulait retrouver :

Tu as vu mon fraternel alors ????

Il avait bondit vers la blanche, plein d'espoir. Ils étaient deux à voir son fraternel ! Cela voulait dire que Petit Ver allait exister au maximum de sa puissance. Petit Ver ne serait plus seulement un chaton mort comme tant d'autres oubliés à jamais. Il ne serait plus une voix dans sa tête, une image qui s'imposait dans son quotidien, une ombre faite de souvenirs à laquelle il manquait une odeur, une chaleur et de la chair tangible pour pouvoir s'y blottr.
Si Petit Ver existait pour Soleil alors Petit Ver existait pour tous.

Mouche se mit à tourner la tête de tous côtés, prêt à voir son frère faire son apparition de derrière un arbre, ou même à tomber du ciel, comme les gouttes d'eau s'il en avait envie. Peut-être préférerait-il sortir de terre, comme les vers en temps de plu—

— Tu connais Curieuse Pénombre ? C'est ta sœur ? Mais que fais-tu ici ? Pourquoi t'es pas avec elle ? Plus que jamais elle a besoin de sa famille !

Lentement, ses oreilles puis sa face pivotèrent vers Soleil. Petit Ver n'existait même pas dans sa voix.

Le ronronnement qui avait naquit dans sa gorge cessa brutalement sur un renâclement.
Il renifla encore une fois. Puis une autre. La corneille fit claquer son bec.

Mouche répondit au regard chargé de colère de la femelle par deux yeux ronds, un peu comme ceux qu'ont les poissons de la rivière une fois qu'ils sont pêchés et qu'ils se tordillent sur le rivage.
Le matou pencha la tête.

Pénombre était vivante ? Vivante pour lui, pour tous, pour Soleil, elle était chair tangible quelque part près d'ici ?

Je suppensais qu'elle avait été portée disparance. les mots se collisionnaient. Il était incrédule. Comme tous les autrui. Qu'elle était avec les autrui.

Mais ce n'était pas le cas si Soleil l'avait vue elle et pas les autres.

Elle se cache-cache ? Je veux la visionner moi aussi.

HRP:

Je cherchais toujours autant mes bébés. Je m’étais réfugiée auprès de la ville pour guetter leur moindre faits et gestes. S’ils étaient là bien sûr… mais je gardais tellement d’espoir de pouvoir les récupérer, pouvoir faire leur toilette, leur raconter des histoires… les élever comme une mère ! Au lieu de ça… ils m’avaient été enlevés. Alors je restais là, je miaulais sans cesse, je les appelais. Je prenais garde au moindre bipède et je me faisais aussi discrète qu’une ombre. Soleil, une jeune minette solitaire que j’avais rencontré il y a peu de temps, venait me voir régulièrement. Sûrement pour vérifier que j’allais bien. Malheureusement… tant que je ne retrouverais pas mes enfants je pense que la vie serait toujours en noir avec quelques pointes de couleurs, par-ci par-là. La solitaire était une petite source de couleur. Elle m’apportait du réconfort, elle était douce et gentille. C’était une amie pour moi, en plus de cela, elle m’avait même proposé de rejoindre sa tribu. Elle n’existait pas encore, mais c’était une alternative. Mais quelque part c’était abandonner mes petits. J’y réfléchissais beaucoup, même si petit à petit, l’idée de retrouver une communauté me faisait le plus de bien. Je ne pouvais plus retourner au clan du tonnerre. Ils ne voudraient plus de moi. J’étais tout de même soulagée d’avoir pu voir mon petit frère et Bec Croisé. Ça m’avait réchauffé le cœur. Un cœur qui pourtant était bien fêlé.

« Curieuse Pénombre, tu es là ? C’est Soleil ! Je suis accompagnée d’un chat qui souhaite te revoir. »

C’était Soleil ! Et avec un autre matou d’après ce qu’elle disait. Je me dirigeai vers la voix, curieuse de voir les deux visiteurs. Je n’en cru pas mes yeux en le voyant. Moumouche. Mon frère !

« Moumouche ? C'est toi ? »

Je le fixais, trépignant d’impatience de fourrer mon museau dans son doux pelage.