Un décès de plus || Libre + Coup de Foudre. - end

Une épaule bouscula Raton-Laveur en passant son chemin.

Dans l'obscurité qui s'acroît on ne le distingua pas tout de suite, probablement faute de sa pelisse charcoal qui le faisait presque disparaître la nuit, et sans lune pour éclairer la cape sombre sur son dos on ne le reconnut qu'à la lueur de ses yeux jaune électrique. Il s'était penché au dessus du ░░░░░░ de sa ▓▓▓▓▓▓▓▓, déposant un nouveau tas de mousse, de duvet et de fleurs sur le dessous. Sa tête lui censurait déjà les mots, mais ce-faisant il se censurait la vision, aussi il fit volte-face pour aller chercher de nouvelles boules de mousse. Il n'y en avait pas assez (il y en avait plus que suffisament).

Son épaule bouscula Raton-Laveur sur son chemin et il le fit en marchant religieusement dans les même pas, en faisant les mêmes gestes, coincé dans une boucle de mémoire motrice. Après le choc, la conscience du temps était partie et pendant le déni c'était celle de l'espace.

Il voyait la naissance de sa plus récente portée avec elle, qu'il avait assistée, avec Roux, avec Bec, en se faisant le plus présent possible.

ʇuǝɯǝlɐʇuǝɯ ʇuǝsqɐ ʇuǝɯǝʇǝ̖ldɯoɔ 'ɹnoʇ ɹnǝl ɐ̖ ʇuǝıɐllıǝʌ ınb ɹnoʇnɐ ınɹʇnɐ,p ǝɔuǝsǝ̗ɹd ɐl ǝp ǝʇdɯoɔ ǝɹpuǝɹ ǝs suɐs 'ǝɹʇǝ̮ ʎ ʇuǝɯıɐɹʌ suɐs 'ǝıoʌ ɐl ǝu lı,nb ʇuǝɯıɐɹʌ suɐs ʇıɐssɐd ǝs ǝǝ̗llıǝʌ ɐ˥

Il ne savait plus s'il déposait du duvet, ou de la mousse, ou des pissenlits, ou des passiflores lui venant directement de son nid, mais en passant son chemin,...

Par Cataries!

Raton Laveur s'approche lentement de la défunte Secret du Firmament. Le coeur très lourd, il remarque vite la présence de Coup de Foudre à ses côtés - avec qui il est en froid. Ignorant les précédent coups d'épaules de son ami, le matou ne réfléchit pas un seul instant, il donne un coup de museau sur l'épaule de son ami et loge son museau au creux de son cou en sanglotant :

« - Elle va nous manquer à tous les deux. Nous l'avons aimé à sa juste valeur. Elle ne voudrait pas nous voir en froid. Je vais t'aider Coup de Foudre, nous allons nous en sortir, ensemble. »

Les rancoeurs mise de côté l'espace d'un instant et peut être pour toujours, Raton Laveur enlève la boule de mousse que Coup de Foudre s'apprêtait à mettre à nouveau sous l'ancienne guérisseuse. Les larmes coulant le long de ses joues, le mâle gris se détache de son ami et enfouit son museau dans la fourrure de la défunte.

Un décès de plus (32)


Les morts tombaient comme des mouches en ce moment. Cela me faisait froid dans le dos, ma plus grande ennemie. Elle nous prenait tout, j'avais peur d'être le prochain malgré la canicule passée, comme si chacun de mes proches enlevés étaient une menace. Regard de Braise, Petite Noisette, donc deux soeurs.. Secret du Firmament, amie et presque mère... Et dorénavant Etoile de Cendre, le bouquet final, la mort montrant tout son pouvoir en prenant les nombreuses vies d'un chef. On en aurait sûrement parlé avec Léopapard s'il n'était pas aussi rouillé que mon bonheur dernièrement. Je me souviens du jour où son déclin m'avait frappé.


*FlashBack : Veillée de Secret du Firmament*

Quand on avait ramené son corps déchiré, je n'ai pu m'approcher près de la défunte reine. Sinon j'aurais sûrement rendu mon repas sur le corps de l'ancienne guérisseuse, et ce n'était pas très respectueux. J'étais resté au delà de la barrière que m'offrait la foule qui se rassemblait autour d'elle, n'ayant même pas l'esprit à me complaire dans ce mélange de fourrure. Celle qui m'avait soutenu depuis ma naissance, même de loin, était partie.

L'après midi même, son cadavre avait été nettoyé et posé dans un nid de mousse. Il ne sentait plus la mort grâce aux plantes de la guérisseuse, elle qui leur avait tourné le dos. Elle était prête pour la veillée, encore une. Cela me brise le coeur de me dire que je m'y habituais presque. Presque. Beaucoup restait loin d'elle, car elle avait été mal vue ses dernières lunes de vie. Les regards comptaient pour moi, mais le respect des morts qui me veillaient de là où ils allaient l'était encore plus. Je vins alors avec une fleur cueillie moi - même, je me dis que je pouvais au moins faire cet effort. Quand j'arrivai, je vis que la défunte reine était déjà bien ornée de végétaux. Pourtant je n'avais pas vu tant de chats y aller. Raton Laveur y était encore couché, pleurant son amie. Je m'approchai silencieusement, n'osant briser ses pleurs. Mon coeur se serra un peu quand je sentis la fourrure qui se refroidissait. Je fermai les yeux, priant pour elle un repos plus agréable que la fin de sa vie, priant de belles retrouvailles avec Regard de Braise et autres chats qui comptait pour elle, partis avant l'heure. Des bruits de pas plus lourds m'oblige à lever la tête, pour surveiller.

Ces grosses pattes beiges, suivis de pattes foncées et musclées. Ces tâches.. Léopapard ? Sans l'étincelle particulière qui l'habitait usuellement, il était méconnaissable. Ses yeux dorés étaient éteints, quasi morts. Je déglutis. C'est la première fois que je le vis ainsi. Mes oreilles s'affaissèrent tout contre mon crâne. J'osai une dernière lèche sur le pelage froid de ma protectrice puis me levai. Juste à temps pour être témoin de l'étrange contact qu'il y avait entre le lieutenant et mon père. Le premier lui prenant son énième boule de mousse -je fronçai le nez, qu'il le laisse faire ce qu'il voulait !- puis laissait le second seul, perdu, il n'avait pas réagit alors que d'habitude, le masqué lui faisait rouler les yeux. Le voir comme ça, c'était comme si je le voyais mort, comme si je le voyais pleurer, alors qu'il m'a dit qu'il ne pleurait jamais. Pleurer, comme moi à la mort de Braisou, et ce soir là il m'avait consolé. Je lui étais redevable. Mais même sans ça, quel fils, quel ami, serait resté impassible ?

Je m'approchai de lui, prudemment, annonçant ma présence de quelques ronrons au chat qui semblait ailleurs. Je pris quelques secondes avant d'oser caler mon flanc contre le sien, comme si j'avais affaire à un nouveau chat. Je calmai mon ronronnement, laissant un peu place à la tristesse.

" Je s'uis là Léopapard, je... je s'uis là. "

Les mots m'échappaient dans ces moments là, moi qui avait pourtant appris à les utiliser en copiant mon père et son charisme. Mais là, il n'y avait plus de charismes, plus de mots. Je ne savais que répéter les mêmes choses qu'on s'était dites ce soir funeste.

" Elle dans'e, Léopapard. "

Je passai sous silence le "avec les Etoiles", car le Coup de Foudre normal ne les aimait déjà pas trop, alors ce Coup de Foudre imprévisible, j'allais totalement taire ce sujet.

On perturba l'auto-pilote dans lequel il s'était plongé et il sentit le souffle de quelqu'un se coller dans son poil et remonter son épaule jusqu'à son cou pour s'y loger. Une sorte de frisson agréable lui prit et il s'arrêta de marcher, s'immobilisant dans cette étreinte sans même reconnaître le chat au masque en face qui lui sanglottait tout contre. Sa propension physique lui suffisait, et par mimétisme il pencha même la tête pour aller mettre son museau dans la nuque de l'autre chat, et y expirer avec force. Étreindre Tête de Chêne, plus tôt, l'avait soulagé de façon similaire.

— « Elle va nous manquer à tous les deux. On lui dit. Nous l'avons aimé à sa juste valeur. Elle ne voudrait pas nous voir en froid.

En froid?

Je vais t'aider Coup de Foudre, nous allons nous en sortir, ensemble. »

Le bengal plissa les paupières pour percer une seconde au travers du voile de déni et se rendre compte, en se reculant la tête, que cet autre chat n'était autre que Raton-Laveur - Raton Laveur qui avait eu le culot de chercher son réconfort à lui alors qu'il ne lui avait jamais offert le sien. Coup de Foudre sentit une vague de dédain, mais en s'écartant on lui prit la boule de mousse de sa bouche (eh mais--) et puis on se détourna de lui pour s'allonger au-dessus de sa ▓▓▓▓▓▓▓▓ et la mouiller de larmes. Sa croupe, qui s'était tendue, lui faisant lever sa queue derrière lui, s'abaissa peu à peu jusqu'à le faire s'asseoir car les allées-et-venues l'épuisaient et il regarda un moment l'état physique de Raton-Laveur qui s'entêtait à fourrer son nez dans toute la fourrure qui lui tombait dessus.

Il pleurait - il l'entendait pleurer, la mécanique était là, la saccade de la respiration et la présence de ses larmes, bien sûr, mais il n'avait pas l'impression que la scène était réelle. Non, correction: il n'avait pas envie qu'elle le soit. Il prit le temps de le regarder, et l'effet qui s'ensuivit fut le même que celui de se répéter le même mot. La scène perdit graduellement son sens et l'alourdit dans son déni en ne faisant plus seulement abstraction à sa peine, mais aussi à tout ce qui se passait autour. Le sol sous ses pattes était mou, les branches dans les arbres fondaient vers le sol, les feuilles distinctes sur leurs tiges s'étendaient en une tache grossière qu'il ne reconnaissait plus (ne voulait plus reconnaître).

— « Je s'uis là Léopapard, je... je s'uis là.
Un nouveau contact le sortit des ombres. C'était un flanc qui s'était collé contre le sien, et en réponse, sa queue s'était machinalement levée pour aller enserrer la croupe de son voisin, plus petit, plus trapu, et qui ronronnait. Il ronronna aussi mais sans la moindre mélodie dans le ton.

« Elle dans'e, Léopapard. »

Bec le connaissait trop bien - ces simples mots réveillèrent des souvenirs récents et encore chauds de l'incendie de la saison dernière et d'une nuit en particulier où c'était lui qui tentait d'être là pour son fils. Ces simples mots réveillèrent des bribes de leur conversation sur la vie, de leur conversation sur la mort, celle sur les Étoiles et c'en était trop pour lui. Peut-être que si ça n'avait pas été elle, il aurait été différent, en ce moment. Peut-être qu'il aurait eu des mots, mais en entrouvrant sa bouche, rien n'en sortit, et sa langue s'était nouée dans sa gorge. Il percuta son fils d'un coup de front, imitant Raton dans son poil plus tôt pour tenter d'y disparaître. Ou peut-être qu'il n'était pas à court de mots. Peut-être c'était parce-qu'il y en avait trop et trop peu de temps pour les dire. Ou peut-être qu'il était un nouveau Coup de Foudre et que ces luis d'avant n'étaient plus que des images dans des glaces qui lui réfléchissaient son reflet. Le monde lui parut soudain bien petit, dans une tanière en peau et en couleurs, plongé dans les ombres où la lune découpaient les contours de formes qui n'appartenaient à rien de la Nature dans laquelle ils vivaient.

Une monde artificiel avec sa glace noire et ses barreaux et ses miroirs et ses fauves aux yeux éteints, comme les siens.

« Elle danse, papa »

— « .. Je peux danser avec elle? »

Par Cataries!

Un décès de plus (32)


Raton Laveur était resté près du corps de Secret du Firmament, alors j'allais occuper l'esprit de Coup de Foudre pour qu'il ne soit pas triste et fâché. Même si là, il ne semblait sentir... rien. Mais pas comme d'habitude, c'était.. vraiment rien. Ma présence le fit tout de même réagir, heureusement. Mes mots semblèrent le toucher, j'attendais presque la réponse habituelle, joueuse, ou alors cruellement sérieuse (" Mais non Bec, tu vois bien qu'elle ne peut plus danser. ") Sa bouche s'ouvrit, mais aucun son n'en sortit. Je penchais ma tête sur le côté pour mieux le voir et l'encourager, or son front stoppa mon mouvement. Il venait chercher son réconfort lui - même. Sans mot. Avions - nous toujours besoin de mots après tout ? Je trouvais souvent les contacts bien plus efficaces que les paroles. Sa tête glissa de mon front à mon cou, comme pour s'y réfugier. Je le laissais faire comme il s'était laissé faire il y avait trois lunes. Pour sceller le mouvement, je posais ma tête sur la sienne. Je ne savais pas s'il pleurait, geignait ou autre, à vrai dire, il ne bougeait même pas trop. J'attendis alors. Et une réaction vient. Une toute petite réaction, toute simple et naïve, comme celle d'un chaton. Mon coeur et mon étreinte se serrèrent face à sa question.

" Bien s'ûr papa, un jour tu dans'eras avec elle. "

Car un jour, aussi funeste soit - il, nous nous retrouverons tous pour de merveilleuses retrouvailles. On formera cette famille heureuse dont on a toujours rêvé, dont j'avais toujours rêvé. Posé sur la tête de mon père, j'espérais simplement que la discussion qu'on avait eu sur la mort et la vie ne se réalise pas trop tôt. J'espérais que le départ de l'ancienne guérisseuse de lui donne pas envie de goûter à la "grande mort". Pas encore non, mon coeur ne supporterait pas une troisième perte alors qu'il n'avait pas cicatrisé les deux autres. Alors je serais là autant qu'il le voudrait, qu'on s'occupe mutuellement notre esprit et qu'on se guérisse.

La mort.

La mort était partout, lui semblait-il, depuis quelques jours. Elle avait imposé sa présence dans leur campement, dans leurs vies, son odeur dans leurs tanières, et sa cruauté dans leurs cœurs.
La mort avait emmené Secret du Firmament, sa mère adoptive, quelques jours plus tôt. Nuage de Source n’avait pas dit un seul mot depuis que la guérisseuse était brusquement partie. Elle s’était enfermée dans un mutisme complet, menaçant de fondre en larme chaque fois qu’un son manquait de peu de s’échapper de sa gueule. Elle était triste, dévastée, et pourtant, elle refusait d’y croire. Le mot juste serait plutôt qu’elle ne parvenait pas à y croire : chaque matin, encore, elle se levait avec l’impression que Secret du Firmament serait de retour après une absence un peu trop longue, qu’elle les accueillerait dans son antre avec sa voix douce et chaleureuse. Ce matin ne fit pas exception. Mais à la place, ce fut la voix de son qui raisonna dans la clairière.

« Que tous ceux qui sont en âge de chasser s'approche du promontoire pour une assemblée du clan. » 

Nuage de Source rejoignit la foule en silence. Pourquoi Raton-Laveur ? Pourquoi pas Étoile du Busard ?
La mort, encore et toujours.
Les mots passèrent dans les oreilles l’apprentie sans s’y arrêter. Elle saisissait leur sens sans le comprendre. Elle assista aux murmures peinés de la foule, à quelques paroles échangées entre Raton-Laveur et Coup de Foudre, au regard de son père, à la présence chaleureuse de Bec Croisé. Elle y assista impuissante, là, assise dans un coin de l’assemblée, le regard vide.

Son vrai sang, sa famille qui ne l’était plus, les secrets, la mort. Tout cela avait creusé un trou dans le coeur de Nuage de Source.