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Thème X - Terres Inondées
 
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 « Quinze lunes. » || Clan du Vent. - end

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Mamba Noir
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MessageSujet: « Quinze lunes. » || Clan du Vent. - end   « Quinze lunes. » || Clan du Vent. - end Empty27.02.20 15:01


« Quinze lunes. »
PV. Clan du Vent

Retour. Enfin. Enfin, il s'annonçait. Enfin, ce jour arrivait. Elle les avait compté un par un depuis ce jour-là. Elle n'avait eu de cesse que de trouver le temps long. Elle n'avait eu de cesse que de râler chaque jour qu'elle se levait loin de ses semblables. Sa vie, son existence, son passé, son avenir, elle leur léguait tout. Elle leur devait tout. Fini l'errance. Fini l'incertitude. Fini la solitude. Fini la souffrance d'être loin des autres. Elle touchait enfin au but. Elle allait enfin les revoir. Elle s'était fait mille fois la scène. Elle se voyait courir comme un chaton idiot à travers la neige. Elle se voyait accueillit les pattes grandes ouvertes. Elle se voyait déjà foncer à leur rencontre à travers la Lande, ne pas s'arrêter pour reprendre une seule fois son souffle ou même répondre à la fainéantise de ses pattes. Elle s'imaginait déjà fondre sur Cobra Royal, sur ses frères et sœurs. Elle se voyait déjà revenir comme une fleur, reprendre la place qu'elle avait laissé. Pourtant, quinze longues lunes les séparaient. Quinze lunes durant lesquelles tout ou rien avait pu se passer. Elle en avait pleinement conscience. Elle savait que les choses ne seraient probablement pas comme elles les avaient laissées. Certains de ses camarades ne seraient peut-être plus. D'autres au contraire seront nés. La vie allait ainsi. Et quoi de plus normal que la Terre continue de tourner en son absence. Elle n'avait jamais été le noyau du Clan du Vent. Elle n'avait jamais été le centre d'un monde quelconque, le moteur. Elle avait fait parti, comme toutes les vies de ce monde, d'un tout qui une fois dissociée se retrouvait être poussière. Elle n'était qu'un grain de poussière dans cet univers. Qu'une vie dérisoire en plus. Qu'un être dont la vie n'avait pas plus d'importance et d'impact qu'une autre. Et pourtant. Elle ne pouvait s'enchanter de retrouver les siens. Il lui sembla ne jamais avoir été si légère, si heureuse et si impatiente. Son corps entier tremblait sous l'effort alors qu'elle avait pourtant la certitude de faire le bon choix.

Le temps. Une relique ô combien fragile et pourtant nécessaire. Une puissance incontestable et à jamais incontrôlable. Les êtres vivants de ce monde ne font que subir ses effets et son rythme canonique. Impossible de le trahir, impossible de l'amadouer pour le manipuler. Idiot serait celui qui perdrait le sien à trop vouloir essayer. Mamba Noir avait eu le temps de s'essayer. Pendant ces quinze lunes, elle avait eu le loisir de faire un nombre incalculable d'expériences. Certaines avaient été un franc succès, d'autres de pitoyables échecs. Elle parvenait tantôt à garder les pattes sur Terre, pleine d'un espoir incommensurable de retrouver les siens. Et en d'autres temps, elle perdait complètement les pédales, sombrant dans une frénésie dépressive qui la traînait dans les tréfonds des abysses. Depuis que la Lune s'était levée, elle courait. Voilà longtemps qu'un tel exercice n'était pas venu tirailler ses muscles. Voilà longtemps que ces derniers n'avaient pas crié de douleur et ne l'avaient pas menacer de s'arrêter. Pourtant, elle restait sourde à leur complainte. Elle n'en pouvait plus d'attendre. Elle n'en pouvait plus d'être si loin. Elle n'en pouvait plus de cette solitude. Elle n'avait qu'une hâte : rentrer. Rentrer à la maison. Voilà ce qu'elle avait toujours garder en tête durant toutes ces journées depuis cette bataille. Elle avait eu tout le temps de songer à celle-ci, aux choix qu'elle avait fait, à ce qu'ils avaient amenés, à ce qu'elle aurait pu vivre si elle en avait fait d'autres. Elle en était chaque fois venue à la même conclusion : elle n'y changerait plus rien. Elle avait donc tout bonnement laissé de côté cette piste-là pour se concentrer sur l'après. Sous ses pattes, les longueurs se succédaient. Bientôt, elle pénétra sans même ralentir sur les terres qui étaient celles de son Clan il y a quinze lunes de cela. Poussée par un vent doux, elle se sentit accueillit par la bise. Enfin. Comme si sa mémoire n'avait rien oublié, elle fonçait directement vers le Camp. Chaque nouveau souffle et chaque nouveau pas étaient la promesse d'un bientôt. Et lorsqu'elle déboula dans le Camp sans prendre la peine de s'annoncer ou de ralentir, l'aube venait de mourir. Se plantant là, devant l'entrée, ses yeux brillèrent de mille et une larme. Elle était de retour.


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MessageSujet: Re: « Quinze lunes. » || Clan du Vent. - end   « Quinze lunes. » || Clan du Vent. - end Empty08.03.20 9:55

Quinze lunes.

Un feulement tira Cobra Royal de sa discussion, il tourna la tête pour découvrir Queue de Lapin grondant, vite rejoint par Danse des Colombes. mais il remarqua chez ses amis comme un flottement et lui même se figea tout à fait devant l'étrangère qui venait de débouler chez eux. Nid de Mousse s'esquiva alors et le bicolore laissa le rouquin filer pour se rapprocher pour sa part de la chatte. Et à son approche, ceux qui du clan avait commencer à approcher aussi, fourrure en bataille, s'écartèrent, réalisant comme lui qui ELLE était.

- Mamba Noir ...

Aucune chaleur dans la voix du père, lequel ne manqua pas que quelques guerriers s'esquiver du clan, sans doute partant à la recherche des patrouilles pour leur annoncer que ... Mais annoncer quoi ? Le félin n'en tint pas compte, il se planta a une longueur de moustache de sa progéniture, plongeant ses yeux froid dans ceux de la femelle pour cracher presque.

- Où étais tu passée ?

Il ne pouvait pas faire comme si elle était partie la veille. Une part de lui le voulait mais une autre, plus puissante rester méfiante. Néanmoins sa fille n'empestait pas le parfum d'un autre clan et sur ça, il se détendis. Elle n'avait pas non plus l'allure grassouillette d'une domestique. Et pourtant, il s'était passer bien trop longtemps. Finalement, le lieutenant sembla réaliser que beaucoup attendait la réponse de sa fille, son explication. Comme lui-même. Le clan rester fermer aux étrangers et même si elle était né ici ... Il ajouta finalement, comme pour détendre l'ambiance, se permettant ainsi un geste paternel, sa queue venant effleurer le flanc de son aînée alors qu'il lui tourner autour pour l'observer entièrement. Et se rassurer peut-être un peu, au fond, que s'était bien elle.

- On te pensais morte ...

Après la bataille, nul trace d'elle, on avait imaginer le pis. Après tout, cette peste de Soleil avait disparu aussi ... Mais la seconde était revenue un beau jour, sans parler de Mamba et les espoirs s'étaient éteint. Et voilà qu'elle était là en chair et en os. Bien vivante. Et pourtant, le bicolore ne pouvait l’accueillir trop ouvertement. Un cycle entier de disparition ne s’efface pas en une seule secondes, pas quand on est lieutenant du clan et que le meneur se fait de plus en plus discret... Et faible.

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Serres d'Épervier
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MessageSujet: Re: « Quinze lunes. » || Clan du Vent. - end   « Quinze lunes. » || Clan du Vent. - end Empty10.03.20 22:04

Ce jour-là, ou plutôt ce matin-là Serres d'Épervier avait tenu son post près de la frontière avec le Clan de l'Ombre, non loin des Quatre Chênes. Comme bien souvent, rien n'avait bougé dans les parages et après de longues heures, le matou brun fut enfin relayé par un collègue sentinelle. Ils échangèrent quelques mots, lui donnant les informations du matin, et l'autre acquiesçant poliment. Et comme souvent dans ces cas-là, le fils du lieutenant se mit en chasse sur le chemin du retour : bien qu'il était un piètre chasseur, il lui fallait nourrir ses camarades de Clan.

Il prit un petit lapin, un jeune inattentif.

Pas peu fier, et parce qu'il était rentré bredouille ces derniers jours le mâle s'empressa de rejoindre le Camp pour exposer sa proie aux yeux de tous. Le mâle balafré pénétra l'enceinte du Camp la tête haute mais se ravisa en comprenant que quelque chose clochait. Tous ses camarades étaient en train de se regrouper. Une Assemblée ? Ça arrivait, parfois mais rarement qu'une ou deux sentinelles ratent un rassemblement prononcé par le meneur mais... mais pas cette fois. Son cœur rata un bond lorsqu'il entendit la voix de son père :

« On te pensait morte... »

Les oreilles dressées sur son crâne comme deux radars, le jeune mâle s'élança sans même prendre la peine de lâcher son jeune lapin. Il plongea dans la foule, bousculant sans précaution les malheureux qui le séparaient de son père. Et de sa voix. Et de...

« MAMBA ?! »

Pouf. Le corps inerte du lagomorphe s'écrasant sur le sol meuble du Camp.
D'un bond, il abandonna sa chère prise pour rejoindre sa sœur disparue. Derrière elle, son père. Serres d'Épervier vint écraser son front contre la joue de sa sœur sans douceur, puis fit glisser sa tête jusqu'à être joue contre joue. Il dégagea un ronronnement bruyant -ou était-ce un monstre rugissant au loin ?- en prolongeant le contact.

Mamba Noir était là.
Elle n'était pas morte.
Il avait su la protéger.

Sans pudeur, il vint la noyer sous ses coups de langue affectueux; dans le cou d'abord puis la nuque, remontant jusqu'à l'arrière de ses oreilles, il faillit faire l'intérieur !

Serres d'Épervier n'avait aucune retenue quand il s'agissait de montrer son affection à sa famille. Il se fichait bien du regard terrifié de certains de ses camarades, voire hostile. C'était sa sœur, elle était auprès de lui, voilà ce qui comptait vraiment en cet instant.

Le reste, la crainte des autres, ses péripéties à elle, comment allait-elle reprendre son rang, tout ça pouvait attendre.

_________________
Serres d'Épervier s'exprime en #f6e122.

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Mamba Noir
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MessageSujet: Re: « Quinze lunes. » || Clan du Vent. - end   « Quinze lunes. » || Clan du Vent. - end Empty12.03.20 0:08


« Quinze lunes. »
PV. Clan du Vent

Enfin. Elle était là. Elle s'était fait mille fois ce film. Elle l'avait repassé en boucle dans sa tête, changeant parfois certains point de détails comme pour tenter de trouver le meilleur scénario possible. Pourtant, chaque fois qu'elle s'était farcie l'épisode, elle ne s'était pas vu arriver les yeux embués de larmes. Chaque fois qu'elle s'était fait cette scène, elle se voyait arriver au milieu du Camp en flèche, sans jamais hésiter un moment, se tenant fier comme un paon, le dos droit, le poitrail gonflé. Et si elle avait été de si nombreuses fois en proie au doute pendant toutes ces lunes passées loin des siens, à tourner en rond dans sa prison grise, elle n'avait laissé aucune place au doute et à la peur. Comment allait-elle être accueilli ? Est-ce qu'on l'accepterait de nouveau ? Est-ce que tout serait comme avant ? Est-ce que certains ont disparu à leur tour ? Peut-être définitivement pour les uns... Est-ce qu'elle ne se trompait pas de voie ? Est-ce qu'elle faisait le bon choix en revenant ainsi vers des points de repère qu'elle avait il y a quinze lunes de cela ? Est-ce que ce n'était pas une erreur ? Pourquoi finalement la vie lui avait-elle imposé de se tenir si loin des siens pendant tant de temps ? N'y avait-il pas une raison derrière cela ? Un message ? Peut-être du Clan des Étoiles ? Peut-être était-ce un signe pour lui faire dire que sa place était ailleurs ? Si elle s'était posé toutes ces questions un nombre incalculable de fois, elle en était toujours revenue à la même conclusion. Chaque fois, qu'elle avait mis un terme à cette réflexion, la même envie continuait de lui irradier le corps et l'âme : retourner chez elle. Cette notion était si profondément ancré en elle qu'aucune autre issue ne lui apparaissait comme un véritable aboutissement. Depuis ce jour maudit, elle n'avait eu d'autre soucis principale que celui de l'avenir de son Clan et du sien en son sein. Son chemin de croix serait aussi long qu'il le faudrait. Depuis toute petite, elle avait été immergée avec une telle force dans un monde auquel elle croyait dur comme fer, dont les valeurs lui collaient si bien à la peau, que même face au danger, même seule face à un nouveau monde, un inconnu tantôt terrifiant, tantôt accommodant, que son objectif était restée inchangé. Revenir à tout prix.

Elle aurait pu pousser un cri de victoire en déboulant-là. Elle aurait pu annoncer son arrivée avec un miaulement victorieux. Elle aurait pu plus simplement saluer ses camarades d'une manière polie et courtoise. Pourtant, aucun son n'était sorti de sa gueule. Rien. Que le cri étouffé du silence. Que le poids des larmes qui menaçait de mouiller la terre battue sous ses pattes, sans même un sanglot. Incapable de voir nettement le Camp, incapable de se rendre vraiment compte de ce qui l'entourait alors qu'elle avait tant attendu et tant rêvé ce moment, ses membres se mirent soudainement à trembler. Tétanisée par la fatigue et par une émotion vive, impossible de savoir combien de temps ces spasmes dureraient, incapable de les arrêter par la volonté seule, elle espérait tenir encore un peu le choc. Dévorée par une flopée d'émotions positives, par un sentiment fort de toucher au but, on aurait pu lui dire n'importe quoi, lui réserver le pire des accueils, qu'elle n'aurait probablement pas délogé ce sourire qui tendait ses babines à l'extrême. Elle prit une seconde ou deux pour vraiment réaliser qu'elle était arrivée à destination. Cette quête qu'elle avait poursuivi depuis tant de jours, tant de lunes, plus d'une année, tendait à s'éteindre. Mamba Noir évacua le surplus d'eau salée de devant ses mirettes d'un revers de patte. Digne. Sois digne, se répétait-elle inlassablement en tête. Un peu de tenue, elle fit mine de se redresser, tentant à nouveau d'éteindre les vibrations que ses pattes propageaient. On ne lui laissa longtemps méditer à la suite, à savoir quoi dire ni même comment intervenir. Comme elle s'y attendait, tous les regards se braquèrent sur elle, devenant, malgré elle, le centre de toute l'attention. Sous ses yeux vert d'eau se dessinèrent des visages ahuris, des faciès interloqués. Ses oreilles captèrent des miaulements tantôt de surprise, tantôt de terreur, des exclamations joyeuses, des réserves émises, des feulements par-ci, des mots durs par-là. Les yeux tantôt curieux, tantôt menaçant menaçait de la faire reculer, puis un chat fendit la foule, s'imposant. Son odeur, son physique, la Guerrière ne pouvait pas se tromper. Cobra Royal. C'était lui. Il était encore là. Il était toujours là, vivant. En avait-elle douté ? Elle s'était imaginé tant de choses, elle avait tellement douté sur ceux qu'elle retrouvait... Il pouvait se passer tant de choses en quinze lunes d'absence.

Lui. C'était peut-être le premier qu'elle s'impatientait de revoir. Il était sa figure paternelle, son modèle, l'objectif qu'elle avait décidé de poursuivre. Il était celui qui avait été son repère quand elle était jeune, l'image qu'elle avait prit en modèle et qu'elle souhaitait reproduire. Représentant une forme de réussite, une figure forte et fière de ses idées, s'il n'était pas adulé de tous, il avait des qualités indéniables. Comme beaucoup de chaton, elle avait d'abord tenté d'attirer l'attention et d'attiser l'amour d'une mère qui se voulait délibérément absente. Quoi qu'elle fasse, quoi qu'elle essaye, elle restait invisible. Elle et ses frères et sœur ne semblaient même pas exister dans les yeux de la femelle. Elle avait enfanté juste pour son compagnon. Elle avait porté ses petits, elle les avait mis au monde et les avait nourris comme elle aurait attrapé une proie pour lui s'il lui avait demandé. Simplement avec l'idée de lui faire plaisir, sans états d'âme aucun pour les victimes, sans regard sur les conséquences vivantes de son acte. Simplement parce qu'elle était éprise d'un amour dégoulinant pour ce chat, un amour qui la laissait esclave de la moindre pulsion du mâle, simplement pour ses beaux yeux. En quête de sens, d'un moule pour grandir, elle s'est donc détournée de l'une pour trouver l'autre. Trouvant une forme d'amour dans les affabulations et dans les agissements du Guerrier. Elle avait dès lors tout tenté de faire au mieux pour simplement le rendre fier, pour pouvoir voir briller un sentiment d'estime dans son regard, un petit quelque chose qui ressemblerait à de l'amour ou à une quelconque marque d'affection. Elle qui n'en avait jamais reçu de la part de sa génitrice, espérait trouver un petit quelque chose de semblable chez lui. Et s'il n'était pas le plus démonstratif, ni même le plus à même de donner des marques d'affection ou des preuves d'attachement, il lui semblait avoir parfois entrevue ce qu'elle cherchait. Du moins, elle le pensait franchement. Et c'est ce même chat qui lui jeta la première pierre, lui lançant une bourrasque glaciale en ouvrant la gueule à trois reprises à sa seule attention. Pourtant, aucun de ses mots, n'eut une quelconque emprise sur l'état émotionnel de la Guerrière. Elle le savait précautionneux. Elle le savait attentif à son image. Elle ne s'attendait pas à ce qu'il lui saute dans les pattes, la couvrant de coups de langue ou d'une quelconque marque d'affection. Cette réaction lui collait bien plus à la peau et la rassurait.

Où était-elle passé ? La question qui brûlait sur la langue de beaucoup de chats venait de fuser. Franche, aiguisée comme un couperet, sans aucun artifice ou tentative de malversations. Elle reconnaissait bien-là son père. Elle n'espérait et n'aurait rien voulu d'autre. Elle ne s'était pas bercé d'illusions. Elle ne s'attendait même pas à ce qu'il lui donna ensuite. Avouant après un moment, d'un frôlement, d'un geste discret de la queue, l'idée que la Guerrière n'était pas le fruit de son imagination. Morte. Ils la pensaient donc tous morte. Pouvait-elle leur en vouloir ? Ne s'était-elle pas vu mourir aussi ? Elle s'était sentie sombré, partir loin, ne plus entrevoir que des ténèbres obscurs. Elle s'était vu, elle-même, sombrer dans le noir le plus total. Elle avait senti plus que quiconque ce précieux liquide rouge s'écouler de son corps devenu faiblard et presque vide de toute substance de vie. Elle ne devait sa survie qu'à l'intervention de cette chose à deux pattes. Elle ne l'avait jamais remercié. Et elle ne la remercierait jamais pour ce geste. La pitié ou la compassion ne faisait pas parti des attributions de ces êtres infâmes. Ils ne méritaient aucune trace d'affection. Il ne méritait pas non plus le moindre remerciement. Elle ne leur avait rien demandé. Elle aurait peut-être dû retrouver ses ancêtres ce jour-là, sans cette intervention humaine, si c'était vraiment ce qu'ils voulaient pour elle. Elle aurait fait le sacrifice de sa vie pour son Clan, sans hésitation aucune. Tous devaient se poser la même question. Elle le savait. Elle s'était fait une raison quand il avait fallu qu'elle attende la suite des événements. Elle avait longuement réfléchi avant de revenir, même si aucune idée ne lui paraissait plus lumineuse ou essentielle à son équilibre. Elle s'était sentie sombré, partir loin, ne plus entrevoir que des ténèbres obscurs. Elle aurait pu être accueillie en traître, en déserteuse, en couarde ayant fui la bataille, mais c'était en Guerrière morte qu'elle revenait. Maintenant que tous les regards étaient tournés vers elle. Maintenant qu'elle était le centre d'attention et des pensées de tous, elle devait se justifier. Et alors que son discours avait été tant de fois rodé, répété comme une pièce de théâtre, l'instant d'une seconde, elle sentit sa gueule devenir pâteuse.

Malgré tout, son regard ne brillait que de la joie d'être ici. Laissant une seconde ou deux couler comme pour se laisser le temps de retrouver des mots qui lui courrait dans l'esprit et lui piquait le bout de la langue, elle prit une bonne inspiration, se redressa un peu plus et entrouvrit la gueule. Et alors que le premier son menaçait de se frayer un chemin, agitant ses cordes vocales, les faisant presque vibrer, un chat fendit la foule, bousculant ceux qui se trouvaient être sur son passage. Dessinant une ligne droite vers elle, sans prendre de détour aucun, Mamba Noir n'eut pas non plus de peine à le reconnaître. Les lunes étaient passées aussi pour lui, il avait bien vieillit, était bien mieux battit que quand elle l'avait lui aussi laissé il y a quinze lunes. Fondant droit sur elle, le matou ne prit aucune demi-mesure dans son approche ou dans ses gestes. Laissant retomber ses émotions sous la forme d'un échange d'affection public et sans aucune retenue, il couvrit la femelle de bave tant il lui passa de coup de langue. Si Cobra Royal pouvait parfois être en reste de démonstration affective, Serres d'Épervier rehaussait le niveau de toute la famille et de loin. Partagée entre l'image forte qu'elle avait décidé de porter et l'envie de le laisser exprimer quinze lunes d'absence, Mamba Noir resta stoïque quelques secondes, laissant ainsi tout le loisir à son frère de gorger son pelage de salive et ce sous toutes les coutures. C'était probablement sa façon de se rendre compte qu'elle était bien là, en vie et une façon d'exprimer joie et soulagement. Malgré le malaise qui pouvait naître de la situation, elle ne broncha pas. Le temps de retomber sur ses pattes, de retrouver les mots qu'elle avait cent fois répétés et enchaînés dans sa tête. Résumer quinze lunes d'absence, justifier une absence, sans pour autant passer pour un martyr qu'elle ne voulait pas être. Adressant une œillade implorante à son frère, elle lui demanda une once de répit, le repoussant doucement de la patte avant d'ouvrir la gueule :

« Je n'étais pas à ma place, Cobra Royal, c'est une certitude. Le jour de la bataille, j'ai chassé Nuage des Pins jusqu'à la frontière, je voulais m'assurer qu'il ne reviendrait pas à la charge. Quand ce fut chose faite, j'ai fait demi-tour, je voulais revenir défendre mon Clan et livrer bataille avec vous... Pourtant, les choses n'ont pas été aussi simples que je l'aurai souhaité. En l'espace d'une seconde, je me suis retrouvée suspendue dans la gueule d'un chien. Ma raison m'a dit de l'éloigner d'ici. Et c'est la tâche que je me suis donnée quand enfin, j'ai réussi à me défaire de ses crocs. Je l'ai éloigné le plus possible, j'ai passé la frontière et ne me suis pas arrêtée, c'est lui qu'il l'a fait de nouveau, quand mon corps n'en pouvait plus de courir. La suite n'a rien d'héroïque, j'ai piteusement tenté de défendre ma peau contre ce colosse enragé. Et finalement, ce sale cabot a eu peur d'un coup de tonnerre. Je crois que c'est ce qui l'a fait s'arrêter un moment, juste assez pour qu'un bipède déboule, l'enchaîne à une ficelle et parte en le traînant dans son sillage. Cet idiot tentait de revenir à la charge, mais rien n'y faisait, la corde a tenu. Cette nuit-là, je n'ai pas eu la force de me relever. »

Elle se permit une très courte pause, le temps de reprendre une pleine bouffée d'air et de continuer sur le même timbre de voix dénué de sentiment et d'émotion, relatant simplement les faits comme elle les avait perçus et vécus :

« Mes souvenirs sont plus inexacts en ce qui concerne la suite. Encore aujourd'hui, une part reste floue. Un trou noir, le vide qui avait suivi cette nuit-là, puis un réveil sans douleur. Prisonnière d'une boîte de métal à travers laquelle je pouvais voir le monde infâme dans lequel j'avais été plongé. L'odeur de cet endroit, je crois n'avoir jamais rien senti de pire et de pareil. Savant mélange de peur, de désespoir, de maladie, de mort et de bipède. Et si je m'étais réveillée sans, la douleur est vite réapparue. Mon poil avait été arraché par ces monstres, des fils zébraient ma peau là où les crocs du chien avait laissé leurs marques, je ne sais quelle expérience ils ont tenté avec moi. On m'avait passé un cerclage autour du cou, m'empêchant d'user de mes crocs en quelques circonstances. On a tenté de me servir de la pâté et des croquettes. Je n'y ai jamais touché. J'ai préféré user de toute mon énergie pour tenter de trouver un moyen de m'évader. J'ai fait tant de fois le tour de cette boîte, que j'en connaissais les moindres aspérités, mes coussinets avaient finit par s'ouvrir, répandant ainsi le sang sur ce qui était ma prison. Je crois que j'ai perdu le fil du temps, là-bas, les jours se suivaient et se ressemblaient. Je ne saurais dire combien de temps on m'a retenu prisonnière. On me droguait. Leurs aiguilles me piquaient sans cesse et sans pouvoir rien y faire, je tombais dans un sommeil profond, inutile de lutter, chaque fois, le même scénario se répétait. Ils m'ont torturé, le poil qu'il me restait gardait leur infâme odeur et mon corps se trouvait chaque fois couvert de nouvelles inventions desquelles je ne pouvais me défaire. J'ai cherché la faille dans leur ronde et leur manigance. J'ai pensé toucher le but plusieurs fois, mais ils sont malins. Je ne sais par quel moyen, mais ils me maintenaient en vie malgré tout. Un jour, alors que leur aiguille s'est logée une énième fois dans ma cuisse, je crois que je me suis suffisamment tortillée pour que leur anesthésiant ne trouve pas l'effet escompté. Je me suis donné le rôle qu'ils voulaient que j'aie, j'ai fait mine de sombrer comme à chaque fois. J'ai laissé leurs viles pattes ouvrir cette prison qui était ma cellule, je les ai laissé croire qu'ils pourraient me saisir et je me suis enfuie, prenant toutes les portes ouvertes que j'ai pu trouver. J'ai eu bien du mal à me défaire de tout leur attirail, ce cône entre autres, m'a donné toutes les peines du monde à chasser. À force d'entêtement, j'ai réussi à le briser et puis, j'ai retrouvé le chemin pour rentrer. »


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