Pierre qui roule n'amasse pas mousse [Petit Rossignol / Nuage Brisé] -end

“Ouah ! Quelle odeur épouvantable !”
“Mh… hein… comment ça ?”
Petit Lézard se redressa sur sa couche. Son poil bruni par le retour de la saison des feuilles nouvelles était constellé de brins de mousse qu’il se dépêcha d’enlever à vifs coups de langue.
“Comment ça, comment ça ? Ne me dis pas que tu ne sens vraiment rien ! Ça sent la bile de souris à plein le museau ! Comment tu peux louper un truc pareil ? Même un de ces chats du Clan de la Rivière pourrait sentir cette puanteur sur des lieues à la ronde.”
Petit Rossignol imita son frère et se leva en rouspétant “Eh alors ? Que tu aies l’odorat fin n’est pas une raison pour me réveiller au beau milieu de ma sieste. Si tu n’es pas content, tu n’as qu’à retourner au fond de la pouponnière. Ça sentira moins là-bas.”
Son frère avisa le mur de ronce le plus éloigné de l’entrée et s’apprêtait à s’y diriger quand il tourna la tête en direction de la chatonne “Tu ne vas pas te rendormir, c’est ça ?” voyant que celle-ci faisait non de la tête, il effleura l’épaule de sa sœur de la pointe de la queue avant que les deux chatons ne se séparent d’un commun accord.
Cela n’avait rien d’une chamaillerie. Petit Rossignol et Petit Lézard connaissaient chacun les limites de l’autre et les respectaient. Le cœur chaud de voir son frère se rouler en boule dans un coin, tout seul presque comme un apprenti, Petit Rossignol décida de sortir. Elle avait beaucoup de mal à se rendormir l’après-midi alors une sortie était bienvenue.

Comme elle aurait bientôt six lunes et qu’elle et son frère étaient très sages -les chatons les plus sages du clan, disait-on d’eux- elle eu le droit de sortir sans demander l’autorisation des reines et sous l’oeil approbateur d’Ourse Polaire qui campait juste à l’entrée de la tanière. Elle prit connaissance des alentours. Décidément ! Je passe mes après-midi à l’extérieur et je sors de plus en plus. C’est qu’on y prend goût, Petit Lézard a bien raison ! Elle réalisait que le temps de devenir apprentie approchait à grand pas. Qui sera mon mentor ? se demanda-t-elle, alors que ses pas la menaient à quelques longueurs de queue de la tanière des anciens.
“Aouch !” entendit-elle gémir à l’intérieur. “Dis-donc ! Ce n’est pas parce que c’est la dernière qu’il faut y aller vite ! Si tu ne prends pas ton temps la tête risque de rester coincée dans mon pelage, et tu seras de retour plus vite que prévu.”
“Oh ça, va, arrête de râler, tu as bien de la chance qu’il s’occupe de toi ! Merci mon grand” répondit une voix plus douce et fatiguée que la précédente.
Un relent infect vint lui frapper les narines comme un gifle. Pas de doute permis, son frère avait vu juste. Elle vit un apprenti sortir de l’arbre couché, une boule de mousse huileuse à la gueule. Son pelage ocellé ne laissa aucun mystère sur la personne, c’était Nuage Brisé. Petit Rossignol l’avait toujours trouvé casse-cou, sans jamais vraiment le connaître. C’était l’occasion pour elle d’aller lui parler ! Elle se surprit à être bavarde. Ce devait être le beau temps qui faisait effet sur son humeur : quoi qu’il en soit, elle s’approcha, téméraire, de la boule de poil énergisée. L’odeur de la bile de souris était franchement dégoûtante mais elle n’en fit pas un plat “Coucou Nuage Brisé ! Comment vas-tu ? Tu as bientôt terminé ?”

Pierre qui roule n'amasse pas mousse.

Nuage Brisé détester cela. Comme bien d'autres apprentis avant lui et au moins autant par la suite. La bile de souris, non contente d'avoir une odeur infecte vous faisait à tout les coups régurgiter vôtre dernier repas si par malheurs vous y goûtiez. Mais le jeune félin avait hériter de sa mère le désir de prendre soin des autres. D'une autre façon toutefois. Car pour Brisé, la vie était importante, me^me celle d'une proie. Aussi remerciait il silencieusement le clan des étoiles à chaque fois qu'il capturait quelque chose - quoi que le concernant, ses chasses était rarement fructueuse ...

Les anciens, toujours à râler, et pourtant j’essaie de m'appliquer. Heureusement, Silence du Vent est bien plus gentille puisqu'elle me remercie, faisant se lever bien haut mes oreilles. C'est que même si je peux pas répondre avec ce truc infâme dans la gueule, je peux toujours lui faire comprendre que je l'écoute. Sauf que j'oublie toujours que l'ancienne est plus où moins aveugle. Elle voit que des ombres d'un œil dit elle. Un truc du genre. Pas évident à s'imaginer. Et j'ai pas envie de le faire en plus. Juste envie d'en finir et d'aller me laver les pattes ! Mais à peine sorti où presque, direction jeter cette boule de crotte de bile de souris qu'une voix m'interpelle. Tant pis, je pose la boule de mousse et la jette vers le coins à besoin avant de me tourner vers la chatonne.

- Hey Petit Rossignol ! Je vais mieux maintenant que j'en ai finis avec les tiques des anciens. Mais ... T'apprendras vite le plaisir q'c'est quand t'auras toi même ton baptême d'ailleurs. Ça te fais combien de lunes d'ailleurs ....

L'une des qualité de Brisé n'était certainement pas sa vivacité d'esprit. Qu'il retienne le nom de chacun des membres du clan pouvait de se fait, presque passer pour un miracle. Exception faite si on prenait en compte sa vision très personnel du monde. Et le jeune mâle fanfaronnait malgré tout, la queue dresser bien haute sur sa croupe dont les pattes elles-même était tendus à l’extrême pour le paraître plus grand. Du chaton rond de jadis, le typé bengal devenait musclée, plus fin. Il était encore bien loin néanmoins de sa taille adulte. Les gènes de son père l'en préservant. De sa mère, il tenait un regard doux, des oreilles bien hautes, et une tête somme toute triangulaire. Ainsi peut-être qu'un colourpoint chocolat en plus du marquage bengal snow mink.

C'est très important d'être sympa avec les chatons. Un chaton c'est précieux. Même si je doute que Pap's Foudre le pense. Il es pas venu souvent nous voir, s'était toujours moi qui allait à lui. Et maintenant j'ai plus trop le temps d'le faire. Mais pas besoin d'penser à lui alors qu'une belle petite me parle. Chaque chose en son temps et elle est devenue ma priorité là de suite. C'est que, elle sera vite apprentie elle aussi. Peut-être qu'elle veux déjà apprendre des trucs. J'me rappel comme moi j'avais hâte. Et Noun'Ourse Polaire aussi. Du coup j'me penche vers elle pour l'écouter me répondre.

Waouw, qu'est-ce qu'il a grandi !
Petit Rossignol ne s'en rendait compte que maintenant. Les rares souvenirs qu'elle partageait d'eux deux à la pouponnière étaient flous : en effet, Nuage Brisé était déjà grand quand elle était né et ils n'avaient cohabité que pendant très peu de temps, en tout cas pas assez pour que Petit Rossignol ait le temps d'imprimer le chaton de la tête au pied -qui n'était plus un chaton. Il était relativement élancé et musclé. Ça le fait avec tous les chatons. Moi aussi, ça va me faire pareil. Papa me l'a dit : mes pattes vont encore grandir, je vais m'affiner, me renforcer et perdre mon duvet. Ça a déjà commencé d'ailleurs. Dans un élan de comparaison, le regard sans équivoque de Petit Rossignol passa de Nuage Brisé à elle, puis elle à Nuage Brisé et ainsi de suite.
Petit Rossignol était contente que l'apprentie ne l'ait pas rembarrée. Il lui était arrivé quelques fois que les apprentis ne veuillent pas discuter avec elle : sûrement qu'elle et son frère avaient dû les déranger à un moment où ils étaient très occupés, mais il n'y était pas allés avec des pincettes. Au début elle l'avait très mal pris, s'insurgeant à chaque fois que quelqu'un leur parlait sur un ton indélicat : ils n'étaient que des chatons ! Mais comme c'était assez souvent comme ça, son cœur s'était durcit et elle avait décidé que, puisque c'était comme ça, autant en faire autant et rendre aux autres ce qu'ils lui donnaient. Heureusement, Nuage Brisé était un apprenti disponible et très amical. Tout ce dont Petit Rossignol avait besoin pour lui donner confiance.

"Chouette ! Enfin façon de parler, c'est vrai que ça sent atrocement mauvais. Je peux t'accompagner pendant que tu te rinces les pattes ? Les reines m'autorisent à sortir vadrouiller, justement j'ai bientôt six lunes ! J'en suis à ma cinquième. J'ai vraiment hâte de sortir et d'explorer le territoire avec papa et Petit Lézard. Et vous aussi !" commençant à s'emballer, la petite respirait à peine et son poil s'ébouriffait tout seul "Ça va être chouette les parties de chasse en plein été ! Les patrouilles au bord de la rivière... Oh et j'ai hâte de savoir qui sera mon mentor. Ça ne sera pas papa."

Oui, je me demande bien qui Coup de Foudre va-t-il désigner pour s'occuper de mois pendant les prochaines lunes... Car, pour le coup, elle n'en avait bigrement aucune idée. Il y avait tellement de guerriers et de guerrières disponibles dans ce clan !

Pierre qui roule n'amasse pas mousse.

Nuage Brisé pencha légèrement tête de côté. Juste cinq lunes et elle pouvait vadrouiller, alors que lui, on lui avait fait attendre ses 6 lunes ? De quoi ronchonner un peu. A condition qu'il soit ronchon ... Or le jeune félin était tout sauf ronchon, où rancunier. Encore que sur ce point, certaines de ses réactions pouvait s'y apparenter. Il en revint néanmoins à la chatonne très facilement, comme s'il n'avait jamais décrocher. Guère complexe, son esprit pensait peu ... Il l'écouta alors d'une oreille distraite malgré tout. Pas tous les même droit ...

- Bha aller, viens ...

Et il s'éloigna vers l'entrée du camp. Il n'irait pas très loin, le petit ruisseau tout proche suffirait. Normalement. Il trottina donc avant de s'arrêter pour observer Rossignol par dessus son épaule. Viendrait elle bel et bien avec lui ? Il avait hâte de voir ses yeux scruter la forêt. De voir ses réactions à elle. Et peut-être tout simplement hâte qu'elle le voit comme quelqu'un d'important. Après tout ... N'avait il pas appris durement que les êtres importants pouvait être ceux qui disparaissaient le plus vite. Quand bien même il ne lui était pas vraiment passer par la tête que sa jeune camarade non plus, n'avait pas de mère.

- J'suis pas bon en chasse apparemment mais, je pourrai te montrer quelques trucs ? En dehors du camp. Cette seule perspective devait rendre la chose plus belle encore. Et à s'imaginer la tête de Bec et Puma ... Les deux vont pas apprécier mais c'est elle qui dit qu'elle peut sortir un peu ... Alors pourquoi ne pas la croire ? Et puis, il n'était pas apprenti depuis la veille non plus alors ... Il redressa la tête et bomba le poitrail, s'imaginant un instant déjà guerrier avec un apprenti ... Mais ça ne collait pas aussi bien qu'il le pensait, un grand-frère peut-être ? Il gloussa tout seul avant de regarder la chatonne à nouveau.

- Alors t'es ... Déjà sortie ?

Si s'était le cas, ça rendait les choses moins intéressante ... Il faudrait peut-être aller plus loin. Vivre une aventure. Oh pour lui ce n'en serait pas vraiment une. Encore que, il aurait la petite à sa charge, sous sa surveillance. Et subitement, ça lui mettait comme une drôle de pression dans le ventre. Et tout autant d'excitation traduites par sa queue s’agitant gaiement. Ce qu'il avait hâte subitement de montrée des chose à Rossignol ! Et de la voir s'y essayer ensuite ! De ne plus être lui-même apprenti pour redevenir chaton le temps d'un jeu insouciant ...

Viens ? Mais où ça ? Attend… Il n’est pas sérieux, si ?
Tout portait à croire qu’il l’était : le jeune chat semblait vouloir se diriger vers la sortie du camp. D’abord, Petit Rossignol ne fut pas sûre de comprendre car ça lui paraissait tellement improbable et même impensable de sortir du camp tant qu’elle était encore à la pouponnière que l’idée ne lui avait jamais traversé l’esprit, elle il ne fallait surtout pas que cela arrive alors elle se concentra de toutes ses forces pour réfréner ses pulsions de découverte. Si elle commençait à faire un faux pas maintenant alors qu’elle n’avait jamais commis la moindre bêtise, ce serait le premier d’une liste qui risquerait de s’allonger. Petit Rossignol le savait, il ne fallait pas qu’elle goûte à ce genre de chose, surtout quand c’était interdit. Se dandinant sur place, elle ne put que rétorquer d’un air visiblement gêné :

“Mais… sortir ? Pourquoi tu ne me montrerais pas quelques techniques sur place ? Tu sais je suis autorisée à me balader dans l’enceinte du camp mais certainement pas à l’extérieur, et si je me faisais prendre, Coeur de Puma serait très déçu et les reines ne me le pardonneraient pas, et elles ne me feraient plus assez confiance pour me laisser vagabonder toute seules, même pour aller jusqu’à la tanière des anciens.”

Et je devrais affronter la déception dans leur regard. Certainement pas. À moins que…

“On pourrait vraiment s’entraîner ici j’en suis sûre, je vous regarde pratiquer ensemble des fois. Ou alors je peux demander à une reine de nous accompagner. Ourse Polaire me laisse prendre beaucoup de liberté du moment que je reste sous sa garde. Qu’en penses-tu ?” Par crainte de décevoir Nuage Brisé et de mal démarrer leur relation, elle ne put s’empêcher d’ajouter “Je te jure que ce n’est pas parce que j’ai peur de la forêt. Je veux juste rester au camp parce que j’en ai la permission et sortir et trop risqué. Même si je commence à être grande. Tu comprends ?” J’espère qu’il comprends ! songea-t-elle, un peu angoissée à l’idée d’avoir froissé une potentielle amitié.

Pierre qui roule n'amasse pas mousse.

Sauf que ... Je me disais bien aussi, tu peux sortir mais pas sortir. Nuage Brisé s'était arrêter et avait penché la tête de côté, un faux air pensif à la gueule. Mais ce chat la pensif, une blague oui. Et puis la chatonne poursuivit, parlant trop finalement pour Nuage Brisé qui écoutait si peu. Mais la mention d'Ourse Polaire oh ça ...

- Hein ? Oh oui ! Comme tu as dit que tu pouvais vadrouiller j'ai cru que !

Il se mit à rire avant de filer jusqu'au petit point d'eau tout proche, où il se lava les pattes. Il avait laisser la chatonne là, sur place sans rien lui dire et quand il le réalisa, il fit demi tour, le poil mouillé pour se planter face à elle avec un grand sourire sur la gueule.

- Désolé ! T'as pas cru que j'allais t'abandonner là si ? Fallait absolument que je me lave les pattes ! Alors on fait quoi ?

Laver s'était un bien grand mots, l'apprenti avait plongé ses pattes dans l'eau, les y enfonçant jusqu'au coude pour en ressortir presque aussitôt et revenir en courant. Il avait laisser la petite à peine plus d'une minute. Le temps qu'elle le voit courir comme un lièvre paniqué et revenir comme un fou, le poil humide et dégoulinant. Et maintenant qu'il n'avait plus sur lui le parfum infâme de la Bile de souris, il était prêt à démontrer à la petite des techniques. Encore que dans son intérêt à elle, mieux valait qu'elle préfère les techniques martiales. Brisé était loin d'être un bon chasseur. En revanche, le jeune mâle était comme un chien fou auquel on avait jamais appris à canaliser sa propre force. En conclusion, la malheureuse Petit Rossignol ne risquait pas de pouvoir apprendre grand chose avec cet énergumène là, lequel se tenait, les antérieurs baisser, le postérieur redresser et tendu, comme prêt à bondir pour jouer ...

"Oui, c'est ça... je suis désolée, j'espère que tu n'es pas trop dé...çu..."

À peine eut-elle le temps de terminer sa phrase que le matou aux allures nonchalantes lui passa devant le museau sans mot dire. C'était à peine si elle existait. Petit Rossignol commença a stresser un peu : est-ce qu'il venait de la snober ? Elle l'avait peut-être vexé. Ou déçu justement. Lui qui était apprenti, bientôt guerrier même, il avait déjà goûté à la liberté de la forêt et à son espace. C'est sûr, il avait bien plus intéressant et génial à faire partout sur le territoire qu'ici où le niveau maximal de fun ne dépassait pas les bavardages coquins sur les membres du clan et les bain de soleil -à part pour les chatons, dont l'imagination trouvait toujours un moyen de les faire s'éclater. Mais Petit Rossignol, déjà elle même à court d'idées -elle serait apprentie dans quelques jours- ne voyait pas trop quoi lui proposer de plus. Cependant, il n'y avait pas rien à faire non plus ! À part papoter et faire sa toilette à la chaleur des rayons du soleil, il pouvait bien lui montrer quelques trucs non ? Etant donné qu'elle avait déjà aperçu les apprentis, et même leurs mentors de temps en temps, pratiquer des positions de chasses ou de traque dans la clairière.

"Désolé ! T'as pas cru que j'allais t'abandonner là si !"

Petit Rossignol ne put réprimer un énorme soupir de soulagement que Nuage Brisé ne manqua pas de remarquer. Si, j'y ai bien cru ! Se garda-t-elle de répondre. Il faut prenne que j'apprenne à faire confiance si je veux réussir. Le chat adopta aussitôt une étrange position, à mi-chemin entre la chasse et le jeu. Devant son incompréhension, Petit Rossignol décela une étincelle malicieuse dans les yeux de l'apprenti.

"Alors, qu'est-ce que tu vas me montrer ?" s'impatientait-elle, la queue ébouriffée par l'excitation. "C'est une position de chasse, ça ?" elle s'abaissa pour l'imiter, mais elle avait l'impression de paraître plus bête et maladroite qu'autre chose. Sans attendre elle bondit sur le matou. "À l'attaque !" s'exclama-t-elle, les griffes rentrées pour ne pas lui écharper le poil.

Pierre qui roule n'amasse pas mousse.

S'il le perçu, le jeune chat ne fit pas vraiment attention au soupir de sa cadette, trop excité par les potentielles choses à faire même ici au camp. Jamais vraiment à court d'idée pour sa part. Il avait de l'énergie à revendre d'ailleurs, ça et des émotions. un trop plein permanent de joie, de colère, mais surtout généralement, d'envie. Envie de s'amuser, de plaire, de ne surtout pas rester à rien faire. Un hyperactif. Mais si Nuage Brisé s'arrêtait si peu, s'était pour éviter de sentir ce creux dans sa poitrine, de penser à sa mère qu'il avait à peine connu, pas assez pour en garder un seul souvenir. Pour ne pas voir que malgré tout ses efforts, il était comme invisible. Car quand cette sensation là arrivait, il se sentait capable d'arracher les moustaches des autres. Et pour le plus grand bien du clan, jusqu'alors, ce genre de chose, il avait étonnement réussi à le canaliser. Faisant paradoxalement de lui, une bombe à retardement ... Encore que pour le moment, il avait toute l'attitude d'un chaton de trois lunes autoriser pour la première fois à jouer dans la clairière ...

Et Petit Rossignol fini par s'impatienter, le taquinant sur sa posture d'une certaine façon. J'ai déjà entendu Bec me dire ça ... Mais comme tout les chatons, ça rentre dans une oreilles et ça ressort de l'autre. Après tout, la maturité, s'était pas vraiment le fort de Nuage Brisé. Encore que, pour le plus grand bien de la fille à Cœur de Puma, l'apprenti avait retenu une leçon. Il était trop fort pour les plus jeunes que lui et surtout, il ne parvenait toujours pas à la gérer, cette force. Aussi avait il comprit qu'il lui valait mieux s'exercer sur sa propre agilité pour esquiver plus petit que lui au camp. Et Rossignol sembla comprendre qu'il la laisser commencer puisqu'il lui laissa le temps d'attaquer la première, et de lui attraper la patte avant pour, de son côté, venir pousser la femelle dans le flanc d'un coup de museau rieur.

- C'est ça la grande Étoile de Rossignol ? Ah bha ça devrait aller alors, rien à craindre. Et il se mit à rire. S'était facile pour lui, de jouer comme jadis, loin de s'occuper du regard des autres. Il n'en avait cure et tout à la fois, il cherchait à intéresser certains regards. Tout dépendait du moment, tout dépendant du pourquoi. Là il s'agissait d'un jeu, pas de parler d'Elle, de cette siamoise aussi aimée que haïs ... Et pour ce qu'il était du jeu, clairement le jeune chat avait encore un esprit de bébé ...

“Eh !” s’offusqua-t-elle en entendant la pique de Nuage Brisé. Bon, il savait qu’il plaisantait mais cette petite remarque qui s’était insinuée comme une griffe dans les artères de son cœur n’aurait jamais sa place sur le champ de bataille. Et d’accord, son premier mouvement n’était vraiment pas beau et n’aurait même pas fait verdir un brin d’herbe, mais elle ne perdit pas espoir ni courage. Le nom “Étoile de Rossignol” avait provoqué son petit effet.
Nuage Brisé était un apprenti. Elle supposa donc que d’autres guerriers pouvaient très bien lui faire la misère s’il le voulait, que sa technique n’était pas parfaite et qu’il devait y avoir une voire plusieurs faille dans le système. Elle se souvint de comment il lui avait facilement attrapé la patte pour la renverser minablement de la sienne. Elle ne voulait pas oublier ce geste pour plus tard.

Elle se releva l’air furibond et le poil en pagaille -la toilette de ce matin avait été complètement détruite en quelques secondes de jeu- pourtant quelque chose monta en elle, une étrange sensation mêlant chaleur et excitation, et un rire sincère franchit ses lèvres sans qu’elle ne put le contrôler. Ses petites pattes se mirent à trembler, non seulement à cause de l’échec de sa première tentative mais aussi et surtout par la joie de se battre pour rigoler avec Nuage Brisé. Il y avait encore dans ses yeux d’apprenti une lueur enfantine qui avait quitté tous ses frères et sœurs. Petit Rossignol le savait mesquin, mais elle avait sous-estimé ce trait de caractère. Jamais elle n’aurait pensé autant s’amuser avec un apprenti aussi avancé dans son entraînement !

“Yaha !”

Elle oublia tout -y compris le fait que les reines qui étaient sorties prendre l’air l’observaient d’un air étonné, ce qui était compréhensible puisque la petite chatte montrait rarement des signes de joie aussi pure et intenses qu’en cet instant-même. Elles couvraient aussi Nuage Brisé d’un regard approbateur et compatissant. Petit Rossignol répliqua la même attaque qu’avant. Mais, je suis bête ! Il va encore m’avoir si je refais ça ! Penser tactique. Mais que pouvait-elle face à un apprenti de cette taille et aussi expérimenté ? Elle commença à se dire que la faille qu’elle avait espéré trouver pour le vaincre et gagner les flatteries des autres, c’était du grand n’importe quoi, et que, apprenti ou pas, Nuage Brisé avait presque six lunes de plus qu’elle. Il était impossible de le vaincre.
Et puis, au Diable la gloire, elle voulait juste s’amuser !

Néanmoins elle plongea sous le ventre de Nuage Brisé. Bien sûr, il vit le coup venir et rétorqua sans grands efforts pour la remettre à sa place.

“Aaaah! !” s’exclama-t-elle de surprise.

Pierre qui roule n'amasse pas mousse.

Il était bon parfois d'oublier les apprentissages sévères, les convenances, bon simplement de se vider la tête. Et à ce jeu là, Nuage Brisé était bon. Il gardait peu de chose en tête, sans pour autant dire qu'il n'avait aucune mémoire. Au contraire, de ce côté là il était normalement pourvu mais, il avait facilité à occulté le reste, pour juste se concentrer sur une seule chose. Enfin, presque ... Mais voilà, le jeu était un moment de détente, un moment où les questions et réflexion n'avait pas vraiment de place. un des rares moment où l'on pouvait se permettre d'agir à nouveau comme un chaton. Je t'attend, chaton .... Et justement, Nuage Brisé avait réussi à oublier qu'il en était presque adulte, à oublier le plus simplement du monde ses corvées pour juste prendre un peu de plaisir avec une jeune camarade. Pas le genre de plaisir qu'il s'autorisait dans son coin d'Orme dans les bois. Oh non, ses plaisirs là, il les réservaient avec des chats de son âge au minima, juste le genre innocent qui fait sourire certains et râler les plus aigri qui ne tardent jamais à faire des remarques du genre "ce n'est plus de son âge".

Et Petit Rossignol refit la même chose, au début. Hé mais ... Quoi ? Si Nuage Brisé dressa bien les oreilles de surprises en voyant la chatonne plongée, ça ne l'empêcha pas moins de réagir, et d'usé sans le vouloir vraiment de technique que son mentor et grand-frère - aider par moment d'ailleurs, du vétéran et père de son actuelle camarade de jeux - lui avait appris. Aussi profita il de son avantage de taille pour parvenir à bondir à demi de côté, pour ensuite poser sa patte sur la queue de Rossignol, là où, en combat en revanche, il aurait offert à son ennemi une belle griffe au derrière. Mais Rossignol n'était pas une ennemie et la retenir par la queue avait ce petit quelque chose qui, juste l'espace d'un instant, lui donnait véritablement la sensation d'être un grand, d'être fort.

- Encore raté. T'es sûre que tu es une Étoile et non pas juste une Boule de Rossignol ? Pas moyen de lui donner son vrai nom, c'est pas crédible. Malgré tout, Nuage Brisé releva la patte, tirant la langue, malicieux. Au prochain coup, il laisserait Rossignol avoir le dessus, comme il faisait jadis parfois avec Lycaon. Car si Nuage Brisé avait bien une qualité, s'était d'avoir un cœur. Et il était lui-même si souvent frustré qu'inconsciemment il veillait toujours à ne jamais frustrer trop ses proches. Gardant tout pour lui, se refermant sur lui-même, blessure invisible causé pourtant souvent, par sa seule faute. Mais il était "le grand frère" de sa fratrie, alors Brisé tentait de sourire toujours, sans réaliser qu'il arrive un moment où les masques tombent ...