E-x-a-m-e-n clinique et clan des étoiles??? [Nuage de Roc x Patte Dodue] - abandon

Aujourd'hui tournée générale des pouponnières. Je devais faire une inspection de l'état de santé de tout le monde, puis faire un rapport à Feuille de Saule. Un petit enfant se doit d'être bien surveillé pour qu'il reste en bonne santé bla bla bla. J'avais écouté - d'une oreille distraite - les consignes de Feuille de Saule (et ses multiples répétitions qui me disaient quoi faire, à quoi faire attention, ... ) (en même temps, j'allais revenir, et pour sûr j'allais oublier quelque chose parce que je n'ai pas écouté... qu'est ce que vous voulez)

Une fois enfin libérée, je pris mon temps pour me diriger vers la pouponnière. Je jetais un coup d'oeil dans la tanière des apprentis, au cas-où Nuage d'Espoir y était en train de se reposer. Négatif! Je croisais sur la route mon père, que je saluais d'un coup de tête affectueux, en lui disant toute joyeuse que j'allais voir les petits. Après cela, je passais enfin l'entrée de la pouponnière.

Mille Feuille posa son regard doux sur moi. Je lui fis un grand sourire, et pestai en me disant que j'aurais pu lui apporter une souris quand même. J'haussai mentalement les épaules, en me justifiant par un faux "c'est le rôle des apprentis guerriers ça". Des rayures rousses attirèrent mon attention, se dirigeant vers moi. Tiens, ça c'était l'un de ses petits.. . C'était quoi son nom déjà (voix de saule disant "Il est important de connaître tous les noms de tous les petits, de chaque membre du clan.") Ah oui, Patte Sablée. Personne ne dormait, nous étions en fin de matinée. Je pouvais donc me permettre de miauler d'une voix joyeuse, telle une messagère d'une haute importance:

"Inspection générale! Nuage de Roc à votre service! Je suis là pour combattre les bobos! Venez donc, que je leur fasse la guerre"

Je m'assis alors.

"Patte Dodue (je venais de me souvenir de son nom) tu commences!"

Et j'ajoutais un grand sourire bienveillant et joueur à ces propos. On pourrait presque croire que je faisais preuve de pédagogie dis donc.

Sauf qu'évidemment je n'avais même pas analysé mon interlocuteur. Si je l'avais fait, j'aurais pu remarqué que Patte Dodue était à moitié traumatisé de me voir débarquer et gueuler comme ça dans la pouponnière. Toutefois, dans cet univers où j'aurais été attentive aux détails de mon environnement, aurais-je pour autant modifié mon comportement face à cette remarque? Pas sûr. Par négligence, en ne pensant pas que s'adapter à chacun pourrait être une bonne idée.

Quoiqu'il en soit, sa maman poussa mon petit cobaye vers moi. Elle lui fit un joli sourire bienveillant. Quant à moi, je fixais le chaton bien sûr. Loin de moi l'idée que fixer comme ça quelqu'un qui n'a pas d'assurance n'était pas des plus subtils. (On parlait de pédagogie? Ah oui, eh bien pour la demoiselle Nuage de Roc, c'est mort)

- Bonjour, moi c’est Patte Dodue. Je lui fis un gentil sourire, en lâchant un petit-ronronnement-censé-réconforter. Tu vas vraiment me faire la guerre à mes bobos ?

Le petit parlait d'une voix toute craintive! C'était absolument adorable. Mon ronronnement s'amplifia, mais j'attendis que le petit finisse pour prendre la parole.

Est-ce que comme tu t’appelles Nuage de Caillou, tu vas faire des ricochets sur mon ventre ?

Cette idée m'arracha un petit rire. C'était la meilleure ça! Je posais des yeux attendris sur le garçon.

"Je suis pas sûre que Feuille de Saule approuve cette nouvelle méthode de soin faire-des-ricochets-sur-le-ventre!"

Je tendis la patte vers lui (ne fis pas attention au fait qu'il s'était probablement tendu et replié sur lui-même de peur) (avais-je remarqué qu'il avait peur?) et l'approchai encore plus vers moi.

"Je m'appelle Nuage de Roc d'abord, pas Caillou! Mais si ça te fait plaisir tu peux m'appeler comme ça. "
Je battis des cils et enchaînais:

"Eh oui, je vais faire la guerre à tes bobos! Et toi tu n'as abso-lu-ment ri-en à faire. C'est pas beau ça? Un nouveau sourire gai se dessina sur mon visage. Je vais commencer par te faire ouvrir la bouche pour vérifier tes ptites dents. Fais AAAAAAA. Tu as mal aux dents quand tu manges?"

(Je n'avais pas non plus pensé au fait que Patte Dodue pourrait ne boire encore que le lait de sa mère. Pour la rigueur, on repassera aussi) Soudain, je me souvins d'une leçon de Feuille de Saule, où il fallait rassurer les patients, et vérifier qu'ils n'étaient pas angoissés ou avaient des questions.

"Et surtout, n'hésite pas à me poser toutes les questions qui te passent par la tête!"

Désormais, ses deux minuscules oreilles écrasaient son crâne, comme deux gros insectes dissimulés derrière les frondes, en été. Son arrière quant à lui oscillait d’avant en arrière, en équilibre sur ses pieds renfoncés dans le sol, prêt à reculer à toute vitesse rejoindre sa mère. Bien qu’il devinât son regard empreint de douceur lui adresser son soutien mêlé d’amour à son égard derrière lui, Patte Dodue se languissait déjà de sa fourrure à aux effluves sucrées. Son petit cœur s’affolait dans sa poitrine, pompant la nervosité qui le malmenait, pour faire craqueler sa coquille d’escargot à chaque battement. Oh non, Patte Dodue sentait une marée larmes s’agglutiner dans des pupilles voilées de crainte, pour son interlocutrice. Maman disait qu’il ne fallait plus pleurer devant les autres maintenant qu’il était grand. Vite il fallait trouver quelque chose à dire pour ne pas surprendre ses émotions ruisselantes !

- Est-ce que comme tu t’appelles Nuage de Caillou, tu vas faire des ricochets sur mon ventre ?
- Je suis pas sûre que Feuille de Saule approuve cette nouvelle méthode de soin faire-des-ricochets-sur-le-ventre ! Ronronnait-elle, les moustaches frémissantes d’amusement.

Patte Dodue fit la moue : La guérisseuse se moquait-elle de ses craintes ? Elle ne cessait de parader avec légèreté, secouée par les gloussements et autres niaiseries du genre, comme si son inquiétude ne trouvait aucune légitimité à ses yeux. Ses traits se froncèrent, chiffonné. Pourtant, il s’imaginait sans peine la douleur que devait desservir une série de rebonds d’écueils sur son ventre, et assurément ça n’avait rien d’agréable. Encore heureux que Feuille de Saule se refuse à ce genre de pratiques usuelles. Quelle horreur.

Mais sans attendre, la femelle s’empressa d’approcher sa carcasse figée vers elle, d’un geste sans précaution. Son poil se hérissa sur son échine, arborant la silhouette d’un hérisson en colère. Allait-elle le manger ? Il n’osait rehausser son regard à attention, tant son manque de vigilance à son égard l’effrayait. Il se sentit négligé, et d’autant plus lorsqu’il aperçut l’amoncellement de sable qui s’était formé devant ses pattes, comme un barrage à leur proximité.

- Je m'appelle Nuage de Roc d'abord, pas Caillou ! Mais si ça te fait plaisir tu peux m'appeler comme ça.
- Roc ? Rocaillou ? Racaillou ?

La femelle enchaîna sa tirade à haut débit, l’arrachant à ses songes, tant son palabre discontinu lui parasitaient les oreilles. Il occulta la potentielle mutinerie à l’insu de ses bobos, que prévoyait la femelle -qui semblait se languir de la perspective que présentait l’ouvrage- si quelconque mal attirait son attention. Pour sûr, en ferait-elle de la bouillie, et chair à corbeau. Par ailleurs, toujours fixé sur ses membres antérieurs, Patte Dodue fût soulevé d’un petit sourire caustique, invisible aux yeux de la femelle. De toutes façons, il y a peur de chances, qu’elle remarque quoi que ce soit ! remarqua-t-il, comme pour se donner du courage.

Résigné, il reprit force pour lever ses mirettes à leur zénith, vers celles bleutées de son interlocutrice. Finalement, la femelle s’improvisa médecin de fortune, en le tartinant d’une série de précautions à appliquer.

- Je vais commencer par te faire ouvrir la bouche pour vérifier tes ptites dents. Étrangement, son introduction accompagnée d’un sourire de circonstance, n’avait rien, mais alors rien de rassurant. Voire même sadique, à l’image perçue par le chaton. Fais AAAAAAA. Ah ? Crier ? Tu as mal aux dents quand tu manges ?
- Manger ? Qu’est-ce c’est manger ? Le manger c’est ce qui sort du ventre de ma maman ?

Oups, il en oublierait presque le plus important !

- AAAAAH ! Obéit-il promptement à l’ordre. Comme ‘ah ?
- Et surtout, n'hésite pas à me poser toutes les questions qui te passent par la tête ! Ajouta Nuage de Roc, par précaution pour le chaton.

Effort qui fût le bienvenu pour attendrir l’angoisse qui essorait les nerfs de l’enfant. Et pour cause, Patte Dodue remua les moustaches en guise de remerciement, comme secouru par une perche tendue par les étoiles -ou du moins par son intermédiaire ; Nuage de Roc. C’était l’occasion inespérée pour lui, d’étancher sa soif. Aussitôt referma-t-il son clapet, qui lévitait encore dans les airs, la gueule asséchée par les allées et venues du ruissellement de l’air frais dans sa gorge. Il commença doucement, en articulant chaque syllabe.

- Dis, Nuage de Roc, est-ce vrai que tu vas voir les étoiles à chaque demi-lune ? Ce sont les anciens qui me l’ont expliqué ! Se justifia-t-il, avec une certaine fierté. Il se surprit même à bomber le torse Et donc, est-ce qu’elles ont une forme particulière ? Ou ressemblent-elles à de vraies étoiles ?

Il remua les lèvres comme pour réfléchir un instant. Puis il cligna des yeux hébétés ; c’était rare qu’un flot aussi abondant n’habitent ses paroles. Par ailleurs, il se força à continuer, il y avait de choses à découvrir ! Ses yeux brillaient déjà d’une lueur nouvelle.

- On dit que nos ancêtres prennent la forme d’étoiles pour veiller sur nous de là-haut. Il plissa d’autant plus les articulations de son cou, pour ne serait-ce pour qu’apercevoir un monceau de ciel. Mais n’est-ce pas trop haut ? Je veux dire, pour monter jusqu’au ciel ?

HRP:

Si Feuille de Saule était là, il serait sûrement en train de paniquer en voyant à quel point je m'y prenais... mal. Avec d'autres chatons ça pourrait être parfait! Mais je ne comprenais pas encore le principe de s'adapter à chaque patient. Et de faire attention à l'impact de mes mots. J'étais beaucoup trop contente de ma manière d'aborder les choses! Je pensais désensibiliser, que les bobos ce n'était pas si terrible et que j'étais une super apprentie guérisseuse qui serait là pour combattre tous les mots.

Pas. Du. Tout. J'étais surtout en train de traumatiser le pauvre petit qui se tenait là, passif entre mes griffes (Mille Feuille devait être en train de me maudire, mais elle était dans mon dos. Quelle bonne excuse pour ne rien remarquer) Mais heureusement que j'avais déjà 5 lunes de cours avec Feuille de Saule, et qu'il me restait quelques bribes de cours et doonc que j'avais proposé au petiot de me poser des questions.

Mais à vrai dire, ce fut à mon tour de me maudire vu le flot de paroles qui me submergea soudainement. (J'avais même pas eu le temps de regarder sa bouche du coup.) J'écoutais toutefois attentivement. Les yeux du petit luisaient d'une étrange lueur. De l'émerveillement je crois. Cela me donna une étrange impression. Il avait l'air... passionné par ce sujet. Cela me touchait beaucoup, et m'attendrissait beaucoup. Lorsqu'il eut fini, je lui léchais le haut de la tête en lui souriant:

"Je vais répondre à toutes tes questions! je vois que le clan des étoiles t'intriguent beaucoup. "

Mais d'abord, mon examen!

"Tu peux refaire aaa d'abord? J'ai mal regardé tes petites dents. Tout à l'heure c'était par-fait alors tu as juste à refaire pareil"

Je parlais d'une voix beaucou plus douce et tranquille. Lorsqu'il s'exécuta, je mis mes yeux juste devant sa bouche, en regardant chaaaque dent. Parfois j'en touchais une du bout du coussinet pour apprécier sa dureté. Et je finis en regardant la couleur de sa langue. Rose. Rien ne me semblait pathologique. Je ronronnais.

"Tu as une bouche su-per. Allez, allonge toi sur le dos, je vais regarder en massant ton ventre, tout en te racontant tout ce que tu veux savoir..."

Lorsqu'il se mit sur le dos, je commençais à poser délicatement mes pattes sur son bidou, et à malaxer un peu. Pendant ce temps, je racontais:

"Oui, je suis Feuille de Saule pour aller les voir. Oh si tu voyais les étendues qu'on traverse! J'adore traverser tous ces territoires. Même qu'on traverse un bout du clan du vent! Et puis, on voit toutes les demies lunes les autres guérisseurs."

Je riais doucement

"mais tu t'en fiches peut être des paysages... Je suis désolée, je vais devoir laisser ton imagination faire, on a pas le droit de parler de nos rêves avec eux... Mais nos ancêtres sont toujours là, là haut, à nous observer pour nous guider dans nos pas. Si tu te sens un peu seul, tu peux t'adresser à eux. Même si tu ne les entends pas, tu ne les vois pas... Eux t'entendent... Et ils sont là"

et je touchais l'emplacement de son coeur du bout de la patte.

"Et rien n'est impossible pour une étoile! Donc monter là haut?? Boah, trop facile pour nos ancêtres!"

Je souriais, retrouvant mon dynamisme.

"Allez marche un peu en te dirigeant vers ta maman puis reviens vers moi! Je vais regarder comment tu utilises tes pattes. Surtout pas de pression! on est pas dans un défilé de beauté hihi."

J'eus une petite pensée pour mon frère. Je me dis qu'il fallait que je demande à Feuille de Saule pourquoi nous faisions ces examens alors qu'on ne pouvait rien pour Nuage d'Espoir...

Encore ébahi par le mirifique que suscitait les étoiles et leurs rites méconnus, Patte Dodue en oubliait presque le sourire tendre que lui tendit Nuage de Roc, à son attention. Comme en écho à leurs croyances communes, la femelle toute guillerette semblait avoir troqué sa bonne humeur, contre un sentiment de plénitude partagée avec le chaton. La douceur recelait dans son regard, muée en petites perles brillantes, détonnant sur le bleu de ses yeux. Patte Dodue y dépeint une nuit remplie d’étoiles, brillantes et vivaces, bien qu’apaisées par le clair de lune. A cette idée, ses commissures s’étirèrent jusqu’aux oreilles, fendant son visage en deux, dans un sourire bienheureux. Le chaton se sentait d’autant plus en confiance, maintenant qu’ils eurent implicitement découvert une nuance d’atomes crochu, via la complicité qui s’eut créé. Nuage de Roc, n’était peut-être pas qu’une apprentie-guérisseuse brusque et mal attentionnée ?

Soudain, guidée par un geste maternel, la femelle vînt déposer un coup de langue rugueux sur le haut de son crâne. Une manière tacite et spontanée d’absoudre toutes ses craintes ; Nuage de Roc manquait peut-être de tendresse, mais Patte Dodue y décelait un grand cœur. Par ailleurs, il accueilli son accolade affective d’un ronron bruyant, comme pour lui exprimer son amitié. Il l’avait mal jugée ; et il regrettait.

- Je vais répondre à toutes tes questions ! je vois que le clan des étoiles t'intriguent beaucoup.
- Oh oui ! S’écria-t-il, plein d’espoir Il lia son optimiste manifeste à son plus beau sourire plein de dents blanches, comme pour l’encourager aux révélations.
- Tu peux refaire aaa d’abord ? J'ai mal regardé tes petites dents. Tout à l'heure c'était par-fait alors tu as juste à refaire pareil.

Son entrent fut gommée par un déluge de déception, qu’il ne put cacher. Il courbait déjà l’épaule, chétif, comme pour supplier sa bonne foi. Ils avaient troqué un point commun au détour de son statut, peut-être pouvait-il se permettre de l’attendrir afin d’assouplir cet instant de torture ? Mais Nuage de Roc, s’était déjà résolu à la manière douce, et il comprit qu’il ne put en demander plus. Ainsi, il ouvrit grand la bouche, mimant le bruit caractéristique sans grand efforts. S’en suivi d’un contrôle de ses canines, avant que Nuage de Roc ne lui intime de rouler sur le dos. A quoi servaient cet examen au juste ? Passer des dents à l’estomac, ouvrir la bouche puis rouler au sol ? Nuage de Roc s’amusait-elle à lui enseigner une formation d’acrobate ?

Patte Dodue s’écroula au sol, pétrissant sa silhouette au gré des dunes de sable qui épousaient ses formes, malgré son grabuge et gesticulation. Il cherchait en vain, une position adéquate pour être bien installé. Car sitôt Nuage de Roc eût-elle posé avec délicatesse ses doigts sur son abdomen, Patte dodue savait à son regard évasif qu’elle entamerait sous peu le récit de son pèlerinage. Lorsqu’il s’assiégea correctement sur son coussin de fortune, il relava les yeux bien hauts à grand renforts d’attention et d’écoute pour son aînée.

- Oui, je suis Feuille de Saule pour aller les voir. Oh si tu voyais les étendues qu'on traverse ! J'adore traverser tous ces territoires. Même qu'on traverse un bout du clan du vent !
- Tu montes tout en haut du ciel ? Et-et, c’est comment au Vent ? Se hâta-t-il de continuer ; il ne voulait perdre aucune miette, chaque détail comptait. Est-ce que l’herbe des plaines vous sert-elle de tremplin pour atteindre les étoiles ?
- Et puis, on voit toutes les demies lunes les autres guérisseurs.
- C’est vrai ? Demanda-t-il les yeux ronds comme deux lunes pleines. Qui sont-ils ? Feuille de Saule n’est pas tout seul ?

Le chaton se sentit déboussolé par son propre flot d’incertitudes méritant affirmations et savoir-faire. Après tout, la vision de l’enfant s’arrêtait derrière le rideau de lierre, porte d’entrée et sortie, du clan. A quoi ressemblaient les être de lumière qui les accompagnaient, chaque jour depuis les terres impalpables de la nuit ? De quoi -et de qui- se composaient-ils ? Étaient-ils bien en chair ? Ou luminescents, ainsi invisible à l’œil nu ? Comment vivaient ? Le clan des Etoiles avait cette aspérité implacable, et méconnue qui le rendaient riche et plein de secrets à découvrir, dont Patte Dodue s’enivrait jusqu’à désirer les rencontrer. Le pourrait-il seulement, ou seuls les guérisseurs obtenaient un déplacement exclusif pour ce voyage ?

- Mais tu t'en fiches peut-être des paysages...
- Oh…Non, Nuage de Roc, raconte-moi tout, s’il te plaît. Les couleurs, les formes ! Est-ce comme le camp de la rivière ? Tu crois qu'un jour, moi, aussi, je pourrais y aller ?
- Je suis désolée, je vais devoir laisser ton imagination faire, on a pas le droit de parler de nos rêves avec eux... s’excusa Roc à regret. Mais Patte Dodue reconnu ce ton, celui que l’on utilisait pour ne pas froisser sa candeur infantile. Il barra le galbe de son crâne de ses deux oreilles triangulaires, vexé par cette injustice.
- Tu ne dis pas ça parce-que je suis petit, pas vrai ? Sa voix fluette transpirait d’espoir. Nuage de Roc n’allait-elle pas tout gâcher pour ses priorités, non ?
- Mais nos ancêtres sont toujours là, là-haut, à nous observer pour nous guider dans nos pas. Si tu te sens un peu seul, tu peux t'adresser à eux. Même si tu ne les entends pas, tu ne les vois pas... Eux t'entendent... Et ils sont là.

L’enfant souri à cette image. Patte Dodue aimait claironner des prières silencieuses, à l’insu des ancêtres, persuadé que ces derniers accompagnaient son sommeil et ses rouages. Pouvait-il seulement maîtriser les rêves et les cauchemars ? La voix douce de Nuage de Roc berçait le bambin d’illusions, sans brusqueries, et pour cause Patte Dodue s’arracha à un bâillement des plus expressifs. Une invitation implicite à l’attention de l’apprentie-guérisseuse pour partager une sieste en compagnie de sa famille, et lui ? Certainement.

Et tandis qu’il souleva sa carcasse à moitié endormie, et qu’il se dandina d’une démarche chaloupée à l’encontre de sa mère, il demanda tout haut, bien qu’encore en pleine réflexion :

- Est-ce que parfois, le Clan des Etoiles entre dans vos rêves ? Je veux dire, ont-ils la capacité de manipuler nos songes ? Parfois je fais des cauchemars, et ça fait très peur…

Le petit ne cessait de rajouter de nouvelles questions alors que je lui racontais mes histoires. C'était tout de même adorable un chaton. Je me souvenais parfaitement être comme ça, quand j'étais petite. Et d'ailleurs, je n'avais pas vraiment perdue cette fâcheuse habitude à poser une farandole de questions. J'essayais de lui répondre tant bien que mal sans perdre mon récit. Non on ne sautait pas vers les étoiles mais on s'endormait à la pierre de lune, et j'avais donné le nom des autres guérisseurs.

J'essayais de rester concentrée sur mes mouvements de pattes mais difficile. Patte Dodue lâcha un énorme bâillement. Par mimétisme, ma mâchoire commença à s'entrouvrir pour se détendre elle-aussi. Je freinais rapidement cette action, cela ne serait pas très professionnel. Comme quoi, un examen clinique pouvait être agréable ! (Ou bien c'était le seul fait d'être couché qui l'endormait...)

Il se mit un peu à contre-coeur je crois bien en marche. Je n'entendis que des bribes de ses questions, concentrée à observer chacun de ses pas. Pas très droit, mais il venait de se réveiller en même temps. Note à moi-même: faire le ventre à la fin car cela endormait les patients. Je rencontrais le regard doux de sa mère, et lui fit un sourire un peu gêné. Après tout, j'observais et fixais son fils en le détaillant de long en large, et soudain je me rappelais qu'on nous regardait. Un peu bizarre non?

"Non Patte Dodue, ce n'est pas parce que tu es un chaton que je vais te cacher des choses. En tout cas, rien à signaler de particulier sur sa démarche, notais-je tout en lui parlant. Il posait bien tous ses appuis, et restait pataud comme tout chaton. Il est interdit aux guérisseurs de parler de leurs échanges avec le clan des étoiles. Mais tu n'as pas besoin de les entendre ou de les voir pour croire en eux... Non?"

Je lançais un regard interrogateur vers sa mère, quettant son approbation. Mais son expression restait neutre. Elle respectait sûrement mon avis et ne voulait pas entacher mes paroles par le sien.

"C'est bon tu peux revenir. Je vérifie encore un dernier truc et je te laisse tranquille."

Je lui demandais de s'assoir et me mis à toucher son dos (sa colonne vertébrale) tout en miaulant:

"Peut-être bien qu'ils peuvent rentrer dans nos rêves... A mon avis, ils sont toujours là, quelque part... Oh cette vertèbre est un peu bizarre Mais tu sais les cauchemars font très très peurs... mais ils sont pas inutiles. Parfois, ils sont là pour te mettre en garde. Pour te rappeler de faire attention à quelque chose. Ou parfois c'est juste que tu as entendu trop de vilaines histoires et qu'il faut que tu écoutes de belles histoires!"

Je lui souris:

"Tu as peur de quoi mon petit Patte Dodue?"

En fait la vertèbre était normale, c'est moi qui avait mal palpé. Tout me semblait ok. Ah non j'avais oublié de demander pour son ouïe et son odorat.

"Avant que tu me répondes, tu sens des odeurs différentes? Tu arrives à faire la différence entre moi et ta maman par exemple si tu fermes les yeux? Et tu entends bien?"

Je m'assis en face de lui, calme maintenant.

Tandis qu’il déambulait maladroitement à l’encontre de sa mère, Nuage de Roc prit de front ses inquiétudes dépendantes de son jeune âge, pour y répondre avec une franchise qu’il apprécia cependant. Si son ton se détourna de sa légèreté habituelle pour étonner un discours plus autoritaire, propre aux grands, Patte Dodue ne s’en formalisa guère. Même un petit sourire naquit sur ses babines. Si Nuage de Roc rebutait l’idée d’éluder des informations décisives afin de ne pas brutaliser son innocence, c’était qu’elle lui faisait confiance, malgré son jeune âge. Mais pendant que l’apprentie se souciait de la justesse et du professionnalisme qui émanait de ses paroles, Patte Dodue arriva à point nommé devant sa mère avant d’être rappelé à l’ordre.

Sa mère le gratifia d’une ultime douceur, en lui accordant une caresse au sommet du crâne, avant de lui intimer de filer. Il ronronna, ravi. Il remarquait par ailleurs, que la pudeur de Maman eût encore raison d’elle ; ses oreilles s’étaient recourbées vers l’extérieur, soumise au regard des autres. Pourquoi Maman avait-elle peur des autres ? L’avaient-ils accusé d’un quelconque blâme injuste ? Cependant, il n’aimait pas quand Maman portait le masque triste. Et pour cause, il lui fonça le front droit dans le poitrail, sans tergiverser. Et sans lui laisser le temps d’accuser le coup il s’écria :


- Je t’aime Maman !

Durant cet aparté, Dodu eût le temps de rejoindre -avec quelques erreurs de parcours- de rejoindre la femelle à la pelisse des nuages gris. Et tandis qu’elle malaxait sa colonne vertébrale, Patte Dodue plissait parfois un œil, recourbait un peu le dos, gêné par sa gestuelle. Cela dit, Nuage de Roc eût la gentillesse de répondre, à sa requête quant à ses cauchemar intempestifs. Peut-être que les étoiles lui conféraient les pouvoirs de guérisons aux guérisseurs ? La rumeur courrait que les ancêtres donnaient des vies au chef, pourquoi pas les dons médicaux ? Peut-être que Nuage de Roc pouvait de part sa maîtrise lui offrir un sommeil dénué de cauchemar ? Il pourrait s’enfouir dans ses rêves pour toujours, sans jamais s’éveiller ! Mais peut-être fallait-il suivre un protocole particulier, payer quelque frais ? Ou lui offrir un cadeau ? Mais était-ce seulement possible ? Son cerveau grouillait de questions, ricochant les unes sur les autres. Il se sentait envahi, si bien qu’il en décocha presque son attention de sa priorité.

- Mais tu sais les cauchemars font très très peurs... mais ils sont pas inutiles. Parfois, ils sont là pour te mettre en garde. Pour te rappeler de faire attention à quelque chose. Ou parfois c'est juste que tu as entendu trop de vilaines histoires et qu'il faut que tu écoutes de belles histoires !

Patte Dodue se tortilla, troublé. Il papillonna des yeux, comme pour happer des paupière ce flot d’information à enregistrer. Même les cauchemars avaient quelque chose à nous apprendre ? Non, elle avait usé du terme mettre en garde. La vie éveillée le faisait-il vivre des aventures, tandis que le sommeil nocturne le prévenait des dangers potentiels ? Nuage de Roc entrecoupait ses paroles de sincérité, et Dodue croyait ses aveux sur paroles. Mais seulement, il se posait beaucoup trop de questions ! Chaque mot, chaque renseignement suscitait de nouveaux questionnements. Comme d’un fil en aiguille désespérant de trouver un chemin linéaire dans une motte de foin !

- Tu as peur de quoi mon petit Patte Dodue ? Ses petites oreilles s’élevèrent entre ses frondes de poils hérissés. Papa l’appelait de la même manière !
- Nuageuse…

Un instant de plus, et il répondait « Les enfants de Goutte de Pluie et Courant Silencieux » d’un ton sans appel. Mais heureusement, Nuage de Roc s’interposa dans son début de réponse, pour ajouter :

- Avant que tu me répondes, tu sens des odeurs différentes ? Tu arrives à faire la différence entre moi et ta maman par exemple si tu fermes les yeux ? Et tu entends bien ?

Pourquoi cette question ? Patte Dodue savait qu’elle requérait des informations pour Feuille de Saule, mais un étrange pressentiment succinct lui fit basculer la tête le côté, intrigué. Il y avait autre chose, Nuage de Roc était calme. Trop calme, pour que cela relève de l’anodin. Patte Dodue, pris de curiosité, se délesta de sa bonne volonté pour lui raconter une de ses récentes rencontres. En effet, les questions posées s’axaient étrangement sur les défauts singuliers d’un jeune apprenti dont il eût tôt fait de faire la connaissance, ces jours-ci.

- Oh tu sais, l’autre jour j’ai rencontré justement un chat qui boitait, hihi ! J’ai cru d’abord qu’il faisait une sorte d’animal, comme moi quand je fais la chenille. Mais il m’a parlé de grenouilles à la place, il fit la moue, les traits froncés. Ses souvenirs se brouillaient tout d’un coup.
- Et si tu répondais aux questions de Nuage de Roc, Dodu ? Un nuage duveteux flotta sous son museau, pour attirer son attention. Il éternua brusquement, avant de reconnaître la silhouette gracile de sa mère. Tu sais elle doit s’occuper des autres chatons, ma petite étoile. Elle ne peut pas rester toute la matinée ici, à la pouponnière. Même si je suis persuadée, qu’elle en serait ravie.

Mille-Feuille qui s’était coulé jusqu’à sa taille, lança un clin d’œil discret mais complice à l’intention de Nuage de Roc. Patte Dodue se sentit exclu du geste. Il sentait que sa mère tentait de presser les choses, et d’alléger la besogne à laquelle s’afférait Nuage de Roc. Donc, par déduction, était-il un fardeau pour sa maman et pour l’apprentie-guérisseuse ? Il chercha dans leurs yeux, oscillant de l’une à l’autre un vague indice qui aurait pu soulager son souci, en vain. Les autres -même- les grands ne lisaient toujours pas dans ses pensées.

- Allons, allons. Mille-Feuille tentait la carte de la compassion. Mais lui, était résolument fermé à la discussion. Etant toi-même un chat de la rivière, je suis sûre que vous vous reverrez sans problèmes.

Il soupira, avec exagération, avant de grommeler dans sa barbe.

- Mais on discutait…
- Je suis sûre que les étoiles qui te regardent depuis le ciel voudraient que tu sois un gentil petit garçon, leur prouvant que tu veux de tout ton cœur aider Nuage de Roc, à finir rapidement son travail.

Touché. Coulé. Mais le pensaient-elles vraiment ? Maman était-elle un signe auguré par les étoiles, pour venir s’immiscer dans leur conversation. Peut-être prenait-il de nombreux risques en discutant avec la guérisseuse ? Pourtant, n’avait-elle émis aucun indice, présageant un préjudice quelconque. Ou peut-être avait-elle répondu avec gentillesse à ses questions, par complaisance ? Ou Maman utilisait-elle sa croyance aveugle aux égards des Etoiles, pour le rendre docile.

Zut, ses yeux piquaient, et un étau bouffi de chardons enserraient sa gorge, mutilant son souffle difficile. Il allait pleurer à coup sûr, et devant une grande en plus ! Il plissa très fort ses paupières, mitigé entre retenu et obéissance forcée. Son petit nez remua, glanant les fumets alentours.

- Toi, maman tu sens le sucre, et toi Roc…L’herbe ?

Oh tu sais, l’autre jour j’ai rencontré justement un chat qui boitait, hihi ! Je penchai la tête sur le côté. Un malade qui n'était pas venu nous voir? à moins que ce soit mon frère... La gêne me prit au cou. Et je me haïs aussitôt de la ressentir. Il n'y avait aucune honte à avoir! Nuage d'Espoir était parfait. J’ai cru d’abord qu’il faisait une sorte d’animal, comme moi quand je fais la chenille. (??? cette remarque m'arracha un sourire, mais je ne fis aucun commentaire) Mais il m’a parlé de grenouilles à la place

De grenouille? Pourquoi une grenouille? Après tout, c'était un gibier comme un autre... Pour des touts petits estomacs. Et pourquoi Patte Dodue faisait cette tête de dégoût?
La mère du chaton intervint soudainement. Je lui fis un petit sourire contrit. Oui, c'est vrai qu'il ne fallait pas que je m'attarde trop, j'avais tous les autres petits à ausculter encore!

En tout cas, Patte Dodue n'avait pas l'air très content des remarques de sa mère. Ne serait-ce pas des larmes qui montaient jusqu'à ses yeux? (Il était définitivement trop adorable ce petit.)

- Toi, maman tu sens le sucre, et toi Roc…L’herbe ?

J'hochai la tête. Cela suffisait amplement pour un enfant de son âge. Je lui tapotais la tête, puis me baissai vers lui, en miaulant d'un ton faussement cachotier à son oreille:

"Ce midi, je mangerai à côté de la pouponnière, comme ça on pourra continuer notre discussion.. ça te plairait?"

Après sa réponse, je fis signe à sa soeur Patte Sablée de s'approcher.

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