Sourde Oreille | ft Vent - abandon

Sourde Oreille (13)


[mis à jour, ça se passe après le bapteme de Nori]

En sortant du camp, je m'ébrouai comme pour tenter de décoller la fatigue de ma fourrure. J'aurais préféré partir sur la colline du Lynx pour perfectionner mon entraînement mais Papa m'avait envoyée en mission "thym". Ce n'était pas très excitant mais je ne pouvais rien refuser à mon pere adoré. Il me pria cependant d'être prudente et discrète. Je levais les yeux au ciel. J'étais guerrière dorenavant, que pouvait-il m'arriver ? Il craignait que j'aie peur de ces lapins ? Pfeuh ! Je craignais qu'une seule chose, et c'était la colère de mon Papa. Et vu que cela n'arrivait jamais, je n'avais donc peur de rien. Je partis donc la tête haute pour cette mission plante, me rappelant l'epoque -pas si lointaine- où j'étais apprentie guérisseuse. Je frissonnais un peu. Oui, époque révolue. Les températures n'étaient plus les mêmes qu'à la canicule. Quoique j'avais l'épaisse fourrure de papa. Alors cela ne me faisait littéralement ni chaud ni froid. J'avais parfaitement vaincu les infernales températures de l'été. Malgré la fourrure. Oui oui. Preuve, j'étais devenue une grande guerrière. Et grande nageuse, qui d'ailleurs s'élançait dans la rivière pour accéder au Vent.

Je nageais doucement, pas trop pressée de ressortir, et allais le plus loin qu'il m'était possible. Quand les bords de terres commençaient à se relever, même si mon esprit de défi me disait "Tu peux grimper celles un peu plus haut là - bas non ?", je décidai de donner priorité à ma recherche de thym. Je reviendrai demain tester mes limites ! Je me séchais brièvement, pas une grande coquette dans l'âme. A l'approche de la frontière, je pris une grande inspiration et fronçai les sourcils, souriant. J'allais montrer que c'était stupide de penser qu'un truc aussi petit qu'une frontière -ou qu'un chat du vent, aha !- pouvait m'effrayer. Encore un peu trempée, je passai le mur d'odeur et prise par l'adrénaline de franchir un "interdit", toute seule, je me mis à rechercher la plante demandée par mon père, en courant un peu, beaucoup, d'un buisson à l'autre. On la trouvait où habituellement déjà ? Je ne savais plus trop mais j'étais contente de la petite aventure qui se profilait devant moi. Aventure qui allait repousser mes limites, il faudra bien chercher car même si la terre était froide, on ne pouvait pas me cacher qu'elle avait clairement brûlé. Les plantes étaient rares, mais je me dis que comme ca, je n'aurais pas trop l'occasion de me tromper, vu le choix réduit. Puis, moi, me tromper pffff jamais.

Nuage des Vents avait besoin d’une pause. D’un break pour ainsi dire, au moins pour aujourd’hui. Elle s’était excusée auprès de Silence d’Hiver, puis était partie sans vraiment plus de justification que « je prend un jour de repos, je rattraperai toute ma charge de travail demain. »

La vie d’un guérisseur, contrairement à celle d’un guerrier, n’offrait pas de cycle régulier tel qu’un « jour/nuit » divisé méticuleusement entre « période de travail » et « période de repos ». Chaque heure, du jour et de la nuit, était une heure pour soigner si tel était nécessaire. Les maladies, les blessures, les décès et les accouchements n’attendaient jamais que les deux guérisseurs du Clan du Vent aient terminé leur sieste bien méritée avant de se manifester. La fatigue s’accumulant encore et encore, elle sentait que si ça continuait comme ça, elle ne tiendrait jamais la fin de la lune.

Il lui fallait du repos, là où personne n’irait la déranger. Son antre étant également son lieu de travail, elle pouvait être sure qu’au bout de quelques heures, ou même quelques minutes, un félin quelconque viendrait réclamer ses services pour une broutille ridicule. Dans le camp aussi. Se cacher au soleil entre quelques rochers étaient la meilleure solution qui lui était venue en tête, et quel meilleur endroit que les hautes landes pour se faire ?

Nuage des Vents fut réveillée par une odeur qui ne lui était pas familière — ce qui, en général, n’annonçait rien de bon. Toujours sur ses gardes depuis sa rencontre désastreuse avec Feulement, elle se leva d’un bon, ignorant l’engourdissement provoqué par son sommeil récent. Ce n’était pas un guérisseur. Ce n’était plus un guérisseur.
L’apprentie poussa un grognement sourd, et en quelques bonds — avant de manquer de trébucher faute d’équilibre — s’en alla rejoindre la nouvelle intruse. Pas de bonjour, pas de formule de politesse quelconque : pas le temps pour ça.

« Demi-tour. »

Ses yeux fatigués se plissèrent sous ses sourcils froncés. Pas d’agressivité dans sa voix, mais un ton sec, impératif. Pénétrer un territoire ennemi sans posséder le statut de guérisseur était un crime qui pouvait parfois avoir des conséquences dramatiques. Des guerres entre deux Clans avaient eu lieu pour moins que ça.

« Fais demi-tour. Tu n’es plus la bienvenue ici. »

Et sans discussion, de préférence.

Sourde Oreille (13)


A peine mis les pattes sur les terres du Vent qu'un des lapins sortit de son terrier. Petite, fatiguée, grogneuse, je reconnus rapidement une ancienne "collègue", Nuage des Vents. Fiouh, j'étais si contente d'être revenue sur la voie des guerriers ! Sinon je serais encore en train de traîner un nom de Nuage. Comme une gamine, pfuh ! Un miaulement, rauque sûrement d'un réveil récent, me somma de faire demi tour. Je m'ébrouai, peu atteinte par ses paroles. Plus la bienvenue hein ? J'avais pas besoin d'être la bienvenue, j'avais besoin de thym.

" Je suis envoyée par Pluie Battante, Echo des Ruisseaux a besoin de thym. "

Comme d'habitude, me retins-je d'ajouter. Je reniflais aux alentours, tout à fait à l'aise. C'était pas une petite apprentie guérisseuse sans entrainement martial -et cette absence m'avait tellement eeennuyééééée- qui m'effrayait. Je me grattais l'oreille absente. J'essayais de reconnaître les zones où poussaient le thym, mai rien à faire, les plantes n'avaient pas été mon truc.

" Bon, soit tu m'accompagnes et me montre où est le thym, soit je vais chercher toute seule. Pas comme si j'avais besoin d'aide, mais pas comme si t'arriverais à me faire bouger d'une griffe, eh. "

Même si la voir essayer me ferait bien rire.

Un pas. Deux pas. Nuage des Vents se rapprocha progressivement d’elle, s’assurant de rester prudente. À l’instant même ou Nuage d’Oreille avait renoncé à son rang, elle n’était plus des leurs. À l’instant même où Nuage d’Oreille avait renoncé à son rang, elle était devenue une menace potentielle. Comme Feulement. Comme tous les autres.

« Je suis envoyée par Pluie Battante.

Elle tiqua une oreille déchirée. Pluie Battante, l’aide-guérisseur ? Ah oui, c’est vrai. C’était son père.

— Echo des Ruisseaux a besoin de thym. La femelle de la rivière se gratta l’oreille. Bon, soit tu m’accompagnes et me montre où est le thym, soit je vais le chercher toute seule. Pas comme si j’avais besoin d’aide, mais pas comme si t’arriverais à me faire bouger d’une griffe, eh.

Nuage des Vents plaqua ses oreilles en arrière et se mit à grogner. Les poils de son échine se dressèrent à l’unisson. De sa petite taille, et face à une guerrière qui avait visiblement pris autant d’égo que d’expérience lors de ses entraînement martiaux, elle ne s’attendait pas à avoir l’air imposante. En revanche, elle voulait sonner comme un avertissement. Ce n’était pas d’elle qu’il fallait avoir peur. C’était des autres.

— Eh bien, si c’est lui qui t’as envoyé sur nos terres, tu diras à Pluie Battante que c’est un imbécile. Sinon, tu lui diras que sa fille est une menteuse incapable de respecter le code du guerrier, et qui ferait mieux de déguerpir avant que je n’appelle une patrouille.

Elle s’approcha encore, toujours à petits pas, pour finalement rejoindre sa hauteur. Il lui fallu lever la tête pour regarder la femelle dans les yeux, mais elle ne se laissa pas impressionner pour autant.

— Je ne t’accompagnerai nulle part. Alors tu ferais mieux de faire demi-tour tout de suite, avant que je ne change d’avis et que je décide d’aller chercher des sentinelles qui s’occuperont de ton cas. »