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Thème X - Terres Inondées
 
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 Humeurs nocturnes, ft Poivrouuuu - end

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Eclat de Crépuscule
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MessageSujet: Humeurs nocturnes, ft Poivrouuuu - end    Humeurs nocturnes, ft Poivrouuuu - end  Empty28.03.20 21:32

Eclat de Crépuscule était incapable de bouger. Son cerveau ne commandait plus ses pattes, et même avec une détermination qu'elle ne se connaissait point, elle était inapte à se mouvoir. Devant ses yeux floutés par les larmes, la silhouette forte de son père se faire emporter par un blaireau sans foi ni pitié. Ses cris lui faisaient vriller les oreilles, et le sang qu'il dispersait petit à petit, comme une coulée pourpre, une traînée écarlate lui brûlaient les pupilles. Il l'appelait mais elle ne venait pas le sauver. Immobile, elle le regardait mourir sans bouger, alors que les ombres menaçantes des arbres se dressaient au-dessus d'elle, mouvant dans cette tempête qui lui glaçait les os.

Elle lâcha un petit cri et ENFIN se réveilla. Son cœur battait à tout rompre dans sa poitrine, se débattant sans relâche comme une souris qui n'était pas encore morte entre ses pattes. Elle en était même essoufflée, si bien qu'elle prit presque une minute ou deux à se remettre de ses émotions.
Totalement réveillée à présent, et bien décidée à ne pas se rendormir de la nuit, la rouquine se leva, les pattes encore flageolantes de son cauchemar. Elle pouvait sentir son pouls se démener contre sa gorge presque douloureusement. Elle se sentait mal, affreusement mal. Comme si la mort d'Etoile Tropicale ne s'effacerait jamais, et que toujours elle sentirait ce trou béant dans sa poitrine lui déchirer le cœur avec une certaine satisfaction.

Et pourtant il était parti à jamais. Jamais elle ne le reverrait, ou dans ses pires cauchemars. Comme là, tout de suite. C'en était fini de lui, et tout le monde avait tourné la page. Le meneur avait rejoint le Clan des Etoiles, et désormais c'est Etoile de Cobra qui menait la danse. Lui qui dirigerait le Clan pour le meilleur comme pour le pire. Les chatons, les anciens, les guerriers et apprentis lui avaient donné leur confiance, tandis qu'elle restait seule dans le passé. Elle ne pourrait se dépêtrer de ce regret qui commençait à devenir une souffrance habituelle. Mais ne pouvait se résoudre à vivre avec. Quand la douleur (un peu) sera passée, elle se relèverait. Elle comptait sur sa fierté pour se relever.

La petite guerrière se leva, essaya de ne pas écraser les autres qui dormaient paisiblement. Au fond, elle avait même envie de les réveiller pour ne pas se sentir seule comme elle l'était en ce moment. Mais bien sûr, elle se contint, et les dépassa. Avec soulagement, elle aperçut que les Etoiles brillaient ce soir, et elle se demandait si son père la regardait de là-haut. Ses yeux reprirent un peu de leur éclat, et elle se sentit un petit peu mieux. C'était pas encore ça, mais elle se sentait presque protégée.
Elle entreprit de se lécher avec attention son poil encore hirsute à cause de son songe, et prenait tout son temps. Une fois réchauffée, Eclat de Crépuscule n'avait plus aucune idée de ce qu'elle comptait faire. Elle leva une nouvelle fois les yeux au ciel, et s'aperçut avec effroi que de gros nuages noirs l'empêchaient d'apercevoir les petits soleils. Et elle se sentit une fois de plus seule, seule, seule.
Seule.

La rouquine eut soudain une illumination. Poivre. Cela faisait si longtemps qu'ils n'avaient pas marché ensemble, ni ri, et depuis le décès d'Etoile Tropicale, elle n'avait eu l'occasion de parler avec lui. Leurs entraînements lui manquaient, même si elle était fière et heureuse qu'il ait enfin pu passer guerrier. Il avait prouvé ses capacités au Clan tout entier.
Un peu coupable, elle fit demi-tour et le retrouva à sa place habituelle entre les dormeurs. Elle fourra son museau dans son cou, et le secoua doucement. Une fois sûre qu'il était réveillé, elle lui chuchota quelques mots :
"Poivre, c'est Crépuscule. Tu veux venir marcher avec moi ?"

Sans attendre sa réponse, presque sûre qu'elle viendrait, elle recula une nouvelle fois, et l'attendit dehors.

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Fin Brouillard
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MessageSujet: Re: Humeurs nocturnes, ft Poivrouuuu - end    Humeurs nocturnes, ft Poivrouuuu - end  Empty28.03.20 23:35

Les jeunes guerriers avaient tous leurs problèmes. Celui de Souffle Poivré, c'était une médiocrité qu'il ne pouvait pas cacher et qu'il ne savait pas combattre. Il avait eu l'occasion de rêver de grandeur, de s'imprégner de glorieuses légendes, de se faire une certaine idée de ce qu'étaient la perfection et la lumière. Mais au fur et à mesure qu'il avait appris, qu'il s'était avancé dans le monde, il avait senti se creuser tout un fossé entre ses exigences et le domaine du possible. Une voix amère s'était réveillée en lui, une voix qui lui rappelait sans cesse qu'il sentait désormais sa propre médiocrité, une voix qui lui chuchotait qu'il la sentirait même si ça devait un jour le pousser à se haïr, qu'il la sentirait même le jour de sa mort. Cette voix était exécrable, mais Souffle Poivré n'ignorait pas qu'elle disait juste. Ça le dépitait.

Plus il devenait pessimiste, plus il se dissimulait. Il craignait d'être percé à jour. On aurait raison de le trouver lâche, de le trouver faible, de lui reprocher son amnésie ou son hypocrisie, mais il ne voulait rien entendre de ces accusations. Se battre contre soi-même, c'était déjà trop.

L'impression de sa médiocrité n'était pas la seule qui guidait son existence, depuis qu'il était devenu guerrier. La mort l'atteignait, elle aussi. Il sentait qu'il n'était rien, rien d'autre qu'un misérable chat, un maillon faible de la chaine des générations. Lui qui ne s'était jamais vraiment rapproché du Clan des Étoiles entrevoyait désormais quelque chose de la sérénité de ses camarades les plus crédules. Ils ne tâtonnaient pas, eux, ils marchaient dans une direction qu'on leur présentait comme étant la bonne. Mais comment désapprendre l'orgueil et l'arrogance qui l'avaient si souvent conduit à ne voir dans les Étoiles que des fables pour esprits sots ?

Il dormait donc à la fois médiocre, dépité, et inquiet. Le voilà devenu juste assez lucide sur son état pour deviner que par malheur, il ne changerait jamais. Ses pattes frigorifiées étaient repliées sous son ventre douillet et encore chaud, mais il ne pouvait enfouir qu'une moitié de son museau dans son poitrail, aussi restait-il forcément une moitié qu'il ne réchauffait pas. Pour réagir à ce défaut de chaleur, Souffle Poivré remuait toujours un peu, dans son sommeil, en rêvant sans doute de tout ce qu'il manquait, éveillé. Cette nervosité désagréable, jointe à son odeur un peu forte, avait vite poussé les autres guerriers à s'éloigner de lui, aussi autour de lui s'était formé un cercle d'un mètre de rayon environ. On n'avait jamais beaucoup dérangé le sommeil de Souffle Poivré, même au temps de son apprentissage.

Lorsqu'il sentit quelque chose de chaud lui frotter le cou avec force, il lui fallut un certain temps pour émerger. L'odeur d'Éclat de Crépuscule le fit bizarrement ronronner, mais en même temps, il sortit ses griffes et crispa ses pattes, comme pour se défendre. " Laisse... Laisse-nous tranquilles, d'abord... Tu vois bien que je... que je suis avec... " grogna-il tout bas à un gêneur imaginaire, un côté de son visage s'enfonçant un peu plus dans la terre chaude sur laquelle il s'était tapi. Puis ce fut la crispation de tous les muscles du corps, une sorte de sursaut. Il réalisa qu'il n'y avait personne, à part lui et sa belle. Elle avait arrêté de le toucher, aussi se retourna-t-il pour mieux la voir, dans la nuit.

C'est elle. pensa-t-il, avec le sentiment de se trouver dans un espace-temps tout à fait magique et irréel où il n'était plus cet être médiocre et prétentieux que le monde s'apprêtait à déchiqueter. Il essaya de retrouver ses esprits, de se comporter comme si tout était normal. Il se força à bâiller, pour se donner des airs de grand guerrier très contrarié d'être interrompu dans son sommeil.

" Poivre, c'est Crépuscule. Tu veux venir marcher avec moi ? "

Il sentit que son cœur à lui battait extraordinairement vite, mais pourtant, il entendit aussi qu'Éclat de Crépuscule n'était ni enjôleuse ni même seulement gaie. Dans sa voix se distinguait plutôt une sorte de gêne, ou peut-être même, de la peur. Il ne comprenait pas encore de quoi il était question, car quand il se réveillait, il lui fallait toujours quelques minutes pour retrouver ses souvenirs, mais il sentit tout de suite que l'heure était grave, et surtout pas triviale. C'était peut-être le bon moment, pour se montrer, enfin, à la hauteur des circonstances. Il ouvrit tout à fait deux yeux assez brillants pour remplacer, en quelque sorte, tous les astres que les nuages cachaient.

Éclat de Crépuscule s'était éloignée, mais il trottina pour la rattraper, bien résolu à ne pas laisser passer sa chance.

" Salut Crépule ! " lança-t-il gaiement d'une voix toute ensommeillée. Il espérait que ce surnom venu de loin dériderait la guerrière. Quelques minutes de bonne humeur, loin du soleil imposant et de la lune accusatrice, ne serait-ce pas merveilleux ?

" Tu... On dirait que quelque chose ne va pas. " questionna-t-il, un peu trop innocent, parce qu'il ne comprenait pas encore la nature de la chose. Mais bizarrement, une fois sa question posée et la réaction de la rouquine analysée, il devina sans aucune peine de quel mal souffrait sa belle amie.

" C'est fou ce que je suis bête. Tu repenses à Étoile Tropicale. " reprit-il, tout bas, en recherchant la gravité qu'il fallait dans ces instants. Il s'était placé assez près d'elle pour pouvoir lui parler tout doucement et lui léchouiller l'oreille au besoin. " J'aurais dû venir te voir, je suis désolé. " En disant cela, il frotta gentiment son museau contre l'épaule de la rouquine, c'était la façon la plus naturelle, lui semblait-il, d'exprimer ses condoléances à un proche. " Tu sais, j'y ai pensé, mais... "

Mais quoi ? Était-ce le moment de confier à sa belle toute la terreur qu'il tentait de lui dissimuler depuis si longtemps ? Ce serait idiot, elle a déjà assez de choses à penser comme ça. songea-t-il. Que faire, alors ? Il faut que je lui parle. Sans lui prendre la tête. Que je l'aide à se détendre, sans non plus qu'on ait à culpabiliser, ni elle, ni moi... C'est le moment de nous vider la tête, de nous préparer à continuer de vivre dans la joie sans pour autant l'oublier.

" ... Mais en fait, eh bien... " C'est fou... Je me sens si nerveux, moi aussi... elle va s'en vouloir pour rien. Allez, je me ressaisis ! " ... Crépule. " il avait répété ce nom, plus bas, plus imperceptiblement que jamais, presque pour la supplier de ne pas se laisser envahir par un excès de nostalgie ou de susceptibilité. " Maintenant qu'il est parti je me dis que peut-être, c'est... c'est le moment de te dire quelque chose qu'il ne voulait pas que je te dise mais qu'il faut quand même que tu saches. "

Souffle Poivré était enfin parvenu à retrouver un léger sourire qui s'imposait. Il s'agissait de la rassurer, de lui garantir qu'on allait lui redonner du courage et de l'espoir. Enfin, il avait trouvé le ton juste. Ouf.

" Ça t'étonnera peut-être, mais ton papa et moi, on se connaissait un peu. "

Spoiler:

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MessageSujet: Re: Humeurs nocturnes, ft Poivrouuuu - end    Humeurs nocturnes, ft Poivrouuuu - end  Empty11.04.20 19:18

Elle se sentait coupable, de le réveiller en pleine nuit. Mais elle n'avait pas su vers qui se tourner autrement. Dans un serment silencieux, ils s'étaient jurés de toujours veiller l'un pour l'autre, de ne pas l'abandonner quelles qu'étaient les circonstances. Cette relation que certains ne comprendraient sûrement pas, entre un asocial et un rayon de soleil sur pattes, elle l'adorait. C'était vraiment le seul avec qui elle pouvait se confier, avoir des coups de folie sans qu'il ne la juge. Elle pensait tout savoir sur lui, même s'il avait du mal à dévoiler ses défauts. Il avait tant de mal à s'ouvrir, à voir le côté positif de la vie, et ça lui faisait mal, à elle. Parce qu'elle savait qu'il valait mieux que ça. Il avait un cœur énorme, des petits défauts mais tant de qualités !

Elle l'entendit trottiner, sortant de la tanière en digne guerrier, les yeux écarquillés mais encore bouffis de sommeil. Il semblait d'assez bonne humeur, et Eclat de Crépuscule sourit à son approche, les yeux brillants, heureuse de le voir sourire. Il allait être son soleil de la nuit.
"Salut Crépule ! Tu... On dirait que quelque chose ne va pas."

A l'entente de ce surnom venu d'antan, elle lâcha un petit ronronnement à moitié amusé. Puis bien vite sa nature du moment reprit le dessus, et son sourire s'effaça brusquement. Sans avoir besoin de dire un mot, elle attendit silencieusement, jusqu'à ce qu'il reprenne, désolé : "C'est fou ce que je suis bête. Tu repenses à Étoile Tropicale. J'aurais dû venir te voir, je suis désolé. Tu sais, j'y ai pensé, mais…"

Elle hocha la tête alors qu'il lui léchait l'oreille, et s'appuya contre lui, toute petite qu'elle était. Elle s'abandonnait à ce contact si réconfortant. Il l'épaulait comme elle l'avait toujours été pour lui, un retour de la médaille qu'elle n'aurait jamais pensé. Elle s'était toujours crue trop heureuse pour avoir des baisses à ce point, et voilà qu'Etoile Tropicale avait lâché son dernier souffle.
Un peu intriguée par ce changement de ton, le doute insinué dans la voix de son meilleur ami, la rouquine releva la tête, et s’écarta un peu. Essayant de trouver dans ses yeux une réponse, elle le fixait silencieusement, curieuse. Cette petite pointe de suspense lui faisait le plus grand bien, se doutant qu’elle ne pourrait pas retomber plus bas. Ainsi avait-il un petit secret à lui dévoiler. Avait-il une compagne ? Non, il lui aurait parlé de ses sentiments avant. Et puis ce n’était pas le moment. Elle était dans le deuil. Silencieusement, elle lui lança un regard curieux, à l’affût de sa réponse.
"... Mais en fait, eh bien… Maintenant qu'il est parti je me dis que peut-être, c'est... c'est le moment de te dire quelque chose qu'il ne voulait pas que je te dise mais qu'il faut quand même que tu saches."

Oui ? Elle avait bien compris qu’il ne savait pas trop quoi dire, qu’il hésitait à lui dévoiler ce secret. Pourquoi le dire maintenant ? Pourquoi buter à chaque mot alors que c’est ce qui lui avait manqué avec son père. Elle ne comprenait pas ce qui lui prenait. Il avait toujours été très franc, même si parfois, effectivement, il hésitait à lui dire ce qu’il ressentait. Sachant qu’il ne se résoudrait pas à parler plus vite si elle le forçait, elle continuait de se taire, le laissant à son monologue d’hésitation intérieure seul.


Après un sourire un peu embarrassé mais certain, il avait dit ça. La rouquine se leva, étonnée. Elle n’était pas outrée, même un peu heureuse. Heureuse de pouvoir ne pas être seule à pleurer sa mort cette nuit-là, heureuse de voir que ces deux êtres qui lui étaient si chers n’étaient pas des inconnus. Oh, qu’elle aurait aimé les voir parler, peut-être même rire ensemble, s’amuser. Et pourquoi pas faire des patrouilles tous les trois. Mais désormais, c’était foutu. Ils ne pourraient plus jamais. Du trio ils n’étaient plus que deux.
« Je … Merci, Poivre, mais tu n’as pas à être désolé. Ca fait du bien d’être seule parfois. Mais là j’avais besoin de toi. »

Elle chuchota ces mots avec la même sincérité, puis se leva, frôla le flanc de Souffle Poivré avec sa queue, et s’engagea hors du camp. Elle ne se sentait pas vraiment en sécurité, avec la Lune à moitié dissimulée et les étoiles qui se cachaient.
« Comment ça, tu connaissais mon père ? »

Elle fit encore quelques pas, comme hagarde, et lui lança un regard presque apeuré.
« Il me manque tellement ! »

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MessageSujet: Re: Humeurs nocturnes, ft Poivrouuuu - end    Humeurs nocturnes, ft Poivrouuuu - end  Empty11.04.20 22:58

« Je … Merci, Poivre, mais tu n’as pas à être désolé. Ca fait du bien d’être seule parfois. Mais là j’avais besoin de toi.
- Eh bien je... »
il venait d'entendre ce chuchotement qui le ferait rêver longtemps, il y avait là des mots qui l'envahissaient d'un soulagement et d'un plaisir incroyables, mais le jeune guerrier se souvint qu'il devait garder le fil, que c'était à lui d'aider sa belle et pas l'inverse. Il reprit, plus résolu, encourageant : « Tu as eu raison de venir, alors. »

Il s'agissait presque d'une promesse, mais à cet instant, Souffle Poivré n'était pas comme à son habitude. Tout était différent, quand elle était là. Il se trouvait déterminé, intrépide, conscient qu'il devrait absolument être à la hauteur. Il la suivit sans trop s'éloigner d'elle, jusqu'au-delà du camp. Dans un endroit plus paisible encore où ils pourraient bavarder. Le ciel était toujours voilé, on ne discernait plus les couleurs ni les formes : rien n'était plus perceptible à part les mouvements et les chauds battements de leurs cœurs.

L'inquiétude n'avait pas quitté Éclat de Crépuscule, elle restait troublée, nerveuse, tout ça se sentait. Ce serait à lui de prendre soin d'elle. Il se demanda pendant leur courte marche s'il valait mieux qu'il reste tout près d'elle ou s'il ne faudrait pas plutôt la laisser décider de la distance qui convenait. Ce serait idiot que je l'effraye en voulant la rassurer. finit-il par se dire. Il choisit donc, lorsque la belle s'arrêta, de rester simplement à côté d'elle, mais sans la toucher.

« Comment ça, tu connaissais mon père ? » questionna-t-elle en un souffle, et alors, il sembla à l'apprenti que quelque chose avait brillé dans son regard.

« Eh bien... », comme elle s'était remise à marcher, il avança lui aussi, sans s'éloigner d'elle : « Étoile Tropicale intervenait souvent, quand il y avait des bagarres d'apprentis. Histoire qu'on fasse la paix et qu'on apprenne à se faire confiance, quoi. Et puis, je sais pas comment dire, on voyait bien qu'il aimait tout le monde, tout ça, c'était important, pour lui.
- Il me manque tellement ! »
s'étrangla la rouquine, frissonnante. C'était comme si un vent froid l'avait gelée jusqu'aux os. Elle réalisait que la mort faisait de son père, fait de chair et de sang, un souvenir lointain. Souffle Poivré ne s'était jamais imaginé trouver un jour son propre père mort, mais il lui était déjà arrivé de sentir la violence de ce contraste. Le meneur avait disparu. C'était fini pour lui, tout simplement.

Réconforter une amie en deuil, ça signifiait pour lui parvenir à la tirer de cette épouvante. Il fallait l'entraîner du côté de la vie, du côté de l'avenir. Mais tout ça ne pouvait pas se faire en une nuit, cela prenait toujours du temps. Souffle Poivré avait entendu dire que beaucoup de guerriers s'étaient même métamorphosés pour toujours en perdant un être cher. Éclat de Crépuscule ne pouvait pas redevenir exactement la même qu'auparavant. Elle devait s'en sortir plus solide, plus endurante, plus vaillante. Il était là pour ça.

« On ne l'oublie pas, au fond. Et lui, même si je n'y connais rien à propos des Étoiles, je suis sûr qu'il ne nous oublie pas non plus. Comme je faisais beaucoup de grabuge, j'allais souvent le voir. Mais petit à petit, c'était lui qui venait me voir, de plus en plus souvent. Et tu sais ce qu'il voulait ? »

Ces souvenirs emplissaient Souffle Poivré d'une sorte de douce nostalgie. Il revivait ses entretiens secrets avec le chef, il revoyait ses yeux perçants si précisément dans la nuit qu'il se sentait à nouveau incapable de répondre à ses questions déconcertantes. Il se souvenait du grave regret qui avait habité la voix du défunt meneur et qui était peu à peu devenu une sorte de joie dissimulée.

« Au... au début eh bien... Au début il me demandait si tu m'entrainais bien, il trouvait ça... euh... préoccupant que je mette autant de bazar. Je lui disais que vous étiez bien d'accord, tous les deux, et que d'ailleurs tu me faisais les mêmes reproches que lui ! Je te jure que ça le faisait sourire à chaque fois. Il ne m'a jamais vraiment infligé de grosse punition, d'ailleurs ! Et après, de plus en plus souvent, eh bien... il venait juste pour me demander de tes nouvelles. Il fallait toujours parler de toi ! En fait, je pense qu'il pensait très souvent à toi, même s'il ne voulait pas vraiment que ça se sache. Il se faisait du souci pour toi. Je suis sûr que même en mourant il ne t'a pas oubliée. C'est quand même autre chose que le guignol qui me sert de père, qui ne doit même pas encore être au courant pour mon nom de guerrier ! »

Étoile Tropicale s'était même tellement fait de souci pour Éclat de Crépuscule que cela avait fini par inquiéter Souffle Poivré. Il avait longtemps craint que le clairvoyant meneur finisse par découvrir ses sentiments profonds et s'en indigner. Mais heureusement, il ne s'était jamais tellement intéressé à cet apprenti malodorant qu'il questionnait. Il ne demandait qu'à entendre parler de sa fille. Indirectement et bien malgré elle, elle était devenue le doux rayon de soleil qui avait réchauffé plus d'un univers intérieur.

« Alors tu vois bien qu'il ne te laissera pas tomber si facilement ! » conclut Souffle Poivré, avec un léger enthousiasme dans la voix. « C'est pas du tout son genre, de toute façon ! »

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Dernière édition par Souffle Poivré le 23.04.20 12:40, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Humeurs nocturnes, ft Poivrouuuu - end    Humeurs nocturnes, ft Poivrouuuu - end  Empty23.04.20 12:03

Le gris approuva de quelques mots sa demande de réconfort. Elle s'était sentie si seule, et voilà qu'il devenait un pilier pour elle. Il était tout ce qui lui restait, une étincelle de vie et d'amitié en ces temps où la Mort régnait. Elle était si fière de l'avoir forgé, lui, cette boule de colère, qui en voulait à tout le monde sauf à elle. Il l'avait trouvé au moment où il en avait eu besoin, où la solitude avait commencé à lui peser, et ils ne s'étaient plus quitté. Il était sa boule de lumière dans cette nuit sombre, un soleil qui brillait dans le noir total, son étoile alors que l'autre était montée en haut.
« Eh bien… Étoile Tropicale intervenait souvent, quand il y avait des bagarres d'apprentis. Histoire qu'on fasse la paix et qu'on apprenne à se faire confiance, quoi. Et puis, je sais pas comment dire, on voyait bien qu'il aimait tout le monde, tout ça, c'était important, pour lui.

Alors qu'ils se remettaient à marcher, la rouquine ne put s'empêcher de lâcher un petit rire. Poivre avait toujours été, malgré ses efforts à le remettre dans le droit chemin, un petit chenapan incapable de maîtriser ses pulsions colériques. Ils avaient eu tant de débats sur ce sujet, elle s'était toujours morfondue sur son sort alors qu'il ne semblait pas vouloir aller vers les autres. Comme si sa seule compagnie à elle lui plaisait.
Plus la nostalgie reprit le dessus, et elle se rappelait sa voix calme, posée, quand il réglait les petits conflits même des chatons qui se battaient pour une boule de mousse. Ca l'avait toujours amusée de le voir si proche de tous, comme s'il n'était pas forcément le chef mais un médiateur ami avec les anciens comme les apprentis. Poivre avait trouvé les bons mots, lui forgeant l'image qu'elle voulait avoir à jamais d'Etoile Tropicale. Elle ne voulait pas retenir sa xénophobie, ni sa colère quand il l'avait sauvagement griffé. Mais ce père embarrassé par ses actes, timide mais en même temps si aimant.
« On ne l'oublie pas, au fond. Et lui, même si je n'y connais rien à propos des Étoiles, je suis sûr qu'il ne nous oublie pas non plus. Comme je faisais beaucoup de grabuge, j'allais souvent le voir. Mais petit à petit, c'était lui qui venait me voir, de plus en plus souvent. Et tu sais ce qu'il voulait ? Au... au début eh bien... Au début il me demandait si tu m'entrainais bien, il trouvait ça... euh... préoccupant que je mette autant de bazar. Je lui disais que vous étiez bien d'accord, tous les deux, et que d'ailleurs tu me faisais les mêmes reproches que lui ! Je te jure que ça le faisait sourire à chaque fois. Il ne m'a jamais vraiment infligé de grosse punition, d'ailleurs ! Et après, de plus en plus souvent, eh bien... il venait juste pour me demander de tes nouvelles. Il fallait toujours parler de toi ! En fait, je pense qu'il pensait très souvent à toi, même s'il ne voulait pas vraiment que ça se sache. Il se faisait du souci pour toi. Je suis sûr que même en mourant il ne t'a pas oubliée. C'est quand même autre chose que le guignol qui me sert de père, qui ne doit même pas encore être au courant pour mon nom de guerrier ! »

La rouquine était étonnée par ces confessions. Autant elle était un peu outrée que Poivre ne lui en ai jamais parlé, lui qui n'avait été cachotier. Et puis, elle ne les avait jamais croisé ensemble. Un secret entre meneur et apprenti liés par elle. Ca lui faisait chaud au cœur, elle qui aurait tant aimé qu'ils se rencontrent ! Ils avaient fait le premier pas tous les deux, juste pour son propre bonheur à elle, pour qu'elle soit juste heureuse. C'était ses anges gardiens qui veillaient, l'un sur terre et l'autre dans le ciel, à sa manière.
Eclat de Crépuscule remua les moustaches, un peu émue. Ainsi son père avait cru qu'elle avait quelque chose à se reprocher dans l'éducation de cet idiot gris, qui avait causé tant de torts. Poivre n'avait jamais su se calmer, et finalement, heureusement. Etoile Tropicale avait pu profiter de ses sautes d'humeur pour se rapprocher indirectement d'elle, de tout ce qu'elle aimait. Qu'elle avait été pour lui une source de joie, d'inquiétude, comme tous les pères, lui réchauffa le cœur. Il l'avait, malgré les longs silences, malgré la terreur qu'elle avait ressenti, il l'avait aimé. Bien avant leur première discussion.
"Poivre ! Ca me fait très plaisir que tu lui ai parlé. Peut-être même plus que moi, d'ailleurs. Mais qu'importe, j'avais tellement souhaité que vous vous rencontriez, et c'est un désir qui s'est accompli grâce à vous deux. Tu ne sais pas à quel point ça me touche ! C'est fou comme tu peux être réconfortant, toi !"

Elle secoua la tête, alors qu'il reprenait, pour en tirer une conclusion très perspicace :
« Alors tu vois bien qu'il ne te laissera pas tomber si facilement ! C'est pas du tout son genre, de toute façon ! »

Elle soupira. Oh, qu'elle aurait aimé entendre ces mots de son vivant. Qu'elle aurait voulu voir cet embarras dans les yeux du meneur, alors qu'elle serait allée gentiment se moquer. Mais elle ne pouvait plus. C'en était fini de lui, de leurs discussions. Elle n'aurait plus qu'à imaginer ses réponses, dans un dialogue intérieur.
"J'espère … Mais Poivre, dis-moi ? J'ai cru comprendre dans ces explications que tu viens de me donner que, premièrement tu n'as pas écouté les leçons que je t'ai faites sur le Clan des Etoiles, et, deuxièmement, tu te battais encore quand j'étais … En arrêt ?

Son ton badin ne laissait pas présager que cet épisode, après la marque, l'avait bouleversée, et pourtant elle avait eu du mal à se défaire de cette sensation d'horreur à chaque fois qu'elle apercevait Poivre en vue avec ce vieux mentor qui avait du mal avec lui. Elle l'avait abandonné, alors que lui, jamais. Et ça la rendait coupable.

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MessageSujet: Re: Humeurs nocturnes, ft Poivrouuuu - end    Humeurs nocturnes, ft Poivrouuuu - end  Empty23.04.20 13:49

" J'espère … Mais Poivre, dis-moi ? J'ai cru comprendre dans ces explications que tu viens de me donner que, premièrement tu n'as pas écouté les leçons que je t'ai faites sur le Clan des Étoiles, et, deuxièmement, tu te battais encore quand j'étais … En arrêt ?
- Mais si, je t'écoutais ! "
Vent de panique. " Je t'écoute toujours, d'abord. " Il posait ça comme si c'était aussi vrai que "les proies se chassent ". Mais au fond, ce n'était pas si exact. Petit, on l'avait habitué à ne jamais prendre très au sérieux les sermons de sa cousine la guérisseuse ou de tous ceux qui faisaient sans cesse appel aux Étoiles. A ces discours succédait mécaniquement un rire, et ce rire sot avait freiné le développement de sa sensibilité par rapport à ces questions. Ce n'était que très tard qu'il avait compris qu'on ne pouvait pas rire indéfiniment de la mort, de cette mort qui avançait peu à peu et qui finirait un jour par le prendre lui aussi. Qui brave de la mort sentira ses fureurs.*

Souffle Poivré songea qu'il faudrait mieux ne pas désoler son mentor en lui peignant sa propre vie spirituelle. Dire qu'elle avait cru que j'absorbais tout sans rechigner... " C'est juste que je ne suis pas capable d'en parler aussi bien que toi. En tout cas... oui, à ce moment-là, je me faisais souvent remarquer. Oui... souvent... "

Même la canicule lui laissait un moins noir souvenir que ces longues semaines passées sans elle. Il s'était cru abandonné. Il n'avait jamais autant connu la solitude, et tout ce qui allait avec. Clan ou pas clan, quand on avait son caractère, on ne se sentait jamais entouré d'une masse d'amis, mais le peu d'amis qu'on avait prenait une importance beaucoup plus forte. Repenser à cette période suffisait presque à le faire déprimer. Quelque chose comme une larme se formait au coin de son œil, il se sentait tout tremblant, comme si son sang avait gelé sans qu'il s'en rendît compte.

Je suis idiot, de nous deux, ce n'était quand même pas moi le plus à plaindre. Si je me laisse abattre, c'est fichu, j'aurai encore raté. Je ne dois pas lui dire ça. Il faut la faire sourire.

Souffle Poivré avait découvert grâce à cette absence que ses périodes sombres se superposaient à peu près exactement avec les heures d'égarement de Crépuscule. Il avait aussi appris le prix infini de la sollicitude. Il était temps que cela s'inverse. Qu'il soit plus fort que jamais à la moindre défaillance de sa belle, et qu'il ne puisse exprimer ses peines que lorsqu'elle serait assez solide pour les absorber.

" Tu n'as pas à t'en vouloir, tu sais. " reprit-il, la voix un peu tremblante. " Je suis sûr et certain qu'un de ses plus gros regrets est de t'avoir blessée un jour. Il a fait allusion à ça, une fois... pour me dire que ça finit toujours mal pour tout le monde, quand on se bat sans réfléchir. "

A cet instant, le jeune guerrier se battait contre lui-même. Le monde des souvenirs l'avait happé, mais son espoir était là, juste à côté de lui, et il n'aspirait qu'à surmonter tous les obstacles qui l'en séparaient. Cette nuit-là ne serait pas plus longue que les autres, et l'aurore lui succèderait une fois de plus.

" Au fond je ne lui mentais pas vraiment, vous vous ressemblez assez... Même si lui, il en imposait quand même vachement plus que toi ! "

Mi-canaille mi-élogieux, il songeait à ce don singulier qu'avait Étoile Tropicale pour réduire en poussière toute sa belle assurance avec quelques mots bien trouvés et un de ces regard perçants dont il avait le secret. Combien de fois avait-il craint qu'il devinât l'ampleur de ses désespoirs et de ses espoirs !

Spoiler:

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MessageSujet: Re: Humeurs nocturnes, ft Poivrouuuu - end    Humeurs nocturnes, ft Poivrouuuu - end  Empty05.05.20 18:59

Sa tentative d'humour lui fit du bien. Parler d'autre chose la libérait, elle et son cœur aplati, et lui permettait de prendre une bouffée d'air dans cette nuit si fraîche que c'en était agréable. Son cauchemar était presque oublié, et Etoile Tropicale était reparti dormir dans son antre, et Cobra Royal avait repris sa place de lieutenant. Le jour se lèverait demain, et ils partiraient chasser tous les deux, en rattrapant le temps perdu. Et pourtant elle était lucide, et savait bien que la douleur réapparaîtrait très vite, la rattrapant au tournant sans qu'elle ne sache comment ça faisait si mal.
La rouquine jeta un œil à Poivre, qui semblait bien mal à l'aise après sa blague. Son sourire serein avait laissé place à un regard fuyant. Elle aurait pu apercevoir son cœur battre furieusement vite sous sa fourrure, mais elle avait planté ses iris dans les siennes, même s'il ne la regardait pas vraiment. L'ombre d'un sourire flottait sur sa tête, détendue pour la première fois depuis un temps qui lui avait paru très long.
- Mais si, je t'écoutais ! Je t'écoute toujours, d'abord. C'est juste que je ne suis pas capable d'en parler aussi bien que toi. En tout cas... oui, à ce moment-là, je me faisais souvent remarquer. Oui... souvent... "

Eclat de Crépuscule se détourna, secouant la tête. Ah, elle l'avait emmené dans son gouffre, en sachant qu'il était fragile. Elle l'avait fait tomber avec elle, comme s'il ne méritait rien. Alors que pour elle, il avait tout été pendant ces lunes ensemble, à arpenter les terres et à se disputer, à rire de tout et de rien et à s'engager dans des discussions qui n'avaient aucun sens pour les autres. La Marque avait été un tournant dans sa vie, et elle l'avait injustement relégué au second plan. Malgré le temps qui s'était écoulé, la blessure restait aussi sanguinolente, et elle ne parvenait pas à tourner la page, ni même à s'excuser. Les bouleversements s'enchaînaient les uns aux autres, lui prenant ces êtres chers et cette force qu'elle avait auparavant eue.
" Tu n'as pas à t'en vouloir, tu sais. Je suis sûr et certain qu'un de ses plus gros regrets est de t'avoir blessée un jour. Il a fait allusion à ça, une fois... pour me dire que ça finit toujours mal pour tout le monde, quand on se bat sans réfléchir. "

Comme s'il ressentait cette douleur qui vivait en elle, il essayait de trouver les bons mots pour la réconforter. La petite féline, qui se sentait actuellement plus faible qu'un grain de poussière, apprécia drôlement cette sollicitude.
"Merci Poivre. Mais je voulais quand même que tu saches que je suis désolée de t'avoir abandonnée pendant ce temps. J'étais très mal, mais j'ai été égoïste de penser que j'étais la seule. Quoi que je fasse, j'avais blessé, alors …"

Elle soupira, un peu rassurée. Il devait savoir au fond de lui qu'elle avait pensé ces mots mille fois, mais les dire, les entendre de sa propre langue lui faisait un bien fou. Voilà, une chose était réglée, pour redémarrer et reprendre le cours de sa vie. Même s'ils ne s'étaient jamais disputé pour ça, ses sentiments étaient mis à plats, et ça lui fit un grand bien mentalement.
Son meilleur ami reprit, la voix bien plus moqueuse, comme pour effacer tous ces beaux mots. Elle n'avait jamais été adepte de ces discours doux qui lui faisaient, selon elle, plus de mal que de bien. Elle préférait l'amusement, la joie et les fous rires. C'était ce qui la caractérisait davantage.
" Au fond je ne lui mentais pas vraiment, vous vous ressemblez assez… Même si lui, il en imposait quand même vachement plus que toi ! "

Elle le rattrapa en quelques foulées, l'œil étincelant. Elle avait bien perçu cette voix presque intimidée qu'il avait quand il parlait de son père, et ça la touchait. Mais pour rien au monde elle ne voulait parler de lui, alors qu'elle était bien décidée à oublier un peu, et s'amuser. Et surtout faire regretter à Poivre ce qu'il venait de dire.
Eclat de Crépuscule lui donna un coup de tête affectueux dans le cou, avant de, sans qu'il ne s'en doute, le bousculer violemment, avec toute la force qu'elle disposait en cette nuit noire. Elle s'approcha de lui, narquoise, et lui glissa presque langoureusement :
Tu as toujours été flippé que je me batte vraiment contre toi. Et je te rappelle qu'il y a à peine deux minutes, tu tremblotais parce que tu avais peur que je découvre que tu n'écoutais rien à mes paroles sur les Etoiles, mon petit bonhomme."

Puis elle s'éloigna d'un bond, et trottina. Les hautes Landes leur appartenaient ce soir. Tout en haut, une petite étoile brillait. Dans son for intérieur, la rouquine était persuadée que c'était son père qui s'était illuminé pour elle. L'espoir renaissait.

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MessageSujet: Re: Humeurs nocturnes, ft Poivrouuuu - end    Humeurs nocturnes, ft Poivrouuuu - end  Empty05.05.20 21:21

Spoiler:

" Merci Poivre. Mais je voulais quand même que tu saches que je suis désolée de t'avoir abandonnée pendant ce temps. J'étais très mal, mais j'ai été égoïste de penser que j'étais la seule. Quoi que je fasse, j'avais blessé, alors … "

C'était bien vrai, qu'elle avait des petits airs de son père. Elle ne pouvait pas s'en rendre compte, bien sûr, mais tous deux avaient quelque chose de vibrant lorsqu'ils étaient traversés par le regret. On l'entendait, et c'était si beau à entendre qu'on ne pouvait tout simplement pas douter de leur sincérité ni ne pas s'en émouvoir. Souffle Poivré ne connaissait personne d'autre qui lui faisait cet effet-là, et d'ailleurs, il était convaincu d'être d'un bois tout à fait différent. Lui, il n'avait pas le sentiment d'avoir souvent ému les autres, et encore moins de les avoir émus par sa franchise.

Au fond, il ne s'imaginait pas pouvoir aimer quelqu'un d'autre aussi fort qu'il l'aimait elle. Il ne pouvait pas y avoir quelqu'un sur terre qui fût capable, comme elle, d'estomper tous les nuages et d'illuminer le ciel même à l'approche de la nuit froide et glacée. Souffle Poivré ne pensait pas avoir à se reprocher un quelconque manque d'imagination : n'était-ce pas normal d'être aveuglé lorsqu'on avait l'étrange chance de côtoyer une aussi éclatante guerrière ?

" Tu as toujours été flippé que je me batte vraiment contre toi. Et je te rappelle qu'il y a à peine deux minutes, tu tremblotais parce que tu avais peur que je découvre que tu n'écoutais rien à mes paroles sur les Etoiles, mon petit bonhomme.
- Tu oserais insinuer que tu me fais peur ? "
polichinella-t-il avec une colère purement théâtrale, avant de surenchérir dans l'art de la fausse affectation : " Sache que même dans cent lunes, tu ne trouveras jamais plus un apprenti aussi exceptionnel que moi. Admire plutôt : j'étais la patience incarnée ! " (il levait la tête et se dandinait d'un façon grotesque pour rendre encore plus amusant son petit numéro, en feignant d'ignorer les réactions de sa belle amie) " La preuve, c'est que je t'ai supportée jusque là ! Alors ne m'en veux pas si j'essaye de te convaincre que tu étais bien digne d'un génie de mon acabit. Je mentais peut-être en disant que tu m'intéressais tant, mais c'était par délicatesse, sois-en sûre ! "

Il avait fini à temps sa réplique, et c'était heureux pour lui car il avait bien du mal à garder son air faussement indigné tant il avait envie de rire. Il fallait bien dire que sortie de sa bouche, la "délicatesse" était un peu comme le "charisme" sorti de la bouche de son oncle Crocs Nacrés. La bonne humeur d'Éclat de Crépuscule était par bonheur plus contagieuse que toutes les maladies, et il avait besoin de son regard amusé pour pouvoir trouver, quelque part dans le monde, un havre de paix authentique, une délivrante légèreté, un lieu où exercer son si méconnu sens du drame. Elle était son inspiration et faisait de lui une sorte de mauvais poète qu'il n'était jamais mécontent d'être :

" Comment peux-tu rire, je n'ai jamais été plus sérieux de toute ma vie ! " fit-il mine de s'indigner. Plus il avançait dans ses mensonges éhontés, plus il se sentait capable de déplacer des montagnes et de décrocher la Lune. Dans sa fanfaronnade, il s'inventait désormais au cœur de quelque invraisemblable mélodrame : " Ah ça ! Hélas ! Je ne le sais que trop ! Vous en riez bien, de la délicatesse, vous ! Je suis le seul être délicat qui existe sur cette terre ! " De très grossiers trémolos achevaient de faire de sa parodie de complainte un véritable numéro de clown comme Éclat de Crépuscule avait pu seule, et en exclusivité, en écouter quelques-uns. " Si tu avais été délicate, tu aurais au moins fait semblant de me croire ! " fit-il semblant de lui reprocher, mais alors qu'il s'apprêtait à enchaîner avec une autre de ses grimaces verbales, il s'arrêta.

Un remarquable gargouillis d'estomac retentissait dans la nuit noire.

" Plus délicat que moi, on meurt. " conclut-il, avec un air un peu dépité, comme si cette agitation de ses tripes venait de saboter sa plus brillante allocution.

Un bourdonnement lui frôla l'oreille presque aussitôt après, ce qui le fit vivement sursauter. Un coup de patte dans le vide ne tua pas l'insolent responsable. " Fichu scarabée. Ça faisait longtemps que j'en avais pas vu. " L'incident le vexait un peu, ça s'entendait. De quoi j'ai l'air, moi, à bondir pour si peu juste quand elle est là.

Mais pourtant, à quoi bon se renfrogner ? Ce scarabée n'était-il pas un signe des plus doux ? Enfin, l'hiver était fini ! Souffle Poivré s'apprêtait à vivre son deuxième printemps. A la même époque, autrefois, cette même rouquine lui avait prédit un brillant avenir de chasseur de scarabées. Encore une promesse en l'air, à n'en point douter !

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MessageSujet: Re: Humeurs nocturnes, ft Poivrouuuu - end    Humeurs nocturnes, ft Poivrouuuu - end  Empty15.05.20 19:02

- Tu oserais insinuer que tu me fais peur ? Sache que même dans cent lunes, tu ne trouveras jamais plus un apprenti aussi exceptionnel que moi. Admire plutôt : j'étais la patience incarnée ! La preuve, c'est que je t'ai supportée jusque là ! Alors ne m'en veux pas si j'essaye de te convaincre que tu étais bien digne d'un génie de mon acabit. Je mentais peut-être en disant que tu m'intéressais tant, mais c'était par délicatesse, sois-en sûre ! "

Eclat de Crépuscule l'observait d'un œil étonné, presque choquée devant tant de vantardise. Autant chez Serres d'Epervier, cela paraissait presque normal, le rendait plus doué encore, autant chez Poivre, toutes les qualités qu'il s'était trouvées se rendaient mutées en défauts. La patience se transformait en mollesse, et l'exception en désespération.
Il avait comme oublié ces heures à se lamenter, à perdre sa confiance en lui. Et étonnamment, même si elle avait tant galéré pour lui faire passer ce fichu baptême, qu'il s'étaient embrouillés mainte et mainte fois, presque crié dessus et menacé, ça lui manquait. Il n'y avait plus ce sentiment d'obligation, et ça la délestait d'un poids, de partir patrouiller avec lui le cœur léger, sans regarder et critiquer sa posture et sa discrétion, mais ils avaient un objectif commun : se battre ensemble pour le voir la rejoindre dans la cour des plus grands. Comme ça lui avait semblé presque impossible, avec tous les obstacles sur leur route, mais finalement le temps était meilleur. Les morts ne la touchaient pas, elle menait une tranquille existence avec ses amis. La vie lui était plus ensoleillée.

Mais sa première surprise passée, elle éclata de rire. Le ton de la conversation était léger, presque badin. Les horreurs de son cauchemar s'estompaient peu à peu, et dans sa tête seuls résonnaient les échos des mots de Poivre. Ils n'étaient que tous les deux, elle et lui dans cette nuit noire, à mutuellement chercher à faire sourire l'autre. A s'amuser, retrouver ces plaisir d'antan, et il s'avérait que le gris était celui qui la connaissait le mieux. Il fallait qu'elle rit pour oublier. Il fallait lui occuper l'esprit pour qu'elle arrête de penser.
" Comment peux-tu rire, je n'ai jamais été plus sérieux de toute ma vie ! Ah ça ! Hélas ! Je ne le sais que trop ! Vous en riez bien, de la délicatesse, vous ! Je suis le seul être délicat qui existe sur cette terre ! Si tu avais été délicate, tu aurais au moins fait semblant de me croire !

La rouquine qui s'était assise l'observait dire n'importe quoi, fanfaronner comme jamais elle ne l'avait vu. Elle ne savait pas vraiment expliquer ce comportement loufoque, mais en même temps qu'elle secouait la tête, elle riait encore.
"Tu es complètement fou ! Fou, pas délicat, fou ! Je ne comprends pas la moitié de ce que tu me dis, mais ça a l'air complètement idiot !"

Mais malgré ses mots, elle put entendre le gargouillis qui sortait du ventre de son meilleur ami. Un sourire presque mesquin sur le coin des lèvres, elle l'observa piteusement abandonner tout ce qu'il venait de lui conter avec joie. Une grimace déçue vissée sur le visage, il n'aperçut pas l'énorme insecte qui venait vers lui, bourdonnant pourtant avec force : " Fichu scarabée. Ça faisait longtemps que j'en avais pas vu. "
Remuant les moustaches, toujours souriante, Eclat de Crépuscule apprécia de le voir redevenir comme il l'avait toujours été. Grognon, mais attachant. Elle était presque l'une des seules à voir les côtés positifs chez lui, mais au moins elle les avait en exclusivité, rien que pour elle. Oh, ce n'était pas de l'égoïsme, elle aurait aimé que d'autres voient à quel point il était merveilleux, mais grâce à cela, leur lien n'en était plus que fantastique encore.
"Je croyais que tu n'avais peur de rien ! A moins que tu sois tellement délicat que ce sursaut était fait exprès, pour que le scarabée ait pensé qu'il t'avait effrayé. Hum, oui, ça doit être ça. Tu es si délicat et généreux, après tout !"

La petite féline se releva, s'approcha de lui et lui donna un coup de tête dans l'épaule. Elle finissait de se diriger vers les hautes landes, s'engouffrant dans un des chemins forgé au fil des passages dans les hautes herbes. Un brin moqueuse, elle se détourna vers lui, et ricana :
"Tu es tellement fou que je me demande pourquoi on t'a passé guerrier. Tu aurais mieux fait de rester avec les chatons, tu aurai été à ta place ! Viens donc me prouver que tu as des capacités en aller nous chasser une proie. Il me semblerait que tu as faim, non ?"

Sans attendre sa réponse, elle partit plus rapidement, au petit trot.

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MessageSujet: Re: Humeurs nocturnes, ft Poivrouuuu - end    Humeurs nocturnes, ft Poivrouuuu - end  Empty15.05.20 19:53

Il se doutait un peu qu'elle ne les louperait pas, le scarabée et lui. Il s'était déjà préparé à prendre un air indigné, comme s'il était le témoin très choqué d'une spectaculaire mesquinerie :

" Je croyais que tu n'avais peur de rien ! A moins que tu sois tellement délicat que ce sursaut était fait exprès, pour que le scarabée ait pensé qu'il t'avait effrayé. Hum, oui, ça doit être ça. Tu es si délicat et généreux, après tout !
- C'est si vrai ! "
, surenchérit-il, la voix gaie, l’œil amer.

Il était en train d'admettre qu'il était fantaisiste, grotesque, ridicule, de voir en lui autre chose qu'un stupide égoïste, sous les yeux de celle qu'il voudrait plus que tout convaincre du contraire. L'humour, c'était agréable, mais ça éloignait tant les choses importantes ! Il faudra pourtant bien, un jour, que j'arrive à lui parler franchement, sérieusement. Que je m'ouvre devant ses yeux. Pas aujourd'hui, surtout pas... mais un jour.

" Tu es tellement fou que je me demande pourquoi on t'a passé guerrier. Tu aurais mieux fait de rester avec les chatons, tu aurais été à ta place ! Viens donc me prouver que tu as des capacités en allant nous chasser une proie. Il me semblerait que tu as faim, non ? "

Elle s'éloigna vite, pas beaucoup moins folle que lui. Un défi pareil ne se refusait jamais, même à une heure aussi extravagante. L'aube ne pointait toujours pas, et même si la vision nocturne des chats était plutôt très développée, même si les proies sortaient bien plus facilement la nuit, il demeurait ardu de se contenter d'aussi peu de lumière. Surtout quand son Crépuscule était encore un peu là. Son odeur était restée, ses derniers mots retentissaient sans qu'il soit possible d'oublier comment elle les avait dits... Elle s'était peut-être éloignée, mais pour lui, elle était encore trop présente pour ne pas retenir son attention.

Elle n'a rien besoin de faire pour me happer hors de la réalité. Un jour, il faudra, il faudra que je lui dise que...

Une petite souris l'avait entendu avancer et s'était cachée dans son trou. Tout près de lui. Ça lui semblait anecdotique, il n'était plus un chasseur.

... je l'aime.

Ce ne fut qu'après qu'il trouva du temps pour être déçu. Et encore, pas si déçu. Il me semblerait que tu as faim, non ? Les mots le hantaient. Il rejoignit sa belle, un peu rêveur.

" Tu sais, j'ai pas si faim... " Inutile aveu, pouvait-on avoir besoin d'autre chose que de sa présence ? " Je n'ai pas l'habitude de manger la nuit. Ça me fait penser que toi, tu ne mangeais jamais beaucoup. Mon génie te coupait l'appétit ? "
Il était audiblement railleur, mais il baissait la voix. La suite n'était plus qu'un chuchotement : " T'as peut-être raison, j'aurais dû rester ton apprenti plus longtemps... Ça doit terriblement te manquer... "

Il se sentait parfois capable de tant de hardiesse... Mais pour l'heure, tout cela devait rester de l'humour. Il fallait paraître malicieux, impertinent, taquin. L'heure était à la détente, les sujets sérieux attendraient...

Combien de temps ?

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Dernière édition par Souffle Poivré le 15.05.20 22:10, édité 3 fois
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