Plongeon direct [PV Rossi] - abandon

Il était là, dans son collimateur, assis, en train de grignoter une petite graine ou de la mousse, quelle importance puisqu’il était si occupé à se remplir la panse qu’il ne l’avait même pas remarqué en train de repter sous les fougères, le prédateur ; insouciante petite bestiole, il était fait comme un rat, son appétit autant que son imprudence, celle de s’approcher si près d’un camp rempli de chats pour se nourrir, l’avait conduit à sa perte et bientôt, oui bientôt, il fera à son tour la pitance d’un matou, et la boucle serait bouclée, oui, les pattes arrières prêtes à pousser, à s’élancer, une, deux, tr...

“Aaaaah.... Aaaaah ! Quelqu'un ?! A moi !”

“Hein !? Quoi ? Non !! Mais non !!”

Et le lérot s’enfuit, plus prompt que le vent, et se glissa sans aucune difficulté sous les feuillages et les ronces impénétrables, sans laisser aucune chance à son prédateur de l’attraper. Nuage de Rossignol donna un furieux coup de patte sur le sol de la forêt. Celui qui avait causé son échec allait le payer cher ! Elle avait passé la matinée toute entière à chercher quelque chose pour nourrir son clan, sans succès, et enfin lorsqu’elle avait flairé sa première proie, voilà qu’on la lui arrachait sous le museau par des cris à réveiller les chouettes et les hiboux !

“Qui est là ! Oh, tu ne vas pas t’en tirer comme ça !” s’écria-t-elle, furieuse -elle était déjà, à la base, un peu sur les nerfs, et c’était bien la première fois qu’elle perdait son sang froid. Il faut dire que les fois où elle n’avait rien ramené au camp avaient été rares -tout le mérite revenait, bien sûr, à la saison des feuilles vertes. Elle avait donc placé la barre assez haut, au point de se mettre une pression incroyable et inutile sur les épaules. Du haut de ses quelques lunes, elle galopa en direction de la ravine, le poil ébouriffé. Mais alors qu’elle cherchait le malheureux du regard, prête à en découdre, elle entendit d’autres cris et s’aperçut qu’il y avait quelque chose d’anormal. C’était un appel de détresse. Elle se pencha au-dessus de la ravine et c’est là qu’elle le vit, celui qui lui avait fait rater sa chasse : Tête de Chêne, accroché à une branche, sur le point de chuter dans un recoin de la ravine qui ne pardonnerait pas. Toute sa colère se volatilisa et, le pelage plaqué contre sa peau, un peu angoissée, elle appela :

“Tête de Chêne ? C’est bien toi ? Que fais-tu là ! Attends… arrête, ne bouge plus ! Ne bouge plus du tout ! Tu peux t'immobiliser ?”