Préoccupant [pv Goujon] - end

Normalement, les chatons n'avaient pas le droit de sortir de la pouponnière.

Petit Chardon le savait. Et il n'aimait pas du tout se faire disputer. Ce désir de ne pas se faire rabrouer aurait pu faire de lui un chaton sage, mais, au contraire, ça le poussait plutôt à filouter. Trouver des combines, des trucs pour désobéir, mais pas vraiment.

Sa dernière trouvaille, c'était de sortir de la pouponnière de seulement quelques poils de moustaches. Si on lui demandait ce qu'il faisait dehors, il pourrait toujours dire que sa queue était toujours dans la pouponnière ! Ah ah !

De toute façon, il avait des choses plus importantes en tête que les règles idiotes des grands.

Comme le futur, par exemple.

Bientôt, il y aurait les évaluations. Et, après ça, la cérémonie pour devenir apprenti. Et, encore après ça, la période d'apprentissage, tout seul avec un guerrier, un mentor, pour recevoir l'éducation pour devenir guerrier. Et après-

Sentant le familier malaise lui tomber lourdement dans l'estomac, Petit Chardon remua nerveusement sur place, le poil se hérissant déjà à la simple pensée de toutes ces nouvelles épreuves. Ça avait l'air compliqué. Il n'en avait encore parlé à personne, de cette espèce inquiétude qui planait sur lui depuis qu'il avait compris que, dans un futur a priori proche, tout allait changer dans son petit train train quotidien. Bien sûr, il avait bien envie d'aller voir à quoi ressemblait le monde en dehors de la pouponnière.

Mais.

Mais mais mais.

Est-ce que ça devait arriver si vite?

Le chaton se hérissa un peu plus, jetant un regard mauvais à la pouponnière derrière lui. C'était si injuste. Pourquoi était-il le seul de sa portée à psychoter comme ça sur le futur? Est-ce que les autres ne s'inquiétaient pas, juste un petit peu? Son regard courroucé se porta alors sur le reste du camp, et sur les quelques chats qui vaquaient à leurs occupations sans remarquer son petit orage intérieur.

Il était tout seul et tout énervé, et c'était pas juste !

Personnage loué : Goujon Tranquille (il s'exprime en couleur nuage )

Goujon Tranquille traînait derrière lui quelques casseroles, comme tout le monde. L'épidémie qui avait frappé rudement le Clan de la Rivière l'avait vu bizarrement distant et renfermé. Il était, comme sa mère, de ceux qui n'aimaient pas côtoyer des malades. Lorsqu'on le savait et qu'on entrevoyait la profonde fidélité qui le liait à sa sœur Aube Orangée, on connaissait à peu près les seules motivations stables de ce guerrier au long pelage tigré.

Pour le reste, il était on ne pouvait plus malléable.

Alors que Goujon Tranquille avait entendu dire que les petits-enfants de Pluie Battante, son parrain, seraient prochainement évalués, il s'était surpris à penser qu'il ne les avait pas vus depuis un certain temps. Les chatons grandissaient vite, et peut-être avait-il négligé un de ces devoirs informulés que pouvaient avoir les guerriers fiables envers la descendance de leurs proches disparus.

Il se trouvait alors dans la tanière des guerriers, et ni sa sœur ni aucun de ses amis ne lui avaient l'air de déborder d'énergie. Ils sont trop fatigués pour avoir envie de passer du temps avec moi, constata-t-il sans tristesse.

Parfois, il se résoudait à accepter que sa présence n'était pour ceux qu'il aimait le plus au monde qu'un poids encombrant. Il leur donnerait sa vie sans hésiter, mais c'était simplement de calme qu'ils avaient généralement besoin. Les mortels aiment souvent se complaire dans leurs problèmes, il est bien difficile lorsque vous êtes l'un de leurs de leur faire comprendre que vous pouvez les en sortir.

Il n'avait eu à la base qu'une modeste intention : parcourir du regard, dans sa promenade, l'intérieur de la pouponnière, mais le petit qu'il trouva là où il s'apprêtait à passer l'intrigua. Le devançait-il ? Cherchait-il lui aussi les descendants de Pluie Battante ? Vu sa position, c'était plutôt l'inverse : il devait à sa manière guetter l'extérieur.

" T'es qui, toi ? T'es quand même pas Petit Chardon ?? " lui lança-t-il, après un de ces regard expressifs et indiscrets qu'ont les adultes lorsqu'ils veulent faire croire aux chatons qu'ils deviennent méconnaissables à force de grandir.

" Laisse-moi deviner... " reprit-il, léger comme un papillon. Il lui semblait revoir un de ses frères d'autrefois, puni, au même endroit, et sommé de rester à l'écart jusqu'à s'être calmé. " C'est une reine qui t'a mis là pour te rafraîchir les idées ? "

Goujon Tranquille était un éternel perdant, mais depuis plus de quarante lunes qu'il perdait, il prenait toujours autant de plaisir à jouer.

Petit Chardon sursauta presque à l'arrivée du guerrier, un peu trop perdu dans ses pensées pour voir le matou arriver pourtant juste devant lui. Il se retrouva pendant une poignée de secondes à cligner des yeux comme un idiot, parce que-

C'était qui, lui, déjà?

Il y avait TROP de chats dans ce clan, Petit Chardon avait l'impression de voir une nouvelle tête tout les jours. Au moins, il savait que c'était un chat de la Rivière, il n'était quand même pas bête ! C'était pas facile de dire ce que c'était, mais l'odeur du clan, il arrivait déjà à la reconnaitre. Enfin. Il n'avait jamais vu de chats ne faisant pas partie du clan pour comparer, en fait. Et si ce chat était un intrus?

Et puis le nom lui revint. Goujon Tranquille. Un des guerriers qui était déjà passé une fois ou deux à la pouponnière. Il avait l'air gentil, même si ses paroles avaient sonnées un peu trop comme des reproches à son goût. Est-ce qu'il l'accusait d'essayer de s'échapper de la pouponnière? Et, aussi, est-ce qu'il ne l'avait pas reconnu? Tout de même ! Il était le fils de leur chef, après tout, comment est-ce qu'un guerrier aux ordres de sa mère pourrait ne pas connaitre son nom?

Tout ragaillardit par ce sursaut d'orgueil, Petit Chardon bomba le torse:

"Bah oui, je suis Petit Chardon ! Et non, j'ai rien fait, d'abord !"

Ça sonnait peut-être trop comme si il s'énervait contre le guerrier. Reprenant un ton plus calme, le chaton ajouta:

"Je sors pas de la pouponnière, en fait. Je surveille le camp, c'est tout !"

Ça, c'était bien. Ça faisait sérieux 'je surveille le camp'. C'était quelque chose que les adultes faisaient, non? Ils montaient la garde, tout ça. Peut-être que Goujon Tranquille serait impressionné de voir qu'il pensait déjà à ces choses là.

Personnage loué : Goujon Tranquille (il s'exprime en couleur nuage )

" Bah oui, je suis Petit Chardon ! Et non, j'ai rien fait, d'abord ! " grogna le Chardon avec une spontanéité qui charma tout à fait Goujon Tranquille.

Les chatons qui l'ennuyaient le plus étaient ceux qui semblaient prendre plaisir à jouer aux timides.

" Je sors pas de la pouponnière, en fait. Je surveille le camp, c'est tout !
- Hmm, je vois... rétorqua le guerrier, perplexe mais bizarrement lumineux. D'habitude les chatons essayent de s'évader mais toi tu surveilles les frontières, au cas où... Si jamais quelqu'un essayait... d'envahir la pouponnière. "

Ce disant, il contourna le petit par le côté, en entrant à moitié dans la pouponnière. Il put apercevoir le reste de sa fratrie se reposer paisiblement. Inutile de chercher à les déranger.

Là encore, son cœur ne se serrait pas, mais sa tête semblait lui dire qu'il était de trop. Il se tourna, intérieurement embrouillé, en direction du petit mâle qui restait éveillé.

" ... Eh bien heureusement qu'ils peuvent compter sur toi dans leur sommeil. "

Petit Chardon pouvait penser que le Goujon se moquait de lui et ironisait. D'ailleurs, n'importe quel autre guerrier que Goujon Tranquille aurait intérieurement ricané en parlant de cette manière. Mais Goujon Tranquille, lui, espérait sincèrement par son attitude créer une sorte de jeu, se faire inviter, s'évader de cette prison ennuyeuse qu'était parfois son quotidien.

Généralement, ce genre de tentatives tout à fait maladroites n'aboutissait pas. Et il n'en tenait pas rigueur aux imperturbables. Goujon Tranquille n'était jamais rancunier. Sauf peut-être lorsque quelqu'un osait dire du mal d'Aube Orangée, sa sœur jumelle vénérée. Mais un pareil sacrilège n'avait rien de courant chez les nobles guerriers du Clan de la Rivière.

Il était bizarre, Goujon Tranquille. En fait, Petit Chardon était en train de se dire que son nom lui allait rudement bien. Il était... Calme. Et il n'avait pas l'air de se moquer de lui, non plus, le remerciant gentiment de monter la garde. Petit Chardon avait beau être jeune, il savait que sa contribution n'avait aucune importance - si des intrus déboulaient dans le camp, ce ne serait pas lui, petit chaton de quelques grammes, qui allait sonner l'alerte. Mais d'entendre le guerrier lui dire qu'il protégeait sa fratrie endormie en agissant ainsi...

C'était bizarre.

Et ça ramenait vite Petit Chardon a ses inquiétudes. C'était bien beau de jouer au guerrier montant la garde pour l'instant, mais un jour, ce serait pour de bon. Un jour pas si lointain, même. Et alors faire semblant ne suffira plus, et les gentils guerriers comme Goujon Tranquille seront sûrement moins patients avec lui... Et si il n'y arrivait pas, et si-

Sentant son poil se hérisser tandis que l'angoisse de penser au futur lui serrait la gorge, Petit Chardon cligna des yeux comme pour passer à autre chose. Changer de sujet ou même juste répondre aux compliments du guerrier aurait été pas mal, mais le chaton opta pour autre chose.


"C'est très bientôt qu'on sera apprenti, alors je m'entraine, tu vois?"

Levant le museau bien haut comme pour se donner de l'importance, il pointa la pouponnière de sa petite queue hérissée.

"Je vais plus passer mes journées à dormir ou jouer comme un bébé."

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Le petit ne tiltait pas immédiatement, il y avait comme un décalage. C'est normal. Il doit se demander ce que je viens faire ici, lui aussi. Dès lors qu'on ne lui confiait aucun travail, Goujon Tranquille n'était à sa place nulle part. Sauf peut-être auprès de sa sœur ou de sa mère lorsque l'une d'elles était d'humeur à bavarder, mais ces moments-là étaient de plus en plus rares. Aube Orangée arrivait à cet âge de la vie où les guerrières cherchaient à changer d'air sans vraiment oser l'avouer (surtout elle), et la patience de Perche Farouche semblait mise à l'épreuve lorsqu'elle voyait son Goujon de fils passif, bon seulement à jouer, travailler ou s'ennuyer. Toutes les deux l'aimaient pourtant profondément, mais il les agaçait aussi.

C'était souvent comme ça, l'amour. On ne pouvait pas être tendre tout le temps. La promiscuité était aussi quelque chose d'énervant, et on finissait tôt ou tard par identifier et par détester les petits défauts et les petites manies de n'importe qui. Les choses tenaient moins naturellement que parce qu'on avait généralement en soi une volonté forte pour les faire tenir.

Goujon Tranquille était perdu sous ce ciel gris, ne sachant trop vers où marcher ni que regarder. Et le petit le happa :

" C'est très bientôt qu'on sera apprenti, alors je m'entraine, tu vois ? "

Il lui rappelait un peu Nuage Gris. Ce Petit Chardon ne voulait pas non plus se détacher du monde. Plutôt le jeu que la soudaine disparition de tout élément solide sur lequel fonder sa posture.

" Je vais plus passer mes journées à dormir ou jouer comme un bébé.
- Assurément. Il faut bien leur montrer que tu en veux. " renchérit Goujon Tranquille.

Il se rendit compte qu'il parlait un peu comme sa sœur lui parlait souvent. Cela lui faisait un drôle d'effet. Comme si une pluie tiède et lourde lui éclaboussait les moustaches.

" Tu veux que je te dise une chose ? lança-t-il, plus jovial, plus joueur. Il se reconnaissait mieux lorsqu'il parlait comme ça et que sa queue balayait l'air avec force derrière lui. Je suis sûr que Pluie Battante, il est très heureux d'avoir un petit-fils comme toi. Plein d'énergie et de volonté. C'est important, tu sais. "

Peut-être que Pluie Battante n'avait jamais osé dire à Goujon Tranquille qu'il le trouvait trop placide, mais comment pourrait-il ne pas fondre sous le charme de ce petit qui, même pas apprenti, parlait déjà comme un grand ?

Petit Chardon était un peu surpris lorsque le guerrier mentionna Pluie Battante. C'était un nom qu'il connaissait, c'était certain. On lui avait même dit que Pluie Battante les avait déjà rencontre, lui et ses frères et sœurs, mais pas moyen de s'en souvenir. Ça avait du arriver quand ils étaient encore tout petits... Tout comme la disparition du guerrier, en fait. Un peu impressionné par cette mention d'un ancêtre pas si lointain, Petit Chardon prit une petite voix:

"Tu crois?"

Parce qu'il avait beau ne pas avoir de souvenirs de Pluie Battante, il n'était pas sûr que le guerrier serait ravi d'avoir un chaton dans son arbre généalogique qui a peur d'apprendre à nager, ou est pétrifié à l'idée de devenir apprenti... Un léger malaise s'empara du chaton, tandis qu'il s'imaginait ses illustres ancêtres, tous de fiers chats tombés au combat pour leur clan, penchés sur son cas depuis les Étoiles, honteux en le voyant échouer son apprentissage. Ça lui faisait un peu peur, en fait. Est-ce que les Étoiles pouvaient lire ses doutes et ses peurs dans sa tête? Et si elles le trouvaient déjà trop couard pour être un guerrier?

Le chaton se tortilla sur place, un peu mal à l'aise à l'idée d'avoir encore plus de chats qu'il risque de décevoir qu'il ne le pensait. Il fallait qu'il pense à autre chose. Il jeta un regard en coin à Goujon Tranquille. Le matou n'avait pas l'air perturbé par son soudain mutisme. Petit Chardon se demanda un instant quel lien avait pu unir le guerrier à Pluie Battante. Si il l'avait mentionné, c'est qu'ils devaient bien se connaitre...

"Je sais pas, quand je serais apprenti..." Il tiqua un peu sur ses mots, plus très sûr de là où il voulait en venir. "Enfin, ça risque d'être dur, non?"

Petit Chardon regretta immédiatement ses paroles. Il n'avait pas l'habitude de parler de ça. De ses inquiétudes. Il n'en avait jamais parlé à sa mère, et quand le sujet venait avec sa fratrie, il sentait bien qu'il était dans la minorité, les autres ne s'affolant pas vraiment à l'idée de devenir apprentis. Et il ne le connaissait pas vraiment, Goujon Tranquille, en fait. Il devrait peut-être encore changer de sujet...

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" Tu crois? " fit le petit.

Il fait son timide. s'attendrit à tort Goujon Tranquille devant sa petite bouille interloquée. Comment pourrait-il ne pas savoir qu'on aimerait tous avoir un petit qui lui ressemble ? Il lui répondit sans un mot, par un regard assuré et insistant. Il avait cette confiance généreuse qui semblait dire " J'en suis sûr. ".

Le temps semblait se couvrir et s’assombrir à chaque seconde. Goujon Tranquille ne tarderait pas à faire sa deuxième ronde de la journée en solitaire, mais il n'était pas pressé. Il se sentait captivé par ce chaton qui-bientôt-n'en-serait-plus-un.

" Je sais pas, quand je serais apprenti... Enfin, ça risque d'être dur, non ?
- Eh bien... certains adorent, d'autres moins... " répondit Goujon Tranquille avec un ton plus distant. Il restait cependant beaucoup plus léger et spontané que ne le sont généralement les guerriers auprès de chatons.

" Seulement, les Clans voisins ne nous demanderont pas notre avis quand ils attaqueront... Et quand tu seras grand, tu seras quand même content de savoir chasser. Tu pourras faire des petits cadeaux aux autres, de temps en temps, comme ça. "

C'était bien une des activités favorites de Goujon Tranquille. Il n'aimait pas tellement rendre visite à la tanière des anciens mais il lui arrivait d'offrir de quoi manger aux reines, de temps en temps. Ou à sa sœur. C'était souvent lui qui invitait ses camarades à venir partager une proie fraîche, et rarement on l'invitait. Certains guerriers se désespèreraient de vivre comme il vivait, mais peut-être pourtant puisait-il là le peu de fierté dont il avait besoin pour continuer sans hésiter.

Lui-même avait assez mal vécu son apprentissage, surtout au début. Il s'était senti un peu abandonné. Et pourtant, sa sœur ne l'avait jamais laissé tomber dans les moments difficiles. Elle, d'ailleurs, qui était son principal modèle, n'avait jamais manqué de mots pour dire l'importance qu'il y avait à devenir un adulte capable de se débrouiller et de bien servir le Clan.

" J'sens bien que tu vas te faire des amis qui ne te quitteront jamais... lâcha-t-il, songeur. Même s'ils ne doivent pas manquer ! "

Petit Chardon devait avoir tout un tas de camarades de jeux avec lesquels il faisait tout et n'importe quoi... Après tout, c'était le cas de la plupart des chatons. Goujon Tranquille n'était pas mal à l'aise quand il y pensait, et pourtant...

Ce que ça devait être gênant, d'être un chaton de cinq lunes face à ce regard vert qu'on pourrait croire inquisiteur.

Bon, au moins, Goujon Tranquille n'avait pas l'air de trop édulcorer ses paroles. A écouter certains des autres guerriers, devenir apprenti, c'était un honneur IMMENSE, quelque chose que tout les chatons attendaient avec impatience. Petit Chardon avait toujours senti que de remettre en cause cette honneur, c'était un affront. Alors bon, oui, le discours de Goujon était tout de même plutôt positif, mais il n'avait pas l'air d'en faire trop. En fait, il avait l'air honnête. Et les exemples qu'il utilisait, Chardon arrivait à se les représenter. Il cligna des yeux, un peu surpris. D'habitude, quand on parlait de sa future vie d'apprenti, il s'énervait vite, parce que d'y penser l'agitait trop...

Là, ça allait.

Bizarre.

"La chasse, oui, ça peut être bien je pense..." admit le chaton, la queue remuant légèrement à l'idée de ramener poissons et autres bestioles à son clan. "J'espère que j'y arriverais, juste."

Il leva la tête vers le guerrier, comme si il le voyait pour la première fois. Ce chat là ne payait pas de mine - contrairement à certains des plus grands et gros guerriers du clan, il n'était sûrement pas le plus fort à la bagarre. Pourtant, Petit Chardon se sentait déjà un peu plus rassuré, après avoir échangé ces quelques mots avec le guerrier.

"T'as pas trouvé ça trop dur, toi?" demanda-t-il en penchant la tête. "Apprendre à pêcher et tout, je veux dire."

Personnage loué : Goujon Tranquille (il s'exprime en couleur nuage )

Goujon Tranquille ne se demanda pas pourquoi le petit pouvait paraître surpris ou esquiver l'invocation de ses amis du futur et du présent. Il vivait l'instant présent en toute insouciance, pour le meilleur et pour le pire.

" La chasse, oui, ça peut être bien je pense... J'espère que j'y arriverai, juste. "

Goujon Tranquille accueillit ces "inquiétudes" qui lui semblaient affectées avec un hochement de tête gaillard, assuré et immédiat. Il voyait mal un petit aussi éveillé que Petit Chardon se débrouiller moins bien que lui-même autrefois.

" T'as pas trouvé ça trop dur, toi ? Apprendre à pêcher et tout, je veux dire.
- Oh... Personne m'en voudra si je te dis qu'on pouvait pas faire un apprenti moins à la ramasse que moi... Mais ce qui est beau, c'est que tôt ou tard, comme il faut le faire, on le fait ! "

Il n'était plus triste, quand il pensait aux souffrances du passé. Peut-être aurait-il aimé pouvoir témoigner davantage d'affection vis-à-vis de Nuage Gris, mais il ne l'avait jamais tout à fait pu. Je suis sûr que là haut, tu comprends que je pense à toi, mon frère.

" En fait, quand j'ai vraiment eu envie de devenir guerrier, je me suis mis à vraiment bien y arriver. Avant ça, je prenais peut-être les choses à la légère. "

Son mentor le lui avait pourtant souvent hurlé, mais il n'en était toujours pas sûr. Un petit sourire presque insolent se forma tandis qu'il se souvenait peut-être des moments les plus rebelles de son existence durant lesquels il avait osé, en pleurs, s'adresser grossièrement à son mentor qui le menaçait. Pour Ruse du Renard, un tel souvenir n'en serait même pas un. Il y avait des guerriers qui chatouillaient les limites de l'indignité beaucoup plus facilement que d'autres. Mais même dans la souffrance, Goujon Tranquille avait toujours eu beaucoup de mal à ne pas être docile et même relativement poli. C'était presque pour lui une question de propreté.

" Oui, quand j'y pense, mon mentor a dû en baver... Moi, pas tellement ! " conclut-il, tout joyeux.

Il était bien le seul membre du Clan à y croire !

" Et ta mère, tu crois qu'elle en bave avec vos bêtises ? " reprit-il avec la voix que prenait parfois Pluie Battante dans sa folle jeunesse.

Il se demandait bien si la tempétueuse fille de Pluie Battante était, éveillée, aussi démunie face à ses petits qu'elle semblait l'être, endormie. Sans doute pas.