Une visite au nid - {FEAT. Nuage Mordant} - abandon

Une visite au nid.

FEAT. Nuage Mordant.

Hors-RP :

Châtaigne Rousse, aux muscles engourdies, se tâte d'allonger ses membres dans un étirement sublime. Les mâchoires largement écartées, la langue recourbée à dévoiler la longueur de ses crocs, un bâillement sourd s'échappe des fonds de sa gorge ; à dire vrai, ce n'est ni le premier, ni le dernier. Combien de temps allait-elle encore rester ainsi, veillant sur cette larve rondouillette qui lui sert de fille ? Oh, ce qu'elle l'aime sa fille. Elle sera puissante, infaillible, grandiose. Pour dire vrai, le problème ne provient pas de moi. C'est qu'allongée là, immobile, elle s'engourdit. S'élancer dans la rivière à la recherche de poisson lui manque ; des instants de liberté incomparables pour elle. Et voilà qu'à la pouponnière, le temps semble figé. Pour moi, il s'agit là d'une réelle extase. Entre la peau tiède de la figure maternelle, son laitage nourissier ô tant bénéfique et garant de mon bon développement ; et ces coups de langues, ceux qui me recouvrent, me nettoient, me protègent. Un pan de l'infini, partagé entre mère et fille, tissu de pur bonheur. Oui, ou bien une prison contraignante et infâme.

Oh, il y a bien eu la visite très divertissante de ce chaton, Petite Myrtille. Excitée par ma venue, et la perspective de pouvoir enfin s'imposer comme figure plus âgée, elle avait criblée de questions Châtaigne. Cela avait réchauffé le cœur de la jeune mère, qui en avait profité pour discuter, imaginant à Neige la même ardeur que son aînée de trois lunes. Trop jeune pour le savoir, ni même pour m'en souvenir, seul demeure en moi l'épuisement, la chaleur et la faim liés à ma condition. Petite Myrtille risquerait sans aucun doute de revenir, tout comme d'autres viendront à leur tour ; il y a eu, en amont de ma naissance, de nouvelles têtes. Récemment nommés apprentis, la pouponnière n'est plus leur foyer ; ils ont été séparés, classés ailleurs. Tout est bien plus calme pour Châtaigne, car ces boules de poils sautillantes l'eurent quelque peu drainé en énergie durant sa grossesse.

Châtaigne jete un œil à mon corps frêle. Il semble que je sois rudement somnolente. Mes épaules se soulèvent au rythme de mes respirations, autant profondes et lentes, engourdies par les rêves. De quoi rêve un nourrisson ? Se tient là une vaste interrogation pour mes devanciers, dont la mémoire a effacé ces informations par la puissance du temps écoulé. Un jour viendra où, comme eux dorénavant, les souvenirs des rêves d'enfants s'envoleront. Quoi qu'il en soit, le calme s'imposant de nouveau en ces lieux permet à ma génitrice de respirer ; un étalage de repos s'étend à elle. Oh, elle n'a là point à se plaindre. Elle aurait bien pû se retrouver avec quatre énergumènes affamés et pleurnichards, ou même cinq ! C'est ici une aubaine, une chance. Une seule tornade de sournoiserie et mesquineries à gérer à la fois. Cette perspective lui fait esquisser un sourire.

De petits bruits de pas se rapprochent de la pouponnière. Tendant ses hautes oreilles, à l'affût de cette nouvelle visite, Châtaigne Rousse se prépare à accueillir la nouvelle venue. Ce doit être un jeune chat, à en croire le son léger de la marche. Sa queue se rabat instinctivement contre son ventre, protégeant mon faible corps d'un éventuel courant d'air. Ma mère me sentit soupirer contre son flanc. Un soupire comblé.

Une visite au nid.

FEAT. Nuage Mordant.

Hors-RP :

Une boule de poil bleue franchit le seuil de la pouponnière en une salutation bruyante, vibrante d'une énergie neuve. Châtaigne Rousse en a presque oublié les remous et fièvres du monde extérieur, bloquée au sein de ce cocon qui est le nôtre. Cela ravive en elle la flamme fougueuse de la curiosité, réchauffant son poitrail, toutes oreilles dressées. De jeunes chats, aux convictions vaillantes, détenant un entrain féroce et des valeurs braves ; c'est cela qu'il faut au Clan. En cœur avec sa conjointe Reine, Plume de Neige, elle renvoie une salutation emplie de vigueur à Nuage Mordant. Discrète et silencieuse, ma génitrice suis de ses iris les mouvements de la jeune apprentie qu'elle a connu à la pouponnière. Mordant est de corvée aujourd'hui et se charge de changer les mousses de nos nids. Patientant son tour et des plus muettes qu'il soit, Châtaigne resserre sa douce étreinte contre moi. Je piaille de mécontentement quelques instants avant de replonger dans le sommeil. Lorsque la dévouée apprentie achève sa tâche auprès de Plume de Neige, elle se détourne en direction de Châtaigne, trottant d'une patte joviale à ses côtés. Ma génitrice retire sa queue afin de faciliter la tâche de la petite féline ; en me dévoilant à sa vue, une exclamation de surprise s'échappe d'entre les babines de la petite aux poils bleus.

— Wow ! J’ai vraiment été si petite un jour ? Je suis si grande, maintenant ! On dirait pas que j’ai été riquiqui comme ça !

Un gloussement s'envole de la gueule de Châtaigne Rousse. De la voix douce et chaleureuse d'une mère comme d'une amie, elle se penche en avant et lui confie en un murmure quelques mots.

— Et tu le seras d'autant plus, plus tard !

Un ronronnement s'installe au creux du poitrail de ma mère. Toute fière, comme à chaque fois, de dévoiler sa progéniture à ses confrères et consœurs. Avec un plaisir immense, elle se délecte des paroles, des questionnements, des discours qu'on lui offre à entendre. C'est pourquoi Châtaigne laisse le temps à la jeune apprentie, les yeux écarquillés de curiosité, de poursuivre aussitôt son monologue en assaillant la jeune Reine de nouvelles interrogations. Chacunes d'elles ne cessent de la ravir. On s'intéresse à moi, est le Clan des Étoiles sait à quel point cela est important pour maman.

— Est-ce que Petite Neige est assez grande pour jouer ? Je pourrais jouer avec ?

Un inspiration angoissée. Châtaigne Rousse jette rapidement un œil à mon infime corps frêle. Jouer avec moi, à cet âge ? Ce serait bien trop impossible, pour l'instant… D'un réflexe nerveux, la féline de flamme tente une réponse, mais ne parvient à finir sa phrase, bousculée par les mots de l'apprentie.

— Il est peut-être un peu tôt, d'ici une ou deux lunes sûrem...

— Gueule de Glouton, il dit que j'aurais des chatons plus tard, alors je me dis que je dois apprendre à m'occuper des bébés, non ? C’est un bon entraînement de m’occuper de Petite Neige, non ?

Bouche-bée, l'imposante femelle n'ose moucher mot. Gueule de Glouton ; il est vrai qu'il est le mentor de cette petite, ce détail ne l'a visiblement pas frappé… Ô combien pouvait-elle ne pas l'apprécier. Roseau des Tempêtes passe des journées avec ce malotru et ce depuis l'enfance ; la féline au pelage ardant mettrait ses moustaches à couper qu'en cet instant même, il traînasse encore mollement avec cet individu douteux. Oui, il est lieutenant ; cela ne lui attribue point tous droits. Comment peut-on accepter la compagnie d'un être avec si peu de cervelle ? Non, elle ne l'apprécie guère ; ce sentiment est idéalement partagé, par ailleurs. Gueule de Glouton ne paraît pas apprécier Châtaigne Rousse, d'autant plus depuis l'installation de sa relation avec Roseau des Tempêtes. Châtaigne y songe. Avec le peu de chance dont bénéficie cette pauvre apprentie, le mâle a sans aucun doute déjà réussi à lui inculquer que les madames ne servent qu'à faire plaisir et s'occuper des chatons. Quel pitoyable et infecte glouton galleux, râle intérieurement Châtaigne Rousse ; au premier jour venu, je lui arracherai la fourrure, ne serait-ce que pour lui prouver ce que vaut une femelle. Sa tête se secoue, elle se ressaisit. Nuage Mordant l'observe toujours en quête de réponses.

— Nuage Mordant, promets moi juste de te souvenir que tu n'auras des chatons que si tu veux avoir des chatons… Une inspiration hésitante. Son ton change vers quelque chose de plus chaleureux. Mais si tu veux t'occuper de Petite Neige et que cela t'intéresse, pourquoi pas ! Tu peux par exemple me la garder, et je peux changer la mousse à ta place. Je t'expliquerai comment faire. Tu t'en sens capable ?

Une pointe d'anxiété se niche en son sein. Ma mère doute de la validité de sa proposition. D'un autre côté, elle ne veut pas vexée ou gâchée l'envie de Nuage Mordant de lui venir en aide, car cela semble la ravir d'avance. Au pire du pire des cas, elle dira que ce fût son idée, non ?

Une visite au nid.

FEAT. Nuage Mordant.

C'est sans attendre son reste que s'envole, de la gorge de Nuage Mordant, une promesse autant précipitée qu'enthousiaste. Châtaigne Rousse ne daigne s'attarder plus longuement sur les paroles de la jeune apprentie ; l'inquiétude demeure quelque part, mais adviendra ce qu'il adviendra. Après tout, la jeune apprentie vivra sa propre vie. Elle l'espère. Il ne lui reste qu'à prier pour que ce Glouton Gueulant ne lui incorpore pas la moitié de ses idées de génie… La jeune Reine, peinant à clôturer son discours, constate déjà l'empressement de la jeune bleue. Son impatience se fait ressentir ; la voilà à nouveau pressée et affolée, presque déchaînée. Elle trépigne, s'agite, heureuse comme une pie. Qu'ai-je fait ? songe ma génitrice, légèrement embarrassée. Ce n'est point là bien grand souci. Maman est de nouveau inondée de ses réflexions innocentes et emplies de bonne volonté.

— OUI ! Montre-moi comment on fait, Châtaigne Rousse ! Je dois m’installer ? Je dois lui faire sa toilette ? Je dois la déplacer ? Lui tenir chaud ? Ou elle se tient chaud toute seule ?

Bon. Il va falloir travailler tout ça, mais c'est un excellent début ! Ma génitrice redresse les oreilles de surprise en constatant, hautement ravie, que la petite boule de poil bleue a déjà de nombreuses bonnes idées en tête. Et c'est fort bien ! Son ardeur pourrait lui être favorable, plus tard, pour guider sa fille sur le chemin des Alphas. Châtaigne tente de ne pas trop s'orienter sur cette pensée, au risque de se perdre sur ce vaste avenir qu'elle souhaite me construire. Elle songe un instant, juste assez vite pour ne pas faire patienter plus l'apprentie, déjà au bord de l'hystérie. Ne la faisons pas plus attendre, maman. Avec sa nonchalance habituelle et fière, la rousse se dresse et s'écarte de son si précieux enfant, la seule, l'unique. La meilleure.

— Bien, tu vas commencer par t'install-...

Elle n'a pas le temps de réaliser son geste que Nuage Mordant la détrône, étalée contre le flanc du petit nourrisson que je suis. Toute étonnée, je piaille un instant, comme tirée d'une longue rêverie. L'odeur de l'apprentie m'est inconnue, tout comme j'ignore son statut et son rang. Pour moi, ce n'est qu'une odeur, celle de l'extérieur, de l'inconnu, mais que sais-je de tout cela d'autre que l'odeur ? Les mots qui les déterminent m'en sont encore inconnus. La senteur que dégage la jeunette à mes côtés n'est comparable ni à celle de ma mère, ni de mon père. C'est ici que cela s'arrête dans ma faible compréhension. Nuage Mordant m'entoure de ses pattes, comme pour me protéger, me canaliser. Je continue de couiner, plus doucement, tremblante. Où est l'odeur laiteuse de ma mère ? Comment puis-je la rejoindre ? Je me fige, presque aux aguets, presque inquiète. Silence. On pourrait croire que je fais la morte, mais uniquement le croire. Car avec un nourrisson, il n'en est rien de vos vaines hypothèses.

— -er contre elle… Bon. C'est déjà fait !

Comme si de rien n'était, la furie bleue redresse la tête en direction de ma mère, et tout autant énergique et sautillante. Sort d'entre ses babines de nouvelles interrogations avec empressement. C'est le moment d'attaquer le plus dur.

— Je dois faire quoi ? Explique-moi tout en détail, Châtaigne Rousse ! Je prendrais bien soin de Petite Neige, promis !

Châtaigne Rousse s'écarte, puis fait demi-tour sur elle-même pour se mettre face à la petite apprentie. Je suis son premier enfant, son amour, sa Petite Neige. Elle n'a pas grande expérience des chatons, d'autant plus que je serais sans doute la dernière ? Il faudra y réfléchir avec Roseau, ça je ne peux le savoir. Quoi qu'il en soit, la féline au pelage flamboyant n'est pas la mieux placée pour connaître les plus infimes détails concernant les larves telles que moi. Néanmoins, s'il y a bien une chose qu'elle eût perçue depuis qu'elle est devenue Reine : les nourrissons ont besoin d'une présence rassurante. En m'entendant couiner, elle a reconnu là une opportunité pour Nuage Mordant. L'apprentie se chargera de moi et soulagera la nouvelle mère de son travail habituel ; en échange ma génitrice changera la mousse de notre nid à sa place. Une bonne permutation de rôle, entre autres.

— Bien ! Petite Neige pleure parce qu'elle ne te connaît pas. Tu peux donc la lécher sur le dos pour la rassurer, elle s'agitera un peu et puis ça lui passera.

D'un petit pas, elle s'oriente en direction de la mousse fraîche et propre. Elle la saisit dans sa gueule, puis la pose à ses côtés en s'affairant. Gratter l'ancienne mousse de son nid lui remémore son propre travail d'apprentie, il y a bien des lunes à présent. Tout ça est tant nostalgique, les larmes pourraient lui venir. Le travail acharné, si bien récompensé. La vie de futur guerrier. Les amis, les jeux, les blagues, les aventures. Ô, ces folles aventures ! C'était pour elle une bénédiction ; ce qu'elle appréciait se rendre utile à ses semblables ! Tout en se chargeant du nid, entre deux bouchées de mousse, elle continue de dicter ses directives. Plongée au sein de somptueux souvenirs.

— Ensuite, il faut bien lui tenir chaud, elle est encore assez jeune et a du mal à se réchauffer d'elle-même. Une pause. La toilette n'est pas obligée, je l'ai faite avant que tu viennes. Encore une pause, et quelques coups de patte sur le tas de mousse. Par contre, continue de la lécher de temps en temps. Ronronner peut aussi l'aider à se détendre !