Les domestiques vaincront ! [Pv Pelote] - abandon

Je n'étais rentré que tard cette nuit. Je n'avais guère chômer, après une tumultueuse rencontre au verger, j'avais vagabondé ici et là, sans trop de but, ressassant encore et toujours ce qui s'était produit. Je réfléchissais surtout à comment m'améliorer, comment faire pour ceux qui ont de l'appréhension, voire de la haine, puissent ouvrir les yeux?

La simple pensée que cette quête de plaire à tous pourrait me rendre malade n'effleurait même pas mon esprit. Comment le pourrait-elle? Après tout, c'est les autres qui m'ont donné la force de m'enfuir, et de quitter cette tribu malfaisante qui me faisait du mal. Je puisais mon énergie chez les autres. En fait, les autres étaient mon but en soit dans ma vie.

C'était donc avec ces réflexions que j'avais erré une bonne partie de la soirée. Mes bipèdes n'aiment pas trop quand je rentre à ces heures, ils sont beaucoup plus tendus et parlent plus forts quand je le fais. Il y en a toujours un qui veille à ce que je revienne bien, et ils me donnent toujours de la pâtée et si je le souhaite une petite assiette de lait à laper. Je n'avais même pas eu la force de le faire cependant, et je me suis roulé en boule et endormi presque aussitôt.

Cela n'étonnera donc personne si je vous disais que ce matin le soleil était déjà bien haut lorsque j'ai enfin ouvert les paupières. Après un étirement digne de ce nom, quelques ronronnements auprès du petit bipède qui était là, j'ai sauté à la fenêtre. Mes pattes étaient toutes courbaturées de ma longue marche de la veille, alors ma promenade devrait être courte! Je décidai donc de rester en ville.

Assez vite, un boucan infernal attira mon attention. De nature prudente, je m'approchai doucement de la source de ce bruit (cela pourrait être un chat errant de mauvaise humeur, un chien voire un autre animal sauvage). Pour ce faire, j'imitais la position de chasse des félins de la forêt : le corps et la queue basse, les yeux fixés sur cette source que je ne distinguais pas encore, les muscles bandés.

Et je vis un jeune tâcheté assis sur une poubelle. Chat qui regardait en ma direction. Et qui me regardait bizarrement.

Bizarrement... De l'inquiétude?? De la peur? Mais il ne faut pas avoir peur de moi! (Il est vrai qu'avec mes diverses cicatrices, ouvertes et réouvertes, il n'était pas rare du tout que certains chats soient effrayés à ma vue. En général, je réussissais à désamorcer l'inquiétude.) Mais le temps de comprendre que c'était ma tête ou ma position qui devait le tourmenter, le voilà qui bondit ! Mais le couvercle s'échappe pour s'écraser au sol bruyamment. Cette cacophonie fit longuement fibrer mes tympans, amplifiée par le couloir étroit du chemin par lequel je venais, qui faisait résonner ces sons assourdissants. Je ramène vite mes pattes sous moi pour m'assoir et prendre une posture plus neutre, mais le tâcheté semble complètement paniquer, et se cache!

- Ne me mangez pas ! Je ne suis pas comestible !

"oh non, je suis désolé de t'avoir fait peur!" répondis-je sans plus attendre, de ma voix grave mais qui restait malgré tout, encore enfantine. Enfantine car j'étais sincèrement désolé de l'avoir effrayé, cela me fendait le coeur à chaque fois que cela m'arrivait. Que moi, Pelote, puisse faire du mal à autres m'exécrait au plus haut point. Alors cette voix tremblait presque de tristesse.

"Je suis vraiment désolée, je déteste faire cet effet-là..."

Je n'étais guère un fin observateur, et de ce fait, je n'étais pas en mesure de me rendre compte que je restais dans l'ombre, ce qui pouvait accentuer l'inconfort, surtout chez un félin apeuré. Ce que je savais faire par contre, c'était parler, doucement, bienveillant:

"Je m'appelle Pelote, j'habite dans le coin. Je... je ne cherche pas à embêter les autres... je recherche plutôt des amis... est-ce-que tu aimerais? devenir mon ami? "

Depuis toutes ces lunes, je n'avais toujours pas compris que proposer cela directement à des inconnus pouvait être assez incongru (à vrai dire, l'idée même ne me traversait même pas l'esprit). Les règles de bonne manière ou de bonne pratique me passaient au dessus de la tête. Mais en général, ils finissaient par voir mon honnêteté.

Ma proposition sembla rassurer le félin, qui sortit prudemment de sa cachette ; d'abord la tête, pour me regarder, puis lentement il laissa apparaître sa belle pelisse tâchetée. Je me mets à ronronner, rassuré de ne plus lui faire peur. En me fixant, il s'approche doucement de moi, d'abord sur le quai vive. Mes expériences me l'ont appris, quand on fait face à quelqu'un qui a peur de nous, il vaut mieux ne pas bouger. Chaque mouvement trop brusque pourrait être une source d'inquiétudes! Laisser l'autre s'approcher, nous faire sentir, et vérifier qu'il n'y a bien aucun danger. Mais je n'eus pas à maintenir ma position bien longtemps. Mon interlocuteur fut vite rassuré, et son comportement changea du tout au tout. Soudainement joyeux, il sautilla vers moi, pour me lécher le front. Cet étrange comportement me fit ronronner de plus belle.

- J'aimerais beaucoup être ton ami ! Je m'appelle Whisky !

Oh! Quel plaisir de rencontrer de nouveaux amis. Rien ne pouvait plus éclairer ma journée. Un large sourire étira mes babines. Il n'avait tout de même pas à s'excuser, surtout s'il avait fait de mauvaises rencontres!

"Oh, ne t'excuse surtout pas, je t'ai pris par surprise, excuse moi!"

Il y avait tellement de chats couverts de cicatrices, peu de chances que je connaisse celui qui lui a fait peur... Mais je pouvais au moins lui répondre au reste de ses questions:

"Il est vrai qu'il y a certains chats qui usent de leur force pour être méchant. Avant, je croyais que les forts régnaient sur les faibles, et que, quand on était faible comme moi, on devait se contenter d'accepter notre sort et de se faire taper dessus. D'où ces cicatrices! "

Je secouai la tête. C'était des sottises tout ça. Personne, au grand personne ne devait le croire!

"Mais surtout, n'y crois jamais! C'est complètement faux ! Parfois, des chats ne comprennent pas le concept d'amitié, et de bienveillance. Parfois dans les rues ici, ou sur les terres des chats, il y a des chats qui attaquent sans raison. D'où le reste des cicatrices. Mais je ne leur en veux pas! Il s'agit probablement de malentendus... Cela arrive souvent!"

Je souriais.

"Mais il ne faut pas s'inquiéter pour autant. On peut faire de bien belles rencontres! Je suis très heureux que tu acceptes d'être ami avec moi Whisky. Parles moi un peu de toi! Es-tu ici depuis longtemps? il ne me semble pas t'avoir vu avant... Moi j'habite là-bas. Tu peux venir quand tu veux si tu le souhaites !" lui proposais-je, tout en indiquant la direction du bout de la queue.

Spoiler:

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Le tâcheté semble tout content de ma question. Je pouvais le voir à la manière dont son visage s'était illuminé, et au ton qu'il avait pris lorsqu'il a commencé à m'expliquer:

- Pas très longtemps, en effet ! Et j'ai eu tendance à vouloir explorer la forêt plutôt que la ville. Jusqu'à ce que je rencontres des chats... moins sympathique...

Oh? Lui aussi avait fait des mauvaises rencontres? Ces dernières sont probablement inévitables... Whisky jette des coups d'oeil sur les côtés, comme s'il avait peur que les méchants qu'il avait pu croiser allaient tous venir d'un instant à l'autre. Il avait l'air tout jeune, en train de découvrir la vie. Ses joies comme celle de l'exploration, mais aussi ses peines... J'eus une petite pensée pour Brume ce fugueux petit bonhomme. Est-ce-que lui aussi faisait des rencontres difficiles? Maintenant qu'il était assez grand pour pouvoir vagabonder, cela devait être inévitable. Je me mis à ronronner tout doucement, pour rassurer Whisky.

- Désolé... Ils... Ils m'ont fait très peur... J'ai cru qu'ils allaient me blesser, mais ils m'ont laissé filer... Tu aurais dû les voir ! Tout maigre, mais que du muscles ! Surtout un. Celui qui était couvert de cicatrice. Tu te rends compte ? Il a osé me plaquer contre le sol !

J'hochai la tête, compréhensif, et le couvai d'un regard doux. Le pauvre Whisky semblait vraiment traumatisé par la scène, il s'était mis à gémir... Comme s'il la revivait. Dire que ces émotions négatives pourraient ne pas exister. J'étais persuadé que la violence ne pouvait engendrer que le mal. Je n'arrivais pas à comprendre pourquoi cette dernière existait toujours....

- J'ai l'impression qu'il est là, tout près, qu'il va me sauter dessus et finir le travail.

Je me rapprochai de lui pour lui donner un léger coup de langue sur le front, puis un coup de tête affectueux, en espérant lui faire sentir que j'étais là, que je l'écoutais, qu'il pouvait parler.

"Je comprends, ça a dû être difficile et te faire un choc..."

Je soupirai.

"De mon expérience, je crois qu'ils veulent surtout te faire peur et te faire partir, c'est pour ça qu'ils montrent les dents et leurs muscles. Ils sont un peu brusques aussi... il faut dire qu'ils sont habitués à se bagarrer entre eux!"

Je souriais.

"Si tu veux explorer je pourrais t'accompagner si tu veux! Je connais un tout petit peu les frontières à ne pas franchir. Il est vrai que ces chats là ont des manies un peu bizarres. En tout cas, rassures toi, ils ne viennent jamais jusqu'ici pour ça. Et s'ils sont en ville (ce qui arrive rarement pour être honnête), en général, c'est plutôt eux qui ont peur... J'ai cru comprendre que tu aimais explorer?"

Je n'avais jamais été un grand explorateur. Je me contentais de faire le long trajet de la ville jusqu'au verger, mais je n'allais guère au delà. Cela n'était pas vraiment utile pour faire de nouvelles rencontres. Et finalement, ce que moi je préférais, c'était les rencontres. La diversité des histoires était incroyable. Il y en avait de belles, d'autres tristes. Pleine d'espoir souvent ! Parfois, ils voulaient juste parler de leurs difficultés. Ou alors de leurs prouesses et victoires!