La Visite en version honnête ft. Nuage Mordant - end

Bon. Au moins il a Étoile Déchirée à la bonne.

Pourquoi elle me sourit comme ça ?

Au moins le Clan voit qu'il va être très occupé.

Elle a l'air un peu con quand même, non ?

Au moins, il a une nouvelle excuse pour rien foutre.

Comment elle s'appelle, déjà ?

Et il pourra bouffer à sa faim.


« Bon! » qu'il commence. « Aller, c'est parti Nuage d... » Putain. « C'est parti. » répète-t-il en cachant son embarras dans un regard circulaire pour s'assurer qu'aucun adulte ne remarque sa négligence.

Levant enfin son postérieur du sol meuble; Gueule de Glouton renforce son invitation ordre d'un mouvement de la queue. Peu importe le nom de cette petite énergumène, tant qu'elle lui permet de se la couler douce en toute impunité... Il fera avec.

Une fois arrivés à la sortie du Camp, le lieutenant se retourne ultimement vers sa nouvelle apprentie et lui rappelle : « Aujourd'hui on fait juste le tour du territoire, hein. »

Il ne s'agirait pas que la gamine s'enthousiasme pour rien. Tous les trucs chiants, ce sera pour plus tard.

Aussitôt, la petite s'émerveille et se perd en piaillements rapidement incompréhensibles.

Très vite, Gueule de Glouton perd le fil de ses question et ce alors-même qu'il n'a apporté aucune réponse. Il capte certains mots, parfois toute une phrase mais de toute façon la pipelette ne s'arrête pas. Un peu agacé, elle perd le peu d'intérêt qu'il lui porte, si bien que ses yeux forêt se perdent dans la cime des arbres un moment. Mais en face, ça ne change rien. De toute évidence, Nuage Mordant tient beaucoup de sa mère.

Il est dans la merde.

C'est pour ça qu'il se contente de lui répondre :

« [...] manque aussi beaucoup.
- Ok. » dès qu'elle la ferme deux secondes.

Et si le seul problème, c'était le bruit... Glouton aurait juste pu ignorer les interminables tirades. Le truc, c'est que Nuage Mordant aime apparemment courir partout sans raison.
Heureusement pour elle, son mentor est pourvu d'assez bons réflexes et à peine a-t-elle eu le temps d'articuler la première syllabe annonçant son départ que déjà la grosse patte de Glouton écrase sa queue, lui interdisant tout mouvement vers l'avant.

Impassible, le lieutenant lui ordonne : « Minute, papillon. » Puis, une fois qu'il a coupé son élan : « C'est moi qui décide où on va; toi tu restes bien sagement à mes côtés, » puis ajoute pour lui-même « sinon ton père y va pas t'manquer très longtemps. ».

Il vient de s'attirer les grâces d'Étoile Déchirée mais pas sûr que la mention "ma fille (un peu con) s'est buttée par sa faute" fasse si joli que ça sur son CV.

Elle n'a pas l'air méchante, cette gamine. Juste extrêmement débile.
Ça va être toute une mission de la faire survivre son apprentissage. Il l'imagine déjà bouffer des baies chelou ou sauter dans le précipice en couinant que c'est amusant.

C'est pour ça qu'il faut qu'il marche dans son jeu d'enfant. C'est lui qui décide, c'est lui le mentor, le lieutenant et c'est comme ça qu'elle sera la meilleure.

Qu'est-ce que c'est écœurant de devoir emballer les rêves des autres pour que ça marche.
Mais bon. Tant pis.

Ah merde.

Le second degré, c'est vrai que ça marche pas avec les débiles. Tant d'années dans ce Clan d'attardés ne suffisent donc pas pour qu'il s'en souvienne.

Nuage Mordant est repartie. Et bla et bla et bla pour ne rien dire, putain c'est long. Aussi léger qu'une plume, son masque souriant retombe sur sa gueule (de Glouton) et alors le lieutenant à la queue tordue est obligé d'attendre que la petite bleue termine sa tirade. Le nouveau rictus qui habille sa gueule ne semble même plus crispé ni forcé. C'est l'habitude; maintenant, cette sale face de joyeux boute-en-train lui sied à merveille.

Ce sourire-là, c'est un peu comme une nouvelle paire de chaussures : ça fait un peu mal au début, et puis elle se fait aux pieds.

« On peut aller par là-bas pour sauver Papa, s’il te plait ?
- Certainement pas. »

Il n'écoute pas vraiment la suite. En fait, aussi inattendu que cela puisse paraître, Gueule de Glouton trouve son apprentie des plus ennuyeuses. Une fois qu'elle a démarré; il faut attendre l'éclaircie de ses pensées toute plus folles les unes que les autres.

Mais voilà.

La folie l'ennuie.

Elle est tout aussi volatile que ses premiers amours et les flirts qu'il cumulait autrefois. Superficiel, éphémère... des coups d'jus dont on s'excite au début et dont on se lasse bien vite.

C'est ça; sa vie est lassante. Répétition en répétition; quand ce n'est pas une idiote enamourée qui lui explique que dans quelques lunes elle le rejoindra à la Rivière pour s'y marier et avoir des petits, c'est son apprentie qui lui raconte comme elle s'apprête à hack le rang de guerrière en sauvant son père déjà mort.

Heureusement en ce qui concerne les idiotes enamourées, Gueule de Glouton a eu tout le loisir d'explorer les nombreuses possibilités de réponses. Alors, fort de son expérience, le matou brun agrandit son sourire quand son regard capte celui de la jeune féline, gavé d'étoiles excitées. Puis, il lui répond :

« Oh oui Nuage Mordant, tu es très perspicace. » On acquiesce. « C'est sans doute pour ça que les Prophètes ont fui d'ailleurs; ils l'ont senti. » On flatte. « C'est pour ça qu'on va d'abord visiter la prairie : les Ombreux percevront ton aura naturelle et ne nous embêterons pas. » On redirige. « Tu sais ce qu'il est arrivé à ton père. » On barre tout retour en arrière.

Oui, on aura des petits.
J'en appellerais un Petit.e [trait mélioratif] en ton honneur.
Parlant de ça... [faire du gros sexe]
Aller, faut vraiment que j'y aille maintenant.

Ça marche toujours.

Depuis quand la vie c'est fade comme ça ?

Merde.

Il a réussi à la faire chialer. D'habitude, il se serait simplement éclipsé en prétextant que le Clan a besoin de lui, qu'il est attendu au Camp, qu'il devait rappeler quelque chose à quelqu'un... Il faut croire que c'est plus difficile de s'occuper d'un bambin un peu débile plutôt que d'un plan cul énamourée.

Ça lui rappelle pourquoi il ne s'attaque jamais à des Nuage; outre l'aspect abus de faiblesse émotionnelle et "être un fils de pute" international, elles sont chiantes et chialent trois fois par heure.

Heureusement, Gueule de Glouton est poli obligé de respecter un peu la fille de sa chef pour rester dans ses bonnes grâces et glander tout le reste de la journée. Alors il la laisse vider un peu son sac. Elle lui arracherait presque une larmichette (non).

Il faut dire qu'il lui est bien difficile de comprendre la peine de Nuage Mordant.
Son père était un connard doublé d'un hypocrite. C'est pas comme s'il lui avait déjà manqué.
Quant à sa mère, elle avait toujours suscité une sorte de peine mais rien qu'il puisse considérer comme un amour sain.

Bref, un schéma parental bien à chier dont il se serait volontiers passé. M'enfin, ça ne va pas essuyer les larmes de l'autre gamine. Sans trop réfléchir, il tente quand même :

« Mon père était un sale con et il doit très probablement me regarder de là-haut en espérant que le karma me fasse des saloperies. » s'il avait des mains, il aurait assurément lâché un gros doigt vers le ciel. A la place, il se contente d'un regard las. « Au moins, le tien veille sur toi. »

...

...

Voilà.

« Bon maintenant, essuie ta grosse morve quelque part qu'on avance un peu parce qu'à ce rythme, on aura jamais fini pour le coucher du soleil. » Et ils venaient de se lever. « Et puis... reste à côté de moi. »

Cette fois, il se retient d'ajouter un autre sous-entendu qu'elle ne comprendrait pas (ou qui la referait chialer).

Contrairement à ce que peuvent dire un certain nombre de reine depuis la pouponnière; parfois, la dureté de la vie suffit à calmer un enfant. En l'occurrence, rappeler à Nuage Mordant qu'elle avait la chance d'avoir eu un père bienveillant et pas un connard avait séché ses larmes.

Tant mieux. Elle lui donne même le regard pétillant des enfants. Un peu dégoûtant mais bon...

« Oui ! T’as raison ! Mon Papa me surveille de là haut ! A moins de m’assurer qu’il soit toujours fier de moi ! Heureusement que t’es là, Glouglou ! Je sais pas ce que je ferais sans toi ! »

La morte, dans un coin du territoire j'imagine, se retient-il d'ajouter en rigolant puisque visiblement, il n'y a que lui ici pour trouver la mort drôle. Au moins, ce rictus amusé a effacé la grimace crispée à la mention du surnom "Glouglou". Quel horrible diminutif, vraiment.

Malgré un manque évident d'intelligence, la petite bleue parvient à se souvenir qu'elle doit rester près de lui. Son hésitation ne passe pas inaperçue et son mentor la gratifie d'un hochement solennel du menton. Il échappe même un sourire amusé quand retentit un rire un peu gêné.

C'est vrai qu'elle n'est pas maligne. Mais au moins, elle n'a pas l'air mauvaise ! Et elle l'aime bien -ce qui n'est pas forcément le cas de beaucoup de gens. Et parce que le silence n'a aucune chance face à Nuage Mordant, elle le tue encore d'une nouvelle série de questions :

« On va vers où ? Tu vas me montrer quoi ? Plein de choses ? Tout ?
- On va aller à la Colline j'pense. » qu'il lui répond calmement.

Il ouvre alors la marche d'un pas rapide en invitant la plus jeune à le suivre d'une ondulation de sa queue tordue. Après avoir fait quelques mètres, il finit : « Je ne pourrais pas tout te montrer aujourd'hui. T'imagines comme ce serait chiant si on pouvait tout apprendre en un jour ? »

Ce serait génial, évidemment. Mais bon, il faut bien avoir l'air d'être un lieutenant actif et dynamique, même devant sa propre novice. D'autant plus devant sa propre novice. D'autant plus quand c'est la fille du chef.

« C'est quoi que tu voudrais apprendre en premier : la chasse, la pêche, la nage ou le combat ? » qu'il ajoute, juste pour maîtriser un peu la suite de la discussion.

Non parce qu'avec elle, s'il se tait trop elle va repartir sur son père crevé et repleurer.
Mauvaise ambiance, hein.

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