When you hide and when you lie, it's no surprise ft. Dame de Cœurs - abandon

Les feuilles rhabillent les arbres depuis quelques lunes déjà. Ce paysage vert, Cœur de Puma ne s'en lasse pas. Le bruissement des buissons au vent l'apaisent et son corps résonne au rythme de ces bruits; teinté d'une instabilité à peine notable et si... calme.

Il ne ressent la colère que par bribes et parvient enfin à mettre ses premiers mots sur l'étrangeté de ses émotions. Parfois, il aimerait sentir une chaleur se blottir contre lui dans la tanière des guerriers. Mais il ne saurait le demander à qui que ce soit. Certainement pas à Nuage de Lézard, qui dort de toute façon avec les autres apprentis.

Malgré ce besoin renaissant de vivre avec les autres, Cœur de Puma est souvent seul.

Il chasse, ce matin. Il est mauvais, comme souvent.
Cette fois pourtant, il en a quelque chose à faire.

Ce joli lérot pourrait bien nourrir ses amis. Les muscles tendus, il s'immobilise pour ne pas effrayer le rongeur. Les yeux rivés sur ce dernier, le vétéran s'apprête à bondir quand soudain sa proie déguerpit. Désemparé, le chat bondit tout de même d'une manière hasardeuse et le voilà bredouille.

Il est sûr de ne pas avoir bougé.
Sûr et certain même.

« Que veux-tu ? » qu'il miaule alors, d'un ton plus froid que ce qu'il aurait voulu. Sans vraiment savoir à qui il s'adresse.

Les arbres semblent dépourvus de leurs feuilles. Pourtant, elles sont bien présentes, vibrant avec le vent, brillant avec le soleil. Elle ne les voit pas. Absentes. Fantômes ? Oui, voilà. Une brume verdâtre sur les arbres pour faire comme ci. Prétendre que tout est en ordre.

Dame de Coeurs se souvient de cette nuit beaucoup trop bien. Le tonnerre grondait. Le ciel pleurait de grosses gouttes. Le froid était mordant sur son pelage trempé. Elle avait trainé ses pattes jusqu'à l'antre d'Amour-en-Cage à la demande de coup de foudre. Le ciel pleurait. Elle avait appris que Nuage de Rossignol avait été renversée par un monstre. Le ciel pleurait. Le dernier souvenir qu'elle tenait bien d'elle, les dernières paroles qu'elle lui avait adressée, ou plutôt celles qu'elle n'avait pas prononcées. Pour le mieux ? Elle se questionnait souvent sur cette journée.

La distance qui s'était dressée entre Coeur de Puma et Dame de Coeurs était étrange. Ils auraient pu paraître comme des inconnus. Il ne semblait plus le même depuis le départ de Nuage de Rossignol. La mort de l'apprentie plutôt. Parce que c'était ce qu'elle était vraiment. Même si elle ne pouvait vraiment prononcer les mots. Le mot. Coeur de Puma était souvent seul depuis, on le retrouvait à l'extérieur du camp pour la plupart du temps à chasser ou à faire mine de chasser devrait-elle dire puisque rare étaient les proies qu'ils ramenaient.

Elle avait voulu lui proposer une partie de chasse à quelques reprises. La distance la freinait. Depuis l'assemblée où Coup de Foudre l'avait prononcée « Voix », elle avait ressenti un froid s'installer entre eux-deux. Impossible de mettre la main sur pourquoi. Se sentait-il trahi ? Ne la croyait-il pas assez apte pour son titre ? Ce n'était pas comme si elle avait bien voulu ces responsabilités non plus. Elle n'avait pas osé demander. Et la distance n'avait fait que grandir depuis.

Dame de Coeurs surveillant quand même ses allées et venues. Leurs pelages semblaient presque pouvoir se toucher à quelques occasions lorsqu'ils se croisaient dans le camp. On ne pouvait pas dire la même chose de leurs regards. Plusieurs fois, elle avait voulu dire un mot. Ou plusieurs ? « Comment tu te portes depuis ? Comment va Nuage de Lézard ? » mais rien ne sortait. Elle avait espéré que, lui, fasse le premier pas. Sans succès.

Ce matin là, elle n'avait pas fermé l'oeil de la nuit. Elle avait vu Coeur de Puma se lever tranquillement et se diriger vers la sortie du camp à pas lourds, réveillant ses muscles endormis. Elle s'était levée à son tour quelques instants plus tard, marchant dans ses traces. Son regard suivait ses mouvements, glissait le long des arbres pour ensuite retourner au grand brun.

Il s'apprêtait à bondir sur un rongeur. Elle avait abandonné sa tour de garde. Ses griffes avaient rongé l'écorce, y laissant une plaie vive. Son museau, tassé les feuilles du buisson qui se dressait sur sa route.

« - Que veux-tu ? »

Son corps avait émergé des buissons. Elle brisait la distance, lentement. Ses pattes l'avaient menée tout juste au museau de Coeur de Puma. Les feuilles des arbres frémissaient.

Elle avait mis de côté sa carapace. Dénudée. Sa tête vint se poser au creux de son épaule alors qu'elle laissa échapper un murmure.

« - ... Je suis désolée.

Et alors, la silhouette finement taillée de Dame de Cœurs s'arrache à la végétation. La tête recroquevillée entre ses épaules, la guerrière d'ordinaire glaciale ne s'étend pas dans un grand discours. A la place, elle laisse échapper un « ... Je suis désolée. » à peine audible; comme s'il fallait souffler un secret à Cœur de Puma que le reste de la forêt ne peut entendre.

Le balafré est un peu surpris.
Cela fait maintenant plusieurs lunes qu'il n'a pas adressé la parole à sa première apprentie. C'est inattendu.
Fronçant les sourcils par confusion, le mâle roux tente de déchiffrer l'énigmatique excuse qu'on lui offre.

Est-ce qu'elle est désolée... pour le lérot ? ... de l'avoir suivi ? ... pour Nuage de Rossignol ? ... de ne pas avoir été là ? ... des tensions avec Coup de Foudre ?

« ... Désolée de quoi ? » lui répond-t-il alors, dans le même murmure.

C'est comme si les arbres ne devaient pas comprendre leur échange.
C'est comme si cette conversation était secrète.
C'est un peu comme s'ils jouaient encore.

HRP: