Familier mais pas trop [pv Molly] [END]

Tonton écouta avec attention le portrait que la jeune chatte fit d'un de ses voisins, un prénommé Whisky. A priori, il ne passait plus très souvent la voir, mais de savoir qu'elle avait pu se lier d'amitié avec au moins un chat des environs, c'était encourageant. Elle finirait par s'y faire, et à s'attacher à d'autres chats, à ses compagnons bipèdes même, si elle persévérait...

La proposition de partager sa nourriture surprit le matou. Les chats n'étaient guère prêteurs, dans les environs, aussi il ne s'attendait pas à ce qu'on lui offre le couvert. Les vrais fouilles-poubelles, ceux qui l'avaient élevés, lui auraient dit d'accepter, qu'un chat un vrai ne refuse jamais la moindre miette de nourriture, mais à voir la minuscule et tristounette petite... Bah, elle avait sûrement besoin de toutes les protéines disponibles. Tonton n'était pas prêt de mourir de faim de sitôt, il pouvait bien faire l'impasse sur quelques croquettes.

"Ah, c'est très gentil, mais je n'en ferais rien. Et puis tes bipèdes n'aimeraient pas qu'un étranger entre chez eux."

Il n'avait pas spécialement peur des bipèdes, pas après avoir passé sa vie dans leur périphérie, mais sa dernière rencontre avec un adulte avait laissé des séquelles... Tonton préférait ne plus jamais apparaitre comme un intrus indésirable à leurs yeux. Qui sait ce qu'on lui ferait, cette fois ci, si il était attrapé à nouveau... Ce serait le comble, d'être à nouveau déporté alors qu'il peinait à faire ses marques ici. Cyniquement, il se dit que ça ne changerait pas grand chose. Ici ou ailleurs, quelle différence, il ne serait pas plus loin de son foyer, si ça se trouve. Mais... Quelque part, l'idée d'être emmené encore ailleurs le dérangeait. Tonton n'avait pas fait grand chose, depuis qu'il était arrivé ici, mais il y avait bien eu quelques rencontres... Il aimerait bien revoir Grenouille, tant qu'à faire...

Et peut-être, à l'occasion, recroiser cette petite Molly, pour voir si elle s'était fait à son nouveau mode de vie.

FAMILIER MAIS PAS TROP - LUNE 9 - AGE 25 L.


Je ronronnai quand il dit que la proposition était gentille mais je laissai retomber mes oreilles quand il la déclina. A y penser, les chats de la forêt refusait aussi les croquettes proposées. Vu qu'il venait de la ville, il aurait pu en avoir envie. Tant pis, j'aurais proposé au moins ! Puis, il parla que mes Bipède n'aimerait pas voir un autre chat chez eux. J'haussais mes épaules tout en gardant mon équilibre assise.

" Moi j'ai l'impression qu'ils adorent les chats vu qu'ils me touchent tout le temps avec leurs grosses pattes. Mais moi, ils me font peur. "

Je piétinais avec mes pattes avant, tortillant mon derrière.

" Ils sont trop grands, j'ai peur qu'ils ne m'écrasent, ou qu'ils me refassent mal. Enfin, ça a toujours été indirect, ou bien via leurs Monstres.. "

Je frissonnais. Puis je jetais un oeil à mon grand invité.

" T'as pas peur des Bipèdes, toi ? "

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T'as pas peur des Bipèdes, toi?

La question le prit par surprise.

Enfin, non, pas vraiment. La question faisait sens, vu le ton de la conversation. Molly craignait ces êtres qu'elle avait du mal à comprendre, ça se voyait. Et c'était compréhensible - elle avait survécu à un choc, et ne s'était pas encore fait à sa vie de maison. Tonton l'avait bien sentit, et, de ce fait, comprenait très bien comment elle pouvait s'étonner qu'on ne craigne pas les Bipèdes.

Non, en fait, c'était sa propre réaction à la question qui étonna Tonton.

Autrefois il aurait répondu 'non' sans hésiter. Parce que les chats de la ville étaient ainsi. Ils avaient beau prendre la poudre d'escampette si un Bipède les regardaient de travers, les chats des poubelles aimaient crier haut et fort qu'ils n'en avaient pas peur. Ils vivaient tous ensemble, après tout. Tonton n'avait jamais apprécié ceux qui jouaient les gros bras en ce temps là, mais même lui avait tendance à considérer qu'il ne craignait pas leurs grands voisins de palier. Il ne se laissait pas tellement approché, car c'était la coutume, mais ne tremblait pas à l'approche de leurs grandes pattes.

Mais depuis, il y avait eu les enfants. Les enfants qu'il aimait si fort et qu'il n'avait jamais craint, pas une seule seconde...

Et la femme qui l'avait emmené loin d'eux.

L'innocente question de Molly lui rappela la petite cage, le bruit des talons de cette femme qui l'éloignait de sa maison pour toujours.

Tonton fronça le nez.

"Pas... Pas vraiment, non. J'ai toujours vécu près d'eux, j'imagine. On s'y habitue..."

C'était un peu léger, comme réponse, et il avait peur que son hésitation n'ai donné la mauvaise impression à Molly. Elle cherchait à être rassurée, après tout, non? Il prit un ton un peu plus léger.

"Ils ne sont pas tous des amis, mais j'en ai rencontré... Certains... Qui valaient vraiment la peine d'être connus."

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A la place d'un " Non j'adore les Bipèdes !" ou un "Oui j'ai trop peur", j'ai eu droit à un moment de réflexion. Sûrement une comparaison des Bipèdes qu'il a du connaitre comme c'était un voyageur. Il fronça le nez. Pas bons Bipèdes du coup. Je fronçais mon nez en miroir avec le grand calico. Il sorti qu'on s'y habituait, je penchais ma tête sur le côté, pas trop convaincue. Je n'avais pas envie de m'y habituer. Mais la réponse ne s'arrêta pas là. Il expliqua qu'il avait aussi connu des Bipèdes qui en valait la peine. J'en avais pas croisé beaucoup encore. Mais encore une fois, je n'avais pas envie de rencontrer plus de ces grandes choses. Et dans ceux que j'avais déjà connus..

" J'imagine que celui qui m'a soignée après la perte de mes pattes était le plus gentil que j'ai croisé. "

Et on était sur une gentillesse assez.. basse. Après, c'était vivre dans une cage blanche qui sentait trop le propre, trop le rien. J'avais vu plein de chats passer sinon, de tout âge, de tout pelage, avec pleins d'histoires, ca avait surtout été ça qui m'avait gardé un moral assez bon pendant ma convalescence.

" Mais je préfère grandement la compagnie des chats. Peut-être... peut-être qu'être ici serait mieux si j'avais des frères ou soeurs d'adoption, on serait plusieurs contre les Bipèdes comme ça ! Ils pourraient me protéger et.. on pourrait dormir ensemble dans le nid la nuit. "

Finalement, j'étais mal car les Bipèdes me faisaient peur ou parce qu'ils étaient ma seule compagnie, et que ce ne serait jamais pareil que ma famille. Un petit silence s'installa. Je glissai une oeillade à Tonton. Je lui fis un sourire timide.

" Enfin, ça me fait plaisir quand des voyageurs passent dans mon jardin ! Comme ça je peux voir d'autres chats ! "

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En plus d'être 'gentil', le Bipède qui avait soigné Molly devait être un faiseur de miracle. Le gros matou avait du mal à s'imaginer par quel procédé la petite chatte pouvait posséder des moignons aussi propres et nets alors que sa pattes avaient vraisemblablement été détruites. Et cette histoire de pattes de monstre... C'était prodigieux. On lui avait bien parlé de soigneurs chez les chats de la forêt, mais ça n'avait sans doute rien à voir.

Même si elle admettait avoir apprécié ce Bipède plus que les autres, Tonton sentait toujours une certaine amertume dans les mots de la jeune chatte. C'était bien naturel, après tout. Être plongée dans l'inconnu avec un si grand choc, et toute seule... Pas étonnant qu'elle dise préférer les chats. Tonton se dit tout de même que ce serait plus sain pour elle de commencer à accepter les Bipèdes.

"Les Bipèdes et les chats sont un peu pareils, finalement... Il y en a des gentils et... D'autres qui le sont moins."

Tu parles d'une phrase pour rien dire...

Tonton se reprit, "Enfin, c'est vrai que tu as raison, ce serait plus facile d'avoir un autre chat à qui parler... Même si je suis sûr que si tu leur laisses une chance, tes Bipèdes pourraient te surprendre. Tu pourrais te mettre à les comprendre, avec le temps, et peut-être..."

Qu'ils deviendraient ta famille.

Comme ses enfants avaient été la sienne.

Mais ça, Tonton le garda pour lui. Molly n'avait pas besoin qu'il rejette sur elle ses propres ennuis.

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Je n'arrivais pas à comprendre ce que Tonton voulait dire par les chats et les Bipèdes étaient pareils. Les premiers étaient agiles, plein de poils tout doux, et racontaient des belles histoires. Les autres étaient grands, patauds, leur peau était toute nue et je ne comprenais rien à leur comportement. Les chats étaient bien plus rassurants je trouvais. Et j'acquiesçai quand mon invité dit que c'était mieux de parler avec un autre chat. Mais il continua en disant que je pourrais un jour m'habituer aux Bipèdes. Je laissais mon regard filer vers la maison. Peut-être.. Cependant, ça prendra longtemps... Whisky aimait ses Bipèdes après tout.

" Un jour, qui sait. Mais avant que ça arrive, j'espère qu'il y aura un autre chat avec moi ! "

Ou même mieux, que ma Maman vienne me rechercher. Mon plus grand rêve. Sauf que si je pense à ce qui sera plus probable, ce serait juste qu'un autre chat devienne mon ami dans la maison. Je redressai les oreilles.

" Tu peux venir un jour si tu en as marre de voyager. Comme tu es un gentil chat, les Bipèdes t'accepteront facilement. Surtout si tu les laisses te toucher. Moi j'aime pas trop. "

Je m'étirai, me redressant sur mes pattes avant et faisant quelques pas en trainant l'arrière. Je guettai un peu à l'intérieur. Je pense que j'avais entendu un bruit.

" Enfin, voyage tout plein avant. On ne sait jamais si tu retrouves ta maison. Je te le souhaite ! "

Et parce que moi, je ne pouvais plus voyager comme je voulais, et pourtant moi aussi j'avais des choses à retrouver. Je.. un espoir me traversa brièvement.

" Et... et si jamais tu croises une maman qui cherche sa fille lors de ton voyage, parle lui de moi. C'est peut-être la mienne. Tu verrais, elle est gentille comme toi ! "

Et je lui glissai un autre sourire, ronronnant à l'idée de ma douce maman.

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A vrai dire, l'idée de trouver un autre foyer n'avait jamais vraiment traversé l'esprit de Tonton.

Il se savait perdu, loin de chez lui, mais s'était dit pendant de nombreuses lunes qu'il allait bien finir par retrouver le chemin. Que la maison était à portée de pattes. Il vadrouillait depuis assez longtemps pour avoir finit par réaliser que ce n'était sûrement pas le cas. Qu'une vie de chat ne suffirait pas pour retrouver son chemin. Que ses pattes ne le porterait jamais aussi loin.

Et pourtant, il ne s'était jamais approché de nouveaux Bipèdes. Ses beaux discours pour inciter Molly à faire confiance aux siens, il ne les appliquait pas du tout à lui même, en fait. Un bel hypocrite, Tonton.

L'invitation timide de Molly aurait pu lui faire franchir un cap. Se décider à aller de l'avant. Accepter de se poser, d'arrêter son errance pour de bon.

Mais...

Il sourit à la gamine, "C'est très gentil, Molly, mais je crois que je devrais reprendre ma route. Si... Si je repasse par ici, je reviendrais te rendre visite, si tu veux."

Comme pour donner plus de poids à ses paroles, il se redressa. Maintenant qu'il était debout sur ses grosses pattes, Molly avait l'air encore plus petite. Vulnérable. Il espérait vraiment qu'elle allait finir par s'y faire, à sa nouvelle maison, elle méritait une vie tranquille.

"Et si je croise une maman perdue, je lui dirais que tu l'attends."

Tandis qu'il grimpait à nouveau sur la barrière délimitant le jardin de Molly, le matou se dit que ce serait quand même sympa, d'aller faire un tour du côté des clans. Histoire de voir, discrètement, si quelqu'un ne cherchait pas sa fille, justement. Il aimerait vraiment pouvoir l'aider plus qu'avec ses faiblardes paroles d'encouragement, cette petite.

Et, quelque part, il aimerait aussi beaucoup que quelqu'un, quelque part, dise à ses enfants qu'il était perdu quelque part.

Qu'on vienne le chercher...

Il n'y croyait plus trop.

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