La théorie et la pratique || Brise Argentée - abandon

Elle avait formé Feuille de Saule, achevé l’apprentissage de Nuage Hirsute, accompagné Étoile Foudroyante pour récupérer ses neuf vies, le tout avec l’aval des Étoiles. En quoi cette fois-ci serait différente ?
Vent du Nord ressassait ces mêmes questions, ces mêmes inquiétudes depuis des jours. Elle ne pouvait pas laisser Soleil-- non, Aurore, dans un tel état. Et elle ne pouvait pas non plus laisser sa petite « communauté » sans personne pour veiller à leur santé. Dans de telles circonstances, ils finiraient par mourir d’ici quelques lunes. Tous. Le problème, c’est qu’elle ne pouvait non plus agir sans l’accord de ses ancêtres. Les mêmes à qui elle avait prêté serment au début de son apprentissage, puis lors de son baptême. Aussi douloureux était-il de l’admettre, elle leur devait des comptes, et elle en leur donnerait.
Qu’importe ses différents grandissants avec le Clan des Étoiles (la mort récente de Cœur de Loutre n’avait rien fait pour arranger cela), la guérisseuse du Vent faisait les choses dans les règles, et elle s’y tiendrait jusqu’au bout. Alors qu’importe si ça ne lui plaisait pas : elle était en route pour la Pierre de Lune, deux semaines après sa dernière rencontre avec Aurore, en quête d’une solution à ce nouveau problème.

Les réunions à chaque demi-lune étaient déjà particulièrement éprouvantes; mais venir ici seule était encore pire. Il n’y avait plus la présence réconfortante des autres guérisseurs autour d’elle. Rien d’autre que le silence assourdissant et la solitude de la mine abandonnée où rien ne vivait.
Elle posa son museau contre la pierre froide, et ferma les yeux. Elle les rouvrit sur la toison argentée.

Est-ce que ses ancêtres savaient déjà pourquoi elle venait ici aujourd’hui ? Est-ce qu’ils lui faisaient une mauvaise blague ? Quelques dixièmes de seconde lui suffirent pour reconnaître le pelage sur lequel elle avait posé les yeux, et elle baissa la tête aussitôt. Non, cracha-t-elle intérieurement. Elle ne voulait pas les voir. Ni elle, ni Foehn, ni Nacré, ni personne. Elle s’était juré de ne plus jamais approcher sa famille parmi les Étoiles tant qu’elle serait encore vivante. Pour ne pas céder à la tentation de foncer droit dans les gorges en sortant de la grotte pour rejoindre la paix éternelle auprès de sa famille, pour tenir le coup ici bas. Elle ne voulait pas.
— J’ai une requête, fit Vent du Nord, la voix étranglée et les yeux toujours rivés sur le sol. J’ai une requête à vous faire.

Mes journées étaient simples ici aux étoiles, je passais ma vie à observer Vent du Nord et Doux Alizé. Elles n'étaient pas encore à mes côtés et heureusement. Tant qu'elles pouvaient profiter de la vie - bon c'est pas forcément tout rose bien sûr - mais c'était ce que je leur souhaitais, trouver la paix. Sinon je profitais de Foehn. Leur père était là également, je crois que sur la fin de ma vie je l'ai réellement apprécié. En tout cas pour m'avoir donné des filles pareilles. D'accord ce n'était pas ce que je souhaitais au début, mais elles sont devenues les êtres les plus importants à mes yeux. Mes précieuses petites chéries.

Aujourd'hui était l'une des rares journées où je n'avais fait que profiter du monde où la faim n'existait pas. Et ce n'est que lors de son arrivée dans la grotte de la vie que je l'ai vue. Toute seule. Elle avait besoin d'aide. Et cette fois, c'était à moi de venir, pas aux autres. De toute manière, ils n'auraient pas eu le choix, c'est ma fille et j'ai bien le droit de la voir. À son arrivée ici, je me précipitais à sa venue. La dernière fois que j'ai pu venir à elle… c'était dans une occasion qui promettait des jours sombres. J'espérais que, lorsque ce Cobra arriverait à ma vie, il sentirait toute la souffrance et la haine que je pouvais lui porter. La douleur. Mais ce n'était pas le moment.

"J'ai une requête. J'ai une requête à vous faire."

Elle semblait tremblante. Alors je m'avançais vers elle, avec le regard doux et chaleureux d'une mère.

"Bonjour ma chérie, qu'est-ce qui t'amène ici, raconte moi."

Je m'installais à ses côtés, les oreilles droites, à l'écoute. Après tout, elle avait fait ma fierté en choisissant la voie la plus difficile. Oh j'étais tout aussi fière d'Alizé bien sûr ! Il faudrait que je lui fasse passer un message de son Araignée Tordu, le gamin bizarre. Par les étoiles heureusement que je n'étais plus là lorsqu'ils ont eu des chatons ! J'aimais mes filles mais je n'étais pas prête à être grand-mère. Surtout vivre la souffrance de les perdre. Brrr.