Un tour (de piste) [PV Babe]

Le pire, c'était qu'il y revenait.

Ça faisait, quoi... Une poignée de lunes? Depuis la rencontre entre Chardon Marbré et ce curieux chat domestique qui racontait n'importe quoi. Ça n'avait pas été si désagréable, comme interaction mais ça aurait du en rester là.

Mais non. Pour une raison qui lui échappait, Chardon parvint à justifier une visite supplémentaire. Et une autre. Et peut-être une autre...

Jamais rien de très méchant, ni de très long. Et pas depuis qu'il était devenu guerrier. Mais quand même, si son clan savait qu'il était tombé si bas... Ça n'arrivait jamais sur le territoire du clan de la Rivière, au moins. Chardon avait comprit que son... Sa connaissance. Passait pas mal de temps en terre neutres. Ce qui était bien pratique, quand il s'agissait de se croiser par hasard.

Il ne cherchait pas spécialement à faire une rencontre fortuite, aujourd'hui. En fait, depuis la guerre et son baptême, Chardon n'avait pas vraiment eu le luxe de penser à Babe. Ou à quoi que ce soit d'autre que les problèmes que l'affrontement avaient fait surgir. Mais tandis qu'il suivait la rivière en s'éloignant un peu plus de son territoire à chaque pas, il se dit qu'il aurait bien eu besoin de décompresser un peu...

"....???!"

Faute de décompression, ce fût une tétanie complète qui s'empara de lui. Car, sans trop s'en rendre compte, Chardon s'était rapproché d'un... Truc?

Le clan parlait d'un machin mystérieux pleins de bipèdes qui auraient poussé comme par magie dans un coin près des Quatre Chênes, mais ça, c'était... IMMENSE. Et fourmillant de bipèdes, avec des bruits qui vous vrillaient les tympans, et des odeurs tellement puissantes et nombreuses que Chardon en eu le tournis.

Oubliant son entrainement martial, oubliant sa dignité et même le simple fait qu'il pouvait partir, tout bêtement, Chardon fonça se cacher, à couvert près d'un... Machin de bipède tout long et dur. Il ne savait pas trop comment ça s’appelait mais il arriva à se glisser dessous, à l’abri des regards.

Il n'avait plus qu'à regarder les badauds passer, à attendre une ouverture pour filer pour de bon.

Y'a un cirque! Tout près de chez moi juste à ma portée, c'est-y-pas beau ça? J'adore ça le cirque moi. Parce que y'a mille trucs super à faire et là au moins ça bouge! C'est qu'on s'ennuie un peu des fois à compter les allers retours de la balle dans le jardin, un gros machin avec pleins de gens c'était juste ce dont j'avais besoin. Alors évidemment j'ai foncé voir dès que ça a commencé à rameuter du monde, et je suis pas parti depuis. Je m'y amuse bien! Y'a des animaux tout bizarres et trop moches, ya pleins pleins pleins de gens, qui me caressent des fois et qui me donnent même à manger, j'adore! Oh, si je pouvais me trouver une nouvelle équipe qui vivrait dans ce cirque, ce serait le pied!

Pour l'instant ça arrive pas, mais c'est pas grave parce qu'une petite fille a fait tombé sa barbe à papa et moi pas bête, j'ai attendu qu'elle aille pleurer à son papa pour la ramasser. Et bam c'est pour qui la barbe à papa? Pour bibi! Il parait que c'est pas bon pour ce que j'ai le sucre mais qui c'est qui dit ça? Des idiots voilà!

Et là au moment où je parle d'idiot je vois mon copain Igor! Qui s'appelle pas vraiment Igor mais Nuage de Chardon et qui se cache sous une machine à sous. C'est une machine où dedans y'a des sous. Les gens ils l'utilisent pour récupérer des trucs qui puent (c'est ça les sous) et ces trucs ils s'en servent pour les échanger au cirque contre pleins de choses. Comme ma barbe à papa! Sauf que je l'ai pas payé moi je l'ai récupéré légalement. Mais bref, je viens mettre ma tête sous la machine, et je vois le copain terré comme un rat.

"T'as vu y'a un cirque c'est génial! Tu veux de la barbe à papa?"

Peut-être que je suis un peu trop excité. C'est le sucre ça me monte à la tête.

Le Clan des Étoiles avait un sale sens de l'humour. Chardon Marbré se demanda si c'était sa punition pour avoir fricoté d'un peu trop près avec un chat domestique. Pas qu'il ai eu d'arrières pensées (aucunes !), mais il pouvait comprendre que ses ancêtres l'aient mal prit. Mais quand même, le coincer dans ce guêpier, c'était rude.

Ça l'était encore plus d'envoyer Babe pour qu'il soit témoin de son humiliation. Si le Clan des Étoiles avait bien quelque chose à voir avec la destinées des chats domestiques. Pourtant, il était bien là, complétement insensible au vacarme alentour. Avec un truc (?) dans la gueule, avec, en prime, des mots que Chardon ne connaissait pas. De le voir aussi calme alors que c'était le chaos derrière eux énerva Chardon, et il souffla:

"Mais... ! Viens donc te cacher là dessous, tu vois pas que c'est le merdier dehors?"

Les chats domestiques étaient bizarres. Et Babe était un sacrée spécimen. Mais, quand même ! Il restait un chat, et les chats n'aimaient pas les bruits sourds et les odeurs bizarres, en principe. Toute cette agitation, ça devait bien lui faire quelque chose, non?

Ce... Cirque. Si c'était bien le nom de cet endroit. C'était l'enfer.

"Le merdier?"

Il veut dire que ça pue? Parce que oui j’entends bien, ça sent un peu fort le cirque. Y'a des bêtes qui sentent comme vingt renards, plus fort même, y'a des monstres énormes qui font des gros bruits et de la fumée toute noire, y'a du feu même, et puis les bonbons et le reste... Rien que la barbapapa que je porte, son odeur me montre aux narines, c'est dur de se concentrer.

Mais mon copain, je crois pas que c'est ça qu'il sous entendait. J'ai comme l'impression qu'il a les chocottes, en fait. Parce que même dans toutes les odeur bizzares du cirque, je sens la sienne à lui. Et ça pue la peur.

Je rigole.

"Ahahah, mais t'as peur ou quoi? C'EST LA FÊTE FORAINE!!"

Ils sont tellement stressés dans cette forêt. A s'énerver pour un rien et à s'affoler dès qu'un écureuil pète. Moi j'essaie faire un grand sourire pour lui montrer que tout va bien, mais tout ce que ça fait c'est faire tomber ma barbapapa. Je la ramasse, et pour lui faire plaisir, je me faufile sous la machine.

"Faut se détendre Igor."

Chardon Marbré se hérissa davantage quand l'autre vint le rejoindre dans son trou avec son habituelle insouciance. Il en avait, des manières, celui là ! Certes, la rusticité de Babe, il avait finit par s'y faire, et trouvait même ça charmant à petites doses, mais...?

Le danger était partout, aujourd'hui, et pourtant le gros matou noir continuait de prétendre ne rien voir. Les chats domestiques... Étaient fatiguant. Chardon dût faire un gros effort pour retrouver un semblant de calme, histoire de ne pas passer pour un couard quand son ami était imperturbable. Son honneur... Non, celui du clan de la Rivière tout entier, était en jeu ! Pas question de rester à trembler quand un chat domestique restait de marbre.

Et, comme on venait justement de l'appeler par un insupportable surnom...

"Je t'ai déjà dit que je ne voulais pas que tu m'appelles comme ça," souffla-t-il, la voix toujours une peu basse. Il avait beau être irrité et jouer ceux qui n'avaient pas peur, fallait pas non plus attirer trop de monde. "C'est Nuage de Chardon."

...

Heu.

Non, en fait.


"Je veux dire. Chardon Marbré. Je... J'ai été baptisé. Je suis un guerrier, maintenant."

Il avait beau s'être échauffé les neurones à expliquer le système complexe des clans à Babe, Chardon se doutait que cette information n'aurait pas de grande valeur aux yeux du chat domestique. 'Guerrier', c'était vide de sens, pour lui.

Cette réflexion fit froncer le museau à Chardon. Après la guerre, après un baptême qu'il ne pensait pas mériter, avec la tension toute fraiche au camp et le reste...

Est-ce que 'Guerrier', ça avait du sens, finalement?

Il ronchonne mon copain mais j'écoute pas trop. Ya trop de bruits trop de choses à regarder même depuis notre cachette. En fait, c'est bien d'être tapi dans l'ombre parce que personne nous voit mais nous, on voit tout, tout, tout. Juste les pieds des gens qui passent vite, ça suffit à s'occuper. Je trouve ça très sympa et j'oublie un peu d'écouter Nuage de Chardon.

"Qu'est-ce que c'est paisible ici... C'est une super cachette que t'as trouvé!"

Il est chic, lui, il a toujours des bonnes idées. Et depuis que je passe du temps près de sa rivière, je me sens moins seul. Les chats du quartier, des fois, j'ai l'impression qu'ils en ont marre de mes histoires. Igor, mon copain Igor, il m'écoute lui. Je m'en veux un peu de pas lui rendre l'ascenceur là tout de suite pour le coup, alors je me secoue et commence à sortir le nez de notre cachette. Pour me faire pardonner, je vais lui montrer des trucs cools!

"Mais bon, on va pas y passer la nuit hein, tu viens? ON Y VA!"

Et hop, je sors! A NOUS LE CIRQUE!

"Moi je voulais faire tout le tour pour voir tout, mais c'est plus marrant à deux, c'est super que tu sois venu!"

Avec Babe, ça entrait dans une oreille pour ressortir par l'autre. Chardon Marbré sentait bien que le chat domestique ne l'avait pour ainsi dire pas écouté, trop occupé à s'émerveiller du moindre craquement dans leur direction, là ou un chat normal se serait ratatiné sur place. Qu'est-ce qu'il était agaçant !

L'irritation de Chardon fit place à la panique quand, au lieu de rester là, le gros chat noir s'extirpa de leur abri.

"H-Hey !"

Non seulement il se tenait là, au milieu des Bipèdes qui fusaient de partout, mais il... L'incitait à le suivre? En baragouinant son habituel flot d’inepties dont Chardon comprenait un mot sur deux, les yeux brillants comme si il n'était pas en train de risquer sa peau.

Les oreilles rabattues sur le crâne, Chardon finit par lui aussi laisser sa cachette à contre cœur. Il avait beau avoir peur, pas question de laisser Babe passer pour le plus courageux des deux. Même si dans son cas, c'était de l'inconscience plus que de la bravoure, Chardon était un guerrier, maintenant. Il ne pouvait décemment par rester planqué quand un simple chat domestique affrontait ce 'cirque'. Et puis, il disait être content que Chardon soit là... Ça méritait bien un petit effort.

Bon, il n'y mettait pas beaucoup d'entrain, rasant les murs tandis que son camarade se tenait au beau milieu du passage, la cible la plus facile du monde. C'était quand même fou, cette imprudence. Ne voyait-il pas tout ces Bipèdes? Ils n'avaient pas l'air de les avoir trop remarqués, d'accord, mais un accident était si vite arrivé...

"Qu'est-ce qu'ils foutent tous, ici?" grogna-t-il en regardant le Bipède plus proche, un grand machin tout en jambe. "Ils en font, du bruit..."

Ah, pour les trucs de la forêt c'est peut-être un monsieur je sais tout, mais là ici, il sait pas grand chose mon pote Igor. Même si il me suit, je sens qu'il est pas à l'aise, et il regarde les copains comme si ils allaient lui sauter dessus. Alors que même pas, ils nous calculent pas du tout. Faut dire qu'il y a tellement de choses à voir, comme si ils allaient s'intéresser à deux bêtes chats. Je les comprends! Moi je sais plus où donner de la tête avec tout ces trucs chouettes à regarder. Mais je veux aussi que mon pote s'amuse alors je lui réponds parce que ici, c'est MOI l'expert.

"Ben, ils attendent pour le spectacle tiens!"

Parce que c'est à ça que ça sert, ce grand machin, figurez vous. Les gens ils vont entrer sous le grand truc, et ils vont regarder le spectacle. C'est comme un match mais c'est plus marrant parce qu'ils se passe pleins de trucs bizarres pendant. De penser à ça, ça me donne envie d'y aller d'ailleurs!

"OH! Viens on y va aussi, voir le spectacle!"

Ça je le crie au copain avant de m'élancer vers l'espèce de grande peau de je sais pas quoi qui recouvre l'endroit-du-spectacle. Je me glisse dessous, puis je repasse mon museau par l'ouverture pour crier:

"Alleeeeeeeeeeeez viens!!"

A l'intérieur, c'est pas trop occupé. Y'a personne en fait. J'imagine que ça commence pas tout de suite. Mais bon comme ça au moins on peut choisir nos places. Je me tortille pour m'installer sous une espèce de banc, en bas près de l'espèce de cercle où y'aura le spectacle. Je suis cachée comme ça mais je vois tout!

"Ca va sûrement bientôt commencer, pis on sera bien là c'est la bonne place pour tout voir."

Ce chat était fou.

Chardon Marbré se faisait cette réflexion à peu près 5 fois à chaque fois qu'il croisait le chemin de Babe, mais aujourd'hui il faisait fort. De le voir filer comme une flèche à travers ce camp de Bipèdes avant de se glisser sous un (truc? une sorte de peau géante qui recouvrait... quelque chose?), c'était...

Insensé.

L'envie de fuir était grande, mais Chardon était toujours à découvert, et n'avait pas très envie de rebrousser chemin au milieu des bipèdes tout seul. Alors il prit son courage à deux mains, et alla rejoindre son idiot d'ami.

A l'intérieur de l'espèce de structure géante, il y avait une structure de métal et de bois, sûrement prévu pour que les bipèdes s'y installent. Chardon les avait déjà vu s'assoir sur des choses similaires, à l'orée des bois. Babe avait pris place là dessous, toujours aussi excité malgré les milles odeurs étranges et inquiétantes autour d'eux.

"Un spectacle," Chardon répéta machinalement, moins comme une question que comme une tentative de comprendre par lui même de quoi il s'agissait. "Et donc, tu voudrais qu'on reste là pour... Voir? Quoi?"

Si c'était un des habituels délires sans queue ni tête de Babe, Chardon préférait qu'il fasse ça dehors. Il l'avait rejoint sous la structure-pour-s'assoir, mais ça n'était franchement pas une cachette idéale. Chardon se sentait beaucoup trop exposé, là dessous. N'importe quel bipède pourrait rentrer sous la grande peau et les trouver là.

Et pourtant, il était venu. Il restait.

Peut-être que Chardon était fou, lui aussi.

Il est un peu coincé mon copain. J'ai beau m'époumoner pour qu'il rapplique, il vient tout doucement, comme si il avait peur qu'on lui saute dessus, et une fois qu'il m'a rejoint il continue à regarder partout avec des gros yeux. Ils ont peur de tout ces gars de la forêt!! C'est presque mignon mais c'est un peu triste aussi. Imagine tu vit toute ta vie en regardant derrière ton épaule comme ça. A croire qu'ils ont jamais croisés de vrai chat!

Moi je veux le dérider le copain alors comme le spectacle ne commence pas je prend les choses en main et je fonce sur la piste, au milieu là où le sol c'est du sable qui pue super fort.

"Meeesdames et messieurs, merci d'être venu si nombreux!" je gueule même si y'a personne ici à part nous. Ca fait partie du spectacle aussi d'imaginer le public je pense. "On a plein de trucs incroyables à vous montrer ce soir, comme, comme, LE CHAT LE PLUS RAPIDE DU MONDE!"

Et hop j'enlève le casquette de présentateur et j'entre en scène pour de vrai, je cours d'un bout à l'autre de la piste aussi vite que je peux.

"Non, vous ne rêvez pas, il peut échapper à une meute de chien enragés et il peut même attraper toute les balles qu'on lui lance tellement il va vite!!"

Je me dévisse le cou pour regarder mon pote toujours planqué:

"La preuve, la preuve, ce terrible... Lion de rivière. Ben regardez, il l'attrappera jamais!!" Je remue la queue, histoire que ce soit clair ce que je veux. "Allez viens, essaie pour voir!"