Pride || Masque de Serpent, Louve des Bois, Petite Feuille

Son père refusa. Il était catégorique — c’était trop dangereux, surtout pour des chatons, et ses deux dernières escapades accidentelles ne jouaient pas en sa faveur. Mais c’était pas juste, parce que c’était pas sa faute et puis, c’est pas comme s’il avait voulu les faire, ces deux dernières escapades ! La première fois il avait été forcé par Frelon et Tigrée, et la dernière en date, il avait « volé » dans son sommeil. Une drôle d’histoire. Mais cette fois ci, c’était différent : il voulait vraiment, vraiment y aller.

Alors face au refus de son père, la déception le frappa comme un coup au visage. Ses oreilles retombèrent, ses yeux se remplirent de larmes et il ne trouva aucun autre mot qu’un long « Haaaawwww… » déçu. On ne lui avait encore jamais rien refusé de la sorte, principalement car il n’avait pas vraiment pour habitude de demander des choses mais dans tous les cas, la pilule fut compliquée à avaler. Impossible, même.
Alors il décida d’insister un peu plus.

— Mais- mais si t’es là avec moi alors on risque rien !
À ses yeux, c’était une logique implacable : ses deux sorties accidentelles hors du camp s’étaient toujours mal passées car il y était allé seul. Mais dès que son père était entré dans la danse, tous les problèmes s’étaient évaporés comme par enchantement, et le monde était redevenu calme et paisible.
Masque de Serpent le questionna sur ses motivations. Le soucis, c’est qu’il en avait beaucoup trop, pour ne pas dire des tonnes. Alors quand il essaya de faire le tri dans ses idées, de choisir quoi dire en premier, tout se mélangea, et le résultat ne fit pas vraiment plus de sens.
— C’est que, haw, il va bientôt disparaître et y’a des créatures comme moi comme ça ! Il fit un petit bond en avant et lâcha un petit feulement pour faire gonfler les poils de sa crinière. Et puis faut trop qu’on aille les voir parce qu’après quand ils seront plus là on pourra plus et- et ils sont comme moi il faut que tu les vois toi aussi ! Avant qu’ils s’en aillent loin pour trop trop longtemps et tellement longtemps qu’on sera des souris d’ici là !
Un raisonnement sommes toutes parfaitement logique et cohérent.

« Hum. Il semble que je vous derange dans votre expédition ? »

« Toi, tu as intérêt à avoir une très bonne explication. »

Ils embarquèrent Petite Feuille qui avait pris la fuite dans le calme de la tanière des anciens, et les voilà qui étaient partis. Petite Glycine avait envie de crier pour extérioriser toute cette excitation et cette joie qu’il avait en lui. Il avait l’impression que son cœur allait exploser, mais un regard rapide vers sa sœur suffisait à se contenir, et à rester silencieux. Après tout, il lui avait proposé de venir pour qu’elle profite du calme du dehors alors autant ne pas gâcher son moment. Celui de Glycine viendrait plus tard, et, haw, c’qu’il avait hâte. Tellement hâte qu’il sautillait sur le chemin, comme s’il dançait, parce qu’il avait trop de bonheur dans le dedans.

Quand ils arrivèrent près du chapiteau, il en eut presque le tourni. C’était tellement de nouveautés d’un coup : des sons, des odeurs et des choses qu’il n’avait encore jamais vu. Une gigantesque structure à la couleur tout sauf naturelle, comme si elle était recouverte de sang de souris. Il avait envie de foncer droit devant lui, sans se soucier du danger, mais avant même qu’il n’ait l’occasion de bouger d’un poil, son père lui rappela l’existence des conditions.

— Haw ! prononcé comme un « chef oui chef ! » Il faut rester à côté de toi, et on court super vite si tu nous le dis de le faire, et on te lâche pas !
Il avait bien récité sa leçon, comme un élève modèle. Un marché était un marché, et il tiendrait parole jusqu’au bout. Il était prêt à partir, quand, tout à coup, ils furent interrompus par une personne inattendue.
— C’est maman ! observa Petite Glycine, tout content. Elle allait pouvoir voir les créatures comme lui avec eux, c’était trop bien ! Il était content de la voir. Il aurait voulu aller frotter sa tête contre ses pattes, mais il avait promi : fallait pas lâcher papa. Et puis, maman, elle avait pas l’air super contente en fait. Le pelage en bataille et les sourcils froncés, c’était rarement bon signe. L’idée que la raison derrière sa colère ne soit autre que leur escapade au cirque ne lui traversa même pas l’esprit : après tout, si papa avait dit oui, c’est que c’était oui, et donc que maman était d’accord aussi. N’empêche qu’elle avait l’air franchement fâchée contre papa, quand même. Il se leva la tête vers ce dernier, le regardant avec de grands yeux innocents.
— Haw, maman elle a pas l’air contente, commenta-t-il. Est ce qu’il avait fait une bêtise, papa ?