Laisse béton [Nuage de Foudre / Masque de Serpent] - abandon

"J’étais tranquille, j'étais peinard
accoudé au flipper,
le type est entré dans le bar,
a commandé un jambon-beurre,
puis il s'est approché de moi,
pi y m'a regardé comme ça :
[...]j'te fais tes bottes à la baston !
moi j'y ai dit :
Laisse béton !

Y m'a filé un beigne, j'y ai filé une torgnole,
m'a filé une châtaigne, j'lui ai filé mes grolles."



Le soleil était déjà haut dans le ciel quand Nuage de Foudre revient avec la patrouille de chasse, quelques proies et très faim. Tellement faim que lorsque son mentor lui avait ordonné d’aller manger, et vite et sans discuter, parce qu’il allait falloir repartir bien vite pour la patrouille de l’après-midi, il n’avait même pas discuté et s’était dirigé vers le tas de gibier pour y attraper un petit campagnol.

Cherchant d’un rapide coup d’œil un endroit pour pouvoir déguster son déjeuner, son regard se porta sur Masque de Serpent, qui semblait lui aussi occupé à se sustenter. Le chat borgne avait toujours attiré l’attention du jeune apprenti : toujours un peu à l’écart, un physique et un comportement un brin atypique, il était généralement considéré par les autres membres du clan comme un poil bizarre. Ce qui ne les incitait pas toujours à la sympathie, ce qui attirait celle de Nuage de Foudre.

Le jeune matou voyait le félin tabby comme un original, un excentrique, potentiellement un anticonformiste incompris de ses congénères, donc probablement quelqu’un qui devait voir une vision du monde bien à lui, des idées intéressantes, et avec lequel le débat devait être enrichissant et formidablement passionnant.
Lui qui avait, par conséquent depuis bien longtemps envie de discuter avec lui sans en avoir jusque-là eu l’occasion décida immédiatement qu’aujourd’hui était le bon jour et le moment. Son campagnol toujours dans la gueule, il s’approcha du félin trapu et couturé de cicatrices.

« Hey ! Je peux manger avec toi ? » lui demanda t’il, avenant, enthousiaste et joyeux en s'installant à côté de lui.

Ces derniers temps, ça carburait pas mal, dans la caboche à Masque de Serpent. Un peu trop à son goût, même. Entre Louve des Bois, leurs petits, le couronnement officiel du patron, ce qui était arrivé à Cœur de Loutre... Il se retrouvait un peu trop souvent à cogiter dans son coin, retournant des questions dans sa petite tête sans réussir à trouver une issue satisfaisante à tout ça.

C'était le cas aujourd'hui aussi, et le greffier était en train de mâchouiller sans grand enthousiasme une petite souris quand quelqu'un vint interrompre le fil emberlificoté de ses pensées.

C'était Nuage... De Foudre? Un des nouveaux apprentis, là. Son mentor c'était... Quelqu'un. Ou personne. Allez savoir, avec les méthodes de leur chef. Masque de Serpent ne se souvenait pas lui avoir jamais vraiment parlé, mais tout était possible. Il avait été... Très occupé, ces derniers temps.

En soit, c'était étrange qu'un apprenti qu'il connaisse à peine demande à prendre son repas avec lui. Les guerriers mangeaient plutôt avec leurs apprentis, ou avec les apprentis qui faisaient partie de leur famille... Bon, Serpent était au courant qu'il avait une sorte de capital sympathie inhérent avec certains jeunes (pour une raison qui lui échappait), mais quand même, il ne s'attendait pas à ce que ce petit gars là vienne lui parler aujourd'hui.

Ce qui n'était pas une raison pour refuser.

"Ouais ouais, pas de soucis, haw haw."

Non pas que sa petite souris soit digne d'être partagée, mais l'apprenti était venu avec son propre déjeuner, un campagnol.

Bon. Un guerrier normal entamerait la conversation, s'intéresserait à l'apprentissage du novice... Serpent n'avait pas trop la tête à ça, et, à la place, jugea bon de le prévenir:

"Bon, par contre j'resterais pas longtemps, faut que je passe à la pouponnière. Mes ptiots y commencent à tenter de goûter des proies, j'l'eur amène souvent des ptits trucs à grignoter à cette heure ci."

"Ouais ouais, pas de soucis, haw haw."

« Super ! » pensa Nuage de Foudre, enthousiaste, qui craignait de l’avoir interrompu dans le fil de ses pensées. Il remarquait la réserve du matou borgne, qu’il mit sur le compte d’un manque de pratique de la conversation. C’était logique : les autres membres du clan l’approchaient peu, et il faisait rarement le premier pas non plus. Comme tous ceux qui sortent de l’ordinaire et pensent différemment d’autrui il était sans doute un incompris. Peut-être avait-il cessé d’espérer que les autres puissent le comprendre ? Peut-être était-il trop occupé à réfléchir pour bavarder ? Peut-être était-il tout simplement timide ?
Il reprit une bouchée de son campagnol, réfléchissant à la manière de démarrer la conversation, lorsque le félin aux touffes de poils sombres ajouta :

"Bon, par contre j'resterais pas longtemps, faut que je passe à la pouponnière. Mes ptiots y commencent à tenter de goûter des proies, j'l'eur amène souvent des ptits trucs à grignoter à cette heure ci."

Nuage de Foudre se sentit brusquement stupide. Il avait oublié qu’il avait devant lui un jeune papa, et qu’en conséquence il avait déjà beaucoup de préoccupations avec ses bébés. C’était d’ailleurs probablement à elles (*) qu’il était en train de penser.

« Petite Feuille et Petite Glycine ont commencé à manger de la viande ! Félicitations ! » dit-il chaleureusement à l’heureux papa des deux petites boules de poils.

« Elles sont si mignonnes ! » ajouta t’il, sincèrement. Il avait déjà eu l’occasion d’apercevoir les petites lors d’une corvée de litière dans la pouponnière et elles lui avaient plutôt fait bonne impression.

« Si jamais tu as besoin d’aide en quelque façon que ce soit, n’hésite pas à me demander, tu peux toujours compter sur moi ! » poursuivi t’il spontanément quoique n’ayant pas vraiment d’idées d’à quoi il pourrait bien aider.

Il reprit encore une bouchée de sa proie, qui n’était pas très grosse il est vraie mais bien fraîche et juteuse. Peut-être est-ce le fait de manger qui lui donna une idée :

« Si par exemple, elles veulent visiter un peu le camp, je serai ravi de leur servir de guide ! » déclara t’il enthousiaste.




PS n°1: (*) je sais bien que Petite Glycine ne se considère lui-même pas comme elle mais comme il. Mais pour l’instant Nuage de Foudre ne le connais que vaguement de vue, et ne peux pas le savoir. D’ailleurs, (même s’il faut encore que j’en discute avec son joueur) la personnalité de FouFoudre en fera probablement une des personnes à l’accepter le plus facilement et le plus rapidement, voire à prendre sa défense sur ce point face à ceux qui éventuellement lui feraient des misères sur ce point.

[Hors RP : Même commentaire que plus haut, Serpent n'est pas (encore) au courant que Glycine est un garçon, il utilise donc le mauvais pronom et parlera de 'ses filles' dans ce RP. ]




Un chat normal aurait sûrement adorer qu'on le félicite et qu'on complimente sa progéniture comme ça, mais Masque de Serpent se contenta de froncer le nez sur sa souris. C'était toujours... Tellement bizzare.

Entre lui et les chatons, une sorte de quelque chose de presque naturel avait finit par s'installer. Ave Louve, ça allait aussi. Mais avec le reste du clan? Les entendre lui parler de son nouveau statut de papa, de s'échanger des conseils en matière d'éducation, de parler du quotidien de ces nouvelles petites boules de poils...

C'était pas ça, son rôle, il se sentait de plus en plus comme une erreur de casting.

Mais merde, c'était bien normal que Nuage de Foudre, qui ne le connaissait pas très bien, s'en tienne à ce genre de banalités. Parce que c'était normal. Pas sa faute, au gamin, si Serpent ne se sentait pas normal en abordant la question.

L'opportunité de faire des vannes arriva quand Nuage de Foudre suggéra de faire visiter le camp au chaton, et Serpent s'en saisit comme un chat en pleine noyade attraperait une branche:

"Haw haw, fait gaffe, tu t'embarquerais p't'être dans un sacré truc hein. Sont pas bien grosses, mais elles en font déjà des bêtises."

Et, en laissant sa voix perdre son habituel ton strident, il ajouta:

"Y va sans dire que si il arrive un truc à ma portée pendant que t'es censé la surveiller, j'te fait la peau, haw?"

Tiens, ça faisait longtemps qu'il n'avait menacé personne.

Queue de Babouin lui manquait. Couronne d’Épines aussi. Mais il n'avait pas le temps d'aller chercher la merde à la frontière, ces derniers temps. Aller embêter les gros débiles des clans adverses, c'était bon pour les jeunes guerriers célibataires. Pas pour... Serpent. Qui était. Célibataire? Peut-être? 'fin, en tout cas, c'était derrière lui ces histoires. En suspens, en tout cas. Là tout de suite, d'essayer de foutre la frousse aux apprentis de son clan, c'était ce qu'il avait de mieux à se mettre sous la dent.

"Haw haw, fait gaffe, tu t'embarquerais p't'être dans un sacré truc hein. Sont pas bien grosses, mais elles en font déjà des bêtises."


Nuage de Foudre qui ne remarqua pas la gêne, pourtant manifeste, du félin à parler de ses filles, éclata de rire, d’un rire joyeux, limpide et dépourvu de la moindre trace de méchanceté avant d’ajouter, avec un culot infernal, un brin d’humour et fier comme un paon :
« Ne t’inquiètes pas, les bêtises ça me connais ! Je me souviens de quand moi j’étais chaton, on peut même dire que j’étais un champion !»


En finissant les dernières bouchées de son campagnol, Nuage de Foudre repensa à ses années de grande jeunesse où il avait effectivement enchaîné les bêtises. Il aimait bien tenter d’escalader le promontoire du haut duquel le chef s’adressait au clan, tentant de planter ses petites griffes dans le grand rocher. Mais ce qu’il adorait particulièrement, c’était explorer, explorer tout et tout le temps, et sans bien sûr, se limiter à ce qu’il avait le droit de voir et là où il avait le droit d’aller. Le chef, la guérisseuse, les anciens, les apprentis, les guerriers… Tous l’avaient un jour où l’autre retrouvé paisiblement endormi dans leur tanière au lieu de se reposer dans la sienne aux côtés de sa mère. Son désir de découvertes ne s’arrêtait, bien sûr pas aux limites du camp, dont il était plusieurs fois sorti à l’insu des adultes, seul ou entraînant avec lui une bande de jeune chatons.


Tomber dans la rivière lui avait refroidit les pattes, mais ne pas ses ardeurs exploratrices. Il avait été repêché tôt, et avait ainsi eu juste eu le temps d’apprécier le contact frais de l’eau sur son pelage, sa fraîcheur et les rigolos remous qui en le ballottant le faisait comme rebondir au gré du courant, pas d’avoir vraiment à craindre de se noyer.


Le bipède qui avait essayé de l’attrapé ne l’avait pas non plus terrorisé. Il était à peine plus grand que le buisson sous lequel les chatons étaient cachés, et puis il n’avait pas l’air méchant. Il avait eu un petit cri quand il les avait vu, mais son intonation semblait plutôt… contente, joyeuse… quelque chose comme ça. Il ne comprenait pas ce que disaient ces créatures, mais les vocalises de l’animal dépourvu de poil ressemblaient plus à l’excitation que lui et ses camarades de pouponnière ressentaient lorsqu’on leur apportait une nouvelle proie, montrait un nouveau jeu ou racontait une nouvelle histoire. Ça n’avait pas l’air bien agressif.

Il avait à la main un drôle de machin à l’odeur de nourriture intéressante, cylindrique mais coupée en deux et mal réassemblée, couleur brunâtre presque beige. Il en avait sorti quelque chose qu’il avait jeté à l’orée du buisson et Nuage de Foudre, le plus téméraire de la bande, s’était approché et avait reniflé puis goûté. C’était rose, frais et de texture, mais on sentait au goût qu’il ne s’agissait pas d’une proie du matin, mais ça n’avait pas non plus le goût sec et un peu faisandé des proies qu’on avait trop longtemps laissé sur le tas de gibier. C’était de la viande, assurément, mais cela ne ressemblait ni à de la souris ni à de l’oiseau. Il préférait le campagnol mais ça avait un goût pas désagréable et une saveur supplémentaire : celle de l’inconnu.

Ensuite il avait tendu tout doucement vers lui une patte étrange, dépourvue de pelage et de coussinets, presque aussi lisse que le morceau de viande qu’il venait de lui donner, avec une forme de patte de canard, mais moins plate et sans palme. Il avait reniflé la main et jugé que son odeur n’était pas menaçante et alors il avait laissé des doigts aux étranges griffes pâles et plates qui devaient être fort peu pratiques pour chasser s’approcher de, lui caresser le haut du crâne, puis redescendre vers l’arrière de la tête et enfin le gratouiller entre les oreilles, mais sans lui faire de mal – le bipède avait dû rentrer les griffes. C’était une expérience intéressante ; il n’aurait pas aimé la renouveler tous les jours, mais ça n’était pas désagréable.

Bon quand un autre bipède, plus grand s’était approché et avait essayé de les attraper, cela lui avait moins plu, mais il n’avait pas non plus vraiment eu peur.


Il avait beaucoup moins aimé rencontrer la vipère. Elle l’avait fixé de ses grands yeux jaunes à la pupille effilée. Elle avançait doucement vers lui en ondulant, mais son regard était si fixe qu’elle semblait aussi immobile que si le temps s’était arrêté. Seule sa langue fourchue qui sifflait si sourdement si silencieusement que s’en était menaçant se déplaçait et crevait l’immobilisme de l’instant. Il était resté pétrifié, par la peur et la curiosité mais l’esprit vide macabrement fasciné, presque hypnotisé. Cette fois s’était vraiment in extremis qu’un membre du clan – il ne se souvenait plus qui – l’avait sauvé. C’était peut-être à cause de ce moment qu’il n’était pas très à l’aise avec les serpents.


Masque de Serpent faisait bien sûr exception. Il le connaissait peu mais lui trouvait un air gentil même lorsqu’il avait un ton strident, même lorsqu’il prenait un ton menaçant, comme lorsqu’il ajouta : "Y va sans dire que si il arrive un truc à ma portée pendant que t'es censé la surveiller, j'te fait la peau, haw?"


C’était assez logique. De toute façon il avait bien conscience que s’occuper de chatons c’était beaucoup de responsabilités. Il fallait tellement avoir les yeux partout que dix paires de pupilles n’y suffiraient pas.

« Bien sûr ! » répondit-il, sérieux, quoique pas très impressionné par le caractère menaçant des propos de son aîné

« J’ai conscience que les chatons c’est très fragiles, et que ça s’enfuit pour faire des bêtises plus vite qu’un pinson ne s’envole. Je ferai très très attention ! »


Il réfléchit quelques instants avant d’ajouter : « Mais si tu préfères, je peux juste passer dans la pouponnière et leur raconter des histoires. Elles aiment les histoires ? Je me souviens que quand moi j’étais chaton, j’adorais les histoires ! »


Chaton, il se souvenait bien qu’il était impossible de le faire taire plus de trois secondes consécutives, sauf quand on lui racontait des histoires. Là il était capable de se taire plusieurs minutes d’affilées avant de poser une question. Ou de demander une autre histoire…

Il n'avait pas sa langue dans sa poche, ce petit gars là. Masque de Serpent repensa à Cœur de Loutre, à l'époque où elle aussi était un apprenti qui lui tapait légèrement sur le système, à lui poser des questions idiotes et à lui coller au poil... Il appréciait presque, en ce temps là, Serpent, mais d'y repenser donnait à sa souris un arrière goût amer. Parce que cette élève prometteuse, qu'il avait plus ou moins guidé dans son apprentissage un poil chaotique, lui qui n'était pas son mentor? Elle avait abandonné la vie de guerrier, avant même de l'avoir commencée. Tout ça pour crever à la première épidémie de morve au nez...

Serpent fronça le nez. Nuage de Foudre, à côté de lui, avait l'air plongé dans ses propres souvenirs, sans doutes plus joyeux. Parce qu'il garantissait avoir été un chaton turbulent, lui aussi. Serpent était... Certain que ça devait être vrai? Il n'avait pas de souvenirs d'avoir jamais vu Nuage de Foudre à la pouponnière. En fait, il n'était pas vraiment sûr de savoir qui était ces parents, à celui là...

Bon sang, avec tout le bordel des dernières lunes, il en avait zappé, des épisodes...

En tout cas, sa blague-menace n'avait pas prit, et Nuage de Foudre lui assurait qu'il ferait attention avec sa précieuse portée. Peut-être même qu'il choisirait une activité plus raisonnable, comme raconter une histoire.

Ça, Serpent connaissait. Son vilain rictus s'élargit:

"Faut faire gaffe aussi avec les histoires, P'tit Gars. Quand les ptites de Bec étaient à la pouponnière, j'ai fait très très peur à Serre avec une histoire un peu trop mouvementée. Et ma Petite Feuille, elle est impressionnable, t'sais."

De parler des filles de Bec n'aida pas Serpent à se sortir Loutre la tête. Peut-être qu'il devrait aller parler à Bec, justement, un de ces jours... Pas que l'idée l'enchante, mais le gentil papa poule devait être bien retourné avec tout ça...

On se concentre. Il aiguilla à nouveau ses pensées sur ces chatons.

"Et Glycine, bah, elle aime pas qu'on fasse peur à sa sœur. Donc je m'en tiendrais à des gentilles histoires, haw?"

"Faut faire gaffe aussi avec les histoires, P'tit Gars. Quand les ptites de Bec étaient à la pouponnière, j'ai fait très très peur à Serre avec une histoire un peu trop mouvementée. Et ma Petite Feuille, elle est impressionnable, t'sais."

En même temps, quand il s'y mettait Masque de Serpent devait pouvoir être assez impressionnant, quand il s'y mettait. Et puis, il avait la réputation d'être un grand combattant, féru de combat, habile de ses griffes et inarrêtable sur le champs de bataille. Aussi, Nuage de Foudre l'imaginait très bien choisissant de raconter aux chatons les récit de guerres et de combats qui avaient forgé le clan.

L'image le fit sourire. Le guerrier, massif, imposant, hirsute et couturé de cicatrices racontant à de tout petits chatons qui n'avaient jamais encore mis le bout de leur truffe hors de la pouponnière l'épique aventure de ces guerriers ancestraux toujours prêt à défendre le clan dans de grandes batailles contre des hordes d'ennemis griffes et crocs dehors. Et bim, le coup de griffe de l'ennemi qui cingle l'oreille de notre héros ! Et bam, notre héros qui réplique en mordant la patte de son ennemi jusqu'à l'os ! Et vlan, il tombe dans la poussière, mais non il se relève ! Et boum, les chatons sont complètement terrorisés et se réfugient dans le pelage de leur mère, alors que Masque de Serpent ne comprends rien du tout à cet affolement. N'empêche... ça devait être assez drôle. Nuage de Foudre aurait adoré voire ça.

Fervent pacifiste Nuage de Foudre pensait qu'on racontait peut-être trop de beaux récits de guerre aux chatons. On racontait trop aux chatons que l'histoire de leur clan était bâtie sur des combats et des guerres. On glorifiait la violence de ses combats et attisait la haine des clans ennemis. Comment réfléchir à d'autres moyens de régler les différents que de faire couler le sang et d'ôter des vies lorsqu'on avait toujours entendu depuis la pouponnière que c'était en sortant les griffes qu'on protégeait son clan et entrait dans l'histoire ? Mais ça n'empêchait pas qu'avec la voix si particulière qu'il avait, les récits de Masque de Serpent devaient être grandiose. Quoi de mieux que ses tonalités graves et un peu sifflante pour visualiser les hordes de félins s'avançant vers le champ de bataille ?

"Et Glycine, bah, elle aime pas qu'on fasse peur à sa sœur. Donc je m'en tiendrais à des gentilles histoires, haw?"

« Que des gentilles histoires ! Promis ! » s'exclama le jeune matou enthousiaste, les yeux brillants d'implication.

Son cerveau tournait à plein régime. La voilà, l'occasion de faire changer les choses ! Il allait montrer qu'on pouvait émerveiller les chatons avec autre chose que des récits historiques de batailles. Il allait, leur raconter, lui, que la vie pouvait offrir autre chose que ses vains combats où tant de chats perdaient la vie.

« Pas de violence, pas de guerre, pas de sang ! Rien de tout ça ! Beaucoup mieux... » promis-il d'un ton assuré

Son sourire s'élargit encore : « J'ai déjà plein d'idées ! »








PS: Vraiment très désolée pour le retard !

C'était le monde à l'envers, quand même... Que ce soit lui, Masque de Serpent, l'excité de service, qui insiste pour qu'on ne dise rien qui puisse perturber d'innocents petits chatons... Si on lui avait dit qu'un jour il se retrouverait à faire ça ! Il était bien conscient d'avoir changé... Trop à son goût. Le débâcle avec le baptême qui avait tourné au vinaigre et couté une vie au patron, la naissance de ses petits, le climat tendu entre les clans qui régnait depuis la guerre entre leurs voisins...

Ça faisait beaucoup. Trop, des fois.

Serpent rêvait parfois de revenir au statut quo. A entendre ce petit apprenti lui parler avec cet espèce d'air de monsieur je sais tout, il se rappela Brisé lors de son propre apprentissage, leurs petites séances de baston improvisées... Ah, il était loin, ce temps là. Maintenant les apprentis venaient lui parler de ses chatons.

Ça aurait pu l'énerver, Serpent.

Mais ses chatons, il les aimait quand même pas mal. Pas mal beaucoup, même. Alors il devait bien finir d'enterrer sa réputation de sanguin, pour se contenter de bailler.


"J'espère pour toi. Si on me rapporte que t'as fait pleurer mes chatons ça va chier."

Là encore, peu de chance que la plaisanterie teintée de menace fonctionne. Serpent ne se faisait plus trop d'illusion - il ne faisait plus peur à personne.

Il allait rajouter quelque chose du style 'Je le dirais à ton mentor' pour bien insister, mais... Avec la réforme qui avait cramé leur chef, finalement, le mentor de Nuage de Foudre, c'était... Tout le monde? Personne? Il devait bien avoir un référent, mais Serpent n'avait pas suivi l'histoire d'assez près pour savoir qui c'était. Et contrairement à Nuage de Bourgeon, qui s'était manifestée très tôt pour lui coller aux pattes, Nuage de Foudre n'avait jamais eu la chance immense de s'entrainer avec lui.

Bon, ben la voilà, la menace.

"Sinon, je t'en ferais baver quand je t'entrainerais, haw haw !"

"J'espère pour toi. Si on me rapporte que t'as fait pleurer mes chatons ça va chier."

Nuage de Foudre hocha la tête, un petit sourire gentiment amusé sur les babines. Masque de Serpent avait l'air d'un vrai papa poule complètement gaga de ses filles, et c'était un peu mignon. Par ailleurs , il avait totalement raison. Tout le monde disait qu'elles étaient trop mignonnes, et en plus c'était vrai. D'ailleurs, de manière générale, les petites boules de poils, c'était vraiment mimi. Dans le même temps, il avala sa salive avec un petit temps de retard parce que même s'il était pas très facile à impressionner, il tenait quand même un peu à conserver l'intégrité de son pelage s'il en avait l'occasion. Et il se doutait que même s'il était gentil, l'heureux papa devait être tout à fait capable de mettre sa menace à exécution et d'arracher les oreilles du premier qui ferait du mal à ses petits.

"Sinon, je t'en ferais baver quand je t'entrainerais, haw haw !"

Là, le matou roux eut un élan d'enthousiasme et presque de gratitude envers le guerrier. S’entraîner avec lui , ça c'était une perspective qui lui plaisait ! Une journée d’entraînement avec Masque de Serpent, c'était forcément une journée riche en apprentissage et en enseignements ! Si Nuage de Foudre n'aimait pas les guerres, il aimait en revanche apprendre à combattre, pour la science du combat, pour la beauté de l'art et de la technique. Et ça, qui de mieux placé que le guerrier balafré pour le lui apprendre ? Certes, une journée d’entraînement passée avec le matou borgne, c'était probablement aussi une soirée passée avec de sérieuses courbatures. Mais c'était surtout une journée passée loin de son mentor, enfin, de son référent, et ça, ça n'avait pas de prix.

« D'accord ! Quand tu veux ! Je suis prêt ! » déclara-t-il avec un enthousiasme radieux.

Merde.

Masque de Serpent avait dit ça pour faire le malin. Mais voilà qu'il se retrouvait avec un nouvel apprenti potentiel sur les bras, le genre étoiles dans les yeux et enthousiasme étourdissant qui le regardait avec tout plein d'espoir.

La vache, ça existait donc pas, les apprentis qui trainaient les pattes et qui voulaient qu'on les laisse tranquilles?

Serpent avait beau s'être positionné très tôt en faveur du changement de régime imposé par Étoile Foudroyante, devant des novices aussi motivés, il regrettait un peu. Cette histoire de mentorats multiples, ça lui cassait quand même bien les pattes.

Mais le chef l'avait voulu. Et le chef avait payé cher son affront. Alors, même si ça l'emmerdait, même si ça créait encore plus le bazar dans sa tête, Serpent jouerait le jeu.

Alors ce fût sans se défaire de son sourire qu'il répondit à Nuage de Foudre:

"Haw, peut-être pas tout de suite, hm? J'ai déjà Nuage de Bourgeon qui m'a sauté sur le poil juste après vot' baptême."

Le baptême, d'ailleurs... Ca avait été un tel cirque que Masque de Serpent se souvenait à peine de la réaction de Nuage de Foudre à tout ce bazar. Mouvementé, comme début d'apprentissage. Il n'avait pas l'air d'être trop secoué, le jeune. Nuage de Bourgeon non plus, en fait. Peut-être qu'ils étaient trop jeunes pour se rendre compte du chamboulement que ça avait été, tout ça...

Tant mieux. Serpent décida d'esquiver le sujet.

"Pour l'instant, t'as eu, quoi, des leçons de chasse? Un ou deux cours particuliers avec not' chef en personne?"