Rancœur et pardon || Nuage de Tempête - end

Nuage de Tempête savait que ce jour viendrait. Bien sûr, il avait longuement espérer ne pas avoir à s'y confronter. Il avait espéré que tout cela finirait par se tasser dans sa tête, par n'être plus qu'une idée fugace et oubliée, parce que Tempête n'avait aucune envie de demander pardon.
Sa fierté était mal placée et il ne supportait pas l'idée même d'avoir à s'excuser. Mais, pour le bien du clan, il devait le faire. Bien évidemment, il avait attendu le dernier moment, le moment où cette pensée parasite deviendrait handicapante. Il avait voulu attendre de voir la colère se tarir, au fond de lui, mais elle s'était muée en une jalousie sourde et il savait que ça serait impossible.

Demander pardon lorsque l'on hait, même lui le savait, était une épreuve bien trop difficile.

Mais un guerrier ne recule devant aucunes d'elles.

C'est donc de sa démarche fière, la tête haute et le regard légèrement méprisant - c'était sa manière de se défendre - qu'il entra dans la tanière. Il avait un rythme de marche irrégulier, clopinant, qui contrastait fortement avec cette arrogance à peine dissimulée. Tempête avait grandit trop vite.

Il repéra Glycine sans aucun mal. Seul. A se morfondre.
ce qu'il pouvait l'énervé !

Il s'approcha, discret. Il était une ombre massive, sa stature était haute et fine, mais il parvenait à être suffisamment adroit pour ne pas faire savoir qu'il approchait.
Et il entendit une bribe de phrase.

« ...elle toute seule, elle a maman, elle a tout. » Et le chat au pelage épais reposa sa tête entre ses pattes. Allait-il encore dormir ? Tempête se retint de rouler des yeux.

Il se planta au dessus de lui, arrivant sur son flanc. Haut sur patte, donc, il le toisa avec cette même mine suffisamment peu expressive pour créer une forme de doute chez quiconque ose le regarder dans les yeux. Cela semblait être du mépris, il plissait légèrement les yeux, c'était tout. Peut-être était-ce de la réserve ?

« De qui parles-tu ? » Demanda-t-il d'un ton plat, égal. Il savait qu'il n'aurait aucune réponse, que Glycine l'enverrait pètre et que, lui, il devrait prendre sur lui. Mais il ne savait pas-... Il était curieux ?

Ou peut-être qu'il comprenait très bien de qui son camarade parlait, car au fond, il n'y avait qu'une personne qui partageait avec Glycine la pauvre mère de ce dernier.

« Personne » Bien. Il n'avait pas envie d'en parler- Et Tempête n'insistera pas. Il avait d'autre choses à penser et il se moquait pas mal de savoir à quel point Nuage de Glycine pouvait manquer de résilience. Peut-être aurait-il aimé gagner du temps, au fond- Et puis, il ressentait une certaine satisfaction à sentir la colère de Glycine envers sa sœur.

« T’es pas parti d’entraîner ?
- Au début, si. » Répondit-il sur un ton toujours aussi calme. Tempête était véritablement le plus tranquille de ses adelphes. Du moins, à l'extérieur. Il n'avait jamais aimé chahuter, crier, rire. Il était là, à surveiller dans le fond de la pouponnière, à leur laisser la lumière tandis qu'il restait dans l'ombre.
Maintenant qu'il était apprenti, il n'avait plus à se soucier de ce genre de chose, de l'attention limitée de ses parents. S'ils étaient conscient du sacrifice qu'il avait fait pour sa famille, il le savait, ils n'auraient qu'un lourd sentiment de culpabilité sous la langue et Tempête ne le désirait pas. Il avait été capable de supporter cet effacement : il l'avait fait pour le bien du clan.

Il prit le temps de s'asseoir, tout de même. Il signalait à Glycine qu'il comptait parler longuement, c'était ce pourquoi il se mettait à l'aise. Oh, il avait bien constaté que ce dernier cherchait à s'enfoncer un peu plus de sa jolie fourrure ! Mais qu'importe. Nuage de Tempête avait des choses à dire.

« Mais, je n'ai pas put te sortir de ma tête, en fait. » Il soupira doucement, à peine. « Tu sais, cela fait quelques mois que j'y pense, à notre altercation. Je voulais le faire plus tôt, en reparler- Mais tu l'sais, je pense. Parler quand les sentiments sont trop frais, ça risque juste de raviver la plaie. » en disant ça, son museau tiqua presque nerveusement, comme en souvenir de la douloureuse humiliation.

« Est-ce que tu es prêt à m'écouter jusqu'au bout et sans m'interrompre ? Je vais avoir besoin de longues phrases pour être-... Correctement précis. En fait. »

« Je t’écoute. » Sa bouche toute baveuse et pleine de dents s'était ouverte dans ces deux petits mots. Nuage de Tempête en fut surpris, il s'était attendu au mieux à une moquerie, au pire, à un rejet net et direct. Mais non- Peut-être était-ce lié à l'humeur du jeune chat gris.
Dans tous les cas, il ne comptait pas lui demander ou lui laisser le temps de changer d'avis. Il se contenta d'une inspiration, les sourcils très légèrement froncés dans son expression habituellement agressive.

Ca allait être long. Laborieux.

« Tout d'abord, je veux que tu sache que quoi que je dise, rien ne change dans ce que je ressens pour toi. En fait, je ne ressens pas grand chose d'autre que de la haine et du mépris- Autant être honnête. Cela ne m'empêchera jamais de collaborer avec toi pour le bien du clan, en fait- C'est ma seule et unique préoccupation et je ne m'attends pas à ce que tu comprennes. » Il avait été tellement calme que s'en était méprisant. Il allongeait ses demi insultes en fait, sans tiquer, sans laisser voir ne serait-ce qu'une seconde le moindre doute, la moindre lueur d'émotions qui motiverait un point de vue injuste. Non. Tout cela, il s'agissait de propos qui avaient toute la maturité d'une prise de recul.

Immobile, il poursuivit- à présent, c'était bien plus aisé. Il s'était lancé.

« De même, je ne m'attends pas à te comprendre. Tu m'es complètement étranger- T'es bizarre, en fait. Je ne comprends pas pourquoi tu vis en étant un garçon, ni même ce qui a put se passer dans ton esprit pour que ça soit comme ça. Je ne comprends pas cette énergie que tu déploie à te morfondre et cette incapacité à être un minimum digne... Mais, en fait, on s'en fiche pas mal. Le fait que je ne comprenne pas, ça m'oblige à ne pas te juger. Parce qu'on ne peut juger que ce que l'on connait. Comme je ne te connais pas avec la même exactitude que je me connais, comment pourrais-je avoir la prétention de savoir mieux que toi ce qui est pertinent ou pas, pour toi ?

Tout ce que je sais, c'est que je veux que le clan aille bien. En fait, c'est mon seul désire, tu comprends ? Et ce désir, je l'ai compromis en n'ayant pas de respect pour toi. Parce que j'ai voulu t'imposer ma vision des choses, j'ai crée un conflit qui n'avait pas lieu d'être. J'aurais put me contenter de t'ignorer- Ou d'être curieux, sans te forcer à... Bref. Tu as compris, je crois, en fait ? » Il prit une grande inspiration et il soupira, baissant la tête et les oreilles.

Son regard flancha. Il le détourna sans pouvoir le relever et afficha une mine soudainement bien piteuse, les épaules redressées. Pauvre garçon- Demander pardon était une épreuve, une humiliation de plus.
Mais il croyait sincèrement qu'il s'agissait d'un devoir et il devait s'en acquitter.

« Alors, Pet-... Nuage de Glycine, je te demande pardon. »

Alors Nuage de Tempête débuta son monologue. Comme promis, Nuage de Glycine garda le silence, s’efforça de ne même pas réagir pour ne pas le couper dans son long discours. Tout ce que l’apprenti lui disait, c’était peut-être trois fois plus que toutes les paroles qu’il lui avait accordé depuis qu’ils étaient nés. Si ce n’est plus.

Nuage de Glycine se demandait à combien de chats, dans son Clan, il inspirait la haine et le mépris. Il voyait parfois ces émotions lui étant destinées dans le regard d’adultes qu’il ne connaissait même pas. Cœur de Puma ne semblait pas le porter dans son cœur. Arc-en-Ciel non plus, mais, pour le coup, le sentiment était réciproque. La cicatrice qu’il avait laissé sur le museau de Nuage de Tempête n’était pour beaucoup qu’une excuse. Nuage de Glycine aurait pu être le chaton le plus sage du monde que ces guerriers le détesteraient, il le savait très bien. Le problème ne découlait pas de ses actions, mais de ce qu’il était.

Enfin, les choses étaient différentes pour son « camarade », qui, s’il ne comprenait pas pourquoi Glycine était un garçon, il ne lui en tenait pas rigueur. Enfin, plus maintenant.

— Et ce désir, je l'ai compromis en n'ayant pas de respect pour toi. Parce que j'ai voulu t'imposer ma vision des choses, j'ai crée un conflit qui n'avait pas lieu d'être. J'aurais put me contenter de t'ignorer- Ou d'être curieux, sans te forcer à... Bref. Tu as compris, je crois, en fait ? Alors, Pet-... Nuage de Glycine, je te demande pardon.

À quel point était-ce ironique que l’une des réactions les plus matures auxquelles il avait fait face jusque là provenait d’un apprenti tout juste baptisé qui le détestait au plus profond de son cœur ?
Nuage de Glycine cligna des yeux, confus. Il dû se répéter intérieurement plusieurs fois ce qu’il venait d’entendre pour être sûr qu’il avait bien compris. Il avait envie de dire quelque chose mais ne trouvait pas les mots — à la place, sa gueule s’ouvrait et se fermait bêtement, à la recherche d’un son à en sortir.

— Je… fit-il, d’une voix étouffée et étranglée.

Et il se mit à pleurer.
C’était surprenant de se retrouver si vulnérable face à Nuage de Tempête, parmi tous les chats du Clan et, pire encore, de trouver en lui le réconfort dont il avait tant besoin en ces temps si difficiles et changeants. Alors il pleura, bêtement, honteusement, à chaudes larmes qui coulaient sur ses joues et venaient tremper le poil qui avait poussé là pour lui tenir chaud l’hiver. Il tenta d’articuler un merci qui résultat en un « Bweer--hiiiihhh…… » chaotique secoué par des sanglots.

Nuage de Tempête s'attendait à bien des réactions. Il était prêt à faire face à presque tout, à vrai dire, allant d'une colère brutale et violente à un mépris froid. Il s'y était préparé mentalement, parce que toutes les batailles n'impliquent pas les griffes et les plus périlleuses étaient celles menées à bout de mot.

Et pourtant, il ne s'était pas préparé à ça...

Babillant comme un gosse à peine né, Glycine ouvrit et referma la bouche sans savoir que dire. Un petit son en sorti, à un moment et puis, ce fut un cascade de sanglot qui secoua brutalement son corps que Tempête ne pouvait s'empêcher de jalouser. Comme s'il fut agressé par ce gémissement qui ne voulait rien dire pour lui, l'apprenti se redressa sur ses pattes. L'arrière train vers le bas, la queue contre la cuisse et les oreilles en arrière, il affichait une franche terreur.

L'ironie voulait que ce soit ça, véritablement ça qui l'effraie.

Il jeta un regard vers la sortie de la Tanière, un instant. Il hésita- Et puis, il se ravisa. Ignorer les problèmes, c'était les laisser s'enfoncer et devenir des handicaps pour le clan tout entier. Alors il déglutit, reposa l'une de ses pattes qui s'était préparée à la fuite sur le sol et il s'avança un peu vers Glycine.
Du bout des coussinets, il lui frappa l'épaule avec une certaine douceur. Comment faisait-on, déjà ?

« Eh-... Hm... Qu'est-ce qu'il y a ? J'ai-... J'ai dit quelque chose ? Tu peux me le dire je-... » Il déglutit. Non, Nuage de Glycine ne pourrait pas lui dire pour des raisons qui lui semblèrent d'une évidence criante. Il prit une nouvelle inspiration, soupira pour reprendre son calme et puis, il s'approcha un peu.

Il ne fit pas l'affront d'une étreinte - lui-même haïssait ça. Cependant, il s'assit tout près de lui, collant presque sa cuisse à son flanc. Il n'était pas à l'aise, Glycine devait le sentir, mais il songea que la présence d'un corps chaud le calmerait peut-être.

« Respire. Prends ton temps-... Quand tu auras finit, tu parleras. C'est comme vomir, en fait- Faut faire sortir. »

Nuage de Glycine avait toujours surmonté les difficultés, jusqu’à récemment, car il savait que quoiqu’il arrive, il n’était pas seul. Face au danger, son père le protégeait. Quand il avait besoin de parler, sa sœur aux oreilles si fragiles les lui tendait malgré tout.
En seulement quelques jours, tout avait volé en éclat. Il avait encore le cœur meurtrit par le sentiment de voir son père et sa sœur se rapprocher davantage tout en le laissant derrière — à le voir choisir officiellement un enfant préféré, et à laisser le moche, le raté et le bizarre de côté. Beaucoup lui auraient dit que c’était prévisible, que n’importe qui préfèrerait Petite Feuille, mais il avait toujours fait confiance a sa famille, qu’il aimait si fort, et avait refusé d’y croire. Maintenant, il n’arrivait plus à le nier.

Alors si l’apprenti avait toujours tenu debout et solide comme un roc face à la haine injustifiée que lui voulait quelques individus, il avait perdu tous ses appuis le jour de son baptême.
Que Nuage de Tempête lui affirme qu’il ne le détestait pas pour ce qu’il était par essence, mais bien pour d’autres choses, ça lui faisait un bien fou. Parce que de sa part, pour qu’il ose prendre son courage à deux pattes pour venir lui confier de telles choses, alors ça ne pouvait qu’être vrai. Alors il avait la certitude qu’au moins une personne dans ce Clan le détestait pour autre chose que le simple crime d’exister.

Sa présence contre lui, même discrète, lui rappelait celle de Petite Feuille et lui apportait un réconfort certain. Il retrouva son souffle, puis enfin une respiration plus régulière qui lui permit enfin de maîtriser ses larmes. Elles coulaient toujours, mais de manière plus controlée.

— Merci, je--… Il s’arrêta pour ravaler sa salive, et un sanglot au passage. Merci.

Il essuya ses joues, sa truffe et son menton en y passant ses pattes plusieurs fois. Elles terminèrent si humides que la mousse de son nid s’y colla.

— Je suis désolé aussi, je-- j’aurais pas du te frapper. J’aurais du te parler parce que-- parce que, ça--

Sa phrase fut interrompue par un rire. C’était tellement absurde.

— Ça me tue de l’admettre mais t’es pas stupide et t’aurais compris avec des mots et pas des coups mais-- H-Haw- merde (il ne voulait pas le dire), j’avais déjà essayé trop de fois d’expliquer à des adultes que… qui me traitaient comme une fille que c’était pas comme ça, et ça marchait jamais-- ils me riaient au nez comme si j’étais débile, tu vois, et peut-être que j’le suis j’en sais rien mais ça, ça je sais que j’ai raison, et ça me faisait tellement mal…

Il s’arrêta à nouveau pour renifler et s’essuyer à nouveau les joues.

— Ça marchait pas d’expliquer. Alors j’ai arrêté et… et je t’ai frappé sans même essayer… la vérité c’est que moi-même je sais pas pourquoi je suis comme ça, c’est juste… je sais pas. J’aurais aimé être normal. J’aurais aimé être une fille dans ce corps mais c’est comme si… comme si toi là, demain tu te réveillais en étant toujours toi complètement, avec toute ton… ton identité et ton vécu, mais que ton corps c’était devenu un corps de fille pour toujours et t’es piégé dedans, tu peux pas changer. Et tout le monde commence à te traiter comme une fille alors que t’es Nuage de Tempête, tu sais qui tu es mais tout le monde le nie et se fou de ta gueule et personne te croit…

« Merci. »

Etrange, ce sentiment.
Un espèce de mélange visqueux de gêne et de-... Chaleur ? Tempête osa une grimace.

« Je suis désolé aussi, je-- j’aurais pas du te frapper. J’aurais du te parler parce que-- parce que, ça-- » Il détourna le regard, laissant les pattes humides du pauvre chaton coller à la mousse de son nid en paix. Il était mal à l'aise sans savoir pourquoi. Il aurait dû être satisfait et pourtant, son ventre le chatouillait et il trouvait ça aussi dérangeant qu'étrange.

« a me tue de l’admettre mais t’es pas stupide et t’aurais compris avec des mots et pas des coups mais-- H-Haw- merde, j’avais déjà essayé trop de fois d’expliquer à des adultes que… qui me traitaient comme une fille que c’était pas comme ça, et ça marchait jamais-- ils me riaient au nez comme si j’étais débile, tu vois, et peut-être que j’le suis j’en sais rien mais ça, ça je sais que j’ai raison, et ça me faisait tellement mal…

Ça marchait pas d’expliquer. Alors j’ai arrêté et… et je t’ai frappé sans même essayer… la vérité c’est que moi-même je sais pas pourquoi je suis comme ça, c’est juste… je sais pas. J’aurais aimé être normal. J’aurais aimé être une fille dans ce corps mais c’est comme si… comme si toi là, demain tu te réveillais en étant toujours toi complètement, avec toute ton… ton identité et ton vécu, mais que ton corps c’était devenu un corps de fille pour toujours et t’es piégé dedans, tu peux pas changer. Et tout le monde commence à te traiter comme une fille alors que t’es Nuage de Tempête, tu sais qui tu es mais tout le monde le nie et se fou de ta gueule et personne te croit… »

Et, étrangement, Nuage de Glycine avait raison. Tempête comprenait- Il arrivait à se figurer, à se l'imaginer. Son regard se redressa pour fixer un point devant lui, l'air concentré. Il se demanda, au fond, s'il aurait eut le courage de ne pas céder, de ne pas s'adapter. Lui qui vivait pour le clan, aurait-il eut la force de se battre pour ce qui faisait son individualité ?

Il songea que non. Ca lui arracha un grimace imperceptible.

« Tu-... » Il ne le regardait toujours pas. Au fond, il avait honte, mais il ne savait pas de quoi. « Tu n'as pas à être désolé. La colère c'est pas facile à gérer, en fait. Il faut du courage pour s'opposer à un clan entier pour soi-même- Je ne l'aurais pas eut, moi. Je n'en aurais même pas vu l'utilité et-... Je te respecte pour ça. » Il soupira un peu et posa un regard soudainement sévère sur Glycine, un regard aux sourcils froncés.

« Alors cesse de chouiner, tu veux ? Tu veux être un garçon ? Apprends à être fort. Apprends à ne pas te laisser avoir par tes sentiments. Garde à l'intérieur, tu auras assez de guerre pour faire sortir, en fait. J'ai besoin d'un Glycine insupportablement souriant, pas de tes larmes. Tu as la chance d'avoir un corps qui-... » Il s'arrêta. Non, il ne voulait pas.

Il ne l'assumait pas encore, il ne savait même pas s'il pouvait le dire ne serait-ce que dans sa tête.

Son ton s'adoucit, son visage aussi. Il passa une patte au dessus des épaules de l'autre garçon, c'était une ébauche d'étreinte pudique.

« Il faut prendre seul la mesure de ce qu'on est, pas en fonction des autres. Tu sais qui tu es pour toi, les autres, même s'ils t'acceptaient en tant que garçon, ne sauraient jamais complètement qui tu es, en fait. Ni toi, ni moi. Je ne te connais pas, tu ne me connaitras jamais, tu t'approcheras sans jamais saisir ce qui fait ma vérité. Alors, quel que soit leurs regards, quoi qu'ils disent, rappelle toi une chose : il suffit qu'une personne te respecte pour que tu saches que tu es légitime d'exister tel que tu es, en fait. »

Il serra un peu la mâchoire, se crispa et reposa les yeux dans le vide.

« Et grave ça dans ta tête, je le redirais jamais, en fait : moi, je te respecte. »