Une souris verte qui se coinçait dans les roseaux ... [Escargot]

Une souris verte qui se coinçait dans les roseaux ...

Petit Rat ne voulait pas être le trouillard de sa portée. Bon, pas que ses adelphes le lui disent, heureusement. Mais il avait envie de prouver que lui aussi pouvait quitter la pouponnière et aller jouer dehors. Pourtant, en se coulant hors de la pouponnière, il ne put que sentir un vide, juste là, entre ses petits crocs ...

Lentement, le ventre frôlant le sol tant il rampait plus qu'il ne marchait, Petit Rat s'éloigna de la pouponnière, ne pouvant pourtant s'empêcher de jeter des regards craintif autour de lui. Quelques guerriers se tenaient devant le tas de gibier, en pleine discussion. Plus loin, un vieux matou râlait après le temps humide, disant que ça faisait craquer ses vieux os. Petit Rat se demanda bien comment l'eau pouvait faire craquer un os mais cette pensée fut vite chasser et il ravala la bile qui lui était remonter le long de la gorge. Enfin, il repéra une chose qui lui permettrait d'aller plus loin. C'est que, ce vide là, dans sa gueule, il avait absolument besoin de le combler, mais hors de question d'aller chercher les grandes tiges un peu trop dans l'eau. Un autre bosquet, pas très haut, se tenait au sec, enfin, si un sol moelleux d'humidité était la définition la plus proche de sec sur ce territoire. Lentement, le chaton y enfonça son museau, à la recherche d'une tige un peu plus tendre à mâchouiller. Il ressentait ça comme une urgence maintenant, il était trop exposé et ...

- Ah !

Sa patte arrière s'était prise entre deux tige, le chaton tira dessus, mais au lieu de se dégager de là, ses petites griffes se prirent dans les tiges, s'y piégeant et le chaton tira de plus belle, les sortant d'autant plus. La solution était pourtant simple, mais Petit Rat n'y songea pas. Au lieu de ça, il paniquait, tirant maintenant sur ses pattes, soulevant des tiges qui se découpait bien un peu mais si peu ... Et puis, le chaton eu la sensation d'étouffer. Il était pris au piège !

- A l'aide !

Il cria, essayant toujours vainement de se sortir de là. Il lui aurait pourtant juste suffit de rétracter ses griffes mais non, plus il bougeait et plus il les enfonçait malgré lui dans les tiges, lesquels avaient tout de même de bonnes racines. Enfin, peut-être un chat finirait il par avoir pitié du petit ...

Ça c'était passé vite. Trop vite pour un chat qui s'appelle encore Escargot (qui s'appelle encore "Nuage" d'Escargot). Sa routine avait été interrompue après avoir posé sa proie du jour dans le tas. D'habitude, il s'échappait par les roseaux pour trouver la bordure de leur île et s'enfuir dans l'eau, aux chutes, n'importe où loin de la portée des regards du Clan et de son Mentor et de tout ceux qui lui reprochaient d'exister.

Mais ça s'était passé vite. En lâchant la proie, en pivotant sur les talons, en baissant la tête, soudain un pépiement nasillard le sortit brusquement du chemin qu'il marchait et remarchait à chaque jour.

— À l'aide ! on cria.

Ce cri lui vrilla les oreilles. Nuage d'Escargot s'immobilisa complètement, quitte à avoir deux pattes en l'air et les yeux ronds et vitreux comme ceux d'un poisson s'asséchant sur la berge. Ses souvenirs déferlèrent. "À l'aide", cria un chaton — un autre chaton, pas le même —, ou peut-être plutôt "Aide-moi" ou "Me laisse pas ici" on s'en fout de ce qu'il avait dit l'important c'était que cet appel s'addressait à lui.

Ses yeux captèrent aussitôt un trémoussement dans les roseaux; brusquement le vieil apprenti se ramassa sur lui-même d'un vif écart vers l'arrière, échappant un hoquet de terreur. Non, non, non, pas encore, pas maintenant — il se redressa à la cadence de trois cracs — le bout de la queue, la racine, le reste de l'échine, puis son cou interminable se souleva bien au-dessus de ses épaules pour d'un autre crac se pivoter et scanner les parages à la recherche de quelqu'un d'autre pour se charger du problème.

Il n'y avait personne.

...Forcément.

Forcément — son poil frisé se hérrissa sur son dos et il se retourna d'un bloc vers les roseaux. Il respirait fort. Trop pour ne pas être entendu. Trop pour filer en douce et faire comme s'il n'avait rien vu.

Eh merde.

Une souris verte qui se coinçait dans les roseaux ...

Petit Rat s'immobilisa, enfin. Ces yeux, si différent l'un de l'autre venait de voir un autre chat. Un chat qui ne bougeait presque pas. Alors le chaton, inquiet, s'agita de nouveau, s'emmêlant à demi davantage dans les tiges, ses petites griffes presque retenue par les fibres. Quel idée avait il eu aussi de les sortir si bien. Et voilà qu'il les sortait presque plus encore si possible pour se sortir la tête de là et aviser le plus grand. Un mince désespoir perçant dans sa voix.

- J'suis coincé !

Il tira une fois de plus, pour rien et, le souffle rompu par la panique, le chaton se figea, les larmes aux yeux. Lui il voulait découvrir un peu, ne pas être le petit peureux et là ... Là il se mit à pleurer vraiment. Des larmes silencieuses tant il avait soudain honte. Et peur, toujours. Sa peur empoissé son poil et une autre odeur. Le chaton se serait recroquevillé sur-lui-même s'il avait pu. Voilà. Seulement, en plus de s'être fait dessus, il ne parvenait toujours pas à déloger ses griffes des tiges de roseau et les premiers tremblements liés à ses larmes n'aidait pas.

- J'voulais pas ! De grosses larmes lui échappèrent. J'arrives pas ! Il dramatisait. Oui, un peu de sang-froid l'aurait aider, au lieu de ça, Rat ne voyait plus bien le grand chat. Chose évidente puisque les larmes lui brouillait la vue. Et il imaginait déjà que l'adulte - il l'était l'autre non ? - Que cet adulte là le disputerait. Mais bon, au moins on le ramènerait à la pouponnière et donc, on le tirerait de là, pas vrai ? Toutefois, le filet d'espoir s'amincissait à mesure que ces sanglots eux commençait à grossir.

Les roseaux bruissèrent, dévoilant à Nuage d'Escargot le bout d'un museau qui se fraya un chemin à l'air libre. Un petit museau blanc, puis fauve, puis sombre, avec deux yeux dépareillés, qui firent se froncer les velus sourcils noirs du vieil apprenti.

— J'suis coincé !

Ça, pour l'être, il l'était. Le chaton avait le dos torsadé, une patte repliée et l'autre étirée. Comment s'était-il catastrophé dans les roseaux de la sorte? C'est en baissant les yeux aux taches sur les pattes du petit qu'il vit les coupables: le petit avait sorti les griffes, et il ne les rentrait pas.

— J'voulais pas ! pleura le petit. Puis, J'arrives pas !

Son cri strident vrilla à nouveau les oreilles du vieil apprenti qui avait soulevé une patte bien au-dessus de ses oreilles. Il s'apprêtait à l'abattre — chasser le problème, griffer au travers des tiges, mais le mouvement fut trop familier.

Nuage d'Escargot se ravisa dans son geste — devant lui il n'y avait plus le chaton mais un autre, devant lui il n'y avait plus de chatons mais un borgne malcommode du Tonnerre, puis Lueur d'Espoir, puis le sang sous son oeil puis Le Cauchemar Gris du Clan du Vent et tout l'émail de son sourire cuspidé. Nuage d'Escargot replia aussitôt sa patte, se reculant de la zone à problèmes.

Sa patte était souillée, brûlante, ses griffes grouillaient à la violence mais même s'attaquer aux roseaux serait de trop, alors il se retint.

Il tendit plutôt son cou, son cou interminable, se frayant un chemin entre les tiges avec son museau tombant pour dénicher le visage du chaton, et, tranquillement, sans se presser, sans faire le moindre bruit, mordiller à dents timides les liens dans lesquels il s'était empêtré.

Lorque l'un d'eux céda, il saisit les filaments de la tige pour lui retenir un redressement trop rapide, veillant soigneusement à la la ra-len-tir.

Une souris verte qui se coinçait dans les roseaux ...

Une patte, salvatrice ? Petit Rat n'avait jamais reçu de coup de toute façon, il ne jouait pas à se battre. Ce n'était pas son truc, tout simplement. Il réfléchissait à se sortir de là, où du moins à éviter qu'on le dispute. Mais qui accuser ? Pourquoi et ... Et puis réfléchir, là tout de suite en vérité, il n'y parvenait pas le moins du monde. Au final, pas de patte. Petit Rat glapit, il ne l'aiderait pas ? Mais le museau qui vint grignoter les tiges, le libérant peu à peu chassa le trouble. Une patte libre, le chaton se retint de justesse de bondir, s'agitant en revanche, assez pour ne pas retourner s'empêtrer.

- Oui ! Ouiouioui ! T'es trotrop fort ! Petit rat en oublia son poil souillé d'urine, la frayeur, a mesure qu'Escargot travailler, le chaton lui se sentait comme réchauffer. Il tira sur sa patte encore coincé toutefois et pesta un brin, maintenant toutefois il pouvait y voir pourquoi il était pris au pige. Mais il n'avait pas encore de contrôle sur son corps. Puis enfin, un petit clac et le chaton roula en arrière, libre avec une tige toutefois encore bloqué dans ses griffes. Cette même tige qui en cédant venait de l'envoyer contre le museau du plus grand. Mais Rat, trop heureux, se mit à rire.

- Mumaman elle va être trotrop contente ! Elle va trop bien t'remercier t'sais !

Le chaton rayonnait de bonheur, toutefois, quelque chose chez son camarade le poussa soudain à demander.

- Tu vas pas m'disputer dit, hein ? Il se tassa un peu sur lui-même et dans le mouvement, replia ses griffes se débarrassant définitivement de la tige en dedans. Et lui faisant aussi réaliser autre chose qui fit revenir les lumières des larmes dans ces yeux. En plus j'sais qu'il y a les petits coins mais j'étais coincé et ... A deux doigt de laisser les pleurs revenir, Rat avait baisser la truffe, un mot, un seul et le jeune chaton passerait du rire aux larmes. Bien que tout serait sans doute effacer dès le soir venu, si ce n'était avant.

Peu à peu cédèrent chaque lien retenant le chaton.

— Oui ! Ouiouioui ! il s'exclama. T'es trotrop fort !

Si seulement. Nuage d'Escargot n'était pas connu pour sa "force".

Le chaton s'impatientait, tirant par inadvertance ses liens en gesticulant de ses pattes aux griffes sorties. Nuage d'Escargot le réprimanda d'un fort ronflement du nez, mais outre que sourciller un peu et plisser une paupière,il se concentra à gruger le dernier lien...

que Petit Rat retenait entre ses griffes...

Que se décoinça en l'agitant.

SLAM! Le contre-coup envoya le chaton bouler vers l'arrière et fit se claquer le roseau en plein dans la gueule de Nuage d'Escargot qui glapit, bondit, et s'écarta d'un brusque recul grâce à toute la longueur de ses pattes.

— Mumaman elle va être trotrop contente ! Elle va trop bien t'remercier t'sais !
— PPffhhueERKh! fit Nuage d'Escargot, de son nez comme de sa bouche, saisi par l'odeur de pisse qui collait aux poils détrempés du chaton.

Mais qu'est-ce que ça shlingue! Il secoua sa tête, se laissa tomber sur l'arrière train et se frotta vigoureusement le nez avec une patte.

— Tu vas pas m'disputer dit, hein ?

Nuage d'Escargot baissa les yeux sur ceux quasi-larmoyants du chaton, qui rentra la croupe et les coudes pour se faire le plus petit possible.

— En plus j'sais qu'il y a les petits coins mais j'étais coincé et ...

Nuage d'Escargot n'était pas vraiment dans un état correct, pour disputer un chaton. Surtout pas pour quelque chose qui arrivait, simplement, par accident. Il se souleva tout du haut de ses longues pattes, fléchissant ses propres coudes pour s'abaisser un peu plus, et faire "non" avec la tête.

Ceci dit, le chaton n'avait plus besoin de lui, maintenant. Comme il avait épuisé son utilité, Nuage d'Escargot se redressa, se décala d'un pas, et entreprit de s'en aller, cahin-caha, saluant en passant le petit à l'aide de sa queue cassée au bout.

Une souris verte qui se coinçait dans les roseaux ...

La tête qui s'approcha aurait pu paniquer Petit Rat, mais en panique, Rat l'avait bien assez au cours des dernières minutes et quand le non s'afficha dans le léger mouvement, le chaton poussa un ample soupir. Le genre qui durerait presque une éternité tant son soulagement était grand. Faut dire que, non seulement il venait d'avoir bien peur de rester là mais en plus. Il reposa alors son regard sur son ainé. Lequel était tout bonnement en train de tourner dos. Oh ça aurait parfaitement pu en rester là seulement...

- Attend !

Petit Rat galopa pour franchir la très faible distance entre eux avant de chercher de nouveau le regard de son grand camarade salvateur du jour.

- Je sais pas bien faire ma toilette et heu ... L'air coupable revint se plaquer sur la face du chaton. Je sais qu'c'est pas cool mais, on pourrait aller près du petit ruisseau ? Mumaman veux pas qu'on y aille seul mais si t'es là j'serai pas seul et ... Petit Rat retint son souffle, brièvement honteux. Et je pourrai un peu laver ... ça ... Du museau, il désigna son propre poil, avant de reporter un regard plein d'espoir sur Escargot. Qu'il le veuille où non, l'apprenti était le héros de Rat. Pour au moins la fin de cette journée. Qui heureusement finirait bien assez vite. restait que Rat ne voulait absolument pas rentrer couvert d'urine à devoir s'expliquer. La seule pensée était en train de lui donner des frisson qui soulevait son poil et du fait, faisait partager le parfum ...