look into a face that has changed || pv.Rusty

LOOK INTO A FACE THAT HAS CHANGED

ft. Rusty

Il n'arrivait pas à dormir ce soir-là. Alors, lorsqu'il vu Œil Vert revenir au camp avec discrétion, il s'était permit de remonter sa trace, par pure curiosité. Pour un ancien, Maudit était bien actif le soir, il s'éclipsait sans un bruit, sûrement car il ne trouvait pas le sommeil, comme beaucoup d'entre eux. Le roux suivit la piste à travers le territoire, au trot, avant d'être mené jusqu'au chemin du tonnerre.

De son côté de la frontière, il s'était installé face à ce qu'il restait du feu de forêt qu'il avait causé: les arbres étaient calcinés, arborant une écorce de charbon, à l'odeur de cramé. Le sol commençait à retrouver vie, quelques pousses quittaient la terre qui semblait avoir été nourrit par le brasier. L'herbe semblait repoussée un peu plus verte, un peu plus épaisse, un peu plus vivace. Au final, la nature reprenait vie. Brasier Caniculaire s'était installé de son côté de la frontière d'asphalte. Il s'était assis, enroulant ses pattes de sa queue, avant de se perdre dans ses songes et ses souvenirs.

Il repensait à Regard de Braise. Lui en voulait-elle? Il lui avait arraché la vie sans le vouloir. Il l'avait arraché à son clan, ses amis, sa famille. Avait-elle été pleurée comme elle le méritait? Est-ce que le Clan du Tonnerre savait qu'il était le chef d'orchestre de cette horreur? Non. Sinon, les écureuils des bois auraient déjà demandé justice, que ce soit lors d'une guerre ou lors d'une assemblée. Comment auraient-ils pu le reconnaître? Il avait été couvert de cendre et de suie, son odeur cachée par celle du roussi.

Aurait-il préféré qu'ils découvrent que c'était sa faute? Voulait-il être puni pour ses actions? Pour la mort de Regard de Braise, il s'en voulait profondément. Il s'était fait violence à lui-même, dans une tentative de se punir. Et chaque jour, il portait le nom de son erreur: Brasier Caniculaire. Bien que ses camarades n'aient su qu'il avait causé le départ de flammes, son nom était en lien avec ce dernier. Ils savaient qu'il s'était extirpé du feu de forêt alors que ce dernier ravageait leur terre et celles de leur voisin; mais ils n'avaient pas devinés que ce feu avait été provoqué par le roux, dont la colère l'avait aveuglé. Il en voulait au Clan du Tonnerre, et il voulait les faire payer de couvrir sa mère, celle dont il n'a jamais connu le nom et ne le connaître sûrement pas. Son père avait emporté ce détail dans sa tombe.

Les minutes s'enchaînaient alors qu'il restait là, à réfléchir à sa vie, à repenser à ses erreurs et à ses non-dits. Tout avait commencé à cause de Faucon Fugueur. Et il avait enchaîné les erreurs depuis. Lui qui avait été si froid et dur, pourquoi aujourd'hui tout remontait? Pourquoi il se sentait mal, alors qu'il avait passé des lunes à ne pas s'en soucier? Il ne savait plus réellement que faire. La mort de Branche Pâle lui avait ouvert les yeux, il était resté passif trop longtemps. Il n'avait été pas là pour épauler les siens, et avait été bien trop peu présent pour son mentor. Mais Étoile Feulante n'avait pas eu besoin de lui. C'était l'inverse; Brasier Caniculaire avait eu besoin d'Étoile Feulante. Sans lui, sans ses ordres, le roux se serait sûrement laisser crever dans un coin.

Il ne pourrait jamais assez l'en remercier. Et à vrai dire, Étoile Feulante se foutait certainement de son impact sur Brasier Caniculaire. Son mentor l'avait écouté lorsqu'il lui avait parlé des actes d'Orage d'Or, le meneur faisait confiance à Brasier Caniculaire. Et il ne pouvait en demander plus, c'était déjà beaucoup.

Il se redressa, s'étirant en arrière puis en avant, pour réveiller ses muscles engourdis, se préparant à rentrer. Finalement, une odeur lui parvient, alors qu'il commençait à faire demi-tour. Truffe en l'air, il étudiait l'identité de ce dernier. Il connaissait cette odeur; c'était le domestique qu'il avait croisé à plusieurs reprises, celui qui se baladait avec son mini-monstre bizarre du nom de "Ollie".

L'odeur se faisait de plus en plus forte. Œil Vert s'éclipsait la nuit pour aller à la rencontre de ce chat? Sa curiosité était à son maximum, il espérait ne pas avoir rater l'inconnu, et il semblerait bien que ce dernier soit toujours dans le coin. Se rasseyant, ramenant sa queue sur ses pattes, il se tenait droit, le visage ferme mais sans avoir l'air agressif. Il avait quelques questions à poser au domestique.

S'il lui demandait à chaque fois, c'était plutôt par habitude. Est-ce qu'il pourrait dormir dans le même nid que lui, parmis ses enfants, une de ces nuits? Oeil Vert lui disait tout le temps non. Tout le temps jamais. Et Rusty comprenait. Les chats de Clan, c'était capricieux. Ça avait leurs règles et ça refusait des croquettes et ça ne voulait pas des solitaires comme lui pour dormir dans leurs nids, et à chaque fois, chaque refus, chaque rappel, Rusty souriait. Rusty souriait car le nez dans le poil de son petit-ami, il lui soufflait à l'oreille que ça ne faisait rien, que la porte de leur Cabane lui était toujours ouverte, qu'il pouvait venir passer la nuit n'importe quand, que Trash avait la fourrure épaisse et dense et les réchauffait très bien l'hiver.

C'était comme ça - son coeur papillonait dans sa poitrine et son sourire lui inflammait les zygomatiques et Oeil Vert lui disait qu'il voyait toute la toison argentée dans ses yeux. Est-ce qu'il voyait Madame Fée dedans? Oeil Vert ne répondait jamais - ils riaient, plutôt, et ensuite ils se quittaient, quitte à refaire le même manège à tous les soirs, toutes les nuits. Oeil Vert lui disait même de dire bonne nuit à Ollie.

Une fois encore Rusty le laissa partir, s'asseyant pour le regarder cloppiner à trois-pattes dans le bourbier et la neige, fermant ses yeux le temps de humer le parfum du chat de l'Ombre dans son poil. En se motivant d'un coup de collier (c'est une expression! Comme il en sortait toujours sa tête, Rusty n'en portait plus) Rusty se hissa sur ses quatre vieilles pattes flageolantes, pour rentrer.

Avant même de poser la patte sur l'asphalte ses deux larges oreilles se dressèrent sur sa tête, se pivotant comme des sattelites, lui faisant tourner la tête et entrapercevoir une ombre au coin de son oeil. Il sursauta aussitôt, bondissant de quelques centimètres du sol avant de se redresser, sa queue de serpe comme en piquet au-dessus de sa croupe.

— Oh!

Il ne craignait plus les combats. Plus à son âge. Cette Ombre, c'était forcément quelqu'un. Quelqu'un du Clan de l'Ombre!

— 'Vous inquiétez pas, il lança à l'étranger, je n'ai pas marché sur votre ligne d'odeurs!

Était-ce un géant ou c'était la perspective qui le déformait? Chat ou Géant, Rusty lui sourit de toute la jauneur de ses dents gâtés.

— J'la connais bien hein, depuis l'temps!

LOOK INTO A FACE THAT HAS CHANGED

ft. Rusty

Bondissant en arrière, il le remarqua enfin, alors que le roux l'avait étudié pendant bien des minutes. C'était bien ce chat-là, celui avec le mini-monstre. C'était quoi son nom.. C'était pas lui qui s'appelait Ollie? Il avait cru que c'était le nom de sa monture, mais peut-être que sa mémoire lui faisait défaut. Qu'attendait-il? Assis là, dans la neige? Sur le Chemin du Tonnerre? Ne tenait-il pas à sa vie? Voulait-il en finir? Ou avait-il comprit les desseins des monstres, si bien qu'il pouvait se permettre de les dompter? En parlant de ça, où était celui qui lui servait d'animal de compagnie?

Le domestique, enfin, sûrement solitaire, vu que cela faisait des lunes qu'il ne semblait plus autant pouponné que la première fois qu'il l'avait vu. En plus, le poils de son voisin avait tourné au gris sur son museau et ses babines, preuve que les lunes le rattrapait. Ce n'était pas le seul, Brasier Caniculaire se permit une introspection: lui aussi voyait les lunes défilées. Cela faisait bien des saisons depuis que Nuage Embrasé avait rencontré l'intrépide et son monstre. Ollie finit par élevé la voix, quelques instants après son sursaut. Il lui soulignait qu'il n'avait pas franchit la frontière, et qui commençait à bien la connaître. Trop la connaître, au goût du guerrier de l'Ombre. Mais il lui répondit d'un simple hochement de tête respectueux.

« - J'vois ça. T'inquiète pas, j'suis pas là pour t'faire la leçon une énième fois. »

Car oui, ce n'était pas la première fois qu'il voyait traîné l'autre roux dans les parages; la plupart du temps, c'était lors de patrouilles frontalières, et son devoir était de repousser l'adversaire. A chaque fois, c'était menace sur menace, le prévenant que s'il la franchissait, il passerait sous les serres des guerriers du clan. Mais aujourd'hui, il ne voulait pas avoir à se répéter. Il avait.. des questions, à lui poser.

« - Dis-moi, t'aurais l'temps d'discuter un coup? J'ai quelques questions à t'poser. »

Il restait assis, enroulant sa queue autour de ses pattes pour prouver qu'il n'était pas prêt à partir, son visage était neutre, fermé, mais ne semblait pas menaçant. On pouvait même lire sa curiosité faiblement pétillée dans ses yeux fatigués. Agitant ses oreilles, il semblait bien plus abordable que lors de leurs précédentes rencontres, bien plus calme et paisible, plus mature, presque resonné.

— J'vois ça, répondit le Géant des Ombres, hochant sobrement de la tête. T'inquiète pas, j'suis pas là pour t'faire la leçon une énième fois.

Oh, Rusty cru se dire pour lui-même, quel soulagement!

Pourtant, il se garda d'aller trottiner immédiatement dans sa direction. En plus de connaître leur ligne d'odeurs, Rusty connaissait bien leurs griffes; il n'était pas sot au point de croire que ce clanique n'ait pas la patte légère, surtout à l'égard d'un solitaire.

Le géant prit racine, s'entourant les grosses pattes de sa queue touffue. Rusty, lui, pointa du nez vers l'autoroute qu'il s'apprêtait à traverser. Il n'y avait pas de voitures en vue et, encore heureux, car quand la neige couvrait le sol ainsi il devouer s'avouer avoir du mal à distinguer où se trouvait la limite entre l'accotement, la voie, et la frontière de Landes...!

— Dis-moi, l'apostropha le géant, t'aurais l'temps d'discuter un coup? J'ai quelques questions à t'poser.

Rusty s'interrompit dans son mouvement, pointant hautes ses larges oreilles.

— À moi? Il crut se demander. Puis, plus fort: Des questions, à moi? Oh...

Mais quelles réponses pouvait bien donner un vieux solitaire à un clanique au pic de sa forme...?

— C'est que, il se fait tard, je rentrais chez moi... N'est-ce pas dangereux de stopper votre patrouille pour un vieillard ?
Sans vouloir vous vexer!  Rusty se hâta d'ajouter, les yeux ronds, craignant d'offenser le guerrier avec ses présomptions.

LOOK INTO A FACE THAT HAS CHANGED

ft. Rusty

Lui, s'était déjà bien installé. Il ne s'attendait pas à ce que son voisin ne le suive pas; ce dernier se dirigeait vers la route, observant cette dernière en préparant sa traversée. L'ombreux avait redressé un sourcil, quelque peu étonné. Mais quand il exposa la raison de sa présence, Ollie se stoppa, marmonnant dans sa barbe grisonnante avant de répéter en haussant la voix. Avant d'essayer de fuir la situation en soulevant l'excuse de l'heure, de la patrouille, de son âge. Non, Brasier Caniculaire n'était pas en patrouille, le bout de sa queue s'agitait lentement, prouvant qu'il était intéressé par son interlocuteur. Justement, il pensait que certains plus anciens avaient bien des choses à apprendre aux plus jeunes. C'était pour ça qu'ils avaient des mentors, des anciens, des légendes et des histoires. Pour apprendre du passé.

« - La patrouille peut bien attendre; et j'suis sûr qu't'as plein d'choses à m'apprendre, Ollie, c'est ça? »

D'un signe de tête, il l'invitait à s'approcher pour ne pas avoir à hurler lorsque des monstres se tenteraient sur la pente glissante que représentait la route couverte de neige. Le bout de sa queue dansait toujours, ses oreilles s'agitaient alors que ses plumets dansaient dans le vent froid de l'Hiver.

« - Approche-toi; j'vais pas t'bouffer. »

Dit-il dans un sourire léger, qui n'était ni trop grand ni trop court; qui ne dévoilait qu'un éclat de ses crocs, sans pour autant les présenter dans un angle menaçant. Il se voulait avenant, bien que physiquement impressionnant et menaçant. Ses gestes se voulaient lents, sans danger, et ses épaules relâchées, bien qu'on pouvait voir ses muscles tendus par endroit; simple réflexe animal.

« - J'voulais te d'mander; c'est comment d'vivre solitaire? D'vivre en ville? Vu l'mini-monstre qu't'avais avant, t'as du vivre en ville, non? »

Une curiosité sur l'inconnu; un intérêt pour une vie plus simple et plus facile. Plus rien ne le retenait dans les camps; peut-être Étoile Feulante, mais le roux était conscient que ce n'était pas réciproque. Alors il s'imaginait une idylle loin de la guerre et du sang, loin des conflits des clans et de la sauvagerie de la nature. Domestique serait sûrement le plus simple, mais il ne se voilait pas la face; aucun bipède n'approcherait un chat aussi défiguré que lui. Solitaire était possible, c'était déjà ce qu'il vivait dans son propre clan depuis la mort de Mite Blanche. Ce clan qui avait été sa famille, avant qu'il apprenne que ce n'était qu'un mensonge.

Ses racines venaient de partout; si bien qu'il ne pouvait aller nul part. Depuis la mort de son père, sa soeur lui avait tourner le dos et le faisait souffrir à chaque occasion. Depuis la mort de Mite Blanche, Crocs de Ronce avait profitée du deuil du roux pour aller vivre son histoire avec Dents de Sabre. Depuis la mort d'Étoile Dansante, Étoile Feulante était trop occupé avec ses responsabilités, trop indifférent pour réellement aider Brasier Caniculaire. Il n'avait plus personne, et ne voulait plus avoir personne. Alors pourquoi ne pas partir? Vivre seul pour ne plus se plaindre de se sentir seul. Peut-être trouverait-il un vieux bipède aux pattes cassées; qui serait d'accord de récupérer un chat à la gueule cassée.

Déjà; les questions qui le taraude sur son futur. Ensuite; ses doutes sur Oeil Vert.

— La patrouille peut bien attendre, lui dit le géant, et j'suis sûr qu't'as plein d'choses à m'apprendre, Ollie, c'est ça?

La surprise traversa le regard de Rusty comme les phares d'une voiture. Ses deux oreilles triangulaires pointèrent haut sur sa tête et ce fut plus fort que lui mais il s'avança de deux pas vers le parfait étranger.

— ...Vous connaissez Ollie?

Whoa. Rusty battit des cils, éberlué. Il n'avait jamais cru qu'Ollie puisse un jour entretenir une vie sociale à son insu.

...Nottament car Ollie était un skate.

(Peut-être toutes ces fois où il s'était amusé à le faire parler avaient enfin porté leurs fruits? Peut-être qu'indirectement, Rusty lui avait insufflé la vie...?)

— Approche-toi; j'vais pas t'bouffer.
— Oh! Rusty sortit de ses rêveries. Il secoua franchement la tête, se reculant de ces quelques pas qui l'avaient rapproché du géant. Sans façons! Il lui lança, avec le sourire. C'est que vous êtes très grand, et vous avez de grosses pattes!

Rusty se garda d'élaborer davantage. Le géant tenta de sourire, mais Tache d'If Lieutenante du Clan du Vent aussi avait tenté de lui sourire. Et Trash, bien qu'il n'avait jamais tourné les griffes vers lui, était bon vivant comme ils n'en vivaient plus; Rusty l'avait vu une fois s'étouffer d'un rire gras en zébrant la peau d'un pauvre lapin de ses griffes.

Pourtant, malgré cette distance qu'il trouvait important de garder avec son interlocuteur, Rusty ne s'enfuit pas pour autant. Une part de lui souhaitait croire dur comme le fer d'une barrière que le chat de clan voulait bien lui poser des questions, et que Rusty, contre toute attentes, avait bien les réponses.

— J'voulais te d'mander; c'est comment d'vivre solitaire? D'vivre en ville? Vu l'mini-monstre qu't'avais avant, t'as du vivre en ville, non?

Et il semblait que des réponses, Rusty en avait.

Il abaissa immédiatement les oreilles.

— Oh.

Puis...

— C'est... un peu indiscret, comme question, vous ne trouvez pas?

Ou, ou peut-être que ce ne l'était pas, peut-être que c'était lui-même qui en faisait un fromage.

...Pouvait-on lui en vouloir? Le fromage — quand on lui donnait le droit d'en manger — c'était si bon sur la langue...

— Euh, oui, j'ai bien vécu en ville. Quand mon humain n'est jamais revenu, j'ai passé tout un hiver à l'attendre à la maison. Au printemps, Trash, mon meilleur ami, m'a invité chez lui.

La nostalgie alourdit son regard. Il secoua doucement sa tête.

— Ça doit faire quelques cycles, je crois que je suis solitaire depuis plus longtemps que j'ai été domestique. Sa queue chassa la neige à ses pattes. Et pourtant, il taquina son interlocuteur, c'est un collier qui me reste encore au cou on dirait!

Il rit de bon coeur. Il n'en voulait jamais aux claniques — à leurs préconceptions, à leur susceptibilité, à leurs croyances. N'aimait-il pas Oeil Vert pour ces mêmes raisons?

— J'dois vous avouer que c'est tôtplus rare qu'on me pose la question. D'habitude, les Claniques comme vous, vous êtes pressés de me vanter vos vies de Chasseurs de Nuages! Il fit la moue, plissant les paupières, montant une patte à son menton blanc. Euh, non-- Vos vies de...

Rusty grimaça. C'était comment, déjà, la vie de Clan? Les Nuages? Les Étoiles? Les Soleils?...