Chrysalides - end

C'est quand il avait entendu Nuage de Crabe se vanter à l'excès d'avoir claqué la sale gueule d'un chaton. C'est quand son frère, Nuage de Ru, avait essayé de se coller à lui parce-qu'il avait pris un coup de froid, une nuit de l'hiver dernier. C'est quand, en se levant un matin, avant de foxer, il avait comparé la longueur de ses pattes à celle de tout ces nouveaux apprentis. Son dégoût lui était monté à la langue, et c'est pendant qu'il faisait ses besoins que Nuage de Poulpe l'avait surpris à vomir bien plus qu'une bête boule de poils frisottés.

L'apprenti-guérisseur savait mieux que personne que Nuage d'Escargot n'irait pas lui-même demander de l'aide, mais il savait aussi qu'il ne broncherait jamais de s'y faire amener de force. Après tout, pour tous ses pouvoirs de disparition, Nuage d'Escargot était incapable d'une chose: fuir.

Tout simplement car il savait que c'était impossible. Tôt ou tard les conséquences les rattrapperaient. Tôt ou tard, les coureurs du Vent surgiraient de l'ombre pour les achever. Tôt ou Tard, le Clan du Tonnerre se chargerait de Nuage de Crabe. Tôt ou tard, sa mentor, Griffe Blanche, se rendrait à l'évidence qu'il ne savait rien faire, qu'il n'était bon qu'à chasser des truites, et tôt ou tard, comme le disait son père, on verrait Nuage d'Escargot comme ce qu'il était vraiment: une cause perdue.

Une chenille, morte dans son cocon.

Nuage de Poulpe l'avait amené à son antre, pour le gaver d'un anti-vomitif. Nuage de Poulpe lui avait aussi collé au front et au menton un nouveau cataplasme pour ses boutons d'acné. Cette fois, je le sens, c'est la bonne, il disait, et Nuage d'Escargot ne s'efforçait même plus de sourire pour l'encourager. Quand il partit (lire: quand il laissa Nuage d'Escargot derrière), le vieil apprenti tourna sa tête vers le fond de l'antre, au delà de l'herbier de Feuille de Saule, trottinant tête basse et coudes fléchis pour déboucher sur la crevasse où avait été installé le nid de Nuage Rieur.

Nuage d'Escargot annonça sa venue en grattant ses griffes dans la pierre, et puis il s'approcha, s'affaissant sur le ventre, se roulant en boule à côté du nid de l'apprentie la plus à même de le comprendre.

Chardon lui manquait. Morsure lui manquait. Cendrée, Rieur.

Elle lui manquait, cette époque où ils étaient tous Nuages ensemble.

Nuage d'Escargot ne dit mot, si ce n'est d'un gros soupir qui lui fit vider l'entièreté de son étroite cage thoracique.

Chrysalides
Feat. ◊ Nuage d'Escargot

Dormir. Se réveiller. Souffler. Essayer de se rendormir. Elle n'avait l'impression de ne faire que cela. Son corps restait pourtant toujours aussi lourd et il lui faisait l'impression de peser plus que le monde lui-même. Comme si le ciel l'écrasait, la forçant à rester contre le sol. Nuage de Poulpe lui avait dit qu'elle pouvait essayer de se déplacer maintenant. Mais elle n'en avait pas envie. Elle aurait pu se traîner jusqu'à la pouponnière, saluer Bouquet de Muguet et ses enfants. Aller parler avec Patte Nocturne. Mais elle n'en avait pas la volonté. Pas la force. Elle craignait de devoir affronter le regard de Cœur de Murène. Elle l'avait déjà vu, pourtant, plus d'une fois depuis qu'elle était chez les guérisseurs. Mais ne s'était elle pas toujours préparée à la voir dans cet état ? Elle ne voulait pas lui imposer sa présence. Elle ne voulait pas voir le regard de celle qui fut sa mentor se poser sur ce corps qu'elle serait obligée de traîner.

Elle ne voulait pas faire ces efforts. Elle ne voulait pas voir les regards des autres. Elle ne voulait pas qu'on lui renvoie - encore - à quel point ses pattes étaient étranges. A quel point ses pattes faisaient peurs. A quel point elle faisait peine à voir.

Alors, elle restait simplement immobile. Bougeant simplement pour étendre ses antérieurs engourdis de temps à autre. Agiter une patte sur laquelle sa tête avait reposé trop longtemps. Secouer une oreille au souffle d'une brise chatouilleuse. Et elle se sentait toujours épuisée. Vidée de toute énergie. Le menton sur le sol de sa couche, elle cligna vaguement des paupières et son regard pivota vers l'origine du raclement de griffes sur une pierre. Elle ne dit pas un mot. Pas plus que le nouvel arrivant. Elle le suivit mollement du regard jusqu'à ce qu'il se couche tout prêt de son nid, laissant éclater un long et profond soupir.

Alors, seulement, Nuage Rieur laissa son regard repartir en face d'elle. Nuage d'Escargot était certainement le novice dont elle se sentait le plus proche. Celle qu'elle avait la sensation de comprendre probablement autant qu'il devait la comprendre elle aussi. Les deux cas désespérés du clan. Il avait été son point d'ancrage avant son accident. Et maintenant, elle avait l'impression de l'avoir abandonné lui aussi. Il devait se sentir seul dans la tanière des apprentis. Nuage Rieur avait été la dernière de leur - plus ou moins - génération à être à ses côtés. Peut-être se sentait-il finalement aussi seul qu'elle-même, piégée dans la demeure de Feuille de Saule et de son apprenti.

Ce fut qu'après un silence mou que l'imposante chatte sombre souffla tout doucement. « Ca me manque. » La présence d'un autre qui restait à ses côtés de la sorte. La présence d'Escargot. De ses cousins et cousines. De l'ambiance de l'antre des apprentis avant.

Sa vie d'avant lui manquait.

Il n'eut besoin de rien dire. Dans sa couche, entre brindilles, écailles et duvet, Nuage Rieur sut parfaitement mettre en mots ce qu'il pensait:

— Ca me manque.

À elle aussi, ça lui manquait.

Un frisson saisit Nuage d'Escargot à la pointe du dos, semblable au réflexe de recracher une boule de poils. Pour sa part, il eut s'agit du réflexe de réprimer un sanglot. Nuage d'Escargot ronfla du nez pour assentir aux propos de sa camarade, mais ce n'était pas assez. Il secoua sa tête, trouva ses pattes trop longues, là, sur le plancher de pierre, forcé de les replier et les disposer dans l'espace restreint de cette petite pièce où les guérisseurs avaient cachée Nuage Rieur. Ses coudes frottèrent au sol en se soulevant sur le flanc, puis, il s'aplatit sur le ventre, posant son menton plein d'acné sur la pierre froide, pile devant son nid.

Il leva d'yeux douloureux à l'apprentie.

L'ambiance lui manquait, mais pas seulement. L'espace. L'espace de courir, de nager, de rire (pas que Nuage d'Escargot n'ait été friand de ces trois choses, mais il se rappelait l'époque où Nuage Rieur faisait les trois...) Ici, l'antre était si étroite qu'elle lui semblait spécifiquement construite pour s'y morfondre.

Sans parler du silence.

À l'instar "D'escargot", Nuage Rieur n'avait jamais aussi mal porté son nom.

Chrysalides
Feat. ◊ Nuage d'Escargot

Nuage d'Escargot ne parlait pas. Ou presque pas. Il était comme ça. Depuis qu'elle avait rejoint la tanière des apprentis et qu'elle avait fait pleinement sa connaissance, Nuage Rieur avait battit l'image d'un jeune chat silencieux. Lui ne faisait presque aucun bruit quand elle ne parvenait pas à restreindre les rires qui la secouaient dans sa nervosité. Elle n'arrivait pas à faire taire ses ricanements et lui semblait parfois ne pas savoir faire sortir des sons de son cœur.

Chardon Marbré n'était pas le matou le plus loquace qu'il existe, mais ce n'était pas pareil. Ses cousines s'exprimaient sans trop de mal, Morsure de Requin encore plus facilement lui semblait il. Nuage de Poulpe aussi, savait s'exprimer. Pas Nuage d'Escargot. Et pourtant, elle avait l'impression de le comprendre. Peut-être était-ce qu'une illusion, comment pourrait-elle en être certaine alors qu'elle n'avait jamais eu de réelles confirmations ? Mais elle savait. Elle supposait savoir. Elle supposait comprendre. Et cette supposition devenait suffisamment proche d'une certitude pour qu'elle la considère comme telle.

Des codes différents des autres mais qu'elle comprenait. Et la présence du silence d'Escargot à ses côtés l'aidait. Sous le regard morne de la blessée, l'autre vieil apprenti changea de position. Il fallait dire que l'endroit était étroit. Plus encore compte tenu de la taille imposante de l'handicapée. Et elle étouffait.

Elle étouffait dans cette solitude. Qu'importe qu'on vienne la visiter. Que Morsure vienne. Que Lynx essaye de la faire sourire. Que Lueur d'Espoir lui amène ses proies préférées. Qu'importe tous les autres qui essayaient de lui rendre service et de l'aider à aller de l'avant. Qu'importe qu'elle soit parfois - souvent - entourée au cours de la journée. Elle était seule quand même. Ses pattes mortes faisaient peur aux plus jeunes. Ses pattes mortes l'empêchait de bouger autrement qu'en rampant. Ses pattes mortes faisaient d'elle une infirme, un poids mort.

L'apprentissage, pour un chat des clans, était cette étape intermédiaire censé les métamorphoser en guerriers au service de leur clan. Quid d'une chenille morte avant d'éclore ? Un papillon aux ailes amputées.

N'importe qui du Clan aurait été de meilleure compagnie que lui.

N'importe qui aurait ouvert la bouche, ficellé des excuses, des encouragements, n'aurait pas fait une gueule aussi longue que son museau plongeant pouvait lui permettre. Oh, il faisait pas d'mal à Nuage Rieur, mais il en était sûr, il ne lui faisait pas d'bien, non plus.

Ils étaient trois: lui, elle, et l'insurmontable silence qui l'accompagnait où qu'il aille. C'était, habituellement, dans la panique et le bruit qu'il se permettait de faire vibrer ses cordes vocales. D'exprimer son mal, de glapir, chouiner, crier jusqu'à s'éreinter la voix. Le calme, lui, était porteur d'attentes. Il lui pesait sur le dos et la pointe de l'accromion pour le faire ployer sous l'ordre de "dis quelque chose, merde" sous la menace de le faire se sentir comme un raté.

Ce qu'il était, mais... Même le plus grand raté n'était pas nécessairement dépourvu d'orgueuil.

Sa queue cassée battit le sol. En trois temps, se désarticulant dans le mouvement, faisant se remuer malgré elle la croupe de l'apprenti trop grand trop vieux et trop silencieux. Il écrabouilla un Insecte sous sa patte, et, amplifié par l'acoustique et l'étroitesse de l'endroit, en tendant l'oreille, on l'entendit enfin donner son avis:

— ... J'déteste cet endroit.

Chrysalides
Feat. ◊ Nuage d'Escargot

Il n'y avait rien dans ce petit creux où elle reposait. Il n'y avait rien de beau. Rien d'encourageant. Rien qu'elle et ses mauvaises idées. Elle et sa tristesse. Et maintenant, elle et Nuage d'Escargot. Mais finalement, ce silence vrai était peut-être mieux que les fausses promesses. Avec lui, pas de Ca va aller tu verras. Encore moins de Tu vas guérir. Parce que les choses n'étaient pas comme ça.

Le grand apprenti n'était pas un menteur. Et finalement, dans ce silence mou, sa voix s'éleva dans la force d'un murmure. Aussi bas que le souffle du vent, et pourtant, ses mots arrivèrent jusqu'à elle. Ils étaient honnêtes ses mots. Ils étaient extraordinaires également. Nuage Rieur afficha un pauvre sourire. Elle aussi, elle détestait cet endroit. Elle détestait y rester. Et il lui arrivait même de détester qu'on vienne la voir, qu'on vienne demander d'elle un sourire, qu'on vienne lui dire de garder espoir.

Elle détestait cet endroit. Elle détestait sa condition. Elle détestait le fait de ne pas avoir le choix. « ...D'être déjà morte j'ai l'impression...» Souffla-t-elle en réponse. Elle avait l'impression d'être sur un lit de mort. Clouée dans cette crevasse où elle était consignée jusqu'à nouvel ordre. Pour toujours ? Pour un temps ? Pour trop longtemps. Et Nuage d'Escargot avait toutes les raisons de ne pas aimer ce lieu également. Il voyait souvent Nuage de Poulpe ou Feuille de Saule, lui aussi.

Nuage d'Escargot détestait cet endroit et pourtant il était quand même venu.

À sa grande confusion, ces quelques mots qu'il avait lâchés n'avaient pas suscité de la stupeur, chez Nuage Rieur, mais un étrange sourire. Il n'avait pas suscité la réaction de "Oh mais tu parles, Nuage d'Escargot?", ni celle de "Si tu pouvais parler depuis le début pourquoi tu l'as pas fait, abruti!?", et encore moins celle d'un plus bizarre encore "Merci pour ton [horrible] contribution, Nuage d'Escargot".

Non, la réponse de Nuage Rieur, après ce sourire bizarre, fut une suite de mots toute pareille: « ...D'être déjà morte j'ai l'impression...» elle lui avoua, ce qui fit se redresser momentanément ses deux molles oreilles. Sortant les griffes de sa patte qui tenait l'insecte, il tracta son corps, écrasé par terre, jusqu'à pouvoir hisser son long cou et toucher du bout de sa truffe moite le corps de sa semblable. Un contact, un seul, limité, qu'il se permit mû d'un pur sentiment d'imprudence.

— Pareil, qu'il lui répondit.

Car si d'un côté il appréciait les efforts de Nuage de Poulpe de lui coller toutes sortes de baumes et cataplasmes dans la face, il était un adulte au nom d'ado, son corps grandissait de travers, et puis...

Et puis il n'y avait eu aucune amélioration depuis.

...Aucune amélioration qu'il put noter, cela dit, et les Étoiles savent que Nuage d'Escargot y voyait de moins en moins bien avec ces longs poils qui se mouttonaient sur sa tête.

Mais se rapprocher ainsi créa un angle, à ses yeux, où il vit ses longues pattes comme si elles n'étaient plus les siennes. Comme si elles se greffaient aux épaules et cuisses robustes de Nuage Rieur, aussi il l'interpella. D'un souffle.

En lui portant un nouveau regard douloureux d'en dessous, Nuage d'Escargot zieuta vers ses longues pattes de roseau, qu'il remua sur la pierre, d'abord pour se donner une meilleure position, puis, pour les soulever unes à unes afin de créer l'illusion que Nuage Rieur marchait (bien qu'avec la démarche un peu raide).

C'était stupide. Comme ses mots. Mais si les pattes de Nuage Rieur étaient brisées, Nuage d'Escargot, c'était son corps qu'on criblait régulièrement d'hématomes. L'espace d'un instant, s'imaginer lui donner ses pattes et devenir à deux corps brisés un seul chat fonctionnel fit soulever ses babines d'habitude tombante en une rare brimade distendue.

Chrysalides
Feat. ◊ Nuage d'Escargot

Ils étaient beaux, les vieux apprentis du clan de la Rivière. Incapable de devenir guerrier de part leurs performances toujours en dessous des attentes. Et maintenant, Nuage Rieur ne deviendrait plus jamais rien. Elle était simplement la vieille apprentie qu'on laissait chez le guérisseur.

Qu'avait-elle fait dans sa vie, finalement ? Apportée au camp par sa mère qui l'avait jadis quitté, elle n'avait toujours voulu que faire ses preuves. Montrer qu'elle serait à la hauteur du sang de la Rivière qui coulait, malgré l'impureté qu'y voyaient certains, dans ses veines. Prouver qu'elle était apte à servir et à protéger. Elle n'était allée que d'échec en échec. Jamais assez bien, jamais assez forte. Elle posait les mauvaises questions quand on lui demandait simplement d'obéir. Elle ratait, elle recommençait et n'apprenait jamais comme elle l'aurait dû.

Elle avait eu peur pendant la guerre. Elle s'était retrouvée à prier le clan des Etoiles pour que les choses se calment. Pour que les morts puissent trouver la paix et le repos. Le camp avait été prit d'assaut et le sang avait coulé. Elle revoyait encore le sang de Jaguar d'Opale tacher le sol, tacher son poil. Une mère assassinée dans le calme plat de la nuit. Et elle ? Elle n'avait servie à rien. Elle avait été incapable de protéger qui que ce soit ni même d'aider qui que ce soit.

Nuage Rieur observait son camarade se replacer puis faire bouger ses pattes. Il y avait quelque chose de l'hypnose a regarder la façon dont on aurait pu croire que leur corps se mélangeaient pour rendre ses pattes à la noiraude. « Merci Nuage d'Escargot... Me comprendre toi tu arrives. » Nuage d'Escargot ne parlait jamais. Les quelques mots qu'il avait pu dire ici étaient exceptionnels. L'ancienne apprentie le savait et cela la touchait plus qu'elle ne saurait le dire. Et plus que cela, le vieil apprenti comprenait cette douleur qu'ils partageaient. Il l'entendait et sa présence avait le goût de la sincérité.

Pas de faux espoir, de fausses promesses ou de doux mensonges dans l'espoir de faire avancer les choses. Simplement ce presque silence et cette compréhension mutuelle.

HRP:

Le temps d'un flottement, lui comme elles se laissèrent porter par le mouvement fragmentaire de ses pattes, par l'illusion d'une union parfaitement pragmatique, et méchanique. Nuage Rieur n'était pas parfaitement infirme, non plus, et il se demanda si la tension du silence et de la terre étaient trop puissantes si elle ne préfererait pas l'apesanteur de l'eau...

— Merci Nuage d'Escargot... Me comprendre toi tu arrives.
— ...

Nuage d'Escargot ne sut quoi répondre. Ce n'était pas des propos auxquels il était habitué - surtout lorsqu'ils lui étaient destinés. Ses sourcils broussailleux se froncèrent, et sa tête, montée sur son long cou, se courba d'un côté, comme si l'une de ses oreilles pesait soudain plus lourde que l'autre.

— Tu...

Difficile. Ni lui ni elle ne voyaient ce silence de la même manière. Il se tendit brusquement pour tousser _*TOUSSE* par une, deux fois *TOUSSE-TOUSSE* avant qu'on ne se rende compte qu'il ne s'agissait pas d'un étouffement mais d'une façon quoique rauque de s'éclaircir la gorge.

Nuage d'Escargot exhala un air bruyant par des dents serrées, son ton monocorde, un-deux-un-deux testons le son, puis, après un soupir plus résolu, se tourna vers son... interlocutrice, lui portant plus sincèrement sa confusion.

— ...T'veux garder c'nom?

HRP:

Chrysalides
Feat. ◊ Nuage d'Escargot

Un petit silence avait reprit place entre les deux vieux apprentis. Pas qu'ils fussent très bruyants auparavant, pas plus qu'il ne sembla réellement déranger Nuage Rieur. En fait, elle le trouvait habituel. Nuage d'Escargot n'était pas comme les autres. Il n'était pas comme Morsure de Requin, aux tendances de pipelettes, ni comme Chardon Marbré, qui plus réservé et peu bavard savait tout de même dire les choses. Nuage d'Escargot ne parlait pas. Il avait cette attitude que plus d'un devaient trouver dérangeante, trop molle, trop bizarre.

Mais jamais Nuage Rieur ne s'en était formalisée. Elle s'était contenté d'accepter sa façon d'être. Tout comme elle souhaitait qu'on accepte son sang mêlé ou sa façon étrange de parler. Ce n'était pas elle qui avait choisi de naître d'un sang impure. Ce n'était pas elle qui avait choisi cette drôle de façon de communiquer. Et elle était persuadée que ce n'était pas Nuage d'Escargot qui avait choisi de vivre une pareille vie. Probablement que son manque de paroles venaient de plus loin, de quelque chose plus souterrain et personnel. L'apprentie n'avait jamais pensé à lui poser la question. Et elle ne le ferait certainement jamais. Simplement parce qu'elle ne voulait pas faire subir cela à son camarade.

Le matou à ses côtés se mit à tousser. Nuage Rieur redressa sa tête, craignant que ce dernier n'aille mal. Elle se rassura en voyant qu'après quelques coups, il s'était arrêté pour reprendre la parole. Toujours doucement, à l'image de ce qu'ils faisaient depuis le début de ce lent dialogue. Elle reposa sa tête en soupirant. Ses épaules tressaillirent vaguement dans une sorte de haussement d'épaules. « Humph. » De toute façon, elle n'aurait pas le dernier mot à ce sujet. Pour le moment, elle restait Nuage Rieur. Quand bien même ce nom ne faisait plus aucun sens. « Guerrière jamais je ne deviendrai... Que Nuage je m'appelle ne veut plus rien dire... »

D'un autre côté, elle craignait de rester à jamais bloquée avec ce nom. Nuage Rieur, l'apprentie qui ne deviendra jamais rien. Mais pouvait-elle seulement vraiment avoir un nom de « guerrière » dans un pareil état ? Elle n'y croyait pas vraiment.